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Les aventuriers du pentecôtisme ghanéen. Nation, conversion et délivrance en Afrique de l'Ouest

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Academic year: 2021

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Submitted on 13 Sep 2008

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conversion et délivrance en Afrique de l’Ouest

Sandra Fancello

To cite this version:

Sandra Fancello. Les aventuriers du pentecôtisme ghanéen. Nation, conversion et délivrance en Afrique de l’Ouest. IRD-Karthala, 396 p., 2006, Religions contemporaines, André Mary et Pierre-Joseph Laurent. �halshs-00136915�

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Cet ouvrage a pour objet la formation historique et l’évolution comparée d’une Église fondée au Ghana (ancienne Côte-de-l’or, Gold Coast) par un missionnaire écossais au début des années 1950. L’Église de Pentecôte (The Church of Pentecost) est l’exemple type d’une Église missionnaire pentecôtiste africaine puisqu’elle est à la fois héritière d’une Église missionnaire coloniale, l’Église Apostolique britannique, relevant du pentecôtisme « historique », type Assemblées de Dieu ou Église Elim, et en même temps une Église « nationale » du Ghana qui se pense aujourd’hui comme une Église « indigène » à vocation internationale.

Cette double identité et la manière dont les dirigeants ghanéens d’aujourd’hui en jouent, selon qu’ils parlent de la Church of Pentecost comme d’une Église « indigène » ou d’une Église internationale, sont au fondement des principaux conflits que cette Église a connus dans les dernières décennies. L’ambition transnationale de la Church

of Pentecost n’entame en rien son attachement au foyer identitaire étroitement associé

au groupe Ashanti du Ghana et sa région (Asamankese, Winneba). Cette Église s’est donc forgé d’emblée une identité ethno-nationale forte qui demeura, après le retrait du missionnaire, un trait marquant de cette communauté. James Mckeown a formé des générations de pasteurs africains qui se sont lancés dans « l’évangélisation du monde », et pour les fidèles et les leaders, le Ghana est devenu une « nation missionnaire », au même titre que le Nigeria, pour les pentecôtistes de ce pays. L’expression « nation missionnaire » désigne le processus par lequel le pentecôtisme devient le lieu d’expression d’une identité ethno-nationale, comme celle des Ashanti du Ghana ou des Yoruba du Nigeria, transmuée par la référence à la nation biblique. Dans leur rencontre avec le mouvement pentecôtiste, les Ashanti chrétiens se donnent une mission historique, qui repose sur une alliance avec Dieu, selon le modèle de l’Ancien Testament. L’Église de Pentecôte s’est doté d’un texte fondateur attestant d’un « Plan de Dieu pour le Ghana » porté par un peuple élu entre tous, élevé au dessus du continent africain et de ses pesanteurs historiques, pour être le « fer de lance » de l’évangélisation du monde. Le fait que l’Église ait été fondée par un « Blanc » n’est pas un problème aux yeux des fidèles puisque celui-ci était porteur d’une « vision pour l’Afrique ». L’expansion fulgurante de l’Église, qui est aujourd’hui la première Église pentecôtiste du pays, est pour tous la confirmation de ce plan divin.

Par son histoire, l’Église de Pentecôte se distingue des Églises prophétiques locales, de type Spiritual Churches (Ghana) ou aladura (Nigeria), des années 1930 aussi bien que des Églises « charismatiques » récentes, selon l’expression par laquelle sont désignées les Églises néo-pentecôtistes dans la littérature anglo-saxonne1. Mais le développement des Églises pentecôtistes en Afrique de l’Ouest n’est pas sans rapport avec l’émergence d’Églises Indépendantes Africaines (AIC) qui s’inscrivent dans la continuité historique de l’entreprise missionnaire et s’accompagne néanmoins d’un travail de réappropriation locale du discours chrétien aussi bien que de la forme

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Au Ghana, le terme « Pentecostal » désigne les Églises pentecôtistes « classiques » telles que les Assemblées de Dieu ou l’Église de Pentecôte, et le terme « Charismatic » désigne les nouvelles Églises apparues depuis les années 1970 (Gifford, 1994 : 241), tandis qu’au Nigeria, le terme « Pentecostal » s’applique à la mouvance pentecôtiste, le terme « Charismatic » étant réservé au Renouveau catholique (Hackett, 1998 : 259).

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institutionnelle du christianisme colonial. Les Églises prophétiques indigènes associent ainsi l’innovation religieuse et l’appropriation culturelle, comme l’observe Ruth Marshall à propos du Nigeria : « Indigenous societies have reworked the institutions

and messages of Christianity (…) in accordance with their own comprehension of their history and their traditions » (1993 : 214).

