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VERS DES HEURISTIQUES COMMUNES À L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE ET AUX SIC

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COMMUNES À L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE ET AUX SIC

ANDRÉ DELAFORGE

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Introduction

L’intelligence économique peut être vue comme une discipline frontière entre les sciences de l’information et de la communication (SIC) et les sciences de gestion. Elle s’appuie sur des fondamentaux communs aux deux disciplines, notamment la valorisation du donné (les informations) et de l’interprété (connaissance, savoirs). Ainsi, le cycle recueil, interprétation, incorporation constitue-t-il un fondamental partagé inscrivant l’intelligence économique « au cœur des SIC ».

Dans le même mouvement, on peut situer cette première à ces frontières, moins par son objet que par des visées différentes. Les SIC s’attachent à

« traiter conjointement ces dimensions que les spécialisations traditionnelles laissent séparées » en faisant « se rejoindre les signes et les supports, les acteurs et les objets, les situations et la génération du sens » (Perret, 2004).

Nous proposons dans cet article un cheminement à travers différents objets- frontières, objet ou concept étudiables sous différents angles mais suffisamment « robustes » pour maintenir une identité propre et mettre en évidence les caractéristiques des éclairages auxquels ils sont soumis.

Il s’agit pour nous d’explorer le passage d’une logique décisionnelle à une logique informationnelle (David, 2005), en tant qu’elle constitue le cœur de l’intelligence économique tout en constituant une heuristique commune à d’autres disciplines.

Nous proposons ainsi de nous appuyer sur des objets techniques tangibles comme l’iPod), des concepts et des notions (comme l’innovation, le knowledge management) afin d’appréhender comment ces deux disciplines construisent leurs objets « comme support de traductions hétérogènes, comme dispositif d’intégration des savoirs, comme médiation dans les processus de coordination d’experts et de non-experts » (Trompette, 2009).

L’intelligence économique comme intelligence de l’environnement Définie comme « la maîtrise de l’information stratégique utile aux acteurs économiques » [Alain Juillet], l’intelligence économique est souvent présentée sur un mode défensif, les entreprises se retrouvant ainsi en état de légitime défense économique (Bouchet, 2007). On retrouve cette conception dans le rapport fondateur de l’intelligence économique (Martre, 1994) qui dans son introduction note que « L’intelligence économique s’attache à évaluer et comparer les intentions et les capacités des agents économiques » et propose une grille d’analyse reposant sur les intentions et les capacités d’un concurrent.

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Tableau 1. Analyse des intentions et capacités d’un concurrent Intention crédible Intention non

crédible Pas d’intention

Capacité crédible Menace réelle

dissimule ses intentions

lacunes du planning ou des initiatives adverses

entente

intention à venir dans le futur

Capacité non crédible

développe secrètement des nouvelles capacités leurre

Faible menace Faible menace

Pas de capacité

leurre

probabilité d’un partenariat avec un autre acteur

Menace très faible Absence de menace

Une telle analyse suggère que les outils utilisés et la finalité de l’intelligence économique permettraient de décoder une intentionnalité des acteurs (tout au moins dans une perspective inter-organisationnelle). Ainsi mis en perspective, les SIC s’attacheraient plus au « fait » et à son décodage.

Le rapport « Martre » le précise : « A la différence du marketing, qui tend à analyser l’environnement en termes de marchés, de produits, d’offres et d’avantages concurrentiels, l’intelligence économique s’intéresse aux responsables ainsi qu’aux processus de décision des concurrents. Ainsi, une action courante d’intelligence économique consiste dans la réalisation de « profils d’intentions et de capacités ». Cette lecture de l’environnement s’oppose ainsi à celle, plus normative ou objectivée, du marketing. Son unique objet d’intérêt porte sur l’articulation entre les intentions et les capacités relatives à leur mise en œuvre » (Martre, 1994).

S’il n’est évidemment pas question de nier l’importance pour toute organisation d’une politique de défense ou de sécurité économique, l’erreur serait de s’y enfermer en suivant les catégories d’ami/ennemi ou d’attaque/défense (jeu gagnant-perdant) quand, dans des systèmes marqués par la coopération-concurrence, il est nécessaire de dépasser les deux orientations

« originelles », attaquer ou défendre, en les faisant évoluer vers s’engager ou contrôler (Bellenger, 1998).

