Elisabeth
LÉCRIVAIN,
G.JANEA
UINRA
Unité
d’Ecodéveloppement
BP 91
84140 Mon tfavet
*INRA
Institut de Recherches
sur les
grands
MammifèresBP 27
31326 Castanet-Tolosan Cedex
Mortalité néonatale
d’agneaux nés
en plein air
sans aide de l’éleveur
En plein air, le taux de mortalité des agneaux nés
sansaide de l’éleveur est
deux à trois fois plus élevé que celui des agneaux nés
enbergerie. Cette
mortalité n’est pas seulement due à des
causesphysiques et biologiques d’origine animale
ou auxconditions météorologiques rigoureuses. Dans
cette situation de quasi liberté, le comportement des mères est
unfacteur important de mortalité des nouveau-nés.
L’agnelage
enplein
airintégral
pose le pro- blème de la survie desjeunes puisque
selonShelley (1970), Knight
et al(1979)
etSykes (1982),
le taux de mortalité des agneaux atteint 25 à 45 % à deux mois, avec 40 à 80 % de mor- talité au cours despremiers jours
de vie desagneaux
(De
Ricke 1982, Duchet-Suchaux1982). L’importance
de ce taux de mortalité estgénéralement imputée
aux conditions climati- ques, sansqu’il
soit tenucompte
ducomporte-
ment de la mère. Ainsi, la
majeure partie
des pertes au cours despremières
48 heures estattribuée aux
rigueurs météorologiques (Alexander
1966, Obst etDay 1968)
ou à lapré-
dation(Alexander
et al 1967,Rowley 1970).
Or,en
plein
air, les mises bas non assistées par l’éleveur sontfréquemment précédées
d’unephase préparatoire
d’isolement et de recherche d’abri(Leclerc
et Lécrivain 1979, Lécrivain etJaneau 1987).
Une desquestions
est de savoir dansquelle
mesure ce comportement de la mère avantl’agnelage
influence le taux de mor-talité des nouveau-nés. Les seuls auteurs
qui soulignent
des troubles ducomportement
desmères
agnelant
enplein
airrapportent
des pro- blèmes consécutifs à une mise bas difficile(Alexander 1960)
ou un désintérêt pour lejeune (Arnold
etMorgan 1975),
cescomporte-
ments étant observés avec des
charges
animalessupérieures
ouégales
à 45 brebis par hectare.Quant
aux auteursayant
étudié les causes mor-talité dans des situations
d’élevage extensif,
ilsl’ont fait à
partir
des seules données issues de l’examen des cadavres des agneaux et consta- tent uneimportante
mortalité par inanitionsans
pouvoir
déterminerl’impact
ducomporte-
ment de la mère
(Rowley
1970, Houston1977).
Nous avons donc cherché à
dégager quelle pourrait
être l’influence du comportement de la mère dans des conditionsd’élevage
à caractèreextensif
(c’est-à-dire
dans des milieux peu pro-ductifs,
soumis à unchargement
animal infé-rieur à 5 brebis par
hectare)
afin dequantifier
la
part
de mortalitéimputable
à l’état des ani-maux et celle
imputable
à leur comportementet à l’environnement.
1 / Conditions expérimentales
Cette étude a été réalisée dans le Sud de la France sur le
plateau
du Causse du Larzac, à 800Résumé -
L’agnelage
enplein
airintégral
a été observépendant
4 années dans untroupeau
d’unecinquantaine
de brebis Lacaune élevées sur le Causse du Larzac(Aveyron).
