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Procédures douloureuses chez le nouveau-né : actualisation des recommandations américaines

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Médecine

& enfance

mars 2016 page 54 Rubrique dirigée par C. Copin

ETUDES

M algré les recommandations, la douleur en période néona- tale continue à être incons- tamment évaluée, et sa prise en charge reste trop souvent inadaptée ou tout du moins suboptimale, déplorent les ex- perts américains qui citent, à l’appui de ce constat, les résultats de l’étude pros- pective française réalisée dans des uni- tés de soins intensifs néonatals d’Ile-de- France auprès de 430 nouveau-nés [1]. Seulement 21 % des enfants ont reçu une analgésie préventive avant une pro- cédure douloureuse ; 79 % ont donc été soumis à un acte douloureux ou stres- sant sans traitement spécifique. Même si 34 % recevaient un traitement anes- thésique ou analgésique pour un autre motif, cette étude illustre l’insuffisance de la prise en charge de la douleur en néonatologie.

Pourtant, la prévention et le soulage- ment de la douleur chez le nouveau-né sont absolument nécessaires, non seule- ment pour des raisons éthiques, mais aussi parce que la douleur a des consé- quences à court et à long terme, notam- ment une instabilité physiologique, des altérations du développement cérébral, des anomalies des réponses neurodéve- loppementales, somatosensorielles et au stress, qui persistent au cours de

l’enfance. Des perturbations d’autant plus importantes que le bébé est préma- turé. En effet, les réseaux nociceptifs, fonctionnels dès la vingt-cinquième se- maine de gestation, sont caractérisés, chez les prématurés, par des réponses généralisées ou exagérées aux stimulus nocifs [2].

Les gestes douloureux ou stressants pour le nouveau-né, quel que soit son âge gestationnel, augmentent l’excitabi- lité des neurones nociceptifs au niveau de la corne dorsale de la moelle épiniè- re et accentuent la sensibilité à de nou- veaux stimulus (sensibilisation) [3]. Les stimulus nocifs activent les voies de si- gnalisation, mais aussi les circuits cen- traux inhibiteurs, altérant l’équilibre entre les mécanismes excitants et les feedback inhibiteurs [4]. L’immaturité des connexions synaptiques au niveau de la corne dorsale et des circuits inhibi- teurs descendants chez le nouveau-né facilite ainsi la sensibilisation du systè- me nerveux central à des stimulus dou- loureux répétés.

L’ÉVALUATION

La première étape de la prise en charge de la douleur chez le nouveau-né est fondée sur son évaluation, un challenge

Procédures douloureuses

chez le nouveau-né : actualisation des recommandations américaines

American Academy of Pediatrics : « Prevention and management of procedural pain in the neonate : an update », Pediatrics,2016 ; 137 : e20154271.

Synthèse : M. Joras

Les nouveau-nés, surtout les prématurés, hospitalisés en unité de soins inten- sifs sont soumis à de nombreux actes diagnostiques et thérapeutiques doulou- reux. Depuis des années maintenant, la douleur de ces petits patients est re- connue et ses conséquences à court et à long terme établies. La prévention des douleurs induites par les soins fait l’objet de recommandations. Néan- moins, l’analgésie avant et pendant la réalisation d’actes douloureux et, plus globalement, la prévention et la prise en charge de la douleur sont encore loin d’être systématiques. L’American Academy of Pediatrics (AAP) le rappelle dans ses recommandations qu’elle vient d’actualiser à partir des dernières données sur le retentissement de la douleur en période néonatale et des études sur les moyens pharmacologiques et non pharmacologiques de prise en charge des soins douloureux.

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mars 2016 page 55 notamment chez le grand prématuré ou

en cas d’atteintes neurologiques. De nombreuses échelles d’évaluation ont été élaborées, mais seulement cinq ont été clairement validées : « Neonatal fa- cial coding system », « Premature infant pain profile » (PIPP), « Neonatal pain and sedation scale », « Behavioral infant pain profile » et « la douleur aiguë du nouveau-né » [5-9]. Ces échelles pren- nent en compte un certain nombre d’éléments : les pleurs, l’expression du visage, les mouvements des membres, la qualité du contact avec l’entourage, mais aussi les modifications du rythme cardiaque ou la baisse de la saturation en oxygène… Elles permettent d’éva- luer, selon les cas, les douleurs aiguës, prolongées et/ou postopératoires.

