Douleur et
neurophysiologie de la douleur chez les
animaux domestiques
Aude Ferran
Neurophysiologie de la douleur
Douleur chez les mammifères
Peut-on parler de douleurs chez l’animal ?
Différents termes pour décrire une douleur
Mécanismes de la douleur
Du stimulus nociceptif à la moelle épinière
De la moelle à l’encéphale
Modulation de la douleur
Modulation par les voies descendantes
Sensibilisation périphérique
Sensibilisation centrale
Définitions
La nociception est un processus sensoriel qui permet de percevoir les stimulations produisant la douleur
La douleur (chez l’Homme) est une expérience
sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une
lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite
en termes d'une telle lésion
Définitions
La douleur chez l’animal est une expérience
sensorielle aversive qui déclenche des actions motrices protectrices, des apprentissages
d’évitement et qui peut modifier le comportement social de l’animal ou du groupe
(Zimmerman 1986)
La douleur a une dimension émotionnelle, elle
est associée une perception désagréable, ce n’est
pas seulement une sensation.
Douleur chez l’animal
L’existence de la douleur est reconnue chez les mammifères et le plus souvent chez les oiseaux
La question de douleur chez les poissons et les
invertébrés n’est pas résolue
Douleur chez l’animal
Depuis avril 2014
L’animal n’est plus un « bien meuble » mais
un « être vivant doué de sensibilité » dans le
code civil
Douleur chez les mammifères
Réactions motrices de protection
Réponses d’évitement apprises
Réponses du système nerveux autonome
tachycardie
tachypnée
hypertension
mydriase
augmentation des concentrations sanguines de cortisol, de catécholamines et d’opioïdes endogènes
= Mêmes signes que chez l’Homme
Douleur chez les mammifères
Chez l’animal, la douleur est très difficile à saisir, l’expression de douleur varie selon les espèces
Changement de comportement
Hypoactivité
Absence de plaintes ou de signes parfois mort feinte pour éviter d’attirer des prédateurs
Hyperactivité
Vocalisation
Grattage, léchage, mutilation de plaies
Ronronnement chez le chat
Différents types de douleur
Douleur aigüe (courte)
signal d’alarme qui protège l’organisme
prévient d’un danger
permet d’éviter la cause ou
de limiter les conséquences
Douleur chronique (prolongée plusieurs mois) néfaste à l’organisme
destructrice
Différents types de douleur
Origine de la douleur
Douleur nociceptive : douleur causée par une lésion tissulaire
Douleur neurogénique : douleur causée par une lésion primaire ou un dysfonctionnement du
système nerveux
Exemples : lésions des axones ou perte de myéline.
Différents types de douleur
Perception de la douleur
Allodynie : douleur ressentie après un stimulus non douloureux
ex : toucher sur peau brulée
Hyperalgésie : augmentation de la réponse à un stimulus douloureux
ex : claque sur un coup de soleil
Analgésie : absence de réponse après un
stimulus douloureux
Différents types de douleur
Localisation de la douleur
Douleurs ressenties à un site éloigné de la lésion tissulaire
Douleur projetée
Douleur référée
Douleurs ressenties à un site inexistant
Douleur de membre fantôme
Différents types de douleur
Douleur projetée
Douleur ressentie dans le dermatome d’un nerf lésé
Ex : pincement d’un nerf au niveau du coude qui entraîne une douleur au niveau de la main
Douleur référée
= Localisation de douleurs viscérales sur la peau
Différents types de douleur
Douleur référée
Causes :
Convergence vers le même neurone spino-thalamique (neurone qui part vers le cerveau) de douleurs d’origine
Cutanée
Viscérale
Articulaire
Très bonne localisation de la douleur sur le peau
Les informations nociceptives viennent très souvent de la peau
Différents types de douleur
Douleur du membre fantôme
= Individu amputé peut ressentir la présence de l’élément amputé et parfois une douleur
Peut-être observé lors d’amputation de
Membres
Œil
Dent
Sein
…
Formation d’un névrome et remaniement du système nerveux central
Différents types de douleur
Neurophysiologie de la douleur
Douleur chez les mammifères
Peut-on parler de douleurs chez l’animal ?
