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QUEL FINANCEMENT POUR LE « MODELE SOCIAL FRANÇAIS » ?

Par Gérard ARCEGA

Président honoraire de l’Association des anciens élèves de l’EN3S

LE CONSTAT : Un financement qui se veut solidaire, mais dont la valeur restante est de plus en plus limitée à la seule sauvegarde de l’emploi.

Il faut rappeler le fondement éthique de l’Institution Sécurité sociale : chaque assuré cotise également, sans considération de risque consécutif à l’âge, à l’état de santé, au nombre de personne dans une famille. Nous avons tous été des enfants, la majorité d’entre nous sera un jour une personne âgée, nous risquons tous le chômage ou la maladie. Cette solidarité entre générations assure un risque singulier : celui de ne pas pouvoir travailler. En toute logique, l’Assedic en fait donc partie par construction, elle est d’ailleurs dans les autres pays intégrée à la maison Sécurité sociale.

Cela dit, il faut souligner que les ressources sociales financent en France deux sortes de dépenses, qui sont, dans de nombreux autres pays Européens, organiquement distinctes : d’une part des salaires de remplacement, c'est-à-dire des pensions retraites, des indemnités chômage, les

prestations en espèces versées par les Cpam (indemnités journalières, rentes, pensions d’invalidité), voire certaines prestations familiales qui sont censées compenser un manque à gagner salarial.

D’autre part, on rembourse également des dépenses de santé, ce qu’on appelle dans les Caisses maladie des « prestations en nature ».

Une des logiques ayant présidé au financement de cet édifice a été celle de la préservation de l’emploi pour les bas salaires, depuis que le rapport Malinveau a conduit un gouvernement de gauche à prendre cette orientation. Et cette orientation a permis d’alléger considérablement les cotisations patronales. Le rapport Chadelat, qui préconisait à l’époque une mesure censée être plus progressiste de taxation de la valeur ajoutée avait été écarté.

Sous un gouvernement de droite, la TVA dite « sociale » préconisée successivement par les Verts puis par la CGC, est revenue un temps sous les feux de l’actualité.

Dans ce domaine les clivages idéologiques sont souvent inattendus. Pour mieux comprendre, il faut savoir que les intérêts des groupes de pression, quelques soient leurs bords, transcendent dans ce secteur les étiquettes politiques.

On s’est donc s’inquiété d’un dégât collatéral plus ou moins bien mesuré, et non de l’effet principal, qui provoque sans doute des dégâts indirects bien plus important sur l’emploi, celui par exemple

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d’affecter une part conséquente de la richesse nationale obligatoirement à des dépenses, qui dans certains domaines deviennent si disproportionnées, qu’elles finissent par constituer des dépenses dédiées obligatoires qui seraient mieux employées dans d’autres secteurs. Ce constat est encore plus prégnant en période de crise.

Première caractéristique : Des prélèvements affectés et indolores

Première caractéristique d’importance de ces prélèvements, pourtant fort négligée par tous les experts de tous bords : ils sont indolores, ce qui est à la fois leur force et leur faiblesse. Chacun sait en effet, que le prélèvement doit être obligatoire, la solidarité n’étant pas forcément, comme le bon sens, la chose du monde spontanément la mieux partagée. Le prélèvement social a toujours semblé plus ou moins indolore aux salariés, puisqu’une bonne partie est censée être payée par l’employeur.

Même en faisant apparaître lesdites cotisations patronales sur la fiche de paye dans les années 80, on a changé peu de choses ; le prélèvement, reste vécu comme une sorte de fatalité inéluctable, qu’on ne peut que subir, puisque de surcroît tout cela finance de la « solidarité », et règle même la facture du supposé « meilleur système de santé du monde » (c'est-à-dire du mieux loti en moyens, à l’aune fort discutable des indicateurs de l’OMS)

En réalité ce partitionnement est un artifice. Un travail est fourni en échange d’un salaire, dont une partie est versée directement, l’autre étant reversée ultérieurement sous forme de prestations sanitaires et sociales, c’est ce qu’on appelle un salaire « différé ». Il n’en reste pas moins que cette division, pour artificielle qu’elle soit, a des effets socioculturels déterminants car elle rend le

prélèvement relativement indolore. Si cette caractéristique a eu une vertu au départ, celle d’imposer le prélèvement obligatoire de solidarité sans trop de difficulté, elle a, avec le temps, accumulé un certain nombre de dérives qui lui confèrent sans doute aujourd’hui plus d’inconvénients que d’avantages, tout au moins pour la plus grande part des dépenses sanitaires.