Inscrit au cœur même de la prise d’initiative, l’innovateur accepte le risque et ce rapport de force. Il s’agit d’imposer un fait en prenant l’avantage sur les concurrents par un jeu à découvert. D’inspiration défensive et indirecte, la

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stratégie de contrôle repose sur l’attentisme et l’art du contournement. Deux notions sont alors essentielles : l’influence et la coopération que nous retrouverons dans les 4 piliers de l’intelligence économique.

La stratégie comme intelligence

La survie d’une organisation repose sur la « bonne gestion » de son environnement ou, plus précisément, sur sa capacité à être « en intelligence » avec lui. Ainsi, par exemple, la synthèse d’une analyse stratégique se traduit classiquement par une matrice de type SWOT (Strength, Weakness, Opportunities, Threat, c’est-à-dire Forces, Faiblesses, Menaces, Opportunités) qui synthétise les opportunités et les menaces de l’environnement dans lequel évolue l’entreprise ainsi que les forces et les faiblesses de l’entreprise elle-même.

Dans cette optique, Christophe Midler (Midler, 2007) propose une synthèse de ce diagnostic basée sur la distinction entre ce que l’on sait faire et ce qu’il faut faire. Cette reformulation de la posture stratégique est résumée figure 1.

Figure 1. Une synthèse de l’analyse stratégique

Au nombre des forces dans cette grille figure clairement la capacité d’une entreprise à se livrer à une analyse de son organisation, à prendre en compte ses

Analyse interne de l’organisation

Analyse externe de l’organisation

Faiblesses

Opportunités Forces

Menaces

Capacité stratégique

Facteur clé de succès

Actions stratégiques Ce que l’on sait

faire

Ce qu’il faut faire

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propres ressources. Ce capital renvoie à des notions aussi diverses que l’information, la formation, le savoir et la connaissance. Dans un article précédent (Delaforge, 2008) nous avions proposé une définition circulaire de savoirs et connaissances : le savoir étant une connaissance formalisée, la connaissance un savoir incarné.

Mais ce qu’il est important de pointer ici, c’est le parallèle explicite et évident entre les piliers de l’intelligence économique tels qu’ils sont, par exemple, formulés par Nicolas Moinet (Moinet, 2006) ; et le résultat d’une analyse stratégique comme par une analyse SWOT.

Tableau 2. Parallèle entre Swot et les 4 piliers de l’intelligence économique

Matrice Swot Les 4 piliers de l’intelligence économique Forces Knowledge Management

Faiblesses Influence (Lobbying)

Menaces Veille Opportunités Valorisation

Savoir, connaissances sont des objets communs aux SIC et à l’intelligence économique. Il est dans le premier cas un « objet épistémologique » où l’on s’interroge sur les conditions de sa validité, de sa transmission… Dans un second cas, il peut s’inscrire dans une finalité orientée vers la valorisation ou la protection d’un capital.

Mais l’analyse trop rapide qui ne verrait dans l’intelligence économique qu’une opérationnalité du concept d’information et dans les SIC une vision statique manquerait l’articulation entre les deux disciplines et notamment l’apport épistémologique de ces dernières.

Dés lors, si l’intelligence économique relevait d’une stratégie, les SIC en seraient son épistémologie.

Le marketing comme intelligence des marchés

Nous proposons d’utiliser un autre concept « frontière », le marketing pour continuer l’exploration des liens entre les 2 concepts.

Le marketing se présente comme une démarche active d’exploration d’un marché. « Le marketing est un processus, un ensemble de décisions et d’actes de gestion reposant sur l’étude méthodique des consommateurs et plus

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largement du marché. Tout en satisfaisant à la réalisation d’objectifs de rentabilité, le marketing permet à l’entreprise d’offrir, à une ou plusieurs cibles de clients visés, un produit ou un service convenant à leurs attentes » (Helfer, 2005).

De même que pour l’intelligence économique, certaines entreprises ont des départements dédiés alors que d’autres s’appuient sur une gestion plus décentralisée de l’expertise marketing. C’est, par exemple, le cas de Royal Canin qui ne dispose ainsi que d’un service marketing réduit puisque l’entité centrale dite de marketing comprend 6 personnes seulement, là où d’autres entreprises de taille similaire en comprendraient 10 fois plus. « La doctrine de l’entreprise est que personne n’a le monopole de la fonction et que le marketing n’est surtout pas une affaire à confier aux marketeurs spécialisés » (Thoenig, 2005).