Le mouvement pentecôtiste qui apparaît sur la scène internationale au cours du XXe siècle encourage une conception religieuse de l’action, voire de l’identité des croyants, qui les conduit à se définir comme de « nouveaux acteurs religieux » (Bastian, 1997). Les formes culturelles que revêt ce mouvement et sa capacité d’adaptation aux contextes socio-politiques locaux sont pour une part importante dans son succès international. Le caractère polymorphe du mouvement pentecôtiste et ses multiples facettes en font une religion transculturelle qui ne perd rien de ce qu’elle acquiert dans la rencontre avec les communautés indigènes : « le pentecôtisme possède la même capacité mystérieuse à être chez lui n’importe où. Il absorbe la possession par l’esprit dans les Caraïbes, le culte des ancêtres en Afrique, la tradition des guérisons au Brésil et le chamanisme en Corée. Il se propage maintenant dans les républiques de l’ancienne Union soviétique, en Europe orientale, en Sicile et en Chine. Mais partout, il reste identifiable comme pentecôtisme » (Cox, 1994 : 40).

Pour A. de Surgy, l’originalité des Églises pentecôtistes de l’Afrique d’aujourd’hui vient de ce qu’elles réussissent à opérer une « inculturation » spontanée du christianisme dans les sociétés africaines, dont rêvent désormais certains théologiens catholiques : une liturgie « en harmonie avec leurs habitudes de pensée et de comportement », et une réponse plus franche aux besoins immédiats des convertis que celle qu’apportent les Églises missionnaires (Surgy, 1996). Mais les Églises missionnaires issues du pentecôtisme « historique » comme la Church of Pentecost, ont engagé dès le départ ce processus de « contextualisation », pour reprendre la terminologie protestante, notamment sur le terrain de la vernacularisation du message biblique. Bien plus, leur politique d’autonomisation des agents indigènes, qui a pu encourager le séparatisme, ouvre sur une logique d’appropriation africaine du christianisme.

Un pentecôtisme en noir et blanc

Le compromis historique qui conduit à retenir deux dates et deux lieux de naissance du pentecôtisme, au début du XXe siècle aux États-Unis, préjuge des malentendus qui vont alimenter les relations entre missionnaires blancs et pasteurs noirs dans l’expansion panafricaine des Églises pentecôtistes. La simultanéité de l’émergence du mouvement pentecôtiste à la fois dans les Églises noires américaines et les Églises blanches dans le sud des États-Unis oblige à prendre en compte son ambivalence originelle. Comme l’explique Sébastien Fath (2001) : « c’est à la fin du XIXe siècle que s’affirment nettement des tendances proches du type pentecôtiste, avec en particulier la création à Memphis (Tennessee), en 1897, d’une ‘Église de Dieu en Christ’ (The Church of God in Christ) » fondée par deux pasteurs noirs, C. H. Mason (1866-1961) et C. P. Jones (1865-1949). Mais le moment qui fait date dans l’émergence du mouvement, c’est l’année 1901, durant laquelle un prédicateur méthodiste, Charles Parham, de l’Institut biblique de Topeka (Kansas), anime des assemblées au cours desquelles certains membres font l’expérience de l’effusion de

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l’Esprit Saint, que l’on appellera plus tard le « baptême de l’Esprit » ou « baptême de feu » et qui se traduit par l’expérience de la glossolalie, le « parler en langues », et des guérisons miraculeuses. W. J. Seymour, prédicateur baptiste d’origine méthodiste, fils d’esclaves libérés, assiste aux enseignements de C. Parham grâce à un « arrangement » qui lui permet de s’installer à l’extérieur de la salle et d’écouter par une porte entre-ouverte (Anderson, 1997 : 228). En accord avec le régime de ségrégation raciale des États du Sud, « Charles Parham ne cachait pas ses conceptions racistes des rapports entre les noirs et les blancs » (Fath, 2001 : 373). De son côté, Seymour reprendra en substance la doctrine du baptême dans l’Esprit, en pratiquant l’ouverture raciale et sociale, lorsqu’il impulsera le mouvement de réveil d’Azuza Street (Los Angeles) que l’on situe en 1906. C’est la deuxième étape historique de la formation du mouvement pentecôtiste et l’attestation de ses « racines noires ».

Dans le même temps, C. H. Mason, qui avait fréquenté lui aussi le groupe de Topeka s’en inspira pour la Church of God in Christ, considérée comme « la plus importante dénomination pentecôtiste noire d’Amérique du Nord » (Fath, 2001 : 374) et qu’Harvey Cox considère comme « la mieux placée pour revendiquer le titre de descendante directe du mouvement pentecôtiste originel » (1994 : 72). Ainsi, les premières manifestations de l’émergence du pentecôtisme apparaissent quasi simultanément dans une église noire américaine et dans une communauté blanche, à la tête desquelles, on trouve un méthodiste blanc (Parham) et deux baptistes noirs (Seymour et Mason). Cependant l’influence des communautés noires américaines sur la formation du mouvement reste difficile à déterminer. Pour Harvey Cox, « le pentecôtisme est né lorsque des pratiques religieuses essentiellement africaines et afro-américaines se sont intégrées au christianisme des Blancs pauvres du sud des États-Unis, issus de confessions wesléyennes » (1994 : 142). L’hypothèse d’une osmose entre le mouvement des chrétiens évangéliques blancs et les Églises noires américaines, qui ont déjà une longue histoire depuis les premières Églises baptistes, n’est pas à exclure. Pourtant, le pentecôtisme n’apparaît pas historiquement comme un mouvement religieux noir américain. Il porte en lui la même ambiguïté « en noir et blanc » que d’autres traits culturels de la société américaine, à la fois mêlés et aussi nettement séparés, à l’image de ce que l’on retrouve dans les premières Églises Africaines Indépendantes.