Pour autant, le caractère indolore de ce prélèvement conserve quelque utilité dans des secteurs où il peut être sujet à contestation, car contrairement à l’impôt, il est affecté à une dépense particulière et donc clairement identifiable. Il faut donc faire un bilan, afin d’opérer le tri entre ce qui mérite d’être noyé dans un prélèvement global, et ce qui nécessite de la transparence.

Deuxième caractéristique : Un prélèvement qui est peut-être dégressif

Deuxième caractéristique, la cotisation sociale et sanitaire est peut-être bien une cotisation

dégressive, ce qui signifie en clair qu’au moins on gagne, au plus on cotise. En effet, on a déplafonné des cotisations, demandant ainsi aux caisses de faire de la redistribution de revenus, ce qui n’est pourtant guère de leur légitimité. Mais les cotisations sont déduites du revenu soumis à l’impôt. Or les moins fortunés que les cotisations n’épargnent pas, échappent à l’impôt direct, tandis que les

cotisants les plus riches subissent certes un prélèvement plus important sur leurs salaires, mais ne déclarent pas au fisc les revenus qu’ils consacreraient à des assurances privées si l’Assurance maladie obligatoire n’existait pas. Et si l’un des prélèvements n’est que proportionnel, l’autre est progressif.

A vrai dire, le bilan est complexe à faire, car s’y ajoutent les effets du quotient familial côté impôt, et, détail souvent oublié, le bénéfice gratuit de l’assurance maladie pour les ayants droits côté cotisations sociales, car la première aide familiale en montant n’est point celle des allocations familiales, mais celle de la gratuité de la couverture maladie pour une famille un tant soit peu nombreuse.

L’importance de cette aide indirecte est encore plus manifeste si l’un des deux conjoints ne travaille pas. L’affaire est d’autant plus complexe, que les prélèvements effectués sous le pseudonyme de

« part patronale », qui devraient pourtant bien être restitués aux salariés si d’aventure un mauvais génie faisait disparaître par enchantement tous les organismes sociaux qui reversent les « salaires différés », sont encore pour leur part déplafonnés, proportionnels, et exonérés pour les bas salaires ou pour certains éléments de salaires, tels que par exemple … les participations aux contrats collectifs d’assurance complémentaires. Quand certains décideurs envisagent de rendre les cotisations

progressives, envisagent-t-ils (ce qui serait logique) de faire de même pour ce qui reste des parts employeurs, qui, contrairement à la CGS, sont restées déductibles des impôts « à la source » ? Au bout du compte, il n’est pas impossible, tous comptes faits, que le « meilleur modèle social du monde » mette en œuvre un prélèvement dégressif, chacun sachant que le diable se cache dans les

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détails, surtout quand ils sont trop techniques pour faire l’objet d’un débat politique et médiatique réellement démocratique. En tout cas le bilan est à faire, en ayant soin de prendre en compte tous les paramètres, y compris celui des parts dites « patronales ».

On remarquera d’ailleurs que la plus grande « justice » n’est point allée jusqu’à déplafonner les cotisations retraite, mais là il s’agit d’une affaire plus sérieuse car ce serait rayer d’un trait de plume un grand nombre de caisses de retraites dites « complémentaires », qui constituent en fait une institution retraite parallèle obligatoire par répartition, également gérée par les partenaires sociaux, mais plus libre de la tutelle de l’Etat, et dont on remarquera en passant qu’on parle fort peu quand évoque le sujet pourtant sensible de la « gouvernance ».

