A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
H. B OUASSE
Sur les métaux du type visqueux
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 2
esérie, tome 7, n
o4 (1905), p. 383-415
<http://www.numdam.org/item?id=AFST_1905_2_7_4_383_0>
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SUR LES MÉTAUX DU TYPE VISQUEUX,
PAR M.
H. BOUASSE,
Professeur à l’Université de Toulouse.
1.
Quand
on commence à étudier un groupe dephénomènes,
la Lenlation estgrande
d’en chercher une théoried’ensemble,
uneexplication générale.
Ce n’estque peu à peu
qu’on s’aperçoit
de la vanité de tels efforts etqu’on
serésigne,
pourun
temps plus
ou moinslong,
à classer lesphénomènes
en sous-groupes et à n’enprésenter
que desexplications partielles.
L’étude des déformations permanentes n’a paséchappé
à cetterègle;
il fautréagir
contre cetesprit
degénéralisation
hâtive
qui,
dans unsujet
aussi peu avancé et aussidifficile,
ne conduitqu’à
desdéceptions
et à des erreurs. Je vais montrer dans ce Mémoire la nécessité de clas-sements
rigoureux,
par l’étude d’un casextrême,
celui del’eutectique plomb
et étain
(Pb : 37
pour I00, Sn : 63 pour100), qui représente
letype
des métauxci
frottement liquide
ou à vi.scosité. Il est entendu duej’emploie
les mots dans lesens oic
je
lesdéfinis,
sans mepréoccuper
des sensqu’on
leur a donnés etqui,
chez les divers auteurs, sont le
plus
souvent contradictoires entre eux.2. Voici d’abord le classement d’enseinble que mes
expériences
amènent à pro- poser. Il va de soi que dans mesprécédents
Mémoires laquestion
ne seprésente
pas avec cette
symétrie
et cettenetteté,
d’ailleursrelatives;
ce n’est que peu à peuque
je
suis parvenu à mereprésenter
lesphénomènes
sous des formes aussi tran-chées.
Nous rencontrons
quatre
types fondamentaux de déformations dont voici le Tableau :A. Déformations essentiellement temporaires.
a. Déformations parfaitement
élastiques.
b. Déformations parfaitement
élastiques,
mais à élasticité retardée. Nous lesappel-
lerons
déformations
à réactivité ousubpermanerrtes.
384
B. Déformations permanentes.
a. Déformations â frottement solide.
b. Déformations à frottement
liquide
ou visqueux.Je dis
qu’il
y aécrouissage quand
les déformationsproduisent
une transforma- tion penmanenteplus
ou moinsprofonde
de la matière. Tontes lespropriétés
sont alors
modifiées,
et naturellement aussi cellesqui
se rattachent aux déforma- tions elles-mêmes : le frottement solide ou laviscosité,
suivant les corps, sontgénéralement
accrus.Je dis
qu’il ;
ahystérésis
dans le cas suivant. Uneopération
estreprésentée
parune
courbe parcourue
dans ccn sens; rien ne ditqu’il
soitpossible
de la parcou- rir en sens inverse. Parvenus en unpoint
d’unecourbe, changeons
le sens de ladéformation;
nous obtiendrons une courbe de retourqui généralement
ne sesuperpose pas à la courbe
d’aller;
il y a alorshystérésis.
L’existence del’hys-
térésis
n’implique
rien *sur le mécanisme duphénomène.
Elle peut exister danstoutes les
déformations,
lesdéformations parfaitement élastiques exceptées.
3. Avant
d’exposer
àquels
caractères on reconnaît lesquatre
sortes de défor- mationstypiques, je présenterai
une remarque.La matière est-elfe
homogène
ouhétérogène?
Dans mafaçon
de raisonner cela n’a absolument aucun intérêt.Il est clair que si l’on
découvre,
par l’étudemicrographique,
que les métaux ontune structure
complexe,
on seraplus
naturellementporté
à admettre desgroupes de
propriétés
enquelque
sorte distinctes.Mais,
outrequ’il
estpurement
gratuit
sans directe de rattacher tel ou tel de ces groupes à telle ou telle matièr°eséparément visible,
ce serait une erreurlogique grossière
de refuserle droit de les admettre sous
prétexte
que la matièreparaît homogène
au micro-scope.