Letaux de mortalité des agneaux à 48 h s’élève à 24 %. Dans ces
conditions,
33,5 % de cette mortalité sont attribués à des causesphysiques
oubiologiques
relatives auxmères et aux
nouveau-nés,
38,5 % aucomportement
des mères et 12 % auxrigueurs
des conditionsmétéorologiques,
16 % des causes de mortalité restent inconnues.Parmi les 38,5 % des causes de mortalité dues au
comportement
desmères,
le non iso- lementpre-partum
occasionne 7 % demortalité ;
cette cause de mortalité affecteplu-
tôt les agneaux des femelles
primipares qui, s’éloignant
en moinsgrand
nombre que les femellesmultipares
pour mettrebas,
sontdérangées
par laprésence
dutroupeau
au moment de la reconnaissance de leur agneau. Par contre, le
comportement
d’isole-ment expose les nouveau-nés à la
prédation
et/ou favorise leurdisparition,
provo-quant 5 % de mortalité. Cette cause de mortalité affecte
plutôt
les agneaux nés de femellesmultipares (puisqu’elles
s’isolentplus
que les femellesprimipares)
ainsi queceux des
portées
doubles. Enfin 26,5 % de la mortalité due aucomportement
desmères résultent de troubles de
comportement
maternelqui
conduisent aurejet-aban-
don des nouveau-nés ; cette cause de mortalité concerne 8 fois
plus
les agneaux des femellesprimipares.
La mortalité moyenne due aux conditions
météorologiques
est de 12 %. En fait ce tauxde mortalité est très
variable,
il fluctue selon les années en fonction des aléas climati-ques entre
0 et 27 %.Ainsi,
même sipar vent fort (
33 m/s), plus
de la moitié des brebisse
réfugient,
pour mettre bas àl’abri,
dans des zonesarbustives,
cette utilisation d’abris ne suffit pas àprotéger
les nouveau-néslorsque
ce vent fort estaccompagné
depluies
intenses. C’est ainsi que le taux de mortalité dû auxintempéries triple
lesannées où sont réunies un maximum de conditions
climatiques rigoureuses.
m
d’altitude,
au domaine IN1ZA de LaFage (Avey- ron).
Le mêmetroupeau
y a été observé durant lespériodes d’agnelage
de 1976, 1980, 1981 et 1982.1.
1
/ Le troupeau
Le
troupeau
a été constitué en 19 72 pour la pro- duction deviande,
àpartir
de brebis issues d’untroupeau
laitier. Il estcomposé
en moyenne pour les quatre années d’étude par 49 individus dont 82 % de femelles adultes. Tous les animaux, derace Lacaune, sont nés sur parcours
excepté
en1976 où il reste 6 brebis
originaires
dutroupeau
laitier.Depuis
sa constitution, letroupeau
est conduit enplein
airintégral
avec unecharge
ins-tantanée de 1,9
brebis/ha
au moment des obser- vations de 1976(parc
de 30ha)
et 3,8brebis/ha
en1980,1981 et 1982
(parc
de 12ha).
Les animaux senourrissent à
partir
de lavégétation
surpied
etreçoivent
encomplément, pendant
lapériode d’agnelage,
du foin(1 kg
brut/brebis/jour)
et del’orge aplatie (300
g brut/brebis/jour).
L’eau estfournie à volonté par une citerne située à
l’opposé
du lieu de distribution des
aliments,
defaçon
àinciter les animaux à utiliser tout
l’espace
mis àleur
disposition.
Lepic d’agnelage
a lieu en avril.Les mises bas s’étalent en moyenne sur 3 semaines
(fécondation
en luttenaturelle).
Latonte a lieu en
juillet, après
le sevrage.Parmi les 196 brebis
présentes
au cours de ces quatrepériodes
156 dont 124multipares
et 32pri- mipares
ont donné naissance à 266 agneaux.1.
2 / Conditions climatiques
Le climat à
l’époque
del’agnelage
est celuid’une
région
de moyenne altitude sous influenceconjuguée atlantique
et méditerranéenne.Durant cette
période,
lestempératures
minimalesj ournalières
varient entre - 3,5&dquo; C et + 9, 5° C et lestempératures
maximalesjournalières
entre 0° Cet + 27,5° C. Le
régime
des vents est leplus
sou-vent d’Ouest ou de Nord-Ouest et leurs vitesses
dépassent
souvent 3 m/s(11 km/h).