Pour illustrer les aspects « afro-américains » du mouvement pentecôtiste, Harvey Cox rappelle le lien historique qui unit les Églises noires au jazz : « Dès le début, la nouvelle musique et la nouvelle spiritualité ont été en interaction permanente, même si elles se sont développées chacune dans un quartier différent de la ville et se sont envoyé, à l’occasion, des reproches : les musiciens de jazz empruntaient librement le style ‘appels et réponses’ des prédicateurs noirs, dont le modèle venait directement d’Afrique occidentale par l’intermédiaire des esclaves2. Parallèlement, dans les églises, les joueurs de cornet et de piano (…) reprenaient les airs tristes qu’ils avaient entendu jouer par leurs camarades jazzistes » (Cox, 1994 : 139). Un autre lien entre le jazz et le pentecôtisme retient notre attention : dans les deux cas, il s’agit de mouvements d’inspiration noire américaine qui ont émergé sur la scène mondiale par l’intermédiaire des blancs. Le jazz, tout comme le gospel, émergea sur la scène mondiale dès lors que

2 H. Cox, se référant à Walter Hollenweger, rapporte que ce dernier aurait suggéré un parallèle entre le

scat singing, « cette improvisation tout en onomatopées que Louis Armstrong a rendue célèbre » et la

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les interprètes noirs furent pris en charge par des producteurs blancs qui leur permirent d’enregistrer leurs titres. On voit comment les thèses afrocentristes peuvent considérer que le pentecôtisme est une « invention » noire à laquelle les congrégations blanches auraient donné la forme et l’impulsion nécessaires à son expansion mondiale. Il est néanmoins plus vraisemblable de penser que le pentecôtisme, empruntant ses styles musicaux à la culture noire américaine, comme il emprunte au méthodisme (Holiness

Movement) et au baptisme ses traits religieux distinctifs (baptême d’adulte, prière de

guérison), est sans nul doute le fruit d’un syncrétisme originel. Harvey Cox en conclut que : « Ni le jazz, ni le pentecôtisme ne sont une création purement africaine, mais ni l’un ni l’autre n’auraient vu le jour sans l’influence de l’expérience distinctement afro-américaine d’une résistance à l’oppression s’exprimant dans un culte exubérant (…) Le jazz et le pentecôtisme rappellent aux Américains ce qu’ils sont, même s’ils tentent souvent de le nier : un mélange unique de noir et blanc » (1994 : 139).

Sur le continent africain, c’est l’Afrique du Sud qui illustre ce pentecôtisme « en noir et blanc », avec la même quasi-simultanéité entre l’émergence du mouvement et la ségrégation raciale dans les églises. Les premiers missionnaires pentecôtistes américains arrivent en 1908. Allan Anderson établit une continuité directe entre le pentecôtisme américain et le pentecôtisme sud-africain blanc et indigène qui émerge en 1910 (1997 : 229). Les premières ségrégations et scissions se produisent en 1917, dont l’une donne naissance à la Zion Apostolic Church of South Africa (fondée par le Zulu Elias Mahlangu) qui sera la matrice de plusieurs autres Églises noires indépendantes, comme la Zion Apostolic Faith Mission (de Edward Motaung, en 1920) ou la Zion

Christian Church (de Engenas Lekganayane, en 1925). Le préfixe Zion devient bientôt

un emblème des Églises noires.

A l’image de la double naissance du pentecôtisme aux États-Unis, transposée en Afrique du Sud, la Church of Pentecost du Ghana porte en elle-même ce dualisme originel « en noir et blanc ». Elle est, en effet, un des rares cas d’Église pentecôtiste africaine dont la figure fondatrice n’est pas un prophète noir mais un Blanc, le missionnaire James McKeown, envoyé au Ghana en 1937 par l’Apostolic Church (Bradford) dont il se séparera pour créer sa propre Église. Mais la réalité historique, gommée par l’histoire officielle, est plus complexe et, là encore, l’image originelle de ce pentecôtisme ghanéen se conjugue en noir et blanc puisque McKeown est venu au Ghana à l’invitation d’un jeune ghanéen, Peter Newman Anim, la figure pionnière de ce pentecôtisme aux « racines noires ». Converti dès 1921, et attiré par des mouvements américain puis britanniques, Peter Anim est considéré comme le précurseur du pentecôtisme ghanéen (Larbi, 2001). C’est à partir de ses associations successives qu’apparaîtront les deux premières dénominations pentecôtistes ghanéennes : la Christ Apostolic Church en 1941 et la Church of Pentecost en 1953.