Des outils utilisant les nouvelles techno- logies (spectroscopie proche infrarou- ge, électroencéphalographie d’amplitu- de, IRM fonctionnelle…) et permettant une évaluation neurophysiologique au niveau cortical chez des nouveau-nés éveillés, sédatés ou anesthésiés sont en cours de validation ; ils pourraient per- mettre de visualiser et/ou de mesurer les réponses aux stimulus douloureux.

L’association d’échelles comportemen- tales et d’examens neurophysiologiques devrait améliorer l’évaluation de la dou- leur du nouveau-né grâce à la prise en compte des différentes situations, du ty- pe de douleur, aiguë, prolongée ou postopératoire, et de l’âge gestationnel, précisent les experts de l’AAP.

LES STRATÉGIES

NON PHARMACOLOGIQUES

Plusieurs stratégies comportementales peuvent être utilisées pour limiter la sensation douloureuse. Ainsi la position

« naturelle » du bébé en flexion, l’enve- loppement, le « peau à peau », les mas- sages, le bercement et la succion non nutritive sont autant de mesures simples qui ont fait leurs preuves dans les douleurs légères à modérées et dans les interventions stressantes [10]. L’allai- tement maternel diminue également la réponse à un stimulus douloureux com-

me un prélèvement veineux ou une in- jection [11]. L’administration de lait de mère à la seringue aurait un effet com- parable. Enfin, la stimulation sensoriel- le, une méthode qui sollicite conjointe- ment, et doucement, les systèmes tacti- le, gustatif, auditif et visuel, en prenant l’enfant dans les bras, en lui parlant, en le berçant, en lui massant le visage et le dos et en lui donnant une solution su- crée, aurait un impact plus important que la seule administration de sucre [12].

LES TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES

L’administration d’une solution sucrée est considérée par les experts améri- cains comme la première mesure théra- peutique pharmacologique. Une méta- analyse sur plus de 4 700 nouveau-nés de 25 à 44 SA a confirmé l’efficacité de l’administration de saccharose deux mi- nutes avant le stimulus nocif pour dimi- nuer la douleur [13]. L’efficacité de la so- lution sucrée est augmentée lorsqu’elle est accompagnée des mesures non phar- macologiques décrites ci-dessus. La dose recommandée est de 0,1 à 1 ml de sac- charose à 24 % ou de 0,2 à 0,5 ml/kg.

Comme son effet ne dure que quatre mi- nutes environ, les interventions plus longues imposent la répétition des doses, ce qui n’est pas toujours souhai- table. Une solution de glucose à 20 ou 30 % peut aussi être proposée. Son effi- cacité a été démontrée dans une autre méta-analyse, mais le timing d’adminis- tration et la durée de l’effet ne sont pas clairement définis [14].

Les analgésiques les plus utilisés en pé- riode néonatale sont les opioïdes, au premier rang desquels le fentanyl et la morphine. Leur évaluation dans la pré- vention des douleurs légères à modérées a été le plus souvent limitée à des actes spécifiques, principalement l’intubation, or l’AAP recommande le traitement pré- ventif systématique de la douleur avant toutes les interventions douloureuses, telles que la circoncision, la pose ou le retrait d’un drain par exemple.

