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UNIVERSITÉS DE RENTRÉE UN MONDE D AVANCE Meeting du 19 septembre 2010

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Academic year: 2022

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e voudrais d’abord remercier toutes celles et ceux qui nous ont permis de nous rassembler, une fois de plus à Vieux-Boucau. Je voudrais aussi re- mercier tous les intervenants qui sont venus assister à ces journées de réfl exion. Ils étaient nombreux et nous ont permis d’avoir des mo- ments de réfl exion passionnants sur des su- jets qui ne rencontrent pas forcément les fa- veurs du « buzz » politico-médiatique (santé, éducation, politique économique, politique étrangère...) et qui nous ont fourni certains éclairages. Et nous avons d’ailleurs opté pour des invitations très diversifi ées, de sorte que l’on ne se perde pas dans une vulgate qui se- rait offi cielle.

Je voudrais surtout remercier nos invités de ce dimanche matin. Les remercier, parce qu’ils nous donnent l’occasion d’affi cher l’image, pour notre sensibilité dans ce parti, d’une

conviction profonde, jamais abandonnée

— y compris dans les moments les plus diffi - ciles : la gauche, même si elle est diversifi ée, même si elle est plurielle comme on le disait à un certain moment, devait être rassem- blée. C’est ce qu’attend profondément non seulement le peuple de gauche mais aussi peut-être, au-delà du peuple de gauche, les Françaises et les Français qui n’ont pas l’air très satisfaits de la façon dont on les gou- verne. Cette conviction, nous l’avons portée dans les moments les plus diffi ciles, y compris lorsque certains dans notre parti s’égaraient vers d’autres horizons. Et, les hypothèses qui encombraient nos débats — très inutilement d’ailleurs — sur l’alliance avec le MoDem ont été tranchées par nos électrices et nos élec- teurs.

La gauche doit être rassemblée parce que, comme l’a justement dit Martine Aubry, notre

République est abîmée. Mais pas seulement notre République. C’est la France tout entière qui est aujourd’hui abîmée ! Abîmée dans son passé. Abîmée dans son histoire. Abîmée dans son présent. Et même, je le crains, abî- mée dans son avenir.

Non, il n’y a pas que la République qui soit abîmée.

La France est très abîmée sur le plan social.

Je ne vais pas faire l’inventaire de tous les coups qui ont été portés à la législation du travail (35h et taxation des accidents du travail), nos systèmes de protection sociale, l’évacuation du repos dominical... Et j’en passe ! Pour en arriver à cette prétendue ré- forme des retraites ! C’est l’occasion pour moi de dire à nouveau que dans ce pays, il fau- drait arrêter d’expliquer aux femmes et aux hommes qu’une régression est une réforme.

UNIVERSITÉS DE RENTRÉE UN MONDE D’AVANCE Meeting du 19 septembre 2010

J

HENRI EMMANUELLI

vidéo : http://dai.ly/cmkqUS

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B ulletin de liaison n°52

5 octobre 2010

Réforme ! Réforme ! Cela ne veut rien dire ! Dans la tradition his- torique de notre pays, « réforme » cela veut dire plus ou mieux ! Avec eux — et parfois un peu avec d’autres —, « réforme » cela veut dire moins ou pire ! Et cette prétendue réforme sur les retraites n’en est qu’une illustration supplémentaire. Elle va reposer, à charge, sur 92% sur les salariés. Et parmi les salariés, plus particulièrement sur les femmes qui n’étaient déjà pas très bien traitées ni sur le plan des salaires ni sur le plan de la retraite. Et pour 8% sur le capital.

Elle ne va rien régler, elle va juste permettre de dilapider le fonds de retraite qu’un gouvernement socialiste avait constitué... bien qu’à les entendre, la gauche n’ait jamais rien fait. Ils sont tout de même contents de trouver la « cassette », parce que sans elle, il leur manquait 35 milliards dans le bouclage du fi nancement. Lequel fi nancement est un faux fi nancement... Une réforme dont on nous explique qu’elle est incontournable ! Un jour, pour des raisons démo- graphiques, le — et Monsieur Woerth a bien fi ni par nous le dire — parce que c’était le prix de la crise ! Le prix de la crise doit donc être mis sur le dos des salariés.

Il me semble d’ailleurs que nous arrivons à une situation historique, sans précédent ou en tout cas avec peu de précédents, qui fait qu’aujourd’hui, ceux qui ont été les « fauteurs » de crise sont ceux-là même qui font les prescriptions : une agence de notation menace et le Président qui gouverne à lui tout seul réunit immédiatement un semblant de Conseil des ministres pour expliquer qu’on va rapide- ment faire la réforme des retraites et qu’il faut que les agences de notation se calment.

J’ai eu l’occasion cette semaine, avec quelques autres camarades parlementaires de rencontrer une de ces agences de notation qui avait demandé un rendez-vous et je leur ai dit : « Finalement, à vous regarder, c’est la première fois que je vois des délinquants à la place du commissaire »... Cela a un peu tendu l’ambiance. Je conviens que l’image est un peu forte, mais au fond, c’est bien de cela dont il s’agit. Ce qui posera d’ailleurs à la gauche, mais aussi à tous les progressistes et je dirais même à tous les démocrates, un problème énorme. Aujourd’hui, cette puissance des marchés fi nan- ciers qui n’est plus contrôlée par personne est un véritable défi à toutes les gouvernances des pays démocratiques, et ce n’est pas une mince affaire ! Je préside actuellement une commission d’en- quête sur les spéculations fi nancières au Parlement et ce que je dé- couvre, audition après audition, c’est qu’il n’y a plus grand monde qui contrôle quoi que ce soit. Et ce n’est pas un mince débat pour les générations futures.

La France est aussi abîmée sur le plan économique : l’état des fi - nances publiques, le niveau du chômage, la dégradation de notre appareil industriel (15% du PIB quand on en était à 30% dans les an- nées 80)... Si nous ne redressons pas cette situation-là, alors les géné- rations futures peuvent se faire du souci. Elles n’auront pas le niveau de vie qu’a été celui de ce pays. Et on en parle assez peu d’ailleurs.

On nous explique que nous serions dans des sociétés post-indus- trielles où on remplacerait les emplois industriels par des emplois de services. C’est vrai pour partie, mais l’on sait aussi ce que veulent dire ces emplois de services le plus souvent : cela veut dire précarité, cela veut dire très bas salaires, cela veut dire temps partiel, cela veut dire 600, 800 euros par mois; cela veut dire travailleurs pauvres en réalité. Et cette fi ction a été très développée par les libéraux, mais c’est vrai aussi par certains socialistes que nous avions pris l’ha-

bitude d’appeler des « sociaux-libéraux »... ce qui ne leur plaît pas du tout... et de nous expliquer que cela n’existe pas ! Il nous a quand même semblé qu’on les avait pas mal rencontrés ! Ce qui m’avait d’ailleurs fait dire dans une interview que je n’étais pas certain que, pour redresser la France, il faille aller puiser des ressources dans des institutions fi nancières internationales !

La France est, enfi n, abîmée sur le plan démocratique. Il me faut sou- ligner que nous sommes la seule démocratie occidentale où il n’y a plus de contre-pouvoir ! Et je dis cela en région Aquitaine, région qui, en son temps, a accueilli un certain Montesquieu ! Il n’y a plus de contre-pouvoir. Le pouvoir du Parlement est fi ctif. Il l’était déjà un peu avant, mais depuis la dernière réforme constitutionnelle, il est totalement désarmé. Et vous en avez eu la démonstration cette se- maine, avec un sous-brigadier qui préside l’Assemblée nationale et qui a estimé qu’il avait le droit de priver près de 170 députés de leur capacité d’expression pour justifi er leur vote. C’est-à-dire qu’élus au suffrage universel, nous n’avons même plus le droit d’expliquer, sans monter à la tribune mais depuis notre place, la raison pour laquelle nous allons voter, en l’occurrence « contre » en cette circonstance.

Quant à la Justice, dans quel état est-elle ? On le constate tous les jours. On était habitué, à gauche, aux critiques du Syndicat de la Magistrature qui parfois n’aidait pas du tout les gouvernements de gauche. Mais on n’était pas habitué au ton qu’emploie aujourd’hui le syndicat majoritaire de la magistrature qui n’est pas particulière- ment orienté à gauche ! Ce qu’ils disent aujourd’hui est dur, inquié- tant et même, d’un certain point de vue, tragique.