Troisième caractéristique : Un prélèvement obscur et confus

Troisième caractéristique : Notre prélèvement social, est donc non seulement indolore, et peut-être même fort peu redistributif, mais de plus il est obscur et confus.

Arrivé au stade où nous en sommes, la protection sociale est en effet financée par un cocktail de prélèvements sans grande logique et surtout sans transparence :

Un premier tiers de cotisations dites « patronales »

Pour ce qui concerne l’Assurance maladie, l’employeur, quoique exonéré depuis la Loi sur les 35 heures, d’une partie des cotisations sur les bas salaires, cotise toujours au-delà d’un certain seuil. Par ailleurs, l’employeur cotise toujours pour les prestations en espèce. Il participe seul au financement de la réparation des Accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que pour les prestations familiales.

Un deuxième tiers de cotisations dites « salariales »

Les salariés cotisent pour les salaires de remplacement retraite et indemnités de chômage. Dans le secteur de l’Assurance maladie il reste un pourcentage de cotisation à côté de la CSG. Cette part est conservée pour financer un des salaires de remplacement, en l’occurrence les indemnités

journalières, et les pensions d’invalidité.

Un troisième tiers plus ou moins fiscalisé.

Cette partie se compose de CSG (contribution sociale généralisée) et de RDS (réduction de la dette sociale), qui représentent désormais la part la plus importante du prélèvement salarial au profit de l’Assurance maladie, pour les dépenses présentes, et même passées s’agissant de la seconde. De même, les retraités participent à la CSG, quoiqu’à taux réduit. La CSG n’est plus déductible de l’impôt, sauf pour une petite partie censée financer de « la solidarité » (c'est-à-dire pour parler clair de

l’assistance). On a décrété qu’il s’agissait d’un impôt au prétexte que l’assiette en est élargie (ce qui permet d’affirmer, un peu hâtivement, qu’on a « fiscalisé » le prélèvement), alors que c’est une sorte de recette mixte, qui réunit des caractéristiques des deux modes de prélèvement. Pour les salariés en tout cas, la CSG tout comme les autres cotisations, apparaît comme un prélèvement à la source sur leur salaire essentiellement.

S’ajoute à ces contributions dites fiscales, tout un inventaire à la Prévert de véritables impôts indirects, en l’occurrence des « taxes affectées » qui financent désormais un pourcentage conséquent de l’Assurance maladie, et donc s’ajoutera peut-être demain une TVA dite « sociale ».

Un quatrième tiers de prélèvements quasi obligatoires.

L’existence en France d’un « ticket modérateur » a constitué une clientèle captive pour tous les assureurs complémentaires santé.

Pour financer ces assurances « complémentaires » devenues indispensables étant données la régression du remboursement primaire, les assurés se voient prélever des cotisations quasi- obligatoires, d’autant plus qu’une bonne part sont rattachées à des contrats collectifs d’entreprises, qui bénéficient pour ce faire d’avantages fiscaux et sociaux considérables, privant d’ailleurs du coup les URSSAF d’une partie des recettes destinées à la Sécurité sociale, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes du système. Le tout étant présenté comme si ces couvertures quasi obligatoires venaient au secours d’une pauvre Sécurité sociale percluse de déficit, le prélèvement se fait d’autant plus aisément qu’il n’est pas décompté dans les prélèvements obligatoires, échappant ainsi aux indicateurs Européens.

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On notera en passant le caractère tout aussi indolore et obscur, et encore plus dégressif de ces prélèvements quasi obligatoires, qui font de plus de la sélection du risque, en proportionnant plus ou moins les cotisations à l’âge et au nombre d’assurés dans la famille.

LES CONSEQUENCES : Un prélèvement qui déresponsabilise

Des revendications syndicales et patronales qui posent question

D’une part, ces caractéristiques permettent aux employeurs d’affirmer qu’ils supporteraient des

« charges sociales » qui remettraient en cause leur compétitivité. Mais les dites charges n’ont-elles pas eu au moins une vertu, celle d’obliger à rechercher des gains de productivité, et à faire faire le travail machinal par les machines ? Faire des bénéfices avec des salaires et des charges peu importantes, n’est-ce pas la seule ressource des pays sous développés, et, nous dit-on, leur chance de devenir des pays en voie de développement ?