Lesprécipita-
tions sous forme de
pluie atteignent
selon les années 21 à 127 mmrépartis
sur 3 à 16jours
avecau maximun
2 j
ours deneige
parpériode
de misebas. Les
principales
variationsclimatiques
inter-annuelles sont
précisées
dans le tableau 1.Ces données
météorologiques
recueillies sur le domaineexpérimental
ont étécomplétées
sur leterrain par des mesures à
proximité
immédiate des animaux(température, hygrométrie,
vitesseet orientation du vent,
appréciation
du couvertnuageux).
1.
3
/ Milieu végétal
La
végétation
est celle d’une landetypique
des milieux de Causse. Elle se caractérise par un cou- vert herbacé dominant et une strate arbustiveoccupant
7 à 48 % de la surface totale. Ils’agit
essentiellement d’arbustes àfeuillage persistant (buis
etgenévrier)
avecçà
et là desbosquets
d’ar-bres et d’arbustes à feuilles
caduques (noisetier
etprunelier). ).
2 / Méthodes
2.
1 / Observation des animaux
Les animaux ont été suivis par observation directe sur un total de
80 j ournées.
Toutes les bre-bis,
numérotées sur lesflancs,
ont été individuel- lementrepérées
à raison d’une localisation toutes les deuxheures,
du leverdu jour
à la tombée de la nuit(de
5 h à 19 hGMT),
de manière à suivre leuréventuel isolement par
rapport
autroupeau (iso-
lement
= éloignement
du groupesupérieur
à 50mètres).
Leurposition
et leur activité(pâturage,
repos
debout,
reposcouché, déplacement)
ontété directement transcrites sur une carte au
1/1000°. A
chaque pointage
toutes les brebis étaient observées attentivementquelques
ins-tants afin de
repérer
des traitscomportementaux pouvant correspondre
àl’approche
d’une misebas
(tendance
às’éloigner, fréquence
élevée dechangements de position...). Les
agneaux, identi-fiés et
pesés plus
de deux heuresaprès
leur nais-sance de
façon
à cequ’il n’y
ait pas d’intervention humaine au début de la mise enplace
du lienmère-jeune,
ont étépositionnés
en même temps que les brebisjusqu’à
leurintégration
au trou-peau soit entre 2 et 72 heures
après
leur nais-sance.
2.
2 / Diagnostic de mortalité
Quand
un agneau mort étaitretrouvé,
cequi
ne futpeut-être
pastoujours
le cas, il était soumis àun examen
systématique
externepuis
interne.Tout d’abord nous examinions l’état du corps selon la méthode décrite par
Rowley (1970)
afinde
repérer
d’éventuelles traces résultant de l’atta- que d’unprédateur.
Puis nousprocédions
à l’au-topsie
afin de vérifier l’état desprincipaux
organes internes
(appareils respiratoire
etdiges- tif). Quand
noussupposions
que la mort du nou-veau-né
pouvait
être liée à une insuffisance nutri-tionnelle,
nous examinions l’état et le fonctionne- ment des mamelles des mères concernées ennotant la
présence
suffisante ou non de lait. En 1976, les causes de mortalité n’ont pu, dans 10 cas sur 27, être déterminées. Aussi àpartir
de 1980,avec l’aide d’un vétérinaire, nous avons amélioré notre méthode de
diagnostic
en suivant celle deCedraz de Oliveira
(1978),
c’est-à-dire enportant
une attention
particulière
au tissuadipeux
brunpérirénal qui,
se catabolisant au cours de la ther-mogénèse, permet
de suivre l’état des réservesénergétiques
du nouveau-né(Portet 1983).
Ainsiles causes de mortalité ont pu être identifiées dans tous les cas les années suivantes
(1980, 1981, 1982).