Et il nous faut aussi regarder ce qui se passe dans d’autres do- maines. Ce gouvernement déconsidéré, disqualifi é à la fois sur le plan politique, mais aussi sur le plan moral avec ce feuilleton qui dure depuis le début de l’été. Sans faire de publicité, si vous n’avez pas écouté les extraits sonores publiés par Médiapart sur les enre- gistrements, faites-le. Et vous serez, tout comme moi, saisi par la stu- peur mais aussi un peu quand même par le dégoût. On en viendrait presque à la plaindre cette « pauvre » Liliane. Avec ses 400 millions de revenus par an, mais de quoi est-elle entourée ? D’insectes à l’affût de l’argent ! Elle est toute seule au monde ! Riche, mais seule

! Riche mais isolée ! C’est un spectacle lamentable en France et lamentable à l’étranger.

Et, comme si cela ne suffi sait pas, le Président qui gouverne tout seul est allé sortir la thématique sécuritaire, avec ces malheureux Roms qui étaient dans le paysage, au moment où cela l’arrangeait.

Et même si je ne fais pas partie de ceux qui croient que la France représente aux yeux de l’univers tout entier la patrie des Droits de l’Homme, car je pense qu’il y a d’autres endroits sur la planète où on s’en soucie aussi, il faut bien dire que là aussi, la France est encore plus abîmée.

Je ne surprendrais personne en disant que nous attendons de toutes les composantes de la gauche un effort particulier. Quand j’entends parler de l’hégémonie du Parti socialiste, je me dis que c’est quelqu’un qui ne nous connaît pas de l’intérieur ! L’hégémonie à l’intérieur... elle est alors fractionnée ! Fractionnée et assez mou- vante ! J’ai d’ailleurs envie de dire à toutes celles et tous ceux qui ne sont pas satisfaits — et je sais qu’il y en a — de la ligne du Parti socialiste : que n’êtes-vous pas venus nous donner un coup de main à l’intérieur ! On serait ultra majoritaires ! Une journaliste, hier, me

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disait : « Ne craignez-vous pas que le Parti socialiste, par son recen- trage à gauche, ne se détache d’une partie de votre électorat ? » Je me suis d’abord dit que cela bougeait un peu et, ensuite, je lui ai demandé de se souvenir que la majorité écrasante des électeurs socialistes ne s’est pas prononcée pour la ligne la plus modérée du Parti socialiste, mais pour celle qui a, à tort, la réputation d’être

« l’aile gauche » du Parti socialiste. Et oui, Olivier, dans notre Parti, il y a une aile gauche, mais il n’y a pas d’aile droite. C’est sûrement pour cela que le Parti socialiste a du mal à prendre son envol, parce qu’un oiseau qui ne bat que de l’aile gauche ne rend pas évident le décollage ! Mais l’affaire n’est pas nouvelle. Un certain Mitterrand ironisait déjà sur ce thème en 1972.

Cette ligne qui est la nôtre, celle du rassemblement de la gauche, est fondée sur la conviction profonde qu’il nous faut travailler en- semble. Nous avons des différences, peut-être même des incompa- tibilités sur certains sujets. Mais nous avons aussi une extraordinaire responsabilité face à ce peuple de gauche qui attend aujourd’hui de nous que nous prenions toute notre place, qui en a plus que par- dessus la tête de voir ce Président tout abîmer. Si on regarde bien d’ailleurs, les seules choses qu’il n’ait pas abîmées, ce sont celles qui sont bien trop haut placées pour que l’on puisse y accéder sans le secours d’un tabouret ! Et parmi ces choses, il y a le ciel, les nuages ici accumulés, et puis il y a des principes, nos convictions.

Non, Monsieur le Président qui gouvernez tout seul, vous n’arriverez pas à abîmer nos convictions, vous n’arriverez pas à abîmer notre espérance. Il y a dans cette salle beaucoup de jeunes. Qu’est-ce que la jeunesse ? C’est compliqué, la jeunesse. J’en ai une interpré- tation: la jeunesse, c’est du temps devant et de l’espoir dedans. J’ai envie de dire à Monsieur Sarkozy : « Vous voulez abîmer son espoir, elle raccourcira votre temps ».

Je sais que le chemin est ardu, diffi cile, compliqué entre toutes les formations politiques de la gauche. Je sais que les solutions propo- sées sont assez diversifi ées entre celles et ceux qui souhaitent une discussion avec le Parti socialiste avant la fameuse « primaire »... Ici, assez majoritairement, et je le dis pour nos invités, on a l’habitude de penser que lorsque l’on a un leader que l’on a mis en place pour diri- ger un parti, il semble assez qualifi é pour briguer le pouvoir exécutif ! C’est aussi l’une de nos particularités. Nous sommes la seule forma- tion occidentale qui considère que son leader n’a pas vocation à occuper l’exécutif ! Cela débouche donc sur un processus as- sez compliqué que nous avons pris l’habitude d’appeler une « pri- maire ». Il y a ceux qui pensent qu’il faut plusieurs accords, un po- litique et un de gouvernement. Il y a ceux qui pensent qu’il y aura projet contre projet et que l’on verra bien entre les deux tours. Il y a ceux qui pensent aussi que les programmes sont incompatibles et que gouverner, ce n’est pas faisable.

Le chemin sera donc diffi cile. Nous le savons. Mais, je pense que le poids de notre responsabilité est tel, aujourd’hui, que chacun doit faire un effort pour essayer de regarder ce qui peut nous rassembler et nous permettre, en 2012, de proposer à ce pays les bases d’un vé- ritable redressement. Car c’est à l’emploi auquel il faudra s’attaquer en priorité. C’est l’éducation qu’il faudra restaurer… Bref, toute une série de sujets sur lesquels nous devons débattre ensemble et qui doivent être le noyau dur d’un programme d’actions qui ne pourra

pas couvrir tout le champ des dégâts que la droite aura occasion- nés. Il faudra du temps pour recoudre, réparer.

J’ai la conviction que si la gauche n’est pas rassemblée, nous au- rons au mieux une alternance, mais sûrement pas une alternative.

Nous aurons au mieux une alternance, mais sûrement pas une véri- table transformation sociale. C’est la raison pour laquelle, par-delà les partis politiques présents ici, à Vieux-Boucau, il faut qu’avec l’ensemble des forces syndicales nous rétablissions le dialogue qui fasse que non seulement les citoyens se mettent en marche pour la reconquête du pouvoir, mais que le salarié aussi se remette en marche à travers la formation syndicale pour la défense de ses droits, pour la conquête de nouveaux droits, de nouvelles avancées sociales. C’est ma conviction profonde. Et ce que nous connaissons de l’histoire, y compris lorsque la gauche a été au pouvoir, ne remet pas en cause cette vision des choses. Si nous ne sommes pas ap- puyés par une mobilisation sociale, si nous ne sommes pas appuyés par un rassemblement aussi large que possible de l’ensemble des forces de gauche, je crains que la déception ne nous guette au bout de quelques mois ou de quelques années. Et, avant de partir vers d’autres horizons, j’aimerais bien la voir la révolution... démo- cratique, la révolution, pas celle des larmes et du sang, mais celle de l’avancée.

On a beaucoup de chemin à faire ensemble. J’espère que l’on aura l’intelligence de le faire ensemble. Mais, en attendant, nous savons que nous pouvons commencer dès la semaine prochaine, le 23 septembre, où il y aura des manifestations dans tout le pays, regroupant toutes les forces de gauche, toutes les formations syndi- cales pour lutter contre ce projet injuste et qui en plus ne règle rien.

Je sais bien que sur le sujet, il existe déjà des débats : la retraite à 60 ans, oui mais les durées de cotisations ? C’est vrai qu’il y a des désaccords. Et je ne suis pas là pour les évacuer. Les 60 ans, cela ne se discute pas ! Le retour à 65 non plus ! Mais ce qui peut se discuter et qui peut être un sujet de négociation dans le cadre d’un futur ac- cord de gouvernement, c’est la durée de cotisation, par exemple.

Ce qui voudrait dire qu’au lieu de s’envoyer des Exocets avant que la bataille n’ait commencé, on ferait peut-être mieux de se mettre autour d’une table pour essayer d’en discuter. Si nous savons faire ça, si nous savons être nombreux le 23 septembre, si nous savons en- suite en tirer des conclusions, alors on pourra espérer débarrasser ce pays de ce Président qui gouverne tout seul et qui gouverne mal, qui essaie de brouiller les pistes mais dont on voit bien qu’il représente aujourd’hui le monde de l’argent, le monde des puissants et d’une façon scandaleuse.

Mes chers camarades, vous connaissant un peu, je sais qu’ici il y aura de l’enthousiasme à nous en débarrasser. Il y a une chose que Monsieur Sarkozy ne connaît pas : ce sont nos convictions, mais aussi notre espérance.

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JEAN-VINCENT PLACÉ (VERTS)

vidéo : http://dai.ly/8X6vqx

e tiens à vous remercier sincèrement de m’avoir convié par- mi vous ici et aujourd’hui.