Pour autant, la revendication patronale a pris, avec le temps, une certaine consistance, qui a d’ailleurs conduit à mettre en oeuvre divers allègements, dernièrement ciblés sur les bas salaires. Car le poids des charges dites sociales semble être devenu majeur pour certaines activités qui nécessitent une main d’œuvre importante. Si on prend l’exemple de la restauration, quel est aujourd’hui

l’établissement qui peut s’offrir une brigade d’une dizaine de cuisinier pour réaliser des repas

convenables à ses clients ? On en est donc au stade de vouloir à toute force diminuer la TVA pour la restauration, alors qu’il faudrait surtout pouvoir améliorer le salaire net des salariés dans un secteur qui est un vivier d’emplois qui deviendraient ainsi attractifs, et cet exemple culinaire n’est sans doute pas le seul.

D’autre part, cette même caractéristique a permis aux syndicalistes d’affirmer avec force qu’il suffirait de faire encore et toujours plus cotiser les entreprises pour résoudre tous les problèmes de

financement, sans réaliser que toute augmentation des charges prétendument patronales conduit inévitablement à diminuer le salaire net des salariés, et à tout le moins, à limiter les possibilités d’augmentation de ce salaire net, tout en cautionnant la dérive des dépenses.

Des revendications sanitaires sans conscience

Enfin et surtout, le caractère indolore du prélèvement a l’immense inconvénient aujourd’hui de faire que toute demande d’augmentation des dépenses affectées au système de santé semble légitime. Il est probable que le nombre de manifestants qui battent le pavé pour défendre l’existence d’hôpitaux de proximité plus ou moins sûrs, ainsi que, au bout du compte, le haut niveau de vie de certains professionnels de santé, diminuerait considérablement, si chacun devait payer directement, les augmentations consécutives à leur souhait, plutôt que de subir un prélèvement à la source invisible, indolore et confus, prétendument à charge des seules entreprises. Ajoutons que ces manifestants bénéfécieraient d’un soutien médiatique probablement beaucoup moins dynamique.

Une incitation à la facilité pour les responsables politiques

Ultime et non des moindres conséquences, le caractère indolore du prélèvement autorise tous les responsables politiques à s’épargner la gestion certes difficile d’une maîtrise raisonnable des dépenses, au profit d’une multiplication de prélèvements de plus en plus nombreux, indolores et dénués de transparence.

Le caractère indolore et obscur du prélèvement social permet de nombreuses dérives et rend périlleux pour ses acteurs un débat réellement démocratique, d’autant plus que des intérêts sectoriels très importants sont mis en jeu. La situation de crise actuelle ne fait qu’aggraver cet état de fait.

Les groupes de pression de tout bord ont beau jeu de défendre leurs intérêts spécifiques. Les gouvernants peuvent être tentés de prendre des mesures à court terme. On peut mettre les cotisants devant le fait accompli : toute diminution des parts « patronales », devrait ainsi, en toute logique, s’accompagner d’une restitution à due concurrence de la somme exonérée sur les salaires nets. Qui peut prétendre avoir vu sa fiche de paye augmenter après une seule de ces opérations ?

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Tous prélèvements sociaux confondus, on en est ainsi arrivé à prélever, passé un certain seuil de revenu, un deuxième salaire (part dite « patronale » incluse, cela va de soi). A cela s’ajoutent par ailleurs les prélèvements qui financent notamment des formations ou des fonds de solidarité, ainsi que les tickets restaurants ou même vacances. On observera en passant que la création de tickets

« transports » risque d’accentuer cette dérive, dans laquelle les salariés sont de moins en moins maîtres de l’affectation de leurs ressources, et les partenaires sociaux de plus en plus mobilisés pour leur gestion, aggravant ainsi la demande de son financement – effectuée d’une façon ou d’une autre avec de nouveaux prélèvements –.

