DIFFICULT´ ES DE LA FORMALISATION DE L’ARITHM` ETIQUE ET
DE L’ANALYSE MATH´ EMATIQUE
ALBERT TORTRAT
Nous compl´etons nos deux textes pr´ec´edents, not´es [o] at [o]e,pour mieux ordonner l’ensemble de leur contenu. Tout repose sur le trait´e de Cori et Lascar [2] comme base n´ecessaire et suffisante.
AMS 2010 Subject Classification: 03B05, 03C62.
Mots-cl´es: mod`ele, th´eorie.
I. Les trois types de mod`eles. 1. Nous appelons “mod`ele de type 1”, celui qui introduit le Tome I, qui est un mod`ele tr`es particulier d’alg´ebre (au sens des deux op´erations ∨ et ∧) binaire stricte: chaque variable ou formule propositionnellesA prend les seules deux valeurs exclusives l’une de l’autre, 1 et 0. Tr`es provisoirement, nous utilisons l’´ecriture A, B, . . . et F, G, . . . pour distinguer lesF form´ees pas `a pas `a partir dekvariablesA(kfini mais variable)
`
a l’aide des quatre signes e,∨,∧et ⇒ lus “n´egation, ou, et, implique”. Alors
`
a δ ∈ Ek = {1,0}k correspond une valeur δ(F) = 1 ou 0 exprimant “F est vraie ou non” ou “l’´ev´enementF est r´ealis´e ou non”. k fix´e, tout ´ev´enement ou formule propositionnelle F “d´epend” de l’alea δ ∈Ek pour k ´ev´enements
´
el´ementaires Ai fix´es.
2. Un mod´eleM de type 2 est un ensemble de valeurs pour les constantes ci, les variables vh ou fonctions d’un langage L fix´e. Les formules F, G, . . . forment un ensemble stable pour les signes ci-dessus. Une variable est dite non libre dans une F, si l’un des deux signes ∃v ou ∀v lui est assign´e. F est dite close si toute v est quantifi´ee, c’est-`a-dire non libre.
3. Le 3e type est le mod`ele des math´ematiciens, unique en ce sens que sauf l’exception des mod`eles abstraits, finis par example, il sont tous con- struits `a partir de la droite r´eelle. Ce type utilise toutes des ressources logiques de la langue banale, concr`ete. Le th´eor`eme de Fermat-Wiles est un exemple
REV. ROUMAINE MATH. PURES APPL.,55(2010),5, 407–410
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“unique” de la richesse des th´eories particuli`eres qu’il utilise, les logiciens n’y peuvent-ils trouver mati`ere `a r´eflexion?
II. 1. Notre probl`eme concerne les formulesF, G, . . . qui d´efinissent une th´eorieT dans le langage sousjacentL. T y est d´efinie par ses axiomes{Ai}qui par d´efinition sont des formules closes: aucune variablev n’est libre, chacune appelle soit le signe ∃,soit le signe∀dit de clˆoture universelle. Par d´efinition d’uneT, unM en est un mod`ele ssi tous lesAi comme formules sont satisfaits.
Mais cesM sont inconnus, difficile `a construire et donc encore plus `a connaˆıtre tous! Ainsi [1] montre tous le travail que peut repr´esenter l’adjonction `a T de Peano, d’une F “d’´enonc´e simple” vraie dans un M >N, etnondansN.
Pour la clart´e logique, il faut distinguer le sens banal du math´ematicien, du sens d’uneF dans une th´eorie formelle commeP (Peano) ouZF (Zermelo- Fraenkel) par exemple. Nous l’avons rappel´e dans [eo] en 2.a. (G¨odel, Hilbert), et 6.a., o`u le sens banal, celui du math´ematicien est dit relever de “l’axioma- tique mat´erielle” et le sens formel“ de l’´etat des choses et du fa¸connage exis- tentiel”: trait´e de Hilbert et Bernays. Or la coh´erence entre les trois v´erit´es:
de F de type 1, de type 2, et desF d´emontr´ees formellement dans un th´eorie T(:T `F) est quasi nulle.
2. Le transfert, explicit´e par nous en τ → τ0, tel F τ
0
=28⇒ (eF ⇒G), en I234de Cori et Lascar [2], montre qu’on privil´egie (sans la moindreexplication, sauf erreur) l’identification du langage du mod`ele 1: Aest (vraie) ou n’est pas (logique binaire exclusive) `a T `F ou T `eF.Nous donnons cet exemple d`es l`a, pour y revenir en 2. a (de [eo]), en insistant sur le fait que cela n’est pas mˆeme pas dit. C’est le sens unique du signe e qui est en jeu, ici entre F et eF.Et il est inconnu ! La n´egation deT `F est T 0F, alors quee(A eteA) fait partie de la d´efinition du mod`ele de type 1, nous la nommons τ0 parce qu’elle est absente des pages 42–44, bien que vraie, et que avec eeA τ=21 A, τ0
et Aτ∨ eA18 ⇔τ21,qu’elle, est reconnue.
C’est tout le probl`eme de la consistance d’une th´eorie T (T admet au moins un mod`ele), qui impliqueτ00 e(F eteF) appel´ee coh´erence. Ce probl`eme tient une large place dans [eo]. Mais τ180 F∨ eF est `a interpreter, deux signes
´
etant en jeu (3. ci-apr`es).