Je suis très content que la direction nationale des Verts m’ait mandaté pour représenter les Verts à cette université du courant de la gauche du PS.

Je vois dans cette invitation l’affi rmation d’un ancrage clair des écologistes à gauche. Notre histoire est complexe, comme celle des socialistes. En effet, de la même manière qu’il y a un gouffre entre Marceau Pivert et Guy Mollet, les mêmes écarts ont pu exis- ter au sein des écologistes. L’ancrage à gauche des écologistes n’est pas négociable tout simplement parce que l’écologie est par essence de gauche. Les écologistes sont de gauche, résolument, consciemment, défi nitivement. À l’heure du bouclier fi scal, de la cir- culaire sur les Roms, travailler avec la droite ce n’est pas l’ouverture, c’est la forfaiture.

Je ne crois pas un seul instant à la faillite des idéologies. Je ne crois pas non plus à la fi n du clivage gauche-droite. Je ne crois pas non plus au triomphe du capitalisme et à la fi n de l’histoire. Pour toutes ces raisons, je ne crois pas à l’ouverture, à ceux qui prétendent gou- verner autrement hors des partis.

Les écologistes ne se trompent pas d’adversaires, ils agissent contre la politique de Nicolas Sarkozy et pour la victoire de la gauche en 2012.

Entre nous, des divergences, des nuances existent, parfois même des différences ou des oppositions. Entre nous, le débat peut en- fl er, être vif. Avec la droite, le dialogue n’est même plus possible.

Je suis sans doute, par histoire personnelle un homme de mémoire, je n’oublie rien des combats qui ont forgé la gauche : Jaurès, Blum, Mitterrand, Louise Michel, Rosa Luxembourg… Notre opposition à la droite, c’est celle des combats qui ont fait de nous ce que nous sommes ; nous ne serons jamais du même côté de la barricade. Au- delà de l’opposition frontale que nous devons avoir, il ne faut pas se tromper de combat. Nicolas Sarkozy veut et réussit à nous entraîner vers une forme de lecture morale de la politique : les Roms, la sé- curité, les Karcher, des chiffons rouges agités devant ce qui fonde notre éthique : la fraternité, l’émancipation, l’universalisme. Et nous voilà, « taureaux valeureux et justes » livrant de beaux combats, dé- fendant de belles causes. Mais nous sommes un peu comme un Don Quichotte, quand Sarkozy est comme le vent, nous attaquons les moulins qu’il fait tourner entre nous. Il est temps de sortir de ce

piège, de dire aux Français que la vraie rupture fondatrice de deux visions du monde, de deux sociétés, ce sont les questions écono- miques, ce sont les luttes sociales, c’est la question non pas de la régulation mais du dépassement du capitalisme. On entend main- tenant parler de la « loi naturelle » que serait le marché. Il y aurait la gravité, la poussée des liquides et il y aurait le marché… Ce serait Eurêka–pitalisme !

La crise fi nancière de 2008 aura agi pour beaucoup d’entre nous comme un révélateur défi nitif. Avant encore, il pouvait rester quelques doutes — bien peu pour moi ! — lorsque nous entendions que le capitalisme était réformable, régulable, domesticable. Moi je n’y crois plus. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Si j’ai accepté l’invitation de Benoît et d’Henri, c’est pour vous dire cette convic- tion simple qui tient en deux mots : cela suffi t. Cela suffi t de deman- der des efforts aux salariés pour fi nancer les retraites sans toucher le capital. Cela suffi t de brandir un bouclier fi scal en arguant que le fruit du travail ne peut être taxé au-delà de

50 % quand depuis fort longtemps cette richesse n’est plus le fruit du travail, mais le produit de la fi nance et de la spéculation.

Cela suffi t de réduire les effectifs de l’éducation nationale, car l’ins- tituteur est l’arbre qui porte les fruits de demain. Cela suffi t de ma- traquer l’hôpital public et de dépenser de milliards pour satisfaire les laboratoires pharmaceutiques au nom d’une pseudo-pandémie.

Cela suffi t, mais pour autant devons-nous fi ger notre colère dans une opposition stérile ?

Devons simplement stigmatiser et critiquer ? Je ne crois pas. Nous avons un devoir, celui de proposer un autre modèle. Non pas un amendement au modèle dans lequel nous vivons mais son change- ment radical, son dépassement et sa transformation. Je vous le dis, je ne crois plus du tout aux vertus de la sociale démocratie.

Le capitalisme tel que nous le connaissons, fi nancier, mondialisé, n’a plus rien à voir avec le capitalisme de production d’après- guerre dans lequel la régulation keynésienne pouvait jouer son rôle et apporter des réponses durables. Comme un virus, le capitalisme a muté et l’antibiotique keynésien est aujourd’hui ineffi cace. L’en- nemi n’est pas le chef d’entreprise qui défend une production lo- cale, qui crée de l’emploi, qui se bat pour maintenir son activité.

L’ennemi, Henri l’a dit, c’est l’argent qui crée de l’argent : l’action-

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nariat immoral des fonds vautours, la folie spéculative des bourses, les multinationales sans âmes, l’argent pourri qui attaque les mon- naies et menace les nations.

Aujourd’hui ce capitalisme, c’est plus de monoculture et de pes- ticides qui pourrissent les sols et notre santé pour plus de profi ts.

Aujourd’hui ce capitalisme dévalise nos enfants et les générations futures. Il se sert, il dévore toutes les ressources, juste parce que cer- tains étaient là avant. Le capitalisme, c’est polluer plus pour gagner plus aujourd’hui.

Nous avons cru avec la crise que les États, que l’Europe condui- raient une politique drastique de régulation des marchés. Nous nous sommes lourdement trompés. Ce sont même les États-Unis au- jourd’hui avec la Loi Dodd Franck qui tentent de mettre de l’ordre timidement dans le marché pourris des produits dérivés. Aussi c’est maintenant à nous de mettre en œuvre un programme radical de transformation pour 2012.

Sommes-nous capables d’imaginer un monde où les transactions fi nancières seraient taxées au profi t d’actions sociales ?

Sommes-nous capables d’imaginer un monde qui interdirait aux banques de dépasser le volume de leurs fonds propres en opération de crédits, afi n qu’elles restent solvables ?

Sommes-nous capables d’imaginer un monde ou nos retraites se- raient aussi fi nancées par une taxe sur les revenus du capital ? Sommes-nous capables d’imaginer un monde où le patrimoine des grandes fortunes, y compris artistiques, serait estimé pour défi nir l’im- pôt annuel à payer ?

Sommes-nous capables d’imaginer un monde qui exigerait une meilleure répartition du travail et la fi n du travail partiel subi ? Sommes-nous capables d’imaginer un monde paritaire, où les en- treprises qui payent moins bien les femmes seraient lourdement taxées ? Où l’enseignement de l’égalité des genres, des droits, des devoirs et des tâches ménagères (!) serait fait dès la petite en- fance ? Il faut oser le féminisme !

Sommes-nous capables d’imaginer un monde qui interdirait l’im- plantation des sièges sociaux ailleurs que dans le lieu principal et historique de production ? Un monde qui imposerait la fermeture de toutes fi liales bancaires ouvertes dans un paradis fi scal.

Voilà le monde que nous devons proposer si nous voulons demain offrir un vrai choix aux Français. Je pense que ce monde existe, qui peut être un monde d’avance.

Entre l’ancien logiciel politique marxiste et cette social-démocratie molle qu’on nous propose parfois, il existe une nouvelle voie, ardue, juste, un sentier étroit mais qui

monte haut. Je suis venu ici pour savoir si ensemble nous sommes près, ensemble, au-delà de ce qui nous sépare, à cette ascension commune. Je suis venu ici pour savoir si vous voulez vraiment que nous entamions ensemble dès demain ce chemin. Je vous fais une proposition et elle sera confi rmée par Cécile Dufl ot à Martine Aubry et aux différents partenaires dans la semaine. Nous voulons avant

l’été prochain envoyer un message clair à la droite. Nous devons trouver un accord politique qui soit une vraie alternative.

Nous devons signer cet accord politique, ce pacte entre nous, pour dire des choses assez simples au fond. Nous sommes l’opposition à Nicolas Sarkozy, nous sommes de gauche, nous sommes ensemble, et certaines choses ne seront jamais négociables.

Dans ce chemin politique escarpé et diffi cile, il n’y aura pas de match nul. Il n’y aura pas de partie remise entre la régulation et le libéralisme, entre l’humain et le marché, entre l’égalité et l’injustice.

En politique, la partie n’est jamais nulle. Notre devoir est de la jouer ensemble, et notre devoir est de la gagner.