Une seconde fois, c’est le parallèle entre la définition en extension de l’intelligence économique et un autre concept qui est éclairante. La possibilité de trouver des parallèles entre les différents aspects du marketing et de l’intelligence économique en montre bien la richesse et la justesse de l’articulation de ses différentes facettes.

Tableau 3. Parallèle entre marketing et les 4 piliers de l’intelligence économique

Marketing Les 4 piliers de l’intelligence

économique

Relation Client (CRM) Knowledge management.

Publicité, Marketing Direct, Lobbying Influence (Lobbying)

Étude de Marché Veille

Marque Valorisation

On pourrait s’interroger de même sur la place fonctionnelle que doit occuper l’intelligence économique dans l’entreprise. Lors des Journées de l’Intelligence Économique d’Entreprise (INRIA de Lyon, décembre 2006) plusieurs PME innovantes et compétitives sont ainsi venues présenter les dispositifs de surveillance et d’influence mis en place. Leur point commun : avoir à leur tête des professionnels qui veulent surprendre leur environnement plutôt qu’être surpris. Leurs dirigeants apparaissent ouverts, curieux et capables de se remettre en question. Ils visualisent leur entreprise comme un réseau et, à l’extérieur, vivent dans des réseaux. Ils savent solliciter le partage d’informations et appréhender leur environnement mais également l’influencer par des démarches de lobbying. Pour eux, l’intelligence économique est avant tout une question de

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management : repérer les hommes clés et leur donner les moyens de s’épanouir dans l’entreprise afin de ne pas perdre les connaissances stratégiques (Delaforge, 2008).

Un objet technique frontière : l’iPod et la notion de Podcast

Nous proposons de confronter les grilles de lecture d’un même objet pour appréhender les éclairages mais aussi les visées différentes des deux disciplines.

De même que « la télévision qu’observent les SIC n’est pas l’objet qui trône dans le salon de la majorité des foyers » (Jeanneret, 2004), de même un objet comme l’iPod n’est pas simplement l’objet emblématique de la dématérialisation des contenus.

Par exemple, Camille Brachet (Brachet, 2006) analyse et présente un Podcast (contenu utilisé sur un iPod) comme « un objet circulant, issu des médias, que les amateurs se sont appropriés, qu’ils ont fait évoluer, avant que les professionnels ne s’en emparent à nouveau et ne l’adaptent à leur tour. »

Car les SIC ne sont pas définies « par l’objet qu’elles étudient mais par leur manière de constituer l’objet en articulant des problématiques. » (Davallon, 2004). Ainsi les concepts les plus usités en SIC sont des « concepts de composition entre dimensions, où ces trois pôles que nous indiquons » (circulation du sens; acteurs et pratiques sociales, techniques) sont généralement traités par deux : la linguistique et le social (discours) le sémiotique et le technique (dispositif), le social et le technique (usage) (Laulan, 2004).

Dans la perspective de l’intelligence économique, l’iPod sera analysé comme étant le centre d’enjeux économiques, de territoire, de réseau… Nous nous appuyons sur notre étude des conditions de mise sur le marché de cette technologie (Delaforge, 2009) pour appréhender les liens entre logique informationnelle et décisionnelle en tant qu’elles s’articulent au sein de l’intelligence économique.

Un réseau peut se définir comme un écosystème, un environnement dans lequel vient s’insérer un objet ou un service. Une première piste de recherche serait que les modalités de l’innovation soient directement liées à la maîtrise ou, tout au moins, à la perception juste de celui-ci. Un des facteurs du succès de l’iPod est ainsi de s’être appuyé sur un écosystème existant pour en créer un nouveau. Le succès du lancement de l’iPod s’appuie sur un triptyque produit (design), modèle économique (iTunes) et des usages déjà existants (la consommation de musique « en déplacement »).

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Comme les marchés, un réseau définit un statu quo ou un équilibre où chacun des acteurs agit dans le sens de son intérêt en attendant que les autres agissent de même (Chakravorti, 2004). Steve Jobs s’appuie sur des technologies existantes (stockage, communication, paiement) pour déployer une valeur basée sur la combinaison de ces éléments. Il « intéresse » d’autres acteurs qui viennent renforcer son offre en proposant des éléments complémentaires.