Qui
nousdit,
eneffet,
que chacune de ces matières distinctes nejouit
pas de toutes lespropriétés
dans desproportions plus
ou moins considérables?Existe-t-il un lien nécessaire entre
l’homogénéité
réelle etl’homogénéité
appa- rente?Chaque particule
infinimentpetite
nepeut-elle
pas être un mondecomplet,
absolument
hétérogène,
dontl’ensemble, parfaitement homogène
aumicroscope,
n’en continuera pas moins de
jouir
de toutel’hétérogénéi té
de l’élément consti- tutif?Je ne discute pas l’intérêt des
procédés micrographiques ;
leur utilité indus- trielle est incontestable comme moyen de discerner des étatsdivers;
il est néces-saire de classer
scientifiquement
les textures. l~’Iaisj’artends qu’on
me montre enquoi
ils ont fait avancer d’un pas l’étude des déformationspermanentes.
Je veuxbien que, suivant leurs structures
micrographiques,
les métaux aient unedureté,
une
résistance,
des modules...différents;
mais cequ’on
oublie dedire, et précisé-
ment ce que
je
cherchedepuis
desannées,
c’est le sens de ces mots,dureté, résistances,
modules.... Des mesures, lesingénieurs passent
leur temps à enfaire;
ce
qu’ils
recherchent lemoins,
c’est lasignification scientifique
des résultats de leurs mesures.’
Donc peu nous
importe
que la matière soithomogène
ouquelle
ne le soit pas;les groupes de
phénomènes
seront définis par leursformes,
peuimporte
pourl’instant leur mécanisme réel. Les tentatives
d’explication que je proposerai seront
donc
purement formelles. Que
ma manière deprocéder
soit laplus
conforme àl’état de la
question,
c’est ce que la suite de ce Mémoire prouvera sans conteste.4.
Déformations parfaitement élastiques.
-J’emprunte
les définitionsqui
suivent au
Chapitre premier
d’unpetit
livrequi
vient deparaître
dans la Biblio-thèque
de l’élèveingénieur (BouAssE,
.Essais desmatériaux;
notionsfonda-
mentales relatives aux
déformations élastiques
etpermanentes.
Gratien etRey, Grenoble; Gauthier-Villars, Paris),
où ces considérations sontplus longue-
ment
développées.
Pour déformer un corps, il faut faire
agir
sur ce corps une force ou unsystème
,de forces. Je raisonnerai dans
l’hypothèse
où lesystème
de forcesdépend
d’uneseule variable,
la variablemécanique,
et oû les déformationspeuvent s’exprimer
par une seule
quantité,
la variablegéométrique.
Toute déformation peut sereprésenter
en mêmetemps
que sa cause sur unplan; je porte toujours
la variablegéométrique
en abscisses et la variablemécanique
en ordonnées.Le
langage adopté
suppose que l’on a tracé la courbe de déformation : ces courbes ont un sens de parcours; c’est le sens danslequel
sedéplace
lepoint figuratif
del’expérience ; généralement
une courbe nepeut
être réellement par-courue que dans une direction
unique.
Ceci
posé, je
dis que ladéformation
estparfaitement élastique quand
lacourbe peut parcourue arbitrairement dans les deux sens.
Ces déformations
jouissent
depropriétés importantes :
1° Le
parcours
aller et retour d’un arc de courbecorrespondant
à une déformationparfaitement élastique
n’entraîne aucuneabsorption d’énergie,
Nous ne tenonspas
compte
despetites
variationsthermiques produites
par la déformationqui compliquent
fort inutilement leproblème.
2° Si un arc de courbe
correspond
dans des conditions déterminées à une défor- mationparfaitement élastique,
uneportion
de cet arc ycorrespond
àussi.,~° Si un arc de courbe
correspond
à une déformationparfaitement élastique
pour une certaine loi de
déplacement
dupoint figuratif
parrapport
autemps,
il ycorrespond
encore pour une autreloi,
à la condition que la vitesse ne devienne pastrop
considérable : dans ce cas on retombe dans les difficultéssignalées
au 1°;les variations
thermiques peuvent
neplus
êtrenégligeables.