Un autre cas d’Église africaine fondée par un Blanc est illustré par l’« Église »

Jamaa, inscrite dans la mouvance catholique charismatique, fondée au Zaïre au début

des années cinquante par le célèbre missionnaire belge, Placide Tempels (Fabian, 1994), mais son destin est bien différent. Issu d’une dissidence avec le clergé catholique et censuré, le mouvement Jamaa fut assimilé à une secte. Accusé de soutenir la rébellion contre l’État, le mouvement fut l’objet de persécutions et le missionnaire rentra en Belgique en 1967. Mais le mouvement n’en demeura pas moins présent et après l’accession au pouvoir de Mobutu, le climat religieux étant plutôt favorable aux innovations religieuses, l’Église entama un processus « d’africanisation ». Tandis que des intellectuels catholiques zaïrois contribuaient à la

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formation de l’idéologie nationaliste et à l’élaboration de la doctrine de « l’authenticité » (Fabian, 1994 : 259), l’Église Jamaa devenait l’illustration de la « philosophie bantou » et prit part à la lutte de la société pour son indépendance culturelle. Les Assemblées de Dieu, d’origine américaine, importées en Afrique par les missionnaires américains puis européens, ont également engendré dans plusieurs pays des Églises nationales autonomes, mais celles-ci restent généralement associées, ou affiliées, au large réseau qui fait des Assemblées de Dieu une organisation mondiale. Le processus « d’indigénisation » décrit par P.-J. Laurent dans le cadre de la conversion des Mossi du Burkina Faso n’a pas conduit pour autant l’Église des Assemblées de Dieu à se constituer en une Église africaine indépendante, à la différence entre autres de l’Église des Assemblées de Dieu d’Afrique du Sud. Celle-ci apparaît comme une Église nationale autonome, autogérée et plus ouverte au leadership africain, « a unique feature among Pentecostal in South Africa » comme le précise Anderson (1997 : 236). Un cas similaire est décrit par David Maxwell (2002 : 297), concernant les Assemblées de Dieu africaines du Zimbabwe (ZAOGA). Le

mouvement initié par Ezékiel Guti au début des années soixante, fondé sur un nationalisme culturel, aboutit à la formation des Pentecost African Assemblies of God qui deviennent en 1968, les Assemblies of God African (AOGA). Cependant,

l’indépendance des Églises pentecôtistes africaines ne les fait pas renoncer aux formes d’affiliation à des Églises internationales au risque de multiplier les dénominations successives : en 1972, les AOGA adoptent le nom de Forward in Faith Mission

International (FIFMI) tandis qu’après l’indépendance du Zimbabwe, elles réaffirment

leurs traits nationalistes africains en adoptant le nom de Zimbabwe Assemblies of God,

Africa (ZAOGA). L’Église nationale issue des Assemblées de Dieu est devenue une Église indépendante africaine « internationale » que Maxwell considère plus proche aujourd’hui des « Églises électroniques » au sein du mouvement pentecôtiste global.

Les espaces et les temps de l enquête

L’intérêt scientifique d’une enquête centrée sur l’Église de Pentecôte s’est révélé très tôt. La découverte progressive du vide documentaire relatif à cette Église m’a donné l’opportunité d’entamer un travail de recherche inédit et de combiner les données de ma propre recherche avec les travaux anglophones déjà produits, ce qui allait se traduire par une étude comparée des implantations de l’Église, et des échanges entre pays anglophones (particulièrement le Ghana) et francophones qui restaient à étudier. Cette approche a permis par ailleurs de rendre accessible une partie de ces travaux anglophones, et d’ouvrir sur les débats qui travaillent la mouvance pentecôtiste dans les pays africains anglophones comme le Ghana, notamment dans ses relations avec le géant Nigérian. La clarification de ces débats éclaire en retour l’évolution du paysage religieux des pays francophones comme le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire ou le Togo et le Bénin. Leur proximité avec les pays anglophones en fait des cibles privilégiées de l’expansion religieuse de pays comme le Ghana ou le Nigeria, dont on sait depuis longtemps qu’ils sont les plaques tournantes de la mouvance pentecôtiste en Afrique de l’Ouest. L’histoire missionnaire de l’Église de Pentecôte en Afrique de l’Ouest illustre la nature des échanges entre pays anglophones, plutôt protestants, et pays francophones à la fois catholiques et musulmans, séduits par l’offre religieuse des premiers.