3 / Résultats
__ _____
3.i / Bilan global de la mortalité
Le taux de mortalité a été calculé à
partir
du comptage des agneaux morts oudisparus (morta-
lité observée par défaut : certaines
disparitions
àl’intérieur de
portées
doubles outriples
au coursd’un
agnelage
nocturne pouvant ne pas avoir étérepérées) auxquels
ont étéajoutés
les agneaux sauvés par l’intervention du techniciend’élevage
echargé
de la conduite du troupeau(mortalité
cor-rigée).
Celui-ci est intervenusystématiquement
sur les
portées triples
en conduisant dans uneunité d’allaitement artificiel 2 agneaux sur 3
(ceux jugés
lesplus faibles).
Ainsi le taux de mor-talité des agneaux à 48
h,
calculé sur les trois types deportées (simple,
double ettriple),
s’élèveà 23 % pour la mortalité observée et 30 % pour la mortalité
corrigée (tableau 2).
L’analyse
des causes de mortalité n’a été réali-sée que sur la mortalité observée des
portées
sim-ples
et doubles(le
techniciend’élevage
étantintervenu sur les
portées triples).
Celle-ci s’élève à 24 % soit 57 cas de mortalitéenregistrés parmi
les 236 agneaux nés dans ces deux types de por- tées(tableau 3).
La
mortalité
à 48h
a été de 24
%
en moyenne sur les 4 ans. Le
comportement des brebis
est àl’origine
de
plus
du tiers de cettemortalité.
L’isolement a un
effet favorable dans la mesure où il évite
au
couple
mère-jeune d’être dérangé par le troupeau,
mais aussi un effetnéfaste
puisqu’il
favorise la
disparition
desagneaux ou
leur attaque
par desprédateurs.
Un tiers de la mortalité observée est due à des
causes
physiques
oubiologiques d’origine
ani-male,
non directement liées à leur comportement(33,5 %).
Ces causes sont relativement aisées à identifier et à attribuer soit à l’état de la mère :dystocie, problème
deproduction laitière, hyper- trophie
mammaire(28 %)
soit à l’état du nou-veau-né : accidents à la naissance, malformation/
manque de vitalité
(5,5 5 %).
L’étudeportant
sur les pertesprécoces
n’a montré aucune mortalitéd’origine microbienne,
virale oumétabolique.
Un autre tiers de la mortalité est lié au compor- tement des mères
(38,5 %).
Dans ce cas les causesidentifiées sont soit relatives au
comportement
pre-partum d’isolement(12 %)
soitimputables
àun trouble du comportement maternel propre- ment
dit, juste après
laparturition (26,5 %).
Enfin les
rigueurs météorologiques
causent enmoyenne 12 % de mortalité.
Restent 16 % des cas de mortalité que l’on n’a pas su identifier lors de sa
première
année d’ob-servation.
3.
2 / Effet année
La mortalité due aux conditions
météorologi-
ques est fortement
marquée
par un effet année(tableau 4).
Ainsi les 12 % de mortalité calculés sur 4 ans
masquent un
risque
annuel trèsvariable ;
nulleen 1980, 1981 et 1982, la mortalité liée aux intem-
péries
atteint 27 % en 1976(année particulière-
ment froide et
pluvieuse :
voir tableau1).
Notons,pour
information,
que les cas de mortalité dusaux
hypertrophies
mammaires(4)
et auxdysto-
cies
(4) enregistrés
cette mêmeannée,
ne révèlentpas un effet année proprement
dit,
mais tradui-sent les
conséquences
del’origine
du troupeauqui
a été constitué en 1972 àpartir
d’animaux lai- tiers de réforme.3.
3 / Influence de la taille de la portée
Globalement,
on constate que la mortalité estplus
forte dans lesportées
doubles que dans lesportées simples :
28 % contre 13 %(tableau 3).
