Genèse du monde, architectonique de la pensée (Résumé)
Françoise DAVIET-TAYLOR
GENÈSE DU MONDE,
ARCHITECTONIQUE DE LA PENSÉE
(Résumé)
Résumé
Pour saisir le champ que nous questionnons – Dieu, la Pensée, la Parole dans la Genèse –, nous convoquons deux termes kantiens fondamentaux, celui d’« idée » (l'idée de Dieu) – et celui de « concept rationnel ». Pour Kant en effet, Dieu, « la grandeur la plus parfaite » que la Raison peut concevoir, est une « idée » : « Je comprends sous l'idée un concept rationnel nécessaire, auquel aucun objet adéquat ne peut être donné dans l'expérience. » Ces concepts rationnels dépassent en effet le cadre de l'expérience, ce sont les concepts de la raison pure. L'idée de Dieu est dès lors à rapporter aux caractéristiques de ces concepts rationnels (Vernunftbegriffe) qui
« dépassent la possibilité de l'expérience » : les idées ne sont « pas connaissables », Dieu n’est pas connaissable. Mais loin d'être inutiles ou accessoires, les « idées », dont la plénitude déborde précisément notre faculté théorique de connaître, revêtent au « plus haut » une fonction décisive (et indispensable).
Nous touchons chez Kant à une ligne de partage analogue, dirait-il, à celle qu’est dans la Genèse la voûte qui sépare les Eaux, en établissant une séparation entre celles au-dessus de la voûte et celles en dessous. Chez Kant, la ligne de partage va séparer le domaine de l’entendement (Verstand) de celui de la raison (Vernunft), chacun des domaines ayant ses pouvoirs propres au service d’une finalité propre, ses matériaux et son mode de fonctionnement propres. Ainsi chacun des deux domaines est-il défini et caractérisé par rapport à celui qui lui est complémentaire (la connaissance a besoin de la complémentarité des deux) : l’entendement est défini comme le pouvoir des règles, tandis que la raison l’est comme le pouvoir des principes.
Dans le texte de la Genèse, nous voyons comment ce principe kantien d'unité, ce principe « régulateur » doté d'une parfaite autonomie (ein durch sich selbst notwendiger Prinzip) se dévide en quelque sorte, donnant progressivement naissance à la diversité. Au commencement, le principe fonctionne en parfaite autonomie. Une unique matière (une singularité non-nombrable) se divise (par elle-même), donnant
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2 naissance – en même temps qu'elle crée les éléments et les « espèces » plurielles – à la pluralité, au nombre, ainsi qu'au quantificateur « deux ». Les premières distinctions sont opérées par le seul principe des contraires, assis sur la matière d'abord (A et non A : jour-nuit, sec–humide), sur la vie ensuite (vivants marins et vivants volants). L'appareil sémantique, de la plus extrême sobriété, ne mobilise lui aussi qu'une seule distinction « les vivants qui volent » / « les vivants qui grouillent » pour prendre en charge le tout des activités du vivant.