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Dans son pays d’origine, la Church of Pentecost a fait l’objet de nombreuses études dont la plus complète est sans doute la thèse de Emmanuel Kingsley Larbi (2001), docteur en « Sciences Religieuses » et pasteur de cette Église. Elle apparaît régulièrement dans les travaux de Paul Gifford, le spécialiste du pentecôtisme au Ghana, à travers les portraits de leaders « charismatiques » (1994) qui occupent la scène ghanéenne et dont certains sont issus de la Church of Pentecost. On la retrouve au c ur des débats sur la place des Églises dans l’espace public (1998) ou des controverses qui entourent les pratiques de la délivrance et les camps de prière (Gifford, 2001 ; Van Dijk, 1997), ou encore la conversion pentecôtiste des Éwé du Ghana (Meyer, 1999). Cette Eglise est également au centre des travaux sur la migration ou la diaspora ghanéenne en Europe, principalement aux Pays-Bas (ter Haar, 1995, 1998, 2000 ; Van Dijk, 1997, 2001, 2002) puisqu’elle est considérée comme l’une des Églises africaines les plus représentées en Europe (ter Haar, 1998). Mais aucune de ces études, à l’exception de celle de Larbi (2001), n’offre une étude complète de la Church of Pentecost au Ghana, depuis son histoire missionnaire en passant par tous les débats qui la travaillent et les conflits qui l’ébranlent régulièrement. Paul Freston regrette qu’une Église si importante au Ghana n’ait pas fait l’objet d’une étude plus conséquente (2001b : 145), et il est vrai que dans la plupart des travaux cités en référence, et même dans l’ouvrage le plus récent consacré au pentecôtisme ghanéen (Asamoah-Gyadu 2004), l’Église n’est jamais l’objet d’une étude monographique. Elle est plus souvent analysée sous des angles variés selon son exemplarité dans tel ou tel débat au sein de la large mouvance des pentecôtismes africains. L’intérêt combiné de tous ces auteurs, Africains et Européens, aboutit néanmoins à une somme de données conséquentes sur un ensemble de problématiques fortes concernant le Ghana.

La Church of Pentecost demeure en revanche quasiment inconnue dans les travaux portant sur les autres pays africains et européens, à l’exception de la Hollande. Dans la partie francophone de l’Afrique, elle n’apparaît que dans les travaux de C. Mayargue sur le rôle des Églises pentecôtistes dans l’espace public béninois (2001 ; 2002). C’est à partir du Burkina Faso où nous l’avons rencontrée initialement, de manière oblique, et à la suite d’une première enquête localisée, en milieu rural mossi, que nous est apparue la nécessité d’élargir le champ de l’enquête. Il s’agit pour nous de prendre en compte, tout d’abord la dynamique interne d’une Église de grande envergure et d’approcher l’Église centrale sous l’angle des relations du siège avec les Églises nationales, des tensions et des controverses qui se font jour à travers ce réseau d’Église et qui ne sont pas toujours perceptibles depuis le Ghana. La problématique de l’interaction entre la Church of Pentecost du Ghana et les autres communautés africaines, particulièrement francophones, a progressivement émergé et s’est affinée au fur et à mesure que les enquêtes et les événements au sein de l’Église, en Côte-d’Ivoire, au Ghana et simultanément en France, révélaient de fortes tensions et des conflits antérieurs relatifs à la politique identitaire de l’Église, à la centralisation du pouvoir et à la place accordée aux leaders « nationaux » des missions internationales. La situation géographique de la Church of Pentecost du Ghana, placée au c ur de l’Afrique francophone, l’a confrontée très tôt à des communautés nationales, voire nationalistes, pour lesquelles la légitimité d’une Église ghanéenne installée dans leur pays n’a pas d’évidence. Dans la partie est du Ghana, l’expansion missionnaire atteint la région des Éwé, partagés de part et d’autre de la frontière du Ghana et du Togo. Le

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Togo, et plus tard la Côte-d’Ivoire, fournirent à la jeune Église un vivier de pasteurs activement engagés dans la conquête missionnaire.

Ainsi, la problématique de l’adaptation du pentecôtisme aux sociétés dans lesquelles il s’implante se double d’un questionnement recentré sur les modalités d’implantation nationale de la Church of Pentecost dans les autres pays africains, et plus tard, dans l’espace européen. Après avoir accueilli des Églises missionnaires pendant près de deux siècles, le Ghana, comme le Nigeria, produit à son tour des Églises missionnaires qui se lancent à la conquête de l’Europe. Ce mouvement d’inversion est connu en Amérique Latine puisque « les pentecôtismes latino-américains exportent aujourd’hui leurs pratiques et croyances alors que jusque dans les années 1970, ils avaient été essentiellement récepteurs des initiatives nord-américaines » (Bastian, 2001 : 100). De même que l’expansion de la Church of

Pentecost suit les routes migratoires des Ghanéens, « les pentecôtismes brésiliens en

particuliers ont trouvé de nouveaux marchés en Europe et en Afrique en suivant les diasporas lusophones. » (2001 : 101). C’est le cas de la récente implantation de l’Église Universelle du Royaume de Dieu en Afrique, entrée par les pays lusophones et qui s’étend aujourd’hui aux pays francophones comme la Côte-d’Ivoire et le Gabon (Mary, 2002). Ces pays, latino-américains ou anglophones africains, premiers réceptacles d’un pentecôtisme essentiellement nord-américain, sont aujourd’hui devenus des « nations missionnaires » qui constituent le vivier des « christianismes du Sud » et qui se donnent pour défi la réévangélisation des sociétés occidentales.