Différents termes pour décrire une douleur
Mécanismes de la douleur
Du stimulus nociceptif à la moelle épinière
De la moelle à l’encéphale
Modulation de la douleur
Modulation par les voies descendantes
Sensibilisation périphérique
Sensibilisation centrale
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Nocicepteurs
Sensibles uniquement aux stimuli douloureux
Seuil d’activation
Gradation de l’intensité du stimulus
nocicepteur
thermorécepteur
Potentiels d’action/s
Température (°C)
40 45
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Nocicepteurs
Nombreux sur :
peau
périoste
surface articulaires Très bonne localisation
Peu nombreux sur
les viscères
Mauvaise localisation
Absent au niveau du SNC
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Nocicepteurs
Structure :
extrémités neuronales libres
(pas de structure type corpuscule de Pacini)
canaux ioniques qui laissent entrer le Na
+et Ca
2+
Transduction :
transformation des stimuli nociceptifs en
activité électrique
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Nocicepteurs :
Activation :
Directe par la stimulation nociceptive sur le
nocicepteur
ex: brûlure
Indirecte par l'intermédiaire de substances
algogènes endogènes libérées en cascade suite à
la lésion tissulaire
ex : « soupe inflammatoire »
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Nocicepteurs
Ils peuvent être spécifiques ou polymodaux
Thermique
Mécanique
Chimique
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Nocicepteurs
TRP (transient receptor potential) les plus répandus
TRPV : vanilloïdes
TRPV1 thermosensible (chaleur) + sensibilité à la capsaïcine
TRPV2 thermosensible (chaleur). Pas de sensibilité à la capsaïcine
TRPV3-4 thermosensible (chaleur) Seuil plus bas
TRPM8 thermosensible (froid)
TRPA4 thermosensible (froid)
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Capsaïcine
Stimule les extrémités nerveuses (TRPV1)
Douleur (sensation de brûlure)
Puis désensibilisation
Dopant chez le cheval
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Fibres nerveuses afférentes = protoneurone
Aδ myélinisées
conduction rapide
« première douleur » immédiate très localisée et aiguë
répartition sur le derme et épiderme principalement
spécialisées surtout dans les stimuli mécaniques
C non myélinisées
conduction lente
« seconde douleur » moins localisée
présentes sur la peau, et surtout les muscles, articulations, tendons et viscères.
plurimodales (thermique, mécanique et chimique)
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Corps cellulaires des neurones afférents :
dans les ganglions dorsaux de la moelle épinière ou
dans les ganglions trijumeaux pour les nerfs sensitifs de la tête.
Synapses dans corne dorsale de la moelle épinière
dans différentes couches de la corne dorsale
Couches I et II : neurones spécifiques de la douleur
Couche V : neurones non spécifiques de la douleur
coupe de moelle épinière et couches de Rexed
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Synapses dans corne dorsale de la moelle épinière
Neurotransmetteurs au niveau de la corne dorsale
glutamate (voie rapide) et
substance P (en plus de glutamate dans la voie lente)
= douleur lente et chronique
Récepteurs post-synaptiques
AMPA ionotropique (Na+)
NMDA ionotropique (Ca2+) activés seulement si la fibre est dépolarisée de manière persistante
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Second neurone de la voie nociceptive
Interneurone
Neurone ascendant nociceptif spécifique
= voie néospinothalamique
Neurone ascendant non spécifique de la nociception
= neurone Wide Dynamic Range
= voie paléospinothalamique
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Théorie du portillon = Gate control
Modulation segmentaire de la douleur
(Melzack et Wall 1965)Fibre de la nociception (C ou Aδ) Fibres Aβ
Neurone ascendant interneurone
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Théorie du portillon = Gate control
Modulation segmentaire de la douleur
(Melzack et Wall 1965)Fibre de la nociception (C ou Aδ) Fibres Aβ
pas de stimulus mécanique
Stimulus nociceptif
DOULEUR
+
+
Neurone ascendant
Mécanismes de la douleur :
du stimulus à la moelle épinière
Théorie du portillon = Gate control
Modulation segmentaire de la douleur
(Melzack et Wall 1965)Absence de douleur
+
+
Enképhaline
(opioïde endogène) Fibre de la nociception (C ou Aδ)
Fibres Aβ
Stimulus mécanique
Stimulus nociceptif
Mécanismes de la douleur :
de la moelle épinière à l’encéphale
Voies ascendantes par les neurones de projection
Voie archispinothalamique
Voie paléospinothalamique
Voie néospinothalamique
Relais dans différentes structures de l’encéphale
Mécanismes de la douleur :
de la moelle épinière au cerveau
Voie archispinothalamique (spino-réticulo- thalamique)
Voie diffuse
Se projette sur
la formation réticulée (éveil)
le thalamus
Envoie des collatérales vers
Système limbique (émotions)
Hypothalamus (comportement, réponses endocrines)
Réactions autonomes et émotionnelles
Mécanismes de la douleur :
de la moelle épinière au cerveau
Voie paléospinothalamique
Conduction lente
Pas de somatotopie = mauvaise localisation
Se terminent sur le thalamus
Projections sur :
la formation réticulée (Éveil, modulation de la douleur)
Troisième neurone vers le cortex cérébral
Réactions autonomes et émotionnelles
Mécanismes de la douleur :
de la moelle épinière au cerveau
Voie néospinothalamique
Seulement chez les mammifères supérieurs
Conduction rapide
Somatotopie = localisation de la douleur
Type de douleur
Se terminent sur le thalamus
3ème neurone vers le cortex somatosensoriel
Toutes les fibres décussent (≠ autres voies) au niveau de la moelle épinière
Localisation et identification de la douleur
Mécanismes de la douleur :
de la moelle épinière au cerveau
Voie néospinothalamique
Syndrome de Brown-Séquard
Suite à une hémisection de la moelle épinière à gauche
• la sensibilité à la douleur provenant de la partie inférieure droite est réduite
• la sensibilité tactile provenant de la
partie inférieure gauche est réduite
Neurophysiologie de la douleur
Douleur chez les mammifères
Peut-on parler de douleurs chez l’animal ?