Dans un autre domaine, on notera que le prélèvement à la source de l’impôt aura pour conséquence essentielle de le rendre plus indolore, avec tous les effets pervers que cela entraîne.

LE REMEDE : Responsabiliser avec des modes de prélèvements adaptés

Pour responsabiliser, plutôt que réduire les remboursements, ne vaut-il pas mieux rendre d’abord, dans les cas où cela est opportun, le prélèvement transparent, raisonnablement douloureux, et le moins inéquitable possible ?

Chacun ne doit-il pas clairement voir sur sa fiche de paye un salaire net sur lequel on prélève la totalité des charges sociales ? Chacun pourra ainsi constater l’ampleur du prélèvement, et celui qui croît gagner 3000 Euros sera informé qu’il en gagne en réalité non point virtuellement, mais

réellement 6000.

Partant de là, il sera peut-être possible d’envisager que certaines dépenses, notamment celle de santé ne soient plus condamnées à « augmenter de façon inéluctable plus vite que la richesse nationale » ;

LES SALAIRES DE REMPLACEMENT : maintien d’une cotisation unique (part dite « patronale » incluse), déplafonnée ou non ?

Les salaires de remplacement semblent toujours devoir être logiquement financés par des cotisations assises sur les salaires. Les employeurs comme les salariés sont légitimes pour gérer paritairement le financement et le versement des prestations de substitution, sans autre intervention de l’Etat qu’une tutelle veillant à s’assurer de la saine gestion des organismes (y compris de celle des retraites pseudo « complémentaires »).

Mais dans la mesure donc, où la partition part salariale/part patronale n’a pas d’autre intérêt pour l’essentiel (si on met de côté le prétexte de la gouvernance partagée avec l’employeur), que de rendre le prélèvement indolore, et donc d’irresponsabiliser l’ensemble des acteurs (et même à les dresser les uns contre les autres), il n’y a guère d’intérêt à la conserver : tout est part salariale, sauf peut-être la cotisation AT/MP, au moins pour partie, dont le taux sanctionne la bonne ou mauvaise politique de prévention des entreprises.

Les cotisations qui financent les prestations en espèces sont les seules cotisations qui ont une légitimité indiscutable à être déplafonnées, dans la mesure où une indemnité doit bien être

proportionnelle au salaire reçu qu’elle remplace. La cotisation retraite est pourtant la seule qui reste plafonnée à ce jour, puisqu’il existe un système de retraite obligatoire par répartition parallèle. La question se pose donc de savoir (au moins pour la forme) s’il faut déplafonner les cotisations

« Sécurité sociale » retraite, les CRAM pouvant régler des pensions proportionnelles aux cotisations engrangées, et donc réduire la complémentarité à une vraie complémentarité, en répartition ou en capitalisation. Mais une autre solution cohérente consisterait à faire dans l’autre sens, basculer les gestionnaires obligatoires dans le giron de ceux qu’on appelle les « complémentaires ». Cette opération est peut-être moins révolutionnaire qu’il n’y paraît au premier abord : la gestion des

prestations chômage de base est bien intégralement tenue dans les mains d’un seul gestionnaire qui n’est pas inclus dans les Régimes qui gèrent des prestations dites obligatoires. Le tout est de savoir dans quelle mesure la tutelle de l’Etat actuellement exercée sur les Régimes de retraite obligatoire doit être allégée, et dans quelle mesure celle actuellement exercée sur les régimes complémentaires doit être renforcée, afin de rendre la synthèse possible, si toutefois on l’estime souhaitable.

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Si on ne déplafonne pas, il faut bien se résoudre à conserver les deux systèmes parallèles de gestion des retraites obligatoires.

Quelque soit le choix, encore doit-il être fait dans la cohérence et la transparence, ainsi que la gestion qui en découle. Mettre de la cohérence reste au demeurant un exercice difficile. Dans d’autres pays, les caisses de sécurité sociale ne s’occupent pas de la santé, mais elles gèrent en seul lieu tous les salaires de remplacement : pensions retraites intégrales (sauf évidement celles d’une éventuelle vraie complémentarité facultative, généralement en capital), indemnités chômage, rentes et pensions d’invalidité. En France ces prestations sont servies par quatre institutions : Cpam, Assedic, Cram, et donc Caisses de retraites faussement appelées « complémentaires ». Est-on sûr que la qualité de la gestion et celle du service aux usagers en est favorisée ?