Sil’on exclut les cas de mortalité pour des causes
inconnues dans les
portées
doubles(9
sur174),
ils’avère que le taux de mortalité
plus
élevé dans lesportées
doubles estprincipalement imputable
àdes causes
physiques
oubiologiques (1
cas sur 8pour les
portées simples
contre 18 cas sur 49 chezles
doubles)
alors que les causes liées aux com-portements
des mères sontmajoritaires
dans lesportées simples (6
cas sur 8 contre 16 sur 49 dans lesportées doubles).
3.
4 / Analyse des
causesde mortalité liées
aucomportement des mères
et
auxconditions météorologiques.
a / Influence du
comportement
avantagnelage
L’isolement et la recherche d’abri
coupe-vent
mis antérieurement en évidence
(Lécrivain
etJaneau 1987)
sont deux comportements pre-par- tum propres aux conditionsd’élevage
enplein
airintégral.
Ils mettent les nouveau-nés dans des conditionsparticulières.
Ils’agit
de savoir si ces comportements ont une influence sur la survie desjeunes.
-
Conséquences antagonistes
de l’isolement L’isolement pre partum a un effet favorable dans la mesure où il évite lesmultiples dérange-
ments que l’on constate entre les individus des
couples
non isolés. Ainsi chez les mères non iso-lées,
lesperturbations par le
groupe, àl’origine
del’abandon
du jeune, provoquent
7 % de mortalité(tableau 3).
Cette mortalitéreprésente
9 % des 32 2mises bas
enregistrées
dans des conditions denon isolement.
L’isolement pre-partum a un effet défavorable dans la mesure où il favorise la
disparition
desagneaux ou leur attaque par des
prédateurs.
Ainsice
comportement
est àl’origine
de 5 % de la mor-talité par
disparition prédation
des agneaux(tableau 3),
aucun casn’ayant
étéenregistré
chez les femelles non isolées. Parmi les trois agneauxdisparus
un seul a été retrouvé. Ilportait
destraces au cou,
caractéristiques
d’une attaque de renard. Lapesée
immédiate de ce nouveau-néâgé
é de 48heures, indiquant
uneprise
depoids égale
à600 g, prouve
qu’il
avait tété normalement. L’exa-men du tissu
adipeux
brunpérirénal,
ne mon-trant pas de
thermogenèse
excessive, atteste que l’animal n’avait pas souffert de froid. D’autresj eunes,
issus de troupeaux voisins, ontégalement
été découverts morts, dans des terriers
proches
occupés
par desrenardeaux, malgré
une aug- mentation satisfaisante de leurpoids
et un étatcorrect de leur tissu
adipeux
brunpérirénal.
Cesobservations nous conduisent à penser que, mal-
gré
leurvigueur,
ces agneaux ont été chassés vivants. Il fautsouligner
que seules des femellesayant
mis bas des doubles ont été touchées. Cetteplus grande
vulnérabilité peuts’expliquer
en par- tie par lastratégie d’attaque
du renardqui
tourneautour de la mère et de
ses j
eunes, cherchant à lesséparer
pour saisir l’un des agneaux. Cetteplus grande
vulnérabilité doitégalement
affecter les agneaux desportées triples.
- Effet des conditions
météorologiques
sur lenouveau-né : insuffisance de l’utilisation des arbustes comme abri
Même si le taux d’utilisation des abris naturels passe de 50 % à
plus
de 75 %quand
la vitesse duvent atteint ou
dépasse
3 m/s(Lécrivain et Janeau 1987),
on constate que cette recherche d’abri nesuffit pas à
protéger
totalement les nouveau-nés.En
effet,
unemoyenne
de 12 % de la mortalité des agneaux estimputée
à certaines conditionsmétéorologiques rigoureuses :
non pas aux tem-pératures extrêmes,
mais à lapluie accompagnée
de vent(tableau 3).
Ainsi avec desprécipitations
faibles <__8mm), l’augmentation
de la vitesse du vent n’a pas d’effet sur le tauxglobal
de mortalité(tableau 5).