5:
Déformations parfaitement élastiques,
mais à élasticité retardée. Réac.- tivité. - Lacaractéristique
de cesphénomènes
est l’existence d’une forme déter.- minée pourchaque
valeur de la variablemécanique;
mais cette forme n’est pas atteinte instantanément : elle seprésente
comme une limite. J’ai" donné à la fin duChapitre
VI du Mémoire Sur les courbes dedéformation
para dans les Annales deToulouse,
et l’on trouvera dansl’Ouvrage
queje signale
au numéroprécédent,
ladescription
d’un modèlemécanique qui
fait aisémentcomprendre
les caractères fondamentaux du
phénomène.
Unetelle représentation
est schéma-tique.
D’une manière
générale,
la réactivité fait intervenir des causes intérieures etmédiates;
elle nepeut s’expliquer
par les causes extérieures actuelles et immé-diates,
elledépend
de toutes les forces antérieurementappliquées
au corps. Elleest
compatible
avec une élasticitéparfaite,
en ce sens que les déformations ne sont paspermanentes ;
on dit que les déformations sontt subpermanentes.
Il n’existe aucune
parenté
ni dansl’allure,
ni dans les causes, entre lesphéno-
mènes de réactivité et les
phénomènes
de déformationspermanentes
que nous passerons en revueplus loin, que
ces déformationspermanentes dépendent
d’unfrottement solide ou d’un frottement
liquide (viscosité).
Mais ils peuvent se super- poser ; dans lapratique
il est difficile de faire ledépart
entre les deux groupes :ce que moi-même
j’ai
souventappelé
réactivitéparticipe
à la fois de la réactivitéproprement
dite et des déformations permanentes.6.
Déformations permanentes
nonvisqueuses. Écrouissage. Principe
deCoulomb. -
L’hypothèse
que les déformationspermanentes dépendent
d’unfrottement
solide et se font parglissement
est l’une despremières
endate ;
ellea été énoncée par Coulomb. Si la force X est inférieure à une certaine valeur
Xo,
il
n’y
a pasdéformation ;
sitôtquelle dépasse
la valeurXo,
la déformation com- mence et sepoursuit
indéfiniment. Commepremière approximation,
la force serait constante,indépendante
de la vitesse etégale
àX -Xo.
Il y a alors une déformation
permanente
dont le caractère fondamental est dene
pouvoir
seproduire
que pour une forcesupérieure
à une certaine forcequi
mesure le frottement solide.
Écrouissage.
- Sous cette forme vraiment tropschématique, l’hypothèse
n’aurait aucune utilité. Elle se
complète
immédiatement par la définition del’écrouissage.
A mesure que, sousl’influence
de laforce X,
ladéformation permanente se produit, le
métal semodifie, s’écrouit,
de sorte que la limiteXo
devientégale
à X(à
conditiontoutefois
que X reste lui-mêmeinférieur
àufie deuxième liniite
Xi ).
Apartir
de ce moment le corps cesse de sedéfor-
mer. Une fois le corps déformé par une certaine
force,
une forceinférieure
demême direction est
incapable
de lui donner une nouvelle déformation perrna-nen te.
’
L’ensemble de ces deux
hypothèses
constitue leprincipe
de Coulomb.L’écrouissage
a une certaine limiteX, ;
cela veut dire que si la.force X estsupé-
rieure à
X,,
il nepeut
y avoiréquilibre, quelle
que soit la déformation.On remarquera que le mot
écrouissage
a un sens très vague : il estéquivalent
de dire que le métal s’écrouit ou que la matière se modifie. Un corps écroui
signifie
donc un corps dont la matière a étéplus
ou moinsmodifiée
par desdéformations per°manentes..
,7.
Déformation permanente visqueuse. Écrouissage.
- Le caractère fonda-mental de ce second groupe de déformations
permanentes
consiste en ce que .la forcequi s’oppose
à la déformation est une fonction de lavitesse;
elle est nullequand
la vitesse estnulle,
au moins comme casschématique
et limite. Onpeut
donc comparer lesphénomènes
à ceuxqui
sontproduits
par les frottements dans lesliquides plus
ou moinsvisqueux.
Si
petite
que soit laforce,
la déformationpermanente
est sanslimite;
toutefoissa vitesse diminue
quand
la force tend vers zéro.L’équilibre
nepeut
strictement exister que si la force estiiulle.
Écrouissage.