Dans cet exemple, on voit bien l’« intelligence de l’environnement » en tant qu’intelligence informationnelle, structurer, enrichir, fructifier l’intelligence décisionnelle.

Gueguen (2001) a analysé la mobilisation collective d’actions et de ressources tendues vers l’achèvement de buts partagés par les membres du réseau. La notion d’industrie vient alors se substituer à celle d’écosystème d’affaires, définie par Gueguen et Torres comme « une coalition hétérogène d’entreprises relevant de secteurs différents et formant une communauté stratégique d’intérêts ou de valeurs structurée en réseau autour d’un leader qui arrive à imposer ou à faire partager sa conception commerciale ou son standard technologique ». Cette mobilisation se traduit par l’évolution (parfois dans des directions opposées, constituant dès lors des orientations stratégiques) des différentes parties impliquées, renvoyant au modèle “rupture/filiation” proposé par Aydalot (1988), et identifiant la naissance de l’entreprise avec le moment de la “rupture”.

La figure du réseau présente ce paradoxe d’être à la fois un facilitateur pour la diffusion d’une innovation, et une barrière (à cause de l’interdépendance entre les différents acteurs) pour les nouveaux entrants (Chakravorti, 2004).

L’intéressement des différents acteurs permet à la fois un accroissement de la valeur ajoutée et un renforcement du caractère unique de la proposition.

On pressent également que la modalité de mise sur le marché d’une innovation réside dans cette capacité à saisir des opportunités. Dans le cas de l’iPod, iTunes la plateforme d’achat de musique en ligne apparaissait, au moment de son lancement, comme une réponse à la problématique d’échanges de fichiers illégaux, comme par exemple Napster. En proposant un achat de titre à l’unité, Apple s’assurait le support des majors de l’industrie musicale qui voyaient dans cette offre une réponse positive et concrète au problème de piratage et assurait ainsi le succès de sa nouvelle offre. À la suite d’une série de traductions, elle réussit à intéresser un nombre d’alliés de plus en plus grand.

C’est l’étendue et la solidité du réseau et non la pertinence de la solution technique qui permet d’expliquer le succès d’une innovation (Flichy, 2006).

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Différentes technologies se combinent pour construire un objet hybride, façonné par les usages, empruntant aux nouveaux médias ainsi qu’aux médias traditionnels.

Dans cet exemple, intelligence décisionnelle et informationnelle se complètent et s’éclairent mutuellement.

Tableau 4. Deux grilles de lecture d’un même objet

Intelligence décisionnelle Intelligence informationnelle

Analyse des discours sur une

technologie et veille sur les usages, les acteurs présents sur le marché.

« ne jamais rester au niveau des pratiques et des discours, mais essayer d’avoir une approche théorique pour hiérarchiser, mettre en perspective et relativiser » (Wolton, 2004)

Analyse de la chaîne de valeur

« associer les thèmes liés aux techniques et usages aux questions plus théoriques des rapports entre connaissance et représentation, information et opinion, stéréotypes et idéologies »

(Wolton, 2004) Analyse des modèles économiques

existants

Analyse stratégique. Par exemple dans le cadre de la dématérialisation des contenus : impact des technologies sur la production de savoir en termes de localisation, valorisation, et protection des contenus

Mode de production d’appropriation des contenus

Recherche et analyse de nouveaux usages. Par exemple, l’iPod comme média peut être considéré comme un nouvel objet éducatif. On s’attachera dés lors, à appréhender l’impact de cette technologie sur la transmission du savoir.

Il y a moins des objets pour l’intelligence économique que de stratégies de lecture et l’inscription de ceux-ci dans un réseau et des territoires.

Les SIC privilégieraient ainsi des angles d’approches complémentaires sur le même objet, alors que l’intelligence économique s’attacherait à inscrire celui-ci dans une stratégie ou un réseau.

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Vers la mise en évidence d’heuristiques communes à l’intelligence économique et aux SIC

Heuristiques et modèles se complètent. L’heuristique procède d’une logique de découverte, alors que le modèle synthétise des résultats. En effet, l’heuristique désigne ce « qui sert à la découverte, se dit spécialement d’une hypothèse dont on ne cherche pas à savoir si elle est vraie ou fausse, mais qu’on adopte seulement à titre provisoire, comme idée directrice dans la recherche des faits. » (Lalande, 2002). Une heuristique est dépendante d’un contexte, d’une visée. Son critère d’évaluation n’est pas simplement la vérité ou l’adéquation à une réalité, mais son efficacité. Elle s’oppose en cela au modèle, « ensemble de propositions d’où il est possible de déduire de manière mécanique un ensemble de conséquences directement liées au phénomène étudié… » (Boudon, 1982).