Mais si au vent
s’ajoute
unepluie
intense oupersistante,
le tauxglobal
de mortalité croît de manière trèssignificative.
Il atteint 70 % des nais-sances les
jours
de vent fort(!3 m/s)
et depluie importante (>8 mm)
contre 18 à 25 % dans desconditions moins
rigoureuses.
Eneffet,
si l’on peut penser que les animaux améliorent leur confortlorsqu’ils
se tiennent lelong
desarbustes,
ils n’en sont pas moins mouilléslorsque
lapluie
dure. Cet état affecte
particulièrement
les nou-veau-nés. Il s’ensuit un ralentissement de leur vitalité
qui
se traduit par une réduction du nom-bre de leurs
réponses
aux stimuli maternels conduisant habituellement à la tétée.b / Influence du
comportement
maternel : effet dela parité
des mèressur leur
comportement de rejet-abandon.
Globalement le
risque
de mortalité lié aucomportement
des mères est 4 foisplus
élevépour les agneaux des femelles
primipares
que pour les agneaux des femellesmultipares (tableau 6).
On constate que
parmi
les trois causes de mortalité relevant ducomportement
des mères, lerejet-abandon
est laprincipale origine
decette différence. Ainsi le taux de mortalité
imputable
aurejet-abandon
du nouveau-né parNon-isolement
et
perturbation
par le groupeDérangées par la présence du groupe, les femelles non isolées sont à la fois attirées par leurs congé-
nères et par le nouveau-né. Ainsi certaines mères ne réussissent pas à maintenir un contact suffisam- ment étroit avec leur jeune et le phénomène s’ag- grave si une brebis étrangère s’approche (il s’agit en général d’une femelle sur le point de mettre bas).
Dans ce cas la mère tente de repousser l’intruse et passe alors plus de temps à surveiller la « voleuse »
potentielle qu’à s’occuper de son agneau. L’intruse quant à elle, s’avance vers le nouveau-né et si pos- sible, l’attire en le léchant La confusion s’installe chez le jeune qui se tourne autant vers l’étrangère
que vers sa mère, à un moment où leur lien n’est pas encore suffisamment établi pour que l’agneau puisse différencier les deux brebis. Une fois le trou- ble établi et alors que l’intruse est sur le point de
mettre bas, cette dernière s’éloigne, la plupart du temps, de celui qui a été l’objet de ses convoitises.
Ce type de perturbation conduit les nouveau-nés, peu aidés par leur mère mais pas forcément repous- sés, à ne pas téter ou à téter insuffisamment pour survivre. Ainsi cet ensemble de comportements conduit rarement en plein air à un vol définitif : parmi
les 49 mises bas observées sans interruption entre
2 et 12 heures, un seul agneau détourné puis adopté
a été élevé jusqu’au sevrage. Dans ce cas le couple
« voleuse - jeune détourné » avait eu le temps d’éta- blir un lien suffisamment stable, avant la propre mise bas de la mère adoptive (48 h après) qui délaissa
son agneau au profit de l’agneau détourné.
Le
comportement de rejet-abandon,
à
l’origine du quart
de lamortalité,
est
beaucoup plus fréquent chez
lesprimipares
que chez lesmultipares.
la mère s’élève à 26,5 % de la mortalité totale
(tableau 3).
Cecomportement
estenregistré
huit foisplus
souvent chez les femellesprimi-
pares que chez les femelles
multipares (Tableau 6).
Le faible nombre de femellesprimipares
de1 an observées ne nous permet pas de tester l’influence de
l’âge
des femellesprimipares
sur le comportement derejet-abandon.
Par contrece comportement noté chez les femelles multi- pares
correspond,
dans les quatre casobservés,
à la
répétition
d’unrejet enregistré
l’annéepré-
cédente. Enfin
parmi
les 15 agneaux chassés oudélaissés et morts
d’inanition,
nous n’avons observéqu’un
casd’adoption (ne s’agissant
pas, dans ce cas, d’un
vol) ;
celui-ci est survenuà la suite d’un
rejet
de la part d’une femellepri- mipare.