Différents termes pour décrire une douleur
Mécanismes de la douleur
Du stimulus nociceptif à la moelle épinière
De la moelle à l’encéphale
Modulation de la douleur
Modulation par les voies descendantes
Sensibilisation périphérique
Sensibilisation centrale
Modulation de la douleur
1.voies descendantes
Voies descendantes
Excitatrices
baissent le seuil de nociception
rôle d’apprentissage
Inhibitrices
diminuent le signal douloureux
Modulation de la douleur
1.voies descendantes
Voies descendantes inhibitrices
Inhibition de la douleur
Origine :
Substance grise périaqueducale
Locus cœruleus
Neurotransmetteurs :
sérotonine
noradrénaline
opioïdes endogènes
glycine
GABA
Modulation de la douleur
1.voies descendantes
Voies descendantes inhibitrices
Substance grise périaqueducale = voie sérotoninergique
Contient des récepteurs aux opioïdes
Reçoit des informations
du cortex
de l’hypothalamus
des voies ascendantes
Signaux partent vers la corne dorsale
Neurones sérotoninergiques qui font libérer des substances opioïdes endogènes par des interneurones au niveau de la corne dorsale
Modulation de la douleur
1.voies descendantes
Voies descendantes inhibitrices
Substance grise périaqueducale = voie sérotoninergique
Au niveau de la corne dorsale, enképhalines se lient aux récepteurs
pré-synaptiques des fibres afférentes
Diminution de la libération de glutamate et de substance P
post-synaptiques
Hyperpolarisation des neurones ascendants
Modulation de la douleur
1.voies descendantes
Voies descendantes inhibitrices
Locus cœruleus = voie noradrénergique
Reçoit informations de
Substance grise périaqueducale
Hypothalamus
Envoie signal descendant inhibiteur sur la corne dorsale par des neurones noradrénergiques
Récepteurs adrénergiques α2
Inhibition de la libération de substance P
Hyperpolarisation du neurone post-synaptique
Modulation de la douleur
2 . Sensibilisation périphérique
Les destructions tissulaires entraînent une libération de
K+ et H+ (libérés par les cellules)
histamine (libérée par les mastocytes)
bradykinine (provient du plasma)
Ces substances chimiques activent les nocicepteurs
Substance P (libérée par l’extrémité neuronale)
PGE2 (libérée par les cellules)
Elles augmentent la sensibilité mais n’activent pas les nocicepteurs
Hyperalgésie primaire
Modulation de la douleur
3 . Sensibilisation centrale
Sensibilisation centrale
= Wind-up
= Embrasement
Cause : signaux nociceptifs majeurs arrivent à la corne dorsale de la moelle épinière
Conséquences :
hyper-réponse en quelques secondes
hyperalgésie primaire au niveau de la zone abimée
hyperalgésie secondaire sur d’autres zones que la zone lésée
Modulation de la douleur
3 . Sensibilisation centrale
Rôle majeur des neurones non spécifiques nociceptifs (WDR)
Rôle de
glutamate
substance P
neurotrophine
PLA2 : production de PGE2 et acide arachidonique
Mobilisation des récepteurs à la membrane
Activation des récepteurs NMDA
Modulation de la douleur
3 . Sensibilisation centrale
Voies descendantes inhibitrices ont une activité diminuée
= diminution de sécrétion de noradrénaline et de sérotonine
Inhibitions par Aβ (théorie du portillon) peuvent être supprimées
Fibres A β peuvent transmettre signal douloureux =
allodynie
Modulation de la douleur
3 . Sensibilisation centrale
Traitement
Très difficile
opioïdes souvent inefficaces
inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (ex : tramadol)
gabapentine qui semble activer le système descendant noradrénergique
kétamine : antagoniste des récepteurs NMDA
Prévention indispensable
Conclusion
Douleur existe chez les mammifères
Repérer la douleur
Comportement
Anamnèse
Comprendre les mécanismes de la douleur
Prévenir une sensibilisation