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OLIVIER BESANCENOT (NPA)

vidéo : http://dai.ly/dhkc6z

celles et ceux qui se demandent encore ce que je fais ici, je veux leur dire que je me sens à ma place. Je me trouve à la place qui était celle de Gérard Filoche à l’Université d’été du NPA à Port-Leucate lors de notre meeting unitaire avec l’ensemble des forces politiques et sociales. À la même place que celle qui a été la mienne et celles de beaucoup d’autres ici dans cette campagne unitaire initiée depuis le début du mois de mai, à l’appel d’Attac et Copernic, pour s’opposer à la réforme des re- traites, pour mener une campagne sociale et politique. En étant ici aujourd’hui, j’espère aussi que ce ne sera qu’une étape et que lors des prochains meetings unitaires — parce qu’il y en aura d’autres, c’est aussi un appel que je lance —, Benoît sera présent, et que le Parti socialiste dans son entier s’implique un peu plus et affi che son unité dans cette bataille sur les retraites.

On a décidé de mener ensemble cette bataille sur les retraites pour deux raisons :

D’abord parce que l’on est bien conscient que se joue dans cette bataille un rapport de forces global entre les classes sociales, et que la situation sociale et politique pour nous tous, quelles que soient nos sensibilités, ne sera pas du tout la même si, dans quelques se- maines, c’est Sarkozy qui réussit à faire passer sa réforme ou si c’est, au contraire, le mouvement ouvrier dans son ensemble — toute la gauche sociale et toute la gauche politique — qui réussit à le stop- per. Sarkozy a annoncé la couleur. Il va jouer la globalité politique sur cette réforme-là. Il y a des séquences sociales et politiques qui sont emplies de politique, parfois autant même que certaines sé- quences électorales. Je veux vous le dire fraternellement : arrêtons un peu de regarder 2012. Regardons ce qui se passe maintenant, en ce moment, dans les semaines et dans les mois à venir. La dé- faite de la droite, c’est maintenant qu’elle se joue.

Ensuite, nous sommes convaincus qu’il y a quelque chose qui a changé, même dans la campagne unitaire que l’on a initiée. Fran- chement, quand on a commencé cette campagne unitaire au début du mois de mai, on menait la bataille parce qu’il fallait la mener et qu’on se disait que la pire des défaites serait une défaite sans bagarre. La défaite morale, celle qui fait que l’on aurait fi xé nos chaussures. C’est en tout cas ce que l’on se disait au début du mois de mai. Et puis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et ce que l’on peut se dire aujourd’hui, c’est qu’on peut gagner. Je n’ai pas dit « on va gagner », ce serait bluffer. Je dis bien « on peut gagner ».

Il ne s’agit pas de se raconter des histoires, mais de jeter à la pou-

belle, une bonne fois pour toutes, tous les discours qui « puent » la défaite ! On a le droit de douter en politique, c’est même une bonne idée de savoir douter en politique. Mais une chose est de douter en politique, une autre chose est de se rallier à la résignation ambiante, au nom du doute. Et la responsabilité que l’on a toutes et tous, ce sur quoi on peut agir, c’est d’abord renforcer notre camp à tous pour ensuite affaiblir le camp d’en face. Il nous faut donc renforcer notre camp parce que cette unité sur la question des re- traites est attendue par une grande majorité d’équipes militantes dans l’ensemble du pays. Au-delà des désaccords des uns et des autres, au-delà des désaccords politiques à gauche qu’il y a eus, qu’il y a encore et qu’il y aura encore sur des sujets importants... Au- delà de ces désaccords-là, il s’agit pendant un moment d’arrêter les « conneries » et de dire que « même si l’on marche séparément, on frappe sur le même clou » sur cette question de la réforme des retraites qui touche à l’héritage commun du mouvement ouvrier.

Défendre la retraite à 60 ans à taux plein, c’est l’héritage du mou- vement ouvrier. Et c’est ce qui nous permettra de renforcer notre camp, en menant cette campagne unitaire.

Et ce que l’on peut faire en plus, ce n’est pas gagné, c’est affai- blir le camp d’en face. Affaiblir le camp d’en face parce que, do- rénavant, la crise économique s’est transformée en crise sociale, laquelle peut, à tout instant, se transformer en crise politique ma- jeure, voire en crise de régime. C’est ce que l’on sait depuis l’af- faire Woerth-Sarkozy, parce que c’est bien comme cela qu’il faut l’appeler. Affaire Woerth-Bettencourt-Sarkozy si l’on parle de justice.

Woerth-Sarkozy, pourquoi ? Je parlais, il y a deux minutes du droit à douter... : eh bien douter, c’est pas le genre de la maison Woerth, lui qui a réponse à tout malgré le nombre de casseroles qu’il com- mence à empiler. Vous l’avez, tout comme moi, entendu le 7 sep- tembre dernier : il ne pense pas à la démission. Il nous faut donc l’ai- der très fort à penser à la démission dans les jours à venir, car c’est une question de salubrité publique. Lui et son sens de l’honneur ! Il a même l’honneur facile, qu’il distribue en légion à ceux qui lui ren- dent des petits services : au gestionnaire de la fortune Bettencourt, qui embauche sa femme quand même, légion d’honneur ! A celui qui s’est occupé des comptes de campagne plus des comptes de son micro parti, légion d’honneur ! Au rythme où cela va, il va se décerner lui-même une légion d’honneur !

Je serais d’avis de lui proposer, pour le 23 septembre, que plutôt que d’intervenir le soir de la manifestation, il intervienne la veille, tant il

À

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serait très effi cace pour faire descendre deux fois plus de monde le lendemain dans la rue. Car, rien qu’en l’écoutant 10 minutes, on a 10 bonnes raisons supplémentaires de manifester.

Cette crise politique donc est profonde du côté des classes domi- nantes. Pourquoi ? Même dans l’oligarchie économique, tout le monde est pris de panique par cette crise économique qui a débu- té il y a deux ans. Et du côté des possédants, il en est tout de même qui commencent à se dire que Sarkozy n’est peut-être plus la bonne solution... à droite, pour sortir de la crise. C’est pour cela qu’il existe aujourd’hui des dissensions. Des dissensions qu’il faut savoir exploiter, utiliser. Au moment de la mobilisation victorieuse sur le Contrat Pre- mière Embauche (CPE), on avait une mobilisation dans le bas de la société, notamment des jeunes, mais qui s’ajoutait à une dissension au sommet de l’État.

Ce sont donc les deux conditions qui doivent être réunies pour rem- porter une victoire. Et c’est ce que nous pouvons potentiellement avoir dans les journées à venir. C’est pour cette raison que l’on peut encore gagner. Mais à une condition, camarades : c’est surtout de ne plus trembler. Et cela ne dépend que de notre camp. À quelques heures de la nouvelle grande manifestation du 23 septembre, il s’agit de ne pas trembler. De ne pas trembler et de tenir bon sur la retraite à 60 ans à taux plein et de ne pas commencer à nous dire qu’au nom de je ne sais quelle culture de gouvernement ou de je ne sais quelle culture de crédibilité, on ne défend plus la retraite à 60 ans à taux plein ! Ce n’est vraiment pas le moment de trembler.

L’unité, c’est aussi cela. C’est l’unité sur un contenu pour se battre et pour gagner.

Sur le fond, dans cette campagne, nous avons décidé de faire deux types d’action : essayer de donner des explications communes et essayer de tracer des perspectives. Des explications, il faut encore en donner car nous sommes face à un rouleau compresseur. Un rou- leau compresseur idéologique : chaque soir à la télévision, chaque matin à la radio, les mêmes grands experts, les mêmes analystes, les mêmes économistes... Bientôt, on aura les « experts Manhattan » qui viendront nous expliquer... mais que viendront-ils nous expliquer d’ailleurs ? Ah, oui : la population vieillit ! Et comme la population vieillit, il faut travailler plus longtemps ! Comme si cela allait de soi ! Comme s’il était logique de faire un rapprochement entre les deux ! Ils viennent aussi nous expliquer que les caisses de la Sécurité sociale sont vides, sans jamais nous dire pourquoi elles le sont ! On exonère à hauteur de 32 milliards d’euros, chaque année, les grands groupes industriels — pas les petites entreprises — pour faire, paraît-il, de l’em- ploi... Avec quel succès ! Mais, c’est cela qui crée le trou de la Sé- curité sociale.