- Conformément ail sensgénéral
demodification
parmation permanente que
j’ai
attribué au motécrouissage,
il y aécrouissage,
’ dans le cas d’un.e déformation
purement visqueuse, quand
lefrottement liquide (viscosité)
varie du fait même de la déformation. Naturellement cetécrouissage
n’a aucun
rapport
avec celuiqui
est défini au n°6;
c’est bien encore une modifi-cation,
maisportant
snr unepropriété
différente.On observera que le sens dans
lequel je prends
ce mot est, avecplus
depréci-
’
sion,
conforme au sens usuel.8.
Hystérésis.
- II , résulte immédiatement de la définition del’hystérésis
donnée au n° 2
qu’elle
existe pour .des raisons fort diverses.Un corps
parfaitement élastique,
mais à élasticité retardée(réactivité,
n°5), présente
del’hystérésis;
un corpsqui
subit des déformationspermanentes
àfrot-
tement solide ou
visqueux présente
aussi del’hystérésis. L’hystérésis
est une pro-priété caractéristique
de la forme solidequi apparaît
dans des condi tions si diversesquelle
nepeut
servir sansplus
à établir del’analogie
entre lesphénomènes.
Lescourbes de torsion des métaux ont une
hystérésis qu’on
doitprincipalement
attri-buer à des déformations permanentes. Les courbes de traction du caoutchouc ont au contraire de
l’hystérésis
dans des conditions où lesdéformations permanentes
sont
toujours petites.
L’hystérésis
entraînegénéralement
uneabsorption d’énergie
pour tout parcourseffectué entre deux mêmes valeurs de la variable
géométrique.
9.
Remarque.
- Je viens de définir les castypiques
dedéformation;
malheu-reusement les
phénomènes’ne
seprésentent pas
avec cettesimplicité schématique.
D’abord les déformations ne sont pas nécessairement
homogènes,
cequi complique
considérablement
l’interprétation
des résultats. Ensuite ilpeut’
exister une super-position des
castypiques.
Enfin lesphénomènes
réelspeuvent
ne rentrerqu’en
gros et
approximativement
dans les cases que nous venons dedistinguer.
En
particulier,
il n’est pas douteux que les déformations actuelles ne soient fonction de toutes les déformations antérieures et nedépendent
de la loi suivantlaquelle
les forces ont étéappliquées
en fonction dutemps.
L’effet actuel ne déter- inine donc pas à lui seul lagrandeur
de déformation pour les métaux à frottementsolide,
pasplus qu’il
ne déterminc la vitesse de déformation dans le cas des métauxvisqueux.
°Quoi qu’il
ensoit,
cette classification est commode et vraie dans son ensemble.Le lecteur
qui
pensequ’elle
va d’elle-même etqu’il
n’était pas besoin d’un effort pour la trouver,ignore probablement l’historique
de laquestion
et les innom- brables erreursqu’on
aurait évitées enprenant
pourguide
des distinctionsqu’il juge peut-être
enfantines.,
Je vais traiter avec détail
lé
cas des métauxvisqueux; je
montreraiqu’il
estimpossible
de les confondre avec les métaux. de l’autretype,
si l’on se borne auxcas extrêmes. Je
prendrai
commetype
des métaux à frottement solide lecuivre,
que
j’ai
étudié d’unefaçon complète,
et commetype
des métauxvisqueux
l’eu-tectique
deplomb
etd’étain,
dont M. Carrière a fait sous ma direction l’étudeexpérimentale (Thèse,
Annales deToulouse,
MÉTAUX A FROTTEMENT LIQUIDE OU MÉTAUX VISQUEUX. GRANDES DÉFORMATIONS.
10. Pour
préciser
leproblème, je
vais traiter le cas d’uncylindre qui s’allonge
sous l’influence d’une
charge
constante ou variable. L’accroissement delongueur
dLest dû à deux causes, la déformation
élastique
et la déformationvisqueuse.
Jenéglige
d’abord lapremière, qui
esttoujours
extrêmementpetite
par rapport à la seconde.L’hypothèse
laplus simple
consiste à écrire que la vitessed’allongement
v =
dL dt
est àchaque
instant une fonctionparfaitement
définie de lacharge
par unité de section P : s. Admettons deplus
que la densité nechange
pas(hypothèse toujours
trèsapprochée,
mais nécessaire si la matière ne se transforme pas, nes’éciouit pas) :
nous aurons les conditionsSo Lo == sL,
P : s --- PL :so Lo .