Ceci n’a pasempêché
la mèreadoptive (également
une femelleprimipare)
de mettrebas 24 heures
plus
tard et d’élever simultané- ment deuxjeunes jusqu’au
sevrage.4 / Discussion-Conclusion
L’agnelage
enplein
air dans ungrand
parc se caractérise parl’expression
relativement libre du comportement desbrebis,
par la non assis- tance de l’éleveur et par des conditions atmo-sphériques
variablespouvant
êtrerigoureuses.
Dans ces
conditions,
la mortalité des agneaux ayant pourorigine
lecomportement
des mèresreprésente plus
du tiers de la mortalité totale.Le
comportement
d’isolementpre-partum
favorise des soins maternels attentifs envers les nouveau-nés et soustrait lesjeunes
aux éven- tuelles mères « voleuses ». Sous cetangle,
le comportement d’isolement diminue de 7 % lesrisques
de mortalité des agneaux. Mais cet iso- lementprésente
un effet pervers enexposant
les agneaux à desrisques
deprédation
et enfavorisant leur
disparition.
Ainsi il augmente lesrisques
de mortalité de 5 %. Dans nosconditions
d’élevage
seuls les agneaux isolés ont étéattaqués
par desprédateurs ;
maisGluesling (1977) observe,
dans le Montana, que même des agneauxpériphériques
au troupeau, c’est-à-dire moinséloignés
du groupe que dansnotre
étude,
peuvent êtreattaqués
par des coyotes.D’après
labibliographie
laprédation
s’effectue essentiellement sur des agneaux
morts ou faibles. Nous avons observé pour
notre part que même des agneaux en bonne santé, étaient
emportés, parfois
bienaprès
leurspremières
48 heures de vie. Mac Adoo et Kebe-now
(1978)
suspectent même que la vitalité des agneaux les rendplus
attractifs.D’après
lesobservations faites par Alexander et al
(1967),
comme
d’après
lesnôtres,
il est manifeste que les renards tuent pour nourrir leursjeunes.
Enfin,
ilapparaît
que les agneaux des femellesmultipares, qui présentent
uneprobabilité
d’isolement deux fois
plus grande
que les femellesprimipares (Lécrivain
etJaneau 1987),
ont
plus
derisques
d’êtreattaqués
par unpré- dateur, risques augmentés lorsqu’ils s’agit
d’uneportée
double.Quant
aux femellesqui
restent dans le groupe pour mettre
bas,
on noteleurs difficultés à
garder
un contactprivilégié
avec leur
jeune
permettant la mise enplace
d’une relation solide entre eux. Dans ce cas ce sont les
jeunes
des femellesprimipares,
dont laprobabilité
de mettre bas au sein du groupe est trois foissupérieure
à celle des femelles multi- pares,qui
sontprédisposés
à être délaissés.Utilisés comme « coupe vent », les abris naturels restent inefficaces contre la
pluie ;
dans des conditions difficiles de vent fort et de
pluie
intense, ces abris neprotègent
pas suffi- samment les agneaux. Selon nos observations le taux de mortalité dû aux conditions météoro-logiques
peut fluctuer selon les années entre 0 et 27 %. Pourprévenir
cet effet ilsemble,
selonWatson et al
(1968)
que seul un abri couvertpuisse
être efficace. Mais un telaménagement pourrait empêcher
les brebis des’isoler,
àmoins de
disperser
dans l’enclos despetits
abris artificiels couverts.En ce
qui
concerne lecomportement
mater- nel nos résultats montrent que le quart de la mortalitétotale,
soit 26,5%,
est dû aurejet-
abandon des agneaux. Avec une densité ani- male de 45 brebis parhectare, plus
élevée que lanôtre,
Arnold etMorgan (1975) n’enregis-
trent que 16 % de mortalité liée à ce comporte- ment ; mais il
s’agit
de races différentes dont certaines, telle la raceMérinos,
sontréputées plus grégaires
que les brebis de race Lacaune.Le taux d’abandon des agneaux n’est pas, dans
notre cas,
plus important
dans lesportées
dou-bles que dans les
portées simples
comme l’ontnoté Alexander
(1960)
ouHight
etJury (1969).