Des experts ! Je voudrais en voir venir nous expliquer, par exemple, que s’il est vrai que la population vieillit, il est aussi vrai que l’on est beaucoup plus productif dans ce pays depuis 30 ans. Qu’un tra- vailleur est 4 fois plus productif qu’en 1960, que le taux de producti- vité horaire a augmenté de 70%. On sait d’ailleurs ce que cela veut dire au quotidien. Cette productivité n’a pas été réinvestie dans la productivité ou dans l’emploi. Elle a été volée sous forme de divi- dendes pour les actionnaires, pour la spéculation. La question qui est donc posée est celle de la répartition juste des richesses. De cette « répartition juste des richesses », qui était encore un tabou

politique, même à gauche, il n’y a encore pas si longtemps.

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) nous explique qu’il faut trouver 3% du PIB, c’est-à-dire 3% des richesses annuelles, d’ici 2050 pour fi nancer un système qui est , paraît-il, aux abois... 3%, fi nale- ment, ce n’est pas grand chose quand on les met en relation avec les 17% du PIB annuel qui partent, chaque année, sous forme de profi ts accaparés par une minorité qui ne connaît pas la crise ! C’est donc bien une question de répartition des richesses.

Des experts, on aimerait bien aussi en voir pour faire le bilan — et là, en effet, commence peut-être la discussion entre nous sur les annuités — des réformes successives sur lesquelles nous proposons, nous, de revenir. Celle de 1993 de Balladur, d’abord. Je rappelle qu’avant, les salariés cotisaient 37,5 annuités. On nous dit au- jourd’hui qu’il faudrait augmenter le nombre d’annuités ! Mais pour- quoi ? Il n’y a qu’une minorité de salariés, à l’heure où je vous parle, qui fait les 37,5 annuités ! À cause de quoi ? Des maladies profession- nelles, des plans pré-retraites, des licenciements, du chômage... Il n’y a qu’une infi me minorité de salariés qui arrive à faire les annuités qui existaient avant 1993. Et il faudrait les augmenter ? Je le répète, mais pourquoi ?

Le véritable objectif de cette réforme n’est pas là. Il tient au fait que, comme les salariés n’arrivent plus à faire leurs annuités, la seule conséquence concrète, réelle — pas imaginaire —, c’est que les pensions baissent, et baissent méchamment de 15 à 20%. Et c’est l’objectif de toutes les réformes libérales sur les retraites. C’est que la génération, visiblement ici assez représentée, de jeunes pourra toujours probablement partir à la retraite à 60 ans — si elle ne le veut pas d’ailleurs, il y aura toujours un employeur pour lui donner des coups de pompes, en disant « t’es pas productif, barre- toi » — mais avec une retraite de misère. Et on sera obligé de faire appel à quoi à ce moment-là ? Aux fameux fonds de pension que les assureurs veulent imposer depuis tant d’années, parce que le budget de la Sécurité sociale est, pour les capitalistes, de l’argent qui dort.

Et nous n’avons pas besoin d’experts, mais seulement d’une per- sonne un peu audacieuse qui poserait cette question au gouverne- ment : « S’il n’y avait pas 4 à 5 millions de chômeurs dans ce pays

— car du chômage, il y en a… des licenciements, il y en a… des suppressions d’emplois… il y en a : sont d’ailleurs présents à votre Université de rentrée des salariés de Ford-Blanquefort qui luttent pour leur emploi, cela veut donc dire quelque chose ici aussi dans cette région— , mais au contraire 4 ou 5 millions de travailleurs à temps plein, n’y aurait-il donc pas 4 ou 5 millions de cotisants ? » Les caisses de la Sécurité sociale seraient pleines à craquer et si, en plus, on augmentait nos salaires — ce qui serait là aussi une mesure de salubrité publique — elles seraient tellement pleines qu’elles en déborderaient, et personne ne parlerait, à la télévision, du fameux

« problème » des retraites !

La question qui nous est donc posée, à toutes et à tous, c’est : plu- tôt que de nous demander à l’intérieur des entreprises — pour ceux qui ont encore la chance d’y être — de travailler plus longtemps, il faudrait que l’on y travaille moins pour qu’à l’extérieur tout le monde ait un emploi. Cela s’appelle le partage du temps de travail. Il faut donc partager le temps de travail et partager les richesses.

Enfi n, il nous faudra humblement, modestement, essayer de don-

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ner des perspectives. Pourquoi ? En tant que militants, on a tous le même problème. Il y en a qui nous disent au boulot que cette ré- forme, c’est vrai, c’est de la « merde », mais comment on peut faire

? Comment on va faire pour gagner face à eux ?

À ces questions, la réponse pourrait être, en effet, de tracer des perspectives sociales et des perspectives politiques :

Perspectives sociales d’abord, parce que là, nous sommes arrivés au coeur du bras de fer. Nous ne sommes plus au moment que l’on redoutait après l’élection de Sarkozy, c’est-à-dire le moment où il allait nous déclarer la guerre, le moment où il pouvait nous dire :

« Attendez, je vais vous taper ! »... Là, il tape. Il nous a donné un lieu, une date : en septembre, au Parlement, c’est déjà fait. Il reste main- tenant le Sénat, en octobre. La question qui se pose n’est pas d’ima- giner pouvoir battre le gouvernement en dormant ou en le mena- çant. On ne pourra le battre que si nous sommes capables d’établir un rapport de forces supérieur au sien. C’est-à-dire, concrètement, si on est capable de donner à la rue — puisque c’est comme ça que cela s’appelle — un pouvoir qui est supérieur au pouvoir du gouvernement. Et la rue, chers amis, chers camarades, elle a une histoire. Elle a une tradition. Elle est capable de faire reculer bien des gouvernants : de Juppé, droit dans ses bottes en 1995 à Villepin, lui aussi droit dans ses bottes, en 2006.

Cela veut donc dire que l’on peut gagner si l’on a une stratégie de lutte et de mobilisation. Cette campagne unitaire en fait partie. À partir du 23 septembre, les questions qui nous sont concrètement posées sont : « serons-nous aussi nombreux » et « reconduisons-nous ou pas la mobilisation et la grève » ? Cette perspective-là nous est posée non pas parce qu’elle permettrait d’émoustiller quelques anti-capitalistes, mais par soucis d’effi cacité. Je me souviens d’un militant d’une inter-syndicale particulière, le NKB, Elie Demota, qui m’expliquait que, sans vouloir nous donner aucune leçon parce que ce n’est pas le genre de la maison, au lieu de faire une journée d’action tous les 15 jours, nous pourrions commencer par deux, trois journées d’action mais successives, à la suite, juste histoire de mon- trer à Sarkozy de quoi nous sommes capables. Il nous faut, en effet, être capables de trouver les voies pour une mobilisation croissante et établir un rapport de forces, un mouvement d’ensemble. Et cette mobilisation en a besoin.

Perspectives politiques ensuite. Henri Emmanuelli disait que Sarkozy gouvernait mal... Il gouverne plutôt bien pour les riches, en fait. On a une « droite décomplexée », maintenant on le sent tous. Enfi n, pour ceux qui auraient bien voulu regarder d’un peu plus près, on pouvait s’en rendre compte avant 2007. Elle est carrément décom- plexée, la droite. Elle assume son propre camp, elle défend les plus riches. Elle croit à la lutte de classes. Ce n’est plus un problème pour elle. Elle le dit ouvertement. Dans le cadre de la crise du capitalisme, et notamment celle qui a débuté il y a deux ans, les capitalistes reprennent goût à la politique. Ils reprennent goût au capitalisme, parce que ce qui leur arrive est une crise structurelle profonde, ce que Karl Marx appelait une « crise de surproduction ». Et ils savent comment nous la faire payer cette crise, à nous la masse de la po- pulation, dans les entreprises comme dans l’ensemble de la société, en mettant à mal un certain type de protection sociale, un certain type d’acquis sociaux qui ont été arrachés par les luttes engagées par nos anciens. Et ils savent, les capitalistes, qu’ils ont tout à gagner

sous le régime Sarkozy, un régime fait par et pour les plus riches — on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ! Ce régime, est, de surcroît celui de la peur. Il joue de la peur et du racisme.

Il joue de la peur en réprimant les Roms, les habitants des quartiers, les syndicalistes aussi. C’est le même régime. Et, pour les capitalistes, c’est bénéfi ce total ! Ils le savent. Mais les capitalistes sortent aussi leur nez du guidon, regardent l’Europe. Et quand ils regardent du côté de la Grèce, de l’Espagne ou du Portugal, ils savent que leurs fondamentaux n’ont pas grand chose à craindre d’une énième mouture d’alternance, même si elle venait de gauche en France.