Nous écrirons donc
Admettre que les fonctions o et ’Pi sont déterminées une fois pour toutes revient
à dire que la matière ne s’écrouit pas, ne se transforme pas d’une manière per-
manente du fait de la déformation.
L’écrouissage
modifierait la forme des fonc- tions o etprobablement
dans un sensunique,
et la ferait tendre vers uneforme limite.
Mais poser
l’équation (1 ),
c’est admettre aussi que la vitesse actuelle de défor- mation nedépend
pas de la manière dont les déformations antérieures ont été obtenues. Cette influencesubpermanente
des déformations antérieures est tout autre chosequ’un écrouissage qui
doit être considéré comme une modification stable de la matière. Nous nous contenterons d’abord del’hypothèse
laplus simple, quitte
à lacompliquer
si elle ne suffit pas.11.
Charge
constante par unité de section. -L’expérience
consiste àimpo-
ser
brusquement
unecharge Po
et à retirer despoids
convenables à mesure que le fils’allonge,
de manière que lequotient
P : s(ou
cequi
revient au même le pro- duitPL)
demeure constantpendant
toutel’opération.
Sil’hypothèse simple
dun° 10 est
vérifiée,
la vitessed’allongement
doit se maintenir constante, sauf tout à fait audébut,
où ellepart
de o et croîtrapidement : négligeons
cettepériode
initiale
toujours
très courte.Pour
l’eutectique,
on trouvegénéralement
une vitesse croissante : il semblequ’on
doive conclure nécessairement unécrouissage,
une modification de la matière dont la viscositédiminue, qui
devientplus
fluide à mesurequ’elle
s’al-longe.
Cetteinterprétation
ne doit être admisequ’à
la dernière extrémité. Onpourrait expliquer
1 accroissement de vitesse par une modification nonplus
per-manente, mais
subpermanente,
due aux déformations immédiatement anté-rieures,
suivant la distinction du n° 9. On concluraitqu’un
filqui
vientallongé
devient de ce faitplus allongeable.
Mais cetteinterprétation
est contradic-toire avec certains résultats dont il sera
parlé plus
loin.Une distinction fondamentale est nécessaire entre la matière du corps
qui
sedéforme et le corps lui-même considéré comme espace
occupé
par la matière. Rienne dit que le
fil,
en sedéformant,
restecylindrique; plus
exactement tout prouve le contraire : enparticulier,
il devient rugueux. Il sepeut
donc que le fil semble s’écrouir en devenantplus fluide,
tandisquè
la matièrequi
leforme,
ou nes’écrouit pas, ou tout au contraire s’écrouit en devenant moins fluide. Il
faut,
dans
l’interprétation
desrésultats,
avoirtoujours
cette distinction fondamentaleprésente
àl’esprit :
c’estpourquoi
nous enparlons
dès àprésent.
12.
Charge
constante. -Imposons brusquement
unecharge
constantePo
etmaintenons-la
indéfiniment;
comparons cequi
arrivera pour le métal non écrouis- sable à frottementvisqueux
et pour le métal à frottementsolide,
que nous savonsêtre éminemment écrouissable.
Négligeons toujours
la déformationélastique.
Métal
à frottement visqueux
non écrouissable. - La vitesse est définie parInéquation ~==2014 =:o~(PL).
Résolvons par
rapport
àP ;
il vient P =T-~(~).
° ’L’accélération du corps
Po
sera donnée par uneexpression
de la formeIl est clair que la vitesse part de o et croît indéfiniment. En
effet,
si elle devé-nait constante pour une certaine valeur vo, on aurait
Po= I équation qui
ne serait
plus
satisfaite au bout d’uninstant, puisque
L croît.Cette conclusion vaut,
quelle
que soit lacharge
initiale.Comme nous savons
qu’à charge
constante par unité desection, l’eutectique
s’al-longe
avec une vitesse croissante(pour
des raisons dont nous avonsindiqué
laprobabilité
au numéroprécédent),
il va de soiqu’à charge
constante la vitessen’en croîtra que
plus
vite. Lesphénomènes
sont entièrement différents avec unmétal écrouissable à frottement solide. ’
Métal écrouissable
à frottement
solide, - Onpeut
admettre très exactement Lque la force
qui s’oppose
àchaque
instant à la déformation est une fonction del’allongement actuel,
à peuprès indépendante
de la vitesse de déformation. L’al-longement
mesure en effet la déformation et parconséquent
lechangement
depropriété
de lamatière,
cequi
estprécisément
sonécrouissage.