L’anthropologie de l’histoire missionnaire, passée et présente, occupe donc une partie importante de ma recherche, d’abord parce que la construction de l’identité de l’Église de Pentecôte la rendait nécessaire, mais aussi parce qu’elle a très tôt éveillé un goût personnel et suscité un intérêt passionné. Cette histoire représente un outil d’analyse non négligeable, pour ne pas dire majeur, dans la reconstitution et la clarification des enjeux de la rencontre missionnaire, en mettant au jour le jeu de chassé-croisé entre missionnaires britanniques et américains sur le terrain africain. L’histoire missionnaire permet de restituer les enjeux politiques, parfois doublés de questionnements théologiques, qui ont fait le dynamisme des pentecôtismes en Afrique comme dans bien d’autres pays. C’est aussi par l’immersion dans le détail historiographique, au plus près des acteurs du passé et de leurs rencontres (Peter Anim, James McKeown), que l’on parvient à restituer certains moments décisifs dans les processus de formation des Églises africaines et leurs enjeux identitaires. L’enquête anthropologique et historique fait surgir la part de mythologie qui subsiste toujours dans les récits missionnaires, relayée aussi bien par les auteurs ghanéens (qu’ils soient ou non membres de l’Église de Pentecôte) que par les auteurs européens.

Après avoir situé historiquement la Church of Pentecost dans le paysage religieux ghanéen et ouest-africain (chapitre 1), nous tenterons de comprendre les logiques de l’expansion missionnaire à partir de plusieurs foyers d’implantation dont le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, et plus tard la France, qui constituent des points d’observation privilégiés. Au Burkina Faso, lieu de notre premier contact avec cette Église, notre intérêt s’est d’abord porté sur les ressorts de la conversion pentecôtiste dans l’espace villageois mossi, soulevant entre autres la question des modes de coexistence entre fidèles de différentes confessions dans un espace si restreint qu’il fait de la pacification des relations une condition nécessaire à l’organisation de la vie communautaire ou à la réalisation de projets collectifs de développement technique et agricole (chapitre 2).

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Dans ce contexte, l’Église de Pentecôte, un pourvoyeur de moyens parmi d’autres, appelle à la mobilisation et au consensus dont la communauté de fidèles se veut le modèle. Ainsi, la politique d’indigénisation de l’Église se double de son implication dans le développement local. C’est dans ce type d’interaction entre la nouvelle religion et les agents locaux que se donne à voir un pentecôtisme « qui se moule fort bien dans diverses cultures indigènes, s’avérant paradoxalement vecteur de modernité » (Willaime, 1999 : 5).

Ce travail s’étend à plusieurs pays et croise plusieurs entrées. Mon programme d’enquête a été plus d’une fois contraint par la nature des données recueillies, et je fus moi-même plusieurs fois « happée » par le cours des événements et l’enchaînement des rencontres. Par exemple, alors que j’avais commencé une enquête de terrain en milieu rural mossi, j’ai été amenée à prendre la mesure des effets de la pluralité religieuse dans un espace aussi restreint que l’espace villageois : la mémoire locale des conflits passés, à l’occasion de la conversion pentecôtiste d’une partie des villageois, l’appartenance antérieure à la religion musulmane de la plupart des nouveaux convertis, et la stigmatisation dont sont parfois victimes les pentecôtistes. Toutes ces réalités m’ont progressivement amenée à mieux prendre en compte le défi que représente la conversion pentecôtiste, et même la vocation pastorale, dans un contexte majoritairement musulman ou animiste. Plus tard, en milieu urbain, une autre réalité s’est imposée à moi lorsque fit irruption la croisade d’évangélisation des pasteurs ghanéens, à Ouagadougou, et qui donnait soudain sa dimension transnationale à l’Église dans laquelle j’avais commencé à travailler localement. A partir de ce moment, l’Église de Pentecôte, que j’avais perçue comme une Église « rurale » (ce qu’elle est aussi, par d’autres aspects), s’est donnée à voir dans sa dimension singulière, à la fois rurale et « indigène » par son attachement aux langues vernaculaires (le möré au Burkina, le twi au Ghana et ailleurs), et transnationale, profondément moderne par les moyens qu’elles se donne. Ce changement de focale fut un tournant décisif dans mon expérience et mon itinéraire de recherche, et m’a ouvert la voie vers le Ghana et plus globalement vers les autres pays côtiers où l’Église allait prendre toute sa dimension d’Église nationale et transnationale, et où j’allais découvrir ce pentecôtisme qui contraste tellement avec le paysage religieux burkinabé. L’approche multi-terrain s’imposait et j’ai été en quelque sorte prise dans l’objet qui se révélait à moi et s’est imposé de lui-même. A partir de ce moment, j’ai pris le parti de suivre les pistes qui s’ouvraient devant moi, de me laisser guider, en partie, par les opportunités, les rencontres, les circonstances de l’enquête, avec néanmoins une ligne directrice : prendre la mesure de ce que représente l’Église de Pentecôte du Ghana dans le paysage religieux africain, puis plus tard, européen. Comment l’Église centrale parvient-elle, malgré son expansion tentaculaire, à exercer un tel pouvoir, si fortement centralisé ? Quels sont les fondements de l’identité communautaire qui cimente cette communauté transnationale de « frères et s urs en Christ » ? Mais surtout, quelles sont les limites de cette organisation communautaire transnationale ? Quels sont les contre-pouvoirs au siège ghanéen centralisateur ? Et que révèlent les débats, les crises qui ébranlent régulièrement cette super-structure ? A l’inverse, comment cette Église peut-elle servir d’analyseur des évolutions et des transformations des sujets convertis en quête de guérison et de délivrance ?

