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FIMEMCANADA
LE OUEHEC ET LA
PEDAGOGIE FREINET
par
M. Ed. BERTRAND
Le Québec (6 millions d'habitants sur 20 millions de Canadiens) reste le bastion de la langue française sur le conti- nent américain.
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Nous pouvons utiliser ce terme de stra- tégie militaire pour parler de la situation des Québécois pour qui la langue française - qu'ils défendent jalousement - est la condition même de la permanence de la personnalité de leur province.
Dans le cadre des accords culturels conclus fln 1965 entre le Québec et la France - et dont l'objet principal est l'échange d'enseignants - l'Ecole Moderne de la pédagogie Freinet a été appelée par les autorités québécoises à participer à l'él.<!- boration d'une nouvelle pédagogie.
Référence a souvent été faite à l'œuvre de Freinet et de ses camarades dans le
« rapport de la commission royale d'en- quête sur l'enseignement dans la province de Québec » dit «rapport Parent », et aussi dans les recommandations édictées par le ministère de l'Education.
Au cours du premier trimestre 1966 à Dorval, près de Montréal, un stage de formation de moniteurs et d'éducateurs a été organisé - conséquence immédiate des accords culturels - avec la partici- pation d'enseignants français appartenant aux CEMEA et à l'Ecole Moderne.
Les stagiaires de Dorval devinrent, au cours de cet été, les animateurs de stages de formation (SEMEA) dont on peut, aux dernières nouvelles, affirmer le grand suc- cès.
Parallèlement à cette activité animée par le ministère québécois, des initiatives privées sont venues témoigner du foi- sonnement des recherches en matière d'éducation et de l'intérêt, de la curiosité des Canadiens pour tout ce qui touche l'enseignement et sa réforme.
Ainsi, l'Université Laval de Québec, dans le cadre de sa Faculté des Sciences de l'Education, dont André Paré est le res- ponsable du département de l'éducation élémentaire, avait pris l'initiative d'un
«stage Freinet>> qui s'est déroulé au cours du mois d'aoOt. Animé par une équipe d'enseignants canadiens et par huit de nos meilleurs militants, le stage a été
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l'occasion d'exposer au Québec la somme de nos expériences.
Autre initiative : celle de la Commission Scolaire Régionale des Laurentides dont le responsable est M. Rey. Un stage des- tiné aux maîtres de la région a été animé par six autres militants Ecole Moderne.
Au cœur même de la « Révolution Tran- quille » qui anime le Québec - et que le retour au pouvoir de l'« Union Natio- nale» n'a pu remettre en cause- se trouve le problème de l'Ecole. C'est là un fait mondial extrêmement important : la ré- volution par l'école el par l'éducation ...
Si proche des USA, le Québec réagit : d'un côté, c'est l'échec incontestable d'une détestable éducation à l'américaine el de l'autre, les expériences et les tenta- tives de l'École Moderne française.
L'Ecole canadienne sera avant tout ca- nadienne. Il reste aux éducateurs qué- bécois à la construire en parlant des élé- ments que nous offrons et qu'ils adapteront à leur culture, à leur milieu, à leur société.
Nous pouvons avoir entière confiance en leur «adaptation ». Notre bonne camarade, Colette Noël, depuis plus de dix ans, avait dans son école mené la lutte pour une pédagogie meilleure, et c'est mainte- nant pour elle une bien plus vaste aventure qui commence, quand l'ensemble des éducateurs québécois se voient sensi- bilisés· à toute l'éducation nouvelle.
Dès maintenant, nous pouvons noter ici l'enrichissement que nous avons trouvé au cours de ces stages, à ces contacts, à la découverte d'éléments qui chez nous ont moins de relief et d'influence (psy- chologie de groupe), dans un monde si étonnant el différent malgré la commu- nauté de langue.
Mais nous y avons aussi vérifié encore une fois la valeur de nos expériences : nos solutions sont valables.
La pédagogie québécoise s'est engagée sur la voie de l'expérience, dans un climat pédagogique de création, de recherche des contacts et d'échanges, et de remise
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en cause permanente et profonde de tout ce qui existe déjà.
Une pédagogie coopérative est mise en avant el recommandée par le Ministère et les autorités universitaires : la mise en place recommandée dans un même établissement d'une équipe d'enseignants adoptant une même technique pédago- gique el soucieux avant tout d'efficience est un fait essentiel dont il faut suivre avec intérêt la réalisation.
Aussi, l'un des nôtres, éducateur français, Francis Etienne et son épouse, sont restés là-bas pour participer à l'équipe volante qui, à l'appel des· équipes coopératives, pourra aider à parfaire chaque expérience.
Sur place, lors de notre séjour, nous avons pu tenter de créer les liens qui, entre les différents groupements se rattachant à l'Education nouvelle (l'Association Qué- bécoise pour l'Ecole Active, l'Université de Montréal, les SEMEA, l'Université Laval, quelques écoles privées laïques, etc ... ) feront promouvoir une pédagogie ouverte.
Signalons 1c1 l'aide essentielle offerte par le Syndical des Instituteurs Québécois qui met les pages de sa revue à la dis- position des productions enfantines et des relations d'expériences.
Ainsi, un bureau organisant la correspon- dance interscolaire dans la province du Québec pourra être créé. Des relations pourront être organisées avec la France. Ceux qui s'y intéressent peuvent écrire dès maintenant à Etienne qui leur donnera tous les renseignements nécessaires.
(Etienne Francis - 3363 Montpetit - App. 2, Ste-Foy, Québec 10 - P.Q.)
Une Gerbe enfantine québécoise verra le jour.
Une graine est semée. Reste aux éduca- teurs québécois à surveiller la récolte.
Cette approche de l'Ecole Moderne pourrait se dégager en filigrane d'un texte libre écrit par un stagiaire de l'Université Laval de Québec que nous publions ici.
M. Ed. BERTRAND