La loi du mouve-ment de la masse
suspendue
est donc de la formeddl’ t
=K Po - F(L)],
toute diffé-rente de la loi
précédemment
obtenue. La vitesse croîtjusqu’à
ce que lalongueur
prenne la valeur
L.
annulant laparenthèse; après quoi
elle diminue et s’annulequand
le travail total est nul(au
moinsapproximativement),
conditionqui
définitune certaine
longueur L~
Le corps
suspendu
arrive donc alors au repos ets’y
maintientpratiquement. Je
néglige,
bienentendu,
lesphénomènes
de réactivitéqui
sesuperposeraient
auxprécédents :
il nes’agit,
eneffet,
ici que d’un schéma considérablementsimplifié.
. L’expérience
montrequ’au
moins en gros le cuivre recuit rentre dans ce castypique.
13.
Étude
dufaisceau
de courbes àcharge
constante. - Il serait duplus
haut Intérêt de déterminer la forme de la
fonction qui
entre dansl’équation
fon-damentale v
= c~~PL~.
-Cette fonction résulterait immédiatement de l’étude d’une seule courbe à
charge
constante, si le
phénomène
dont il estparlé
au n° ~~ necompliquait singulière-
ment le
problème. Comme,
endéfinitive,
nous ne pouvonsagir
sur la matièredu fil
qu’en agissant
sur lefil lui-même,
nous sommes bienobligés d’interpréter
le
résultat complexe.
Soient
tracées les courbesexpérimentales, vitesses-longueurs, correspondant
àdes bouts de fils aussi
identiques
quepossible
au début et de mêmelongueur
ini-tiale
Lo,
pour descharges
constantesP,, P2,
.... Elles sontmarquées
en traitspleins
dans lafigure
1.’
Fi~. i.
Soient
( L~, Pi)
unpoint
de lapremière, (L~, P2)
unpoint
de la seconde et ainside
suite,
tels que l’on ai tL,
=L2P2==L3P3==
... =C,
où C est une constante.Ces
points
sont sur une courbe tracée enpointillés.
Sil’hypothèse
fondamentale étaitsatisfaite,
courbescorrespondant
à diverses valeurs de la constante G seraient des horizontales. Si parl’allongement
il seproduisait
unécrouissagc
diminuant la
fluidité,
ces courbes tourneraient leur concavité vers le bas.Or, l’expérience
montrequ’elles
tournent leur concavité vens le haut.On est donc bien forcé
d’adlnettre, indépendamment
de tontethéorie,
que la . vitessed’alloiigement v
estfonction,
non seulement de lacharge
par unité de sur- face de la section(c’est-à-dire
duproduit PL),
mais encore fonction de la lon- gueur actuelle.L’allongement
a pour effet de rendre la fluidité apparenteplus grande,
de diminuer la viscosité. On doit écrire v =~L
indiquant
que la fonction Tdépend
del’allongement;
deplus
(p croîtquand
L croît. ,Mais on ne saurait
trop
insister sur cepoint,
rien ne prouvequ’il s’agisse
d’unécrouissage
de la matière dufil;
il estplus probable
que le fil sedésagrège plus
oumoins en tant que
solide géométrique,
sans que la matière se modifie sensiblement.14. Détermination de la
fonction
03C6. - Pour se rendrecompte
de la variation de la vitesse avec lacharge
par unité desection,
on est donc conduit àopérer
surdes fils
également allongés;
comme les fils ne sont pas nécessairement iden.-tiques,
on doit croiser lesexpériences.
Une circonstance rend moins inextricable le
problème : l’expérience
prouve que la vitesse pour unelongueur
donnée estindépendante
de la manière donton atteint cette
longueur.
La démonstration repose sur deux séries
d’expériences.
Première série. - On amène le fil d’une même
longueur
initialeLo
à unemême
longueur
finaleLJ
avec des vitesses différentes. Pour cela onopère
àFig. n. Fig. 3.
charge P, P’, P’’,
constante pour unessai,
variable d’un essaiàl’autre.