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L’approche multi-localisée pose de nombreux problèmes d’ordre méthodologique. Tout d’abord, elle implique de prendre ses distances par rapport à deux types d’approche. L’une, monographique et ethnographique, remarquablement illustrée par P.-J. Laurent (2003), permet d’appréhender le pentecôtisme dans la longue durée à partir des enjeux de la société locale. L’autre, à la manière d’A. de Surgy (2001), développe une approche extensive du champ évangélique et pentecôtiste dans un cadre national, en l’occurrence le Bénin. Nos objets d’interrogation nous ont imposé une monographie de réseau d’Église, comme celle que d’autres auteurs de la tradition anthropologique ont adoptée auparavant (Peel, 1968 ; Fabian, 1971 ; Jules-Rosette, 1975), avec une dimension comparative, parfois itinérante. Certains pays ont été abordés, au delà des contraintes de l’enquête et de la conjoncture politique, sous des angles et avec des objets de recherche différents. Par exemple, l’enquête ethnographique autour des enjeux individuels et collectifs de la conversion pentecôtiste (Kutumtênga et Tanghin) ne fut pas reproduite avec la même intensité ni la même ampleur en Côte-d’Ivoire ni au Ghana. L’approche d’un champ comme celui de la délivrance et des camps de prière a permis de lier entre eux des pays comme le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire et le Ghana (chapitres 3 & 4), mais ne fait pas partie des problématiques liées à l’implantation de l’Église en Europe (chapitres 6 & 7) où ces pratiques se font plus discrètes.

La circulation au sein d’un réseau d’Église intègre nécessairement l’analyse de régions géographiquement et culturellement séparées, ce qui en Afrique, se traduit aussi par le passage transfrontalier d’un espace national ou ethnonational à un autre. De même, l’analyse des processus d’implantation d’une Église africaine en Europe amène à prendre en compte les logiques de migration et de formation des communautés de migrants africains en Europe. Cette approche nous a permis d’appréhender, en suivant les acteurs dans leurs allers-retours entre l’Afrique et l’Europe, les mécanismes de formation des assemblées européennes et le rôle de l’Église dans la prise en charge des flux migratoires. L’entrée par un réseau d’Église, qui ne s’inscrit pas pour autant, sur le plan institutionnel, dans une « Église en réseau » (Colonomos, 2000), compte tenu du caractère très centralisé de la Church of Pentecost, ouvre sur des communautés transnationales qui peuvent être localement minoritaires, mais dont la mise en perspective trans-locale donne sens à un nouvel objet anthropologique, comme les techniques de délivrance, qui profitent de l’éclairage des entrées multi-situées. Les trois terrains privilégiés (Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, France), constituent à partir du centre ghanéen, autant d’espaces circulatoires où s’articulent et se modulent les éléments d’une problématique organisée comme « une maison à étages » : de la conversion au village à la délivrance dans les centres en milieu urbain jusqu’à à la politique identitaire au niveau international. Le changement de focale qu’impliquent le basculement d’un terrain à l’autre et le jeu des allers-retours, permet d’aborder ces éléments de problématique d’un point de vue tour à tour historique, sociologique et anthropologique.