Néanmoins, les stratégies de prise en

charge de la douleur et la sédation au long cours, comme pendant une venti- lation mécanique, restent difficiles, no- tamment en raison des craintes sur les effets à court et à long terme de perfu- sions prolongées de morphine. Une étu- de récente a montré qu’une faible dose de morphine administrée en continu en période néonatale n’a pas d’effet cogni- tif ou comportemental à l’âge de huit- neuf ans par rapport au placebo et pourrait même avoir un impact favo- rable sur les fonctions exécutives [15]. L’absence d’effet défavorable sur le dé- veloppement neurologique d’une séda- tion ou d’une analgésie prolongée par opioïde chez des grands prématurés évalués à l’âge de cinq ans a également été démontrée dans l’étude française EPIPAGE [16]. En revanche, une revue Cochrane concluait, en 2008, sur le manque de preuves suffisantes pour re- commander l’utilisation en routine d’opioïdes chez les nouveau-nés venti- lés [17]. En effet, bien que l’analyse des études retenues ait confirmé une réduc- tion de la douleur, aucun effet béné- fique à long terme ne se dégageait, alors que le risque de dépression respi- ratoire, l’augmentation de la durée de la ventilation et le développement d’une dépendance ou d’une tolérance étaient mis en évidence.

L’AAP souligne en outre les potentiels effets secondaires à court terme des opioïdes, notamment l’hypotension, la constipation et la rétention urinaire pour la morphine, et la bradycardie pour le fentanyl [17]. Le rémifentanil, un dérivé du fentanyl de courte durée d’ac- tion, pourrait constituer une alternative intéressante, mais ses effets à long ter- me ne sont pas encore connus [18, 19]. Les benzodiazépines, surtout le midazo- lam, sont largement utilisées comme sé- datifs en unités de soins intensifs, mais, compte tenu de leur effet analgésique limité et de leurs effets secondaires po- tentiels, l’AAP considère qu’elles ne doi- vent être prescrites ou être administrées que sous stricte surveillance. Des traite- ments alternatifs, comme la méthado- ne, la kétamine, le propofol et la dex- médétomidine ont été proposés. Malgré 03 ma 16 m&e études douleur 21/03/16 15:24 Page55

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mars 2016 page 56 des résultats intéressants, notamment

concernant la méthadone, les données sont insuffisantes à ce jour pour en pré- coniser l’utilisation. Il en est de même pour le paracétamol par voie intravei- neuse, qui pourrait néanmoins réduire le recours à la morphine, notamment en période postopératoire. L’indication des AINS en néonatologie est limitée à la fermeture du canal artériel en raison de leurs effets secondaires (insuffisance ré- nale, hypertension artérielle pulmonai- re, dysfonction plaquettaire).

Les anesthésiques locaux, en particulier l’Emla®(Eutectic mixture of local anes- thetics), composé de lidocaïne à 2, 5 % et de prilocaïne à 2, 5 %, diminuent la douleur induite par les prélèvements veineux ou artériel ou la pose d’un ca- théter central, mais aussi par les ponc- tions lombaires, surtout en association avec l’administration d’une solution su- crée. Néanmoins, les risques de méthé-

moglobinémie et la toxicité cutanée en limitent l’utilisation, surtout chez les prématurés [20].

AU TOTAL, L’AAP FORMULE SEPT RECOMMANDATIONS

La prévention et la réduction de la douleur chez le nouveau-né sont des objectifs majeurs de la prise en charge de ces enfants. Tous les centres doivent avoir des recommandations écrites pour l’évaluation de la douleur et sa préven- tion pour chaque type de soins ou d’actes thérapeutiques.

Les outils d’évaluation avant, pen- dant et après toute procédure doulou- reuse doivent être utilisés de façon sys- tématique.

Les stratégies non pharmacologiques, enveloppement, succion non nutritive, allaitement, administration de lait ma-

ternel ou stimulation sensorielle, doivent être utilisées de façon systématique.

L’administration de solution sucrée doit être proposée en prévention en sus des moyens non pharmacologiques pour les procédures modérément dou- loureuses.

La prescription d’agents pharmacolo- giques doit être faite au terme d’une évaluation bénéfice-risque, et les en- fants traités doivent bénéficier d’une stricte surveillance.

Les équipes, comme les membres de la famille, doivent bénéficier d’une for- mation continue sur la reconnaissance, l’évaluation et la prise en charge de la douleur chez le nouveau-né.

Des études doivent être poursuivies pour mieux évaluer les stratégies dispo- nibles. Des études pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sont nécessaires pour les nouveaux médicaments. 첸

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.

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