Page 172• 3 est F =eG⇔ F{a1, . . . , an} vraie ssi G{a1, . . . , an} n’est pas vraie. Ainsi
|=F ⇔2G, alors |=G est 2F =eF :eeF =F.
En fait c’est nous qui avons r´eserv´e eau langage formel; τ210 est eeF =F qui subsiste bien sˆur, dans unM. Le corollaire de G¨odel (cf. 4c de [eo]) assurerait τ210 eeF = F, la tautologie formelle, sans prejudice de τ00 et τ180 qui le com- posent. Il n’y `a pas d’ambiguit´e, `a cela pr´es que e n’a pas de sens formel, et
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les contraintes `a respecter dans chaque M d´ependent des axiomes de T. On ne sait pas tr´es bien comment “nager”.
3. Il n’en est pas de mˆeme pourF∨G, en particulierFτ
0
∨ eF18 : dans ce cas particulier, ∨ n’a plus de sens formel `F ou `eF, irrecevable, qui serait une lecture simpliste. Notre texte [eo] temoigne de notre incompr´ehension initiale, corrig´ee ensuite grˆace `a Marcel Guillaume.
En fait,•3 ci-dessus est remplac´e par la relation (8) (disons de la ligne 8) de la page 185, qui exprime clairement que si v est une variable commune `a F et `a G, pr´eced´ee de ∀dans F etG, le signe∨ y a deux sens dans tout M: ou ∀vF∨ ∀vG, ou∀v(F∨G),avec le lien=(8)⇒, le premier sens ´etant plus fort que le second. Il faudrait dans ce cas doubler chaque signe ∨, autant de fois qu’il y a de variables vtelles, ou restreindre la contrainte (8) `a son acception `a droite de ⇒dans (8). C’est cette acception faible qui allait de soi pourF∨eF pour M. Guillaume mais non pour nous, et il serait logique de la conserver pour toute F∨G, abandonnanttout sens formel pour ∨.
La mˆeme n´ecessit´e existe pour le signe∧ et chaque signe∃v commun `a F etG. (7) de la page 185 l’exprime avec le mˆeme lien entre⇒ ∃v(F ∧G) `a gauche et∃vF∧ ∃vG`a droite, o`u ce n’est pas n´ecessairement la mˆeme valeur de v, comme cela est `a gauche. Dans (8) c’´etait le mˆeme ∀v qui `a droite pouvait se partager entre F et G. Le mˆeme compromis pourrait consister encore `a restreindre (7) `a son acception faible `a droite de ⇒. Nous disons
“restreindre `a”: c’est la contrainte impos´ee `a F ∧G dans tout mod`ele qui ne d´efinit en rienun sens formel `a F ∧G. La restriction d´epend des axiomes de T. Mais en ce 2e cas, concernant ∧ les auteurs affirment la forme forte de ∧: page 232, exemple 1, les auteurs “d´emontrent” formellement le sens fort de F ∧G en utilisant la tautologie A ⇒ (B ⇒A∧B), pour “prouver”
T ={F, G} ⇒F ∧G. Ce τ →τ0, comme dit au d´ebut de 2. ci-dessus, parait signifier F ∧G=`F et `G. Mais cela peut concerner le cas G =eF, pour lequel, p. 234 les auteurs disent “on v´erifie immediatement que si T ` F et T ` eF, alors T `(F∧ eF)”. Ce “v´erifie” se r´eduit pour nous au sens formel de ∧, dans le transfert (non explicit´e par les auteurs) dit au d´ebut de II. 2.
et appliqu´e ici `a l’entr´ee videA∧ eA. Et cela est capital, carF∧ eF n’admet aucun mod`ele M.
Ainsi on postule le sens banal, formel de ∧, sans l’incertitude fonci`ere poure, et le vide pour∨. On raisonne alors formellement, partant d’un “lemme de d´eduction” pour nous faussement prouv´e et par ailleurs sans sens r´eel (cf. [eo], I. 2. du compl´ement) – pour prouver (via τ280 rappel´ee en II. 2. ci- dessus) que si T ∪(eF) admet une incoh´erence (G et eG), alors T ` F. La r´eciproque est triviale.
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Ce corollaire 1.7 de Cori et Lascar [2] est tr`es utilis´e par G¨odel dans une 1e preuve de son th´eor`eme de compl´etude (toute T coh´erente admet un mod`ele), et ´egalement dans son corollaire “siT |=F close valide pourtoutM, alors T `F” (cf. 2 ci-dessus pour |=).
Telles sont les questions qui, d´evelopp´ees par nous dans [o] et [eo], parais- sent affecter les bases du si remarquable trait´e [2].
REFERENCES
[1] A. Tortrat, Logique formelle et math´ematiques. Rev. Roumaine Math. Pures Appl. 49 (2004), 173–181
[2] A. Tortrat, Les tautologies en logique formelle. Rev. Roumaine Math. Pures Appl.53 (2008), 357–374.
[3] Ast´erisque, No. 73. Soc. Math. France, Paris, 1980.
[4] Ren´e Cori et Daniel Lascar, Logique Math´ematique, Tomes I et II. Ed. Masson, Paris, 1934.
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