La formation historique du réseau de la Church of Pentecost du Ghana, mis en regard de la diaspora ghanéenne, éclaire les modalités d’expansion missionnaire de cette Église au sein de la « sous-région » et depuis l’Afrique vers l’Europe. Depuis l’itinéraire des pêcheurs ghanéens migrant le long de la côte du Golfe de Guinée, agents de l’expansion régionale de l’Église de part et d’autre du Ghana, à l’aventure de la migration ghanéenne vers l’Europe et les États-Unis, se sont constitués deux types

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de réseaux de migrants missionnaires, transfrontalier d’une part, et trans-continental d’autre part, avec des acteurs de milieux et de profils différents. De plus, ces différents modes d’approche font apparaître des réseaux distincts et des cultures de réseaux : un réseau de fidèles ou de communautés de fidèles d’une part, et un réseau de dirigeants d’autre part. Les portraits et les carrières de pasteurs (chapitre 5) permettent de mettre en lumière les politiques identitaires de l’Église centrale à l’égard des « missions » et des pasteurs autochtones, tandis que les parcours de fidèles révèlent certains aspects méconnus de la migration africaine en Europe. Les deux problématiques se recoupent néanmoins à travers la question du rôle des Églises dans la formation de circuits migratoires et dans la « re-communautarisation » des fidèles migrants en milieu urbain (chapitre 6). La mise en contexte d’une communauté de fidèles donnée dans un espace national ou ethnonational permet à la fois de clarifier les conditions d’existence de ces communautés dans un espace localisé et les relations qu’elles entretiennent avec les communautés locales (migrants ghanéens en France, migrants francophones au Ghana) et de prendre en considération le poids du réseau sur le degré d’autonomie dont disposent les Églises nationales (Burkina Faso, Togo, France).

Cette Église apparaît enfin comme l’une des plus étroitement liées au débat concernant le statut des camps de prière, constitués en véritables institutions au sein même de l’Église qui peine à les soumettre à son autorité. Les conflits de leadership qui surgissent en marge de la structure hiérarchique sont à l’origine de plusieurs dissidences, au Ghana comme en Côte-d’Ivoire. Dans plusieurs pays, notamment francophones, la reproduction du modèle ghanéen de gestion des assemblées a suscité de nombreux conflits et la séparation, pour ne pas dire la ségrégation, sur le modèle des Églises Africaines Indépendantes, entre fidèles ghanéens et fidèles francophones. Ces derniers se sont progressivement rassemblés en formant les premières « assemblées en français ». Nous verrons en quoi cette crise de la « vernacularisation » marque une étape cruciale dans l’évolution d’une Église « rurale » et « indigène », et comment elle s’accentue dans la rencontre avec les communautés africaines en Europe (chapitre 5 & 6). Tout comme les camps de prière et de délivrance, les assemblées en français, qui sont autant de mondes séparés, d’espaces inédits, constituent en eux-mêmes des réseaux parallèles qui échappent bientôt au contrôle de l’Église et dont on ne saisit l’ampleur que par une approche multi-située ou translocale.

Par ce mode d’approche l’on est amené à suivre les individus dans leurs déplacements au sein de ces espaces circulatoires et ce sont parfois les mêmes individus que l’on retrouve à Accra, Abidjan, Bruxelles et Paris. Afin de reprendre le contrôle de ces espaces marginaux, l’Église ghanéenne tente de réintroduire ces pratiques (délivrance, adoption des langues nationales) dans ses stratégies nationales d’évangélisation. Mais la Church of Pentecost n’en est pas moins tiraillée par ses choix et régulièrement ébranlée dans ses postures les plus fermes. A partir d’une série d’enquêtes qui nous ont permis d’évoluer au sein d’un réseau d’Église, nous nous sommes attachée à la compréhension de ces débats et controverses qui ébranlent l’Église de Pentecôte dans ses modes de gestion des conflits, la distribution de l’autorité, ses stratégies d’implantation à l’étranger (Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Togo) ainsi que dans ses rapports aux autres communautés africaines, notamment francophones. C’est l’interaction entre le local et le global qui permet de saisir la nature des enjeux politiques au sein d’un réseau d’Église, de mettre au jour les marges de négociation entre l’Église et ses agents. Ainsi, les deux espaces marginaux et

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atypiques que sont les « assemblées en français » et les camps de guérison constituent deux foyers de tensions et de compromis entre l’Église et ses agents « doubles » qui sont aussi deux types d’intermédiaires : les interprètes et les guérisseurs. Ces derniers sont aussi, à la marge, les lieux où l’Église négocie ses ouvertures et ses frontières avec les autres, sur le plan de la langue et dans le traitement des « corps souffrants » où l’Église est confrontée à l’épreuve de l’altérité. Ces structures marginales se présentent comme deux entrées possibles dans l’analyse des « politiques » d’expansion missionnaire de la Church of Pentecost, les modalités de leur existence sont au centre des modes d’implantation de cette Église à l’étranger. Ils sont également à l’origine des conflits et dissidences qui jalonnent l’histoire de cette Église aussi bien en Afrique qu’en Europe. Dans une dernière partie (chapitre 7), basée sur une étude de cas, nous verrons comment les mécanismes de scission interne, que nous décrirons à cette occasion, contribuent à la multiplication des Églises africaines dans l’espace européen.

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