La question est donc, au-delà des mots, d’avoir une gauche tout aussi décomplexée que la droite, une gauche qui assume le camp de l’alternative. L’alternative, cela veut dire s’adresser au prolétariat du xxie siècle, aux exploités, aux opprimés. Cela consiste à reparler de lutte de classes, à reparler d’émancipation, à ne pas tergiverser sur les mesures immédiates qu’il faudrait prendre, à ne pas parler d’augmentation du pouvoir d’achat mais de l’augmentation des salaires, à ne pas parler de régulation mais de taxation des profi ts, à ne pas parler d’humanisation de la politique d’immigration mais de régularisation de tous les sans papiers, de liberté de circulation et d’installation... Bref, une gauche qui serait prête à remettre en cause le régime Sarkozy de la peur et des plus riches et à le renverser pour mettre en place un nouveau système, un nouveau mode de production et de consommation respectueux de l’environnement, qui soit éco-socialiste, qui instaure une nouvelle répartition des ri- chesses, qui permette le contrôle par toutes et tous des richesses, la réappropriation par la collectivité, car les questions de propriété sont importantes. Ces questions-là sont signifi catives.

Je terminerai par une citation qui peut-être, nous fera méditer. C’est un texte qui a été écrit par Rosa La Rouge, Rosa Luxembourg, il y a maintenant 100 ans : « Ainsi est bouclée la boucle de l’existence du prolétaire dans la société capitaliste. Le prolétaire, c’est d’abord celui qui patiemment, consciencieusement, verse son tribu quoti- dien au capital en trimant. La moisson dorée des millions, s’ajou- tant aux millions, s’entasse dans les granges des capitalistes. Un fl ot de richesses de plus en plus imposant roule dans les banques et les bourses, tandis que les ouvriers, masse grise, silencieuse, obscure, sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu’ils y sont rentrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant aux marchés le seul bien qu’ils possèdent : leur peau ». Le capitalisme n’a pas changé.

On se connaît bien ici, maintenant. Vous le savez, on nous traite d’idéalistes lorsque l’on dit que l’on est anti-capitalistes et révolu- tionnaires. On dit que ce que l’on préconise n’est pas possible. Mais quand j’entends Nicolas Sarkozy dire qu’il peut réformer ce système- là, je me dis « Il est où le camp des rêveurs ? ». Penser que l’on pour- rait humaniser ce système qui est le système des requins, du plus riche, du plus fort... Ca, c’est bluffer la population. Ca, c’est faire passer des vessies pour des lanternes.

La question qui est donc posée à toutes celles et tous ceux qui se revendiquent de la lutte contre la dictature du capital, d’une ma- nière ou d’une autre, c’est de savoir si l’on s’affranchit une bonne fois pour toutes, en assumant notre indépendance vis-à-vis de celles et ceux qui pensent que c’est encore dans le cadre de l’économie

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de marché que cela se passe, pour donner des réponses radicales aux mobilisations sociales. Je suis bien d’accord : Résister ne suffi t pas. Mais il n’est pas non plus question qu’au nom de l’unité, et par- fois malgré nous, nous servions à nouveau de caution de gauche à une nouvelle mouture d’alternance dont personne ne veut dans cette salle. Cette discussion politique existe dans les luttes, dans les mobilisations.

Un autre révolutionnaire disait que « Le capitalisme, c’est la dicta- ture du capital sans travail ». Au cœur de cette tyrannie, il y a la question des retraites. Cela fait 150 ans que cela dure et cette cam- pagne unitaire commune pour la victoire, il nous faut la mener tous ensemble.

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PIERRE LAURENT (PC)

vidéo : http://dai.ly/ck1btk

erci de votre invitation. Je voulais dire aussi combien je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui. Nous avons l’habitude de dialoguer, de nous côtoyer dans les mo- bilisations sociales, dans les débats politiques, dans les construc- tions politiques. Je pense que ce moment politique est particulier.

Beaucoup de choses sont en jeu pour l’avenir du monde du travail, l’avenir de notre pays, l’avenir de la gauche.

Nous vivons une période d’accélération de toutes les crises. Crise évidemment du capitalisme, la plus grave que l’on ait connu. Nous sommes toujours dans cette crise et nous n’en sortirons pas, si rien ne change très profondément. À l’origine de cette crise il y a la construction d’un certain type de développement capitaliste qui fait en permanence de l’accumulation fi nancière, en pressurant les êtres humains, en organisant la prédation des ressources naturelles.

Ce système en bout de course est incapable de répondre aux défi s du xxie siècle.

La question du dépassement du système, la question de l’invention d’un nouveau type de développement humain, c’est la question du xxie siècle. Il n’y aura pas d’avenir durable pour le genre humain si nous ne sommes pas capables de dépasser ces logiques dans le siècle à venir. Cette question-là est posée à tous les hommes et les femmes de gauche, à tous ceux qui veulent inventer un avenir durable pour cette société, pour cette planète.

Cette crise capitaliste a des conséquences sociales terribles. C’est une crise qui plonge quotidiennement des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants dans la misère. Nous sommes face à d’im- menses problèmes, il y a urgence. Les gens qui souffrent veulent une réponse immédiate à leurs problèmes. La situation mondiale appelle des bouleversements considérables.

Nous pouvons parfois avoir le sentiment d’être écrasés par l’immen- sité des défi s auxquels nous devons faire face.

À la crise sociale se superpose un crise terrible du régime sarkozyste.

Sarkozy est venu au pouvoir avec la volonté d’imposer durable- ment les logiques d’une droite décomplexée. C’est un pouvoir qui est brutal, violent et qui comptait sur le fait qu’il allait éradiquer les résistances qui existent en France. Et trois ans après son arrivée — et on a trouvé ça long nous qui étions lucides depuis le début —, ce pouvoir est dans une très grande diffi culté politique. Bien sûr il se bat ; bien sûr il est décidé à ne pas lâcher, mais la confi ance a

commencé à changer de camp, le rapport de force est en train de bouger et nous sommes capables de le faire aujourd’hui reculer. Ce pouvoir est au service d’une caste fi nancière jusqu’à la caricature et jusqu’au pire. Ce qui arrive depuis le discours de Grenoble cet été n’est pas un accident. Ce pouvoir acculé a décidé d’utiliser les pires chemins de la fuite en avant sécuritaire, xénophobe, pour ten- ter d’échapper à la crise politique, jusqu’à bâillonner le parlement, qui n’est pourtant pas une assemblée de gauchistes !

Je ne suis pas ici pour faire un concours de « Monsieur plus à gauche » !

Mais il n’y a pas de sorties de ces crises-là sans rupture forte avec les logiques dominantes actuelles et cette logique est posée à toute la gauche.

L’échec du système Sarkozy est patent. Ils ont beaucoup détruit pour servir les riches, et cela peut être terrible si on les laisse faire.

Leur guerre est totale, contre les droits sociaux, les retraites. Ils cas- sent toutes les garanties collectives, tentent de mettre en pièce la norme du CDI. C’est une guerre contre les services publics, hôpital public, école, … J’étais l’autre jour dans un IUFM. Non seulement ils ont cassé la formation des maîtres, mais le nombre d’étudiants inscrits dans les nouveaux masters conduisant à l’enseignement est, semble t-il, inférieur de 30 à 40 % au nombre d’étudiants attendu.

Cela signifi e que l’on est en train de préparer la faillite de l’éduca- tion nationale parce qu’on ne forme pas les enseignants qu’il fau- drait former.

C’est une guerre contre les libertés et contre la justice. C’est une guerre contre les droits de femmes, contre les jeunes, contre ce qu’ils appellent les Français d’origine étrangère, c’est-à-dire proba- blement l’essentiel d’entre nous ici dans cette salle.

Nous avons donc à reconstruire tout ça, en menant de front deux combats urgents : stopper Sarkozy tout de suite et préparer l’alter- native politique. Nous avons besoin pour préparer l’alternative de gagner des batailles tout de suite contre Sarkozy et nous avons aussi besoin de gagner ces batailles pour préparer l’alternative.

Ces deux urgences sont posées à toutes les forces de gauche.

De ce point de vue, la bataille sur les retraites est décisive. Nous pouvons la gagner. Depuis le départ, Sarkozy pense qu’il va nous épuiser, qu’il va décourager le mouvement social. Il pensait cela

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déjà au moment des manifestations du 24 juin. Mais les gens se sont donné rendez-vous à la rentrée et le 7 septembre fut réussi malgré l’agenda défavorable. En tout cas notre devoir de militants de gauche est de dépenser toute notre énergie pour réussir le 23 sep- tembre et les futures mobilisations qu’il faudra sûrement continuer dès le 24 au matin.

Le combat sur la retraite à 60 ans est particulièrement juste. On nous a beaucoup bassiné avec l’espérance de vie. Parlons-en.