Mais nous avons constaté par contre que ce taux d’abandon était
lié,
comme pour l’isole- ment pre-partum, à laparité
des femelles.Ainsi, nos résultats
indiquent
que les agneauxdes femelles
primipares
sontsignificativement
plus
touchés queles
agneaux des femelles mul-tipares
cequi
est en accord avec les résultats dArnold et Dudsinski(1978).
En fait il sembleque
l’expérience
des mères soit déterminante dans l’intérêtqu’elles portent
à leurjeune
agneau. Il est donc nécessaire que la
première
mise bas se déroule sans
problème majeur
comme cela avait
déjà
étéévoqué
par Havet(1983).
Biensûr,
cette différence de comporte-ment entre les femelles
primipares
et les femellesmultipares
n’est passpécifique
auplein
air. Elle adéjà
été observée enbergerie (Raksany
1979, Poindron1981)
mais, dans cesconditions,
elles’estompe
au cours des troispremières
heuresaprès
la mise bas comme l’a montré Poindron(1981)
alorsqu’en plein
air,l’environnement
plus rigoureux
ne favorise pas d’amélioration. Laparité
des brebis est donc unfacteur de
risque important
à considérer dansune situation
d’élevage
oùl’agnelage
n’est pas assisté.La mortalité moyenne des agneaux à 48
heures, enregistrée
enplein
air, est deux foissupérieure
à celleenregistrée
enbergerie.
Elleest
également
deux foissupérieure
à celle rap-portée
par Clutton-Brock et al(1982)
pour des faons vivant à l’état sauvage. Mais ce type decomparaison
doit être considéré avecbeaucoup
de
prudence.
Eneffet,
il estimportant
de tenir compte, pour les animaux sauvages, de leurâge
à la
première
misebas,
de leur fertilité et de leurprolificité
sur toute la durée de leur vie.Ainsi par
exemple,
une biche élèvera sur 13-14ans d’existence 4 à 6 faons alors
qu’une
brebisdevra
produire
8 à 10 agneaux au cours de 7-8 ans.Pour diminuer cette mortalité en
élevage,
ilest nécessaire de suivre
quelques règles
élé-mentaires. Ces
règles
doivent s’inscrire dansune
logique d’élevage
enplein
air cequi signi-
fie des investissements limités et une surveil- lance minimum.Pour réaliser peu
d’investissements,
on tablera sur le choix d’animaux résistantsplutôt
que sur la mise à
disposition
depetits
abriscouverts. La constitution d’un
troupeau
deplein-air
devra se réaliser surplusieurs
années :au
départ,
on choisira un lot de brebis en bon état et pour augmenter la taille du troupeau on sélectionnera les agneauxayant
survécu àl’agnelage
sans assistance et àl’élevage
enplein
air.La surveillance minimum
portera
sur 4points
essentiels :- distribution du
complément
alimentaire à l’écart dupoint
d’eau afin de favoriser une utili- sation maximale du parc.- réforme
drastique
des brebisincapables
demener leurs agneaux
jusqu’au
sevrage deuxannées de suite, que ce soit pour des
problèmes
de nature
physique
oubiologique (conforma-
tion,
hypertrophie
mammaire,production
lai-tière)
ou desproblèmes
de naturecomporte-
mentale(brebis incapables
des’éloigner
dutroupeau).
- contrôle
systématique
ducomportement
maternel des femellesprimipares, quitte
à lesregrouper pour les surveiller
plus
facilementlors de leur
première
mise bas et àopérer
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