Ils’agit
dedémontrer que le fil est dans le même état sous la
longueur finale Lt, quelle
quesoit la valeur de la
charge
Pqui
l’amène à cettelongueur ( fig; 2 ~,
’ . ’Pour prouver cette
identité, au
moment où l’onatteint
lalongueur L~,
on rem-place brusquement
lacharge
P par unecharge P,,
la même pour tous les fils.L’expérience
montre que les vitessesd’allongement,
sous cettecharge
invariableP,
et pour les mêmes
longueurs,
sontidentiques, quelle qu’ait
été lapréparation.
Les courbes v =
?L(Pi L)
doivent se superposer.On
pourrait
fairel’expérience
en amenant à lalongueur
invariableL,,
nonplus
à
charge
constante, mais par unprocédé quelconque.
Seconde série. - Elle n’est
qu’une
modification de lapremière 3).
Avec chacun des fils on décrit : t° une
portion
de la courbe decharge
avec unecharge, toujours
la mêmePo, jusqu’à
desallongements L, L’,
L" pour lesexpé-
riences
consécutives;
2° on continue avec unecharge, toujours
lamême, P,.
D’une
expérience
à l’autre et, parconséquent,
d’un fil àl’autre,
on fait varier L.On doit obtenir pour les
vitesses,
si les fils sontidentiques,
deux courbes en tout,et v, =
L);
l’unecorrespondant
à lacharge Po,
l’autre à lacharge P, .
On utilise seulement dans lesexpériences
successives desportions plus
ou moinsgrandes
de chacune de ces courbes.15.
Comparaison
des courbes àcharge
constante. Croisement desexpé-
riences. - Grâce aux
expériences précédentes,
onpeut,
dans lacomparaison
descourbes à
charge
constante,procéder
d’une manièrequi
élimine la part d’incer- titudeprovenant
de la non identité des fils surlesquels
onexpérimente.
Si lamanière d’atteindre un
allongement
n’influe pas sur l’état du fil sous cetallonge-
ment, on
peut
obtenir sur un même fil les courbes àcharge
constante correspon- dant àplusieurs charges,
deux ou trois dans lapratique. L’expérience
consisteraà
imposer
successivement et en les croisant les deuxcharges Po
etP,,
ou les troischarges Po, P,, P2 et
à déterminer les vitessesd’allongement
en fonction des lon- gueurs. On obtiendra deux ou troissystèmes
depoints qu’on joindra
par descourbes continues. On aura ainsi les courbes vo, v2 à
charge
constante, comme si on les avait obtenues sur des fils différents etidentiques.
Vitesses initiales. - On
appellerait
vitesses initiales les vitessesqu’on
obtienten
prolongeant
parextrapolation
les courbesjusqu’à
lalongueur
initialeLo.
Il estclair que l’une d’entre elles seule
peut
être effectivement obtenue pourLo.
L’expérience
montre que ces vitesses sont très sensiblementproportionnelles
carrés des
charges.
16. Fonction de
désagrégation.
2014 Toutes lesexpériences précédentes
satis-feraient à
l’hypothèse
suivante :,
La fonction
~,
déterminée une fois pour toutes,pourrait s’appeler fonction
dedésagrégation.
Cherchonsquelles conséquences
résulteraient de la formeprécé-
dente.
Considérons deux courbes
Po
etPt
elles auront pouréquation
d’où
Il
paraît
difficile de nepas admettre que, si
grande
que soit la vitesse de défor-mation,
on ne pourra pasdépasser
une certaine valeur limite F duproduit
PLqui
mesure la force par unité de surface.
On peut poser, par
exemple,
v =oP2L2 F2-P2L2 03A6(L); d’où v1 v0
=P21 P20
F,Pour deux
charges, P,
etPo,
lerapport v1
: vo doit croître avec lalongueur
Lsous
laquelle
se fait lacomparaison.
Pour de
petites charges,
les vitesses sont sensiblement comme le carré descharges.
Si le
produit P, L s’approche
deF,
lavitesse v,
croît au delà de toute limite.Une
hypothèse plus générale
consiste à admettre que la fonction ~ n’inter- vient pas enfacteur,
mais s’introduit comme une modification desparamètres
oet F.
17.