L’espérance de vie en bonne santé est de 63 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes. Et comme le dit Gérard Filoche, dans les meetings retraites, c’est entre 60 et 65 ans que l’on vit les plus belles années de sa retraite. Et c’est ce que la droite veut voler aux gens. Dans cette bataille, nous ne défendons pas seulement une conquête sociale mais une autre conception de la vie. D’ailleurs, si on les écoute, on voit bien qu’ils n’ont pas changé de concep- tion depuis le xixe siècle, et que si on les laissait aller au bout, on recommencerait à travailler à 14 ans et on fi nirait de bosser à 67 ans. Nous pensons autrement l’avenir de la civilisation : se former 20 ans, bosser 35 ou 40 ans et vivre 15 ou 20 ans de sa retraite dans de bonnes conditions.

Et qu’on arrête de nous dire que cela n’est pas possible, car oui : on peut faire cotiser les revenus fi nanciers et pas seulement les taxer à la marge. Les revenus fi nanciers qui échappent à toute cotisation au système de retraite représentent 260 milliards d’euros en 2008 en France. Il est possible de remettre en cause les politiques d’exonéra- tion de cotisations sociales, des dizaines de milliards d’euros chaque années. Ces politiques d’exonérations de cotisations, parfois me- nées par la gauche, ne permettent pas de résoudre le problème du chômage, favorisent les gâchis fi nanciers et ne sont pas effi caces.

Nous pouvons déployer des politiques d’emplois de bonne qualité pour tous, nous pouvons moduler les cotisations sociales pour les rendre favorable à l’emploi.

Nous assumons le choix de diriger une part croissante des richesses vers le bien-être des êtres humains. Sanofi Avantis va faire une OPA sur un groupe américain pour 14 milliards d’euros : c’est le 1/3 du besoin pour les retraites. 40 milliards de profi t au 1er semestre 2010 pour les entreprise du CAC 40, le double de l’année 2009… Ils sont déjà en train, eux de sortir de la crise. En 25 ans, le montant des divi- dendes versés aux actionnaires a été multiplié par 13 pendant que le salaire moyen était seulement multiplié par 2.

Ils ont organisé un hold-up massif sur les richesses que nous créons avec notre travail. C’est en combattant cette accumulation fi nan- cière accumulée contre les salaires que l’on retrouvera le chemin d’une réelle sortie de crise.

Il faudra aussi construire l’alternative politique. C’est le devoir des forces de gauche. Sans cela, elles affaibliraient le mouvement so- cial. Pour se battre, les gens ont besoin d’espoir politique, de voir où nous voulons les conduire et comment nous voulons avancer.

Je lisais en venant une interview de François Hollande. Il nous dit que la gauche doit élever le niveau, soit. Mais pas si c’est pour plaider aussitôt les contraintes et pour dire que si nous retournons au gou- vernement, nous ne serons pas capables d’améliorer les choses à la marge. A contrario, nous avons besoin d’avancer dans le sens d’une révolution sociale contre le pouvoir des marchés fi nanciers, d’avan-

cer dans le sens d’une maîtrise publique sur les banques. Il faut chan- ger la fi scalité dans ce pays, pour taxer réellement le capital. Il faut reparler de la question européenne, car si nous ne changeons pas la construction actuelle, si la France n’est pas à l’initiative, nous ne pourrons pas y arriver.

Il faut reparler d’investir dans la production solidaire et dans les ser- vices publics, contre toutes les logiques de marchandisation ou de privatisation. Il faut réinvestir dans les salaires. Il nous faut une révo- lution démocratique et citoyenne contre la monarchie sarkozyste et patronale. Si nous revenons au pouvoir nous devrons donner d’avantage de pouvoir aux syndicats et aux travailleurs dans les en- treprises pour peser sur les réelles décisions de gestion.

Il faudra une révolution de nos modes de vie contre la logique de profi t qui nous aliène.

Saurons-nous avoir ce débat de fond dans les mois qui viennent.

Je crois que nous sommes attendus par le pays sur cette question.

Le spectacle du bal des présidentiables, à droite comme à gauche, n’a aucun intérêt. Il faut ramener les débats sur les questions de fond, alors que tout va être fait pour le confi squer aux citoyens.

La compétition interne aux formations ou entre nous ne suffi ra pas à dénouer le problème. Si ceux qui regardent le spectacle poli- tique actuel, si les citoyens qui sont dans les mobilisations sociales, ne se mêlent pas du débat, nous ne sortirons pas de la crise. Il faut donc rendre populaire le débat sur l’alternative politique, il faut que l’énergie du mouvement social féconde le débat politique. J’ai ap- pelé cela le pacte d’union populaire au Parti Communiste. Nous de- vons construire publiquement le contrat citoyen, le contrat collectif sur lequel la gauche va gouverner. Le problème n’est pas de savoir ce que pense Martine Aubry ou Pierre Laurent sur la retraite à 60 ans, mais de savoir ce que pensent la majorité des gens qui sont dans la rue et qui doivent contribuer au projet porté par la gauche.

Je réfute la thèse des deux gauche irréconciliables. La question est de savoir où sera en 2012 le centre de gravité de la gauche. Comp- tons sur le peuple pour cela, car nous l’avons vu en 2005, le débat populaire n’est pas seulement entre les formations politiques.

C’est pour cela que nous avons initié le Front de gauche. C’est pour nous une démarche ouverte, collective, qui doit aider le peuple à devenir l’acteur conscient de la transformation sociale et non le spectateur défi ant de la comédie politique.

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BENOÎT HAMON

vidéo : http://dai.ly/ab6anh

est un immense honneur, pour Henri et moi-même, d’accueillir Pierre, Olivier et Jean-Vincent à cette tri- bune pour évoquer la bataille des retraites. la bataille que nous avons, aujourd’hui, engagée contre la droite doit nous encourager à nous rassembler dans le respect de nos différences pour essayer de trouver des solutions pour redresser ce pays et nous sortir de la crise.

Cette bataille des retraites — et vous avez chacun insisté sur ce point — peut, bien sûr, faire reculer le gouvernement et nous devons prendre les étapes les unes après les autres. Il n’est pas question pour nous d’enjamber le 23 septembre pour considérer que la ré- forme des retraites se joue en 2012. La réforme des retraites, le retour à la retraite à 60 ans ou, en tout cas, le maintien de la retraite à 60 ans se joue d’abord le 23 septembre prochain et dans la mobilisa- tion qui suivra le 23 septembre. Il n’est pas question pour nous de penser que ce gouvernement a d’ores et déjà gagné parce qu’à l’Assemblée nationale, dans les conditions que l’on sait, au mépris et de la Constitution et du règlement intérieur, le Parlement a fait vo- ter cette réforme en première lecture. Nous avons de la mémoire. Et nous nous souvenons que la dernière grande victoire de la gauche qui a fait reculer le gouvernement, le CPE, est intervenue après que le gouvernement a fait voter cette loi à l’Assemblée et au Sénat. Ce qui montre que nous pouvons aussi le faire reculer sur la réforme des retraites et qu’il est essentiel de nous consacrer aux étapes, les unes après les autres... La première d’entre elles, c’est le 23 septembre.

Il nous faut saluer la formidable énergie des Français. Ils ont été l’ob- jet d’une campagne de conditionnement comme on en a rare- ment connue depuis de longues années. Ils sont saoulés, assommés de coups tous les jours. Dans leurs conditions d’existence de salariés, de retraités, de pères ou de mère de famille, ils sont matraqués tous les jours. Le pari du gouvernement, c’est qu’à force de remettre en cause les droits, le droit au travail, la protection contre la maladie par les déremboursements, qu’à force de remettre en cause les services publics, les Français groggy de coups, renvoyés dans les cordes, abandonneraient prêts à recevoir le coup ultime sans se battre.

Ce qui est frappant dans cette campagne sur les retraites, c’est de voir comment le gouvernement, de même qu’un certain nombre d’observateurs ou d’expert, parlent au nom de la vérité ! « La vé- rité commande de dire qu’il faut reculer l’âge légal de départ à la retraite », déclare François Fillon. « Ce serait un mensonge de pré-

tendre que l’on peut faire autrement », peut-on lire dans Le Monde, etc… Et comme ils pensent parler au nom de la vérité, ils ne négo- cient pas, parce que l’on ne négocie pas ce qui est vrai ! Parce que l’on ne négocie pas la vérité ! C’est ainsi qu’à travers un travail de conditionnement de l’opinion publique, des Français, ils ont fait le pari de la résignation. Ils ont parié que les Français ne se lèveraient pas, qu’ils ne s’opposeraient pas à cette réforme et qu’ils abandon- neraient ces droits si chèrement acquis par le passé.

La retraite, c’est bien plus qu’un acquis social. C’est un bien com- mun. Oui, la retraite à 60 ans, c’est un bien commun.

Nous devons donc, aujourd’hui, nous battre pour ce bien commun, avec toute l’énergie qu’appelle la défense d’un droit aussi fonda- mental.