Les cotisations d’allocations familiales sont exclusivement payées par l’employeur et sont

déplafonnées. La seule approche à peu près cohérente serait de faire le tri dans les prestations, pour préciser un peu mieux ce qui relève d’une compensation salariale consécutive aux charges de famille, qui pourrait être financée par une cotisation nominativement devenue salariale, et ce qui relève de l’assistance ou de la solidarité nationale, qui est gérée par la Branche famille sur délégation de l’Etat, et qui devrait être financé par l’impôt. Une autre école affirme que toutes les prestations familiales, et surtout la politique familiale relèvent de la solidarité nationale, et donc de l’Etat, ce qui devrait conduire à fiscaliser la cotisation d’allocations familiales, sans toutefois qu’on ose nationaliser les organismes.

HOPITAL : Un financement régionalisé

En France, l’hôpital est géré encore à ce jour par les Elus qui président les conseils d’administration, il est doté par les représentants de l’Etat (aujourd’hui les ARH, par ailleurs vice-présidées par les CRAM) et payé par les Cpam qui n’ont pas grand mot à dire dans cette affaire, ou du moins qui n’en avaient guère jusqu’à l’avènement de la T2A. L’existence de trois responsabilités éclatées ne favorise pas une gouvernance efficiente. Peut-être pourrait-on s’inspirer un peu de l’exemple des autres pays, dans lesquels l’hôpital est directement géré – mais aussi et surtout financé – par les collectivités locales, qui ont donc par construction, intérêt à offrir le meilleur service sanitaire au meilleur coût, le tout sanctionné par des élections. Dans ce cas naturellement l’Etat contribue pour une part destinée à compenser les inégalités régionales.

L’important est que le prélèvement soit visiblement affecté aux dépenses hospitalières, et que chaque citoyen en soit conscient. En effet, l’incontestable grandeur de la mission de établissements de soins donne aux revendications hospitalières un caractère d’impunité, même quand elles sont

manifestement exagérées (c’est d’ailleurs le cas de nombre de dépenses dans le domaine de la santé). Le seul moyen de combattre cette impunité un peu plus efficacement, est de rendre le prélèvement particulièrement visible et douloureux.

Concrètement, cela reviendrait en France à métamorphoser la part du financement hospitalier (soit à peu près la moitié de la cotisation patronale censée financer les prestations en nature, et la moitié de la CSG et autres prélèvements fiscaux) en une sorte d’impôt local, et à donner la gestion des hôpitaux aux Conseils régionaux et généraux. Les difficultés de l’hôpital pourraient alors se résoudre

progressivement dans un contexte de gouvernance plus vertueux, le gestionnaire payant les

conséquences de ses décisions. Au Danemark ou en Suède, les Elus ne défilent pas dans la rue pour maintenir des hôpitaux de proximité, ils les gèrent et les restructurent, avec beaucoup de rigueur.

Pour arriver à ce changement, on pourrait envisager plusieurs solutions : par exemple demander à la Branche recouvrement d’attribuer la part des prélèvements qui financent les hôpitaux, aux collectivités locales. Dans ce cas naturellement, une part pourrait rester nationale, afin de financer la solidarité entre régions, pour que chacune dispose des équipements sanitaires nécessaires. On pourrait même aller jusqu’à faire diminuer progressivement les part « hospitalières » de CSG et de cotisations patronales recouvrées par les URSSAF, et les rendre aux salariés sous forme de salaire net (puisque, rappelons le, on a au préalable supprimé le partage en part salariales et patronales), en sorte que les collectivités locales puissent progressivement lever l’impôt. L’opération peut s’étaler sur plusieurs années. Encore faut-il élaborer l’assiette fiscale locale la plus équitable et la plus efficace pour ce financement.