Décharges
décroissantes. - Les corps à frottementsolide,
dont le cuivreest le
type,
deviennentparfaitement élastiques (au
moinsapproximativement
eten
négligeant
laréactivité)
pour toutecharge supérieure
à cellequ’ils
ont subieune fois. Au début de la
décharge,
le cuivre continue bien des’allonger;
il neprésente
pas, eneffet,
le type à frottement solide pur;mais,
dès que lacharge
estsuffisamment inférieure à la
charge maxima,
toutallongement
cesse.Pour les métaux
visqueux,
rien de semblable.On
charge
un fil d’un tel métalproportionnellement
au temps, ondécharge
suivant la même
loi;
on devraitobtenir, d’après
leshypothèses précédentes,
un
allongement plus grand
quependant
lacharge,
parce que les mêmescharges
sont
appliquées
le mêmetemps :
1 ~ A un fil dont le diamètre est
plus petit;
2° A un fil
plus
facilementdéformable, puisqu’il
estallongé.
Or, l’expérience
prouve quel’allongement pendant
ladécharge
estplus petit
quependant
lacharge,
pourvuqu’on
pas sur unfil déjà
consi-dérablement
allongé.
Donc lesphénomènes
sontplus complexes
que nous ne l’avions d’abordimaginé :
les vitesses dedé formation
actuelles ne sont pas indé-pendantes
des vitesses dedéformation
antérieures. Il faut admettre que, pourune
charge
actuelledonnée,
la vitessed’allongement
estplus petite quand
elle est décroissante que
quand
elle estcroissante,
pourvu, bienentendu,
que la variation soit assez
rapide.
Cette
généralisation
nepeut
servir àexpliquer
les anomalies du n"11, puis-
que alors on devrait obtenir une
charge
constante; nous sommes forcés de main- tenirl’hypothèse
de ladésagrégation.
Le
fil,
une foisdéchargé,
on recommencel’opération.
Tandisqu’un
fil encuivre ne
s’allongerait
pas pour lespetites charges
et ne recommencerait à s’al-longer
que pour descharges
peu inférieures à lacharge
maximasubie,
le fil d’eu-tectique s’allonge
dès le début de lacharge.
On obtient ainsi les courbesrepré-
sentées dans une des
figures
du Mémoire de M. Carrière. La confusion entre les deux types n’est paspossible.
Si l’on
opère toujours
sur un fil decuivre,
mais à destempératures
deplus
enplus élevées,
on trouve des courbes dont l’allure serapproche
exactement de cellequi
caractérise les métauxvisqueux.
J’aidéjà
montré que la vitesse de déforma- tion intervientdéjà
fortement à 300° sur la forme des courbes de traction. .18.
Décharge brusque,
onrecharge proportionnellement
au temps. -Chargeons jusqu’à
lacharge P, proportionnellement
au temps.Déchargeons
brus-quement;
lalongueur
reste cequ’elle
était pour lacharge P,,
aupetit
raccour-cissement
purement élastique
et à la réactivitéprès. Rechargeons
de nouveaujusqu’à Pt,
recommençonsl’opération
un certain nombre de fois : lesphénomènes
sont alors
singulièrement
différents pour le cuivre et pourl’eutectique.
A mesure que le nombre des
opérations croît,
la courbe decharge
du cuivredevient de
plus
enplus parfaitement rectiligne
etverticale,
la courbe decharge
del’eutectique
deplus
enplus
inclinée.D’après
leprincipe
deCoulomb,
lecuivre,
dès la seconde
opération,
est à peuprès parfaitement élastique; l’eutectiqne
a,pour les
opérations successives,
un diamètre initialplus petit,
unelongueur plus grande;
il est devenu aussiplus
déformable du fait de sonallongement
même.19.
Écrouissage.
- Si nousopérons
avec de fortescharges, l’écrouissage,
àsupposer
qu’il
consiste dans uneaugmentation
de laviscosité,
se trouvera immé-diatement
masqué
parl’augmentation apparente
de fluidité quej’attribue
à unemodification,
non de lamatière,
mais de la formegéométrique
du fil. Il faut doncessayer avec de très
petites charges. L’expérience
prouve que la vitesse d’allon- gement, souscharge
faible et cnnstante, commence pardécroître;
elle passe parun minimum et croît à nouveau. Le minimum a lieu pour un
allongement petit
et sensiblement le
même, quelle
que soit lacharge employée.
Cet