Combiner modèle et heuristique, c’est s’inscrire dans le courant de réflexion autour du structurant-structuré et d’appréhender une organisation sous l’angle à la fois synchronique (modèle) et diachronique (l’heuristique comme expérimentation dynamique composée d’essais et d’erreurs). Mise en lumière par ces différents éclairages, l’organisation se donne à voir sous un jour différent, composée de perspectives complémentaires mais nécessaires à son intelligence. « Le fonctionnement d’une organisation résulte en large partie de choix et d’actes qui traduisent des modes de raisonnements, qui expriment des paradigmes de l’action, qui découlent de représentations du monde. » (Thoenig, 2006).

La gestion des informations dans une négociation commerciale

Pour illustrer le socle commun entre l’analyse d’une même situation par les SIC et l’intelligence économique, prenons l’exemple de la circulation et de la transformation d’une information.

Selon un modèle courant en intelligence économique (par exemple, El Mabrouki Mohamed Nabil Daft, 2006), une information est :

1. Recueillie

2. Validée, recoupée et intégrée dans un corpus plus large

3. Incorporée (ou pour reprendre l’expression de Nonaka (1997), implicite, intégrée aux « routines » de l’organisation.

Illustrons notre propos, par une étude de cas que nous avons menée sur la mise sur le marché d’une nouvelle technologie (Delaforge, 2008) :

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1. Un de nos partenaires nous appelle pour nous informer que la technologie que nous souhaitons commercialiser est disponible chez un fournisseur que nous n’avions pas identifié jusqu’à présent.

2. Cette information nous permet de comprendre les allusions faites par un industriel avec lequel nous sommes en train de négocier un contrat important et qui souhaite aborder, lors de notre prochaine réunion, notre politique en matière de partenariat. Il s’agira dans un premier temps de valider cette information, d’évaluer les conséquences d’une telle annonce. Une conversation avec le responsable européen valide que cette technologie est effectivement disponible chez le concurrent de l’industriel avec lequel nous sommes en contact. Les produits ne seront cependant pas disponibles, au mieux, avant 6-8 mois. Cette information nous permet de préparer une réponse et d’accélérer le processus de décision et de coopération : « Effectivement, nous sommes en train de nouer des partenariats avec différents fournisseurs. Vous avez pour l’instant une certaine avance, je vous propose de conforter celle-ci en formalisant au plus vite notre contrat. »

3. Nous prenons acte d’un nouvel utilisateur de notre technologie en anticipant des regroupements et des négociations qui risqueraient de nous échapper.

Cet exemple illustre les liens entre veille, marketing, stratégie commerciale, partenariats, gestion des connaissances…. Il serait vain de vouloir attribuer à une seule fonction ou responsabilité de l’entreprise la pertinence de la réponse apportée. Il nous semble que cet exemple peut être formalisé sous la forme d’une heuristique :

– confirmation de l’information – explication

– implication – réaction.

On pressent le caractère « universel » que pourrait revêtir cette heuristique et définit l’intelligence de l’entreprise dans sa capacité à répondre à un incident.

Cette heuristique se retrouve de manière explicite dans les démarches qualités, mais aussi dans la gestion des crises ; c’est-à-dire dans des problématiques frontières entre décisionnel et informationnel. Cette heuristique universelle participe de l’intelligence de l’organisation et l’on doit comprendre ainsi l’intelligence au sens latin du terme (intelligere c’est-à-dire comprendre).

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Conclusion

Ce cheminement nous a permis d’approfondir les liens entre les logiques décisionnelles et informationnelles qui constituent la spécificité de l’intelligence économique. Mais cette complexité, synonyme de richesse, traduit bien la difficulté à appréhender et à positionner celle-ci dans les organisations.

Elle nous incite à développer et à nous inscrire dans une perspective épistémologique, afin de nous interroger sur les conditions mêmes des liens entre décisions et informations, car « toute connaissance acquise sur la connaissance devient un moyen de connaissance éclairant la connaissance qui a permis de l’acquérir » (Morin, 1986).

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