Les arguments du gouvernement sonnent comme des « arguments d’autorité ». Il nous explique qu’il faut passer de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans ; que la vérité commande de faire cette réforme puisque tous les autres pays européens l’ont fait. Et de convoquer Zapatero l’Espagnol, les Allemands, pour illustrer l’idée que la France est un pays de privilégiés avec cette retraite à 60 ans. Or, en France, la re- traite à taux plein est à 65 ans; eh bien, en Allemagne comme en Es- pagne, la retraite sans décote est également à 65 ans. Nous avons donc une situation équivalente en termes de retraite à taux plein.

Mais ce que se gardent bien de dire pas ces savants et ces pro- phètes qui parlent au nom de la vérité, c’est qu’en Espagne ou en Allemagne, le nombre d’annuités requis pour partir à la retraite à taux plein, ce n’est pas 41 ni 41,5, c’est 35 annuités.

Ce qu’ils se gardent bien de dire, c’est que si la question est dé- mographique, en France le taux de fécondité est de 2 quand, en Allemagne ou en Espagne il est de 1,4 ! Ils devraient donc, en théo- rie, avoir des problèmes démographiques plus importants que nous.

Ce qu’ils se gardent bien de dire aussi, c’est que, malgré ce taux de natalité moins élevé que le nôtre, l’Allemagne et l’Espagne passe- ront de 65 à 67 en 2029, alors que le gouvernement français prévoit de passer à 62 ans et à 67 ans dès 2016.

On voit donc bien qu’en réalité aujourd’hui, le salarié français n’est pas un privilégié. Au contraire, sa situation vis-à-vis de la retraite est plus précaire que celle de ses voisins allemands et espagnols, et qu’elle le sera encore plus après cette réforme qui est une réforme

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de régression sociale. On peut l’appeler réforme. La réforme, c’est le mouvement. Le mouvement n’est pas forcément un progrès ; il peut être aussi une régression. Et aujourd’hui, dans ce pays, le mot

« réforme » est synonyme de régression sociale.

Autre vérité : le gouvernement prétend que, pour la première fois, il va agir sur la pénibilité. Il nous faut lui rappeler certaines choses : instaurer la retraite à 60 ans, c’était une manière de tenir compte de l’espérance de vie beaucoup plus courte des ouvriers. Les premiers à avoir intégré la notion de pénibilité, notamment celle du travail des ouvriers de ce pays, ce sont ceux qui ont fait la retraite à 60 ans ! Là aussi, regardons la situation de nos voisins . En Allemagne, grâce aux conventions collectives, 160 000 salariés par an partent à la retraite avant l’âge légal de départ à la retraite, en raison de la pénibilité de leur travail. Même dans l’Italie de Berlusconi, un dispo- sitif permet à 1,4 millions de salariés de partir avant l’âge légal de départ à la retraite, avec un taux plein, en raison de la pénibilité de leur travail. Aujourd’hui donc, beaucoup de pays vont bien au-delà de ce que fait la France. Et quand on regarde de quelle manière la pénibilité est prise en compte dans le débat sur les retraites en France, c’est-à-dire à travers le constat d’une invalidité et non pas à travers l’impact du travail sur l’espérance de vie, on voit bien que, là encore, on est dans un marché de dupe. Ils assènent des arguments d’autorité au nom de la vérité, mais nous savons bien que cette vérité n’est qu’une pure fi ction qui sert un projet politique, celui des libéraux mis en œuvre par les conservateurs. Et je regrette vraiment que ces arguments servent de postulats, ou en tout cas, de bases et de « faits objectifs » à un certain nombre d’observateurs, de grands journaux qui considèrent aujourd’hui que ce serait un mensonge

— comme l’a dit le journal Le Monde — de prétendre que l’on peut ne pas faire reculer l’âge légal du départ à la retraite sans mettre l’État en faillite.

Non, ce n’est pas un mensonge. Ce qui est un mensonge, c’est de considérer aujourd’hui qu’il faille forcément reculer l’âge légal, qu’il faille forcément allonger la durée de cotisation, là où nous savons que nous pouvons bâtir un système solide par répartition qui soit adossé à une durée de cotisation normale et à la retraite à 60 ans.

Pourquoi sommes-nous arrivés à cette situation ? Il nous faut consta- ter une chose qui me heurte en tant que militant : c’est comme si la marche du progrès social avait été interrompue. Et ceci depuis de nombreuses années. C’est comme si le progrès économique et le progrès des techniques ne pouvaient plus permettre le progrès so- cial. On a constaté que, dans les trente dernières années, le pouvoir d’achat avait augmenté tout comme le produit du revenu dispo- nible ainsi que le salaire moyen. Mais depuis maintenant une dizaine d’années, on ne demande aux salariés que des sacrifi ces, on leur demande de se serrer la ceinture. Notre pays continue de s’enri- chir, nos partenaires s’enrichissent, le progrès économique à travers l’évolution du PIB se poursuit, le progrès des techniques aussi, mais la marche du progrès social est interrompue.

Savez-vous, par exemple, qu’aux États-Unis, première puissance économique, on constate pour la première fois une baisse de l’espérance de vie des Américains, en raison de maladies liées à la « mal bouffe », de maladies liées à l’isolement, à la solitude, à l’exclusion, à l’obésité. On peut donc être la première puissance

économique, accueillir les plus grands chercheurs du monde, col- lectionner les prix Nobel, avoir 30 de ses universités classées parmi les 50 premières universités mondiales et voir l’espérance de vie de ses citoyens diminuer. Le progrès + le progrès technique cela ne fait plus le progrès social.

Et en France, quelle est la situation ? Quelle est la nouvelle réalité sociale ? C’est ce que l’on appelle le déclassement. Qu’est-ce que le déclassement ? Je sors des études avec un diplôme et j’occupe un emploi qui ne correspond pas à ma qualifi cation. J’ai un emploi, je le perds, je suis obligé d’accepter un statut et donc un salaire infé- rieur à l’emploi que j’avais avant. Je me projette dans la vie, j’aspire à accéder à la propriété d’un logement, je suis obligé de repousser ce projet parce que je n’ai plus les moyens d’acheter comme mes parents. Je consommais dans des grandes surfaces, je suis obligé, parce que mon salaire a été bloqué, de me diriger vers l’économie low cost et donc d’aller dans les supermarchés low cost .Voilà la réalité sociale du déclassement. Aujourd’hui, existe cette perspec- tive concrète : on peut, dans un pays qui s’enrichit, vivre moins bien que ses parents.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Jaurès disait : « La Répu- blique, c’est la souveraineté du citoyen dans l’ordre politique, il faut conquérir la souveraineté du salarié dans l’ordre économique et dès lors que le salarié aura conquis la souveraineté sociale, dès lors que le salarié aura conquis la souveraineté dans l’ordre économique, il aura les moyens de ne pas admettre d’être réduit au servage et au silence ».

Pendant un siècle, grâce aux luttes du mouvement ouvrier, grâce aux luttes sociales, les salariés ont progressivement conquis des droits. Mais les protections étaient liées au statut et au travail. Or la conséquence directe de la mondialisation de l’économie, la consé- quence directe de la fi nanciarisation de l’économie, c’est la remise en cause des statuts et des protections liées au travail. Le déman- tèlement progressif dans notre pays du droit du travail, la pression à la baisse du coût du travail font qu’aujourd’hui, on nous appelle à changer de système, à passer d’un système par répartition fi nancé par les cotisations sociales à un système qui garantirait par réparti- tion un minimum contributif et à côté un système par capitalisation.

Nous sommes donc dans une situation où les salariés voient la re- mise en cause de leurs droits dans l’ordre économique parce qu’ils ont perdu de la souveraineté aussi dans l’ordre politique. La consé- quence de la mondialisation et de la fi nanciarisation de l’écono- mie, c’est que nos économies, plus que jamais, sont soumises à la concurrence fi scale et sociale. La pression à la baisse du coût du travail est partout.

Dès lors, donc, que notre pays, en conscience, a concédé des trans- ferts de souveraineté à l’Europe, à des cadres qui sont de moins en moins démocratiques et qui, eux-mêmes, concèdent des formes de souveraineté à des instances multilatérales telles que l’OMC, c’est le pouvoir du citoyen à maîtriser sa propre vie et le destin collectif de la Nation, de la République qui s’est amoindri.

Nous ne disons pas qu’il faut rapatrier le pouvoir qui est celui de l’Eu- rope vers la Nation. Nous disons qu’il faudra démocratiser l’Europe, qu’il faudra faire en sorte que le salarié retrouve sa souveraineté dans l’ordre politique... ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et j’insiste

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