Toutes les solutions peuvent s’étudier, reste à trouver la meilleure, non point par égard pour l’emploi, mais pour un financement responsabilisant, et donc maîtrisé, du meilleur système de soins

raisonnablement possible. Il n’est pas impossible que l’emploi s’en porte mieux.

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MEDECINE DE VILLE : CSG Progressive ou TVA sociale ?

Si la cotisation est adaptée au financement des prestations en espèces, et l’impôt local à celui de l’hôpital, comment financer la médecine de ville ?

Dans sa grande sagesse, le Législateur a toujours voulu que les impôts ne soient pas « affectés ». Si c’était le cas, il ne manquerait pas de citoyens contestataires pour remettre en cause l’impôt qui financerait telle ou telle dépense qui ne convient pas à leurs convictions. Comme on le voit, le

caractère indolore ou confus d’un prélèvement n’a pas toujours et partout les inconvénients singuliers qu’on a dénoncés plus haut. Mais dans les cas où ce caractère indolore a conservé quelque

avantage, cette vertu ne se révèle pleinement que s’il est noyé dans un impôt général non affecté.

Dans les pays où les systèmes de santé sont financés par l’impôt, les citoyens qui veulent prendre une assurance complémentaire privée parce qu’ils trouvent l’offre de soins publique trop rustique, sur- cotisent en plus des impôts qu’ils payent. Mais ils peuvent difficilement remettre en cause leur contribution au service public de santé, car elle est noyée dans un impôt général. Si en France on rend la CGS ou les cotisations progressives, et si de surcroît on applique un peu trop témérairement des franchises côté dépenses aux seules classes moyennes ou aisées, au-delà d’un certain seuil, le risque de remise en cause de la solidarité devient grave.

Si on veut rendre ce prélèvement progressif, mieux vaut alors le noyer dans l’impôt direct, voire dans la TVA, qui comporte dans les faits une part de progressivité liée aux facultés de consommation de chacun. Mais quel que soit le choix, il faut surtout inclure l’actuelle cotisation dite patronale dans l’opération.

CONCLUSION : une mode de financement responsabilisant adapté selon la dépense

Au bout de cette réflexion, on aboutit à une opération de transparence des prélèvements, en supprimant au préalable le partage artificiel entre part dite « ouvrière », et part supposée

« patronale ».

La cohérence conduit alors à pérenniser le prélèvement qui finance tous les salaires de remplacement sous forme de cotisations, mais toutes déplafonnées, y compris pour les pensions de retraite, sachant qu’il faudrait alors en tirer les conséquences institutionnelles sur la répartition entre régimes

obligatoires, et prétendument complémentaires. Il est en tout état de cause préférable que ce

prélèvement soit transparent, proportionnel et douloureux : Ceux qui prétendent être en retraite guère moins longtemps que le temps qu’ils ont travaillé, devraient pouvoir constater les sommes qu’il faut bien cotiser en les déduisant de son salaire net, voire plus si les générations ne sont pas remplacées intégralement, pour financer une telle rente.

L’hôpital mériterait une CSG affectée et régionalisée, ou un impôt local adapté, mais quoiqu’il en soit, également un prélèvement transparent et douloureux, afin d’éviter des revendications qui peuvent devenir démagogiques étant donné la sensibilité de ce secteur.

On peut fiscaliser le financement de la médecine de ville sous convention, si on veut le rendre

progressif, car il doit rester indolore et non affecté. La solidarité dans ce secteur est fragile, et court un double risque si on augmente trop les cotisations des assurés les plus riches, tout en diminuant leur remboursement à coup de franchises. La TVA sociale pourrait s’appliquer à ce secteur, mais à ce secteur seulement.

Dans la situation de crise actuelle, un financement responsabilisant permettrait de mieux résister à des propositions plus ou moins démagogiques, tout en assurant le maintien d’une protection sociale de haut niveau plus que jamais nécessaire.

Gérard ARCEGA

Président honoraire de l’Association des anciens élèves de l’EN3S 12 mai 2009

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