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Des mélanges fleuris optimisés pour un service agroécologique amélioré Warlop F.

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Academic year: 2022

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Des mélanges fleuris optimisés pour un service agroécologique amélioré

Warlop F.1, Gibert C.², Giffard B.3, Mary S.3, Guenser J.3 , Gardarin A.4, Cornillon M.5, Wartelle R.6

1 GRAB, BP 11283, F- 84911 Avignon

2 Solagro, 75 voie du TOEC, CS 27608, F-31076 Toulouse Cedex 3

3 Univ. Bordeaux, Vitinnov, Bordeaux Sciences Agro, ISVV, 1 cours du Général de Gaulle, F-33170 Gradignan

4 UMR INRAE-AgroParisTech Agronomie, avenue Lucien Brétignières, BP 01, F-78850 Thiverval- Grignon.

5 CETU-INNOPHYT, Université François Rabelais, Avenue Monge, F- 37200 Tours

6 Chambre Régionale d'Agriculture Hauts-de-France - 19 bis rue Alexandre Dumas, F-80096 Amiens Cedex 3

Correspondance : francois.warlop@grab.fr

Résumé

Les travaux scientifiques sur la biodiversité fonctionnelle et l'intérêt des bandes fleuries se multiplient, sans pour autant que leurs résultats pratiques soient suffisamment rendus accessibles aux producteurs.

Un travail de capitalisation et de mise à disposition des connaissances a donc été proposé dans ce projet. Trois mélanges ont été créés par les partenaires du projet, et mis en comparaison d’autres mélanges, sur 14 sites en France. Des suivis botaniques et entomologiques ont permis de caractériser ces mélanges et leurs performances dans différentes configurations, puis d'évaluer leurs services rendus aux cultures. Le projet a ainsi abouti à un mélange amélioré, peu cher, pérenne, qui a été proposé à trois semenciers pour une valorisation régionale.

Mots-clés : Bandes fleuries, agroécologie, lutte biologique par conservation, régulation naturelle.

Abstract: Suitable flower strips can help growers

Scientific knowledge on functional biodiversity and the interest of flowering strips are increasing, but practical results are not sufficiently accessible to farmers. Within the Muscari project, we aimed at sharing knowledge and practical information to stakeholders and farmers. Three flower mixtures were created by the project partners, and compared to other commercial mixtures, in 14 different sites in France. We performed botanical and entomological monitoring in order to characterize these mixtures and their performance in different configurations, and then to evaluate their services to the neighboring crops. The project thus resulted in an improved, inexpensive, sustainable mixture, which has been proposed to three seed companies for regional valorization.

Keywords: Agroecology, conservation biological control, flower strips.

Introduction

Les habitats semi-naturels dans les paysages agricoles jouent un grand rôle dans la conservation de nombreuses espèces végétales et animales, offrant refuges et ressources alternatives notamment via un niveau de perturbation plus faible que dans les parcelles agricoles. La végétation spontanée des bords de champ fournit des abris et des lieux d'hivernage pour de nombreux arthropodes, eux-mêmes

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prédateurs d'arthropodes ravageurs des cultures, fournissant un service de régulation alternatif à l’utilisation des produits phytosanitaires (Griffiths et al., 2008 ; Landis et al., 2000) mais aussi des plantes hôtes ou des proies alternatives pour ces ennemis naturels (Bianchi et al., 2006 ; Griffiths et al., 2008). Cependant, les traits des plantes spontanées ou semées à proximité des bords de champ vont conditionner ces interactions avec les organismes dits auxiliaires, certains traits végétaux étant a priori plus favorables aux parasitoïdes et à leur fitness comme la quantité, la qualité du nectar extrafloral mais aussi à quelle période cette ressource est accessible (Sivinski et al., 2011). En augmentant la complexité et donc la diversité d'espèces et de traits associés en bords de champ, il est donc possible de maximiser la ressource produite et disponible comparativement à une communauté spontanée en place ou appauvrie du fait de pratiques d'origine anthropique (fréquence de tontes, piétinement, tassement), tout en ne favorisant pas la reproduction ou la fitness des espèces de ravageurs associées aux cultures (Winkler et al., 2010). Les études qui ont mis en évidence un effet efficace d'attraction des auxiliaires et de régulation des ravageurs sont encore peu nombreuses et leurs effets assez limités (Tschumi et al., 2015, 2016 ; Veres et al., 2013).

Néanmoins, les agriculteurs intègrent désormais la biodiversité fonctionnelle parmi les leviers possibles pour alléger les interventions phytosanitaires et leur impact environnemental, mais peinent à la mettre véritablement en œuvre sur le terrain, pour plusieurs raisons identifiées : difficulté à trouver une information fiable et adaptée, faible rapport entre investissement (temps, argent) et résultats quantifiables, effet sur les cultures pas toujours démontré… Si le sujet séduit toujours plus, il n’en est pas encore assez incitatif.

Les partenaires du projet MUSCARI ont donc souhaité augmenter l’usage des bandes fleuries, jugées plus faciles à mettre en œuvre que des haies ou autre infrastructure agroécologique.

Il existe à ce jour de nombreux mélanges fleuris proposés dans le commerce, mais tous ne ciblent pas les auxiliaires des cultures. Certains présentent des inconvénients que les partenaires ont souhaité corriger : faible taux d’espèces pérennes, origine non locale des semences, faible intérêt fonctionnel des espèces fleuries vis-à-vis des auxiliaires, …

Un des objectifs du projet était donc d’essayer d’améliorer l’offre en mélange, en mettant en expérimentation de nouveaux mélanges créés par les partenaires, dans une diversité de situations pédoclimatiques en France, afin de caractériser leur comportement de développement et leur efficacité potentielle. Ces mélanges ont été suivis pendant deux saisons (2016 et 2017), puis leur effet sur la culture adjacente a été évalué. Les pucerons ont été retenus comme ravageur problématique et commun à l’ensemble des cultures, mise à part la vigne pour laquelle le ravageur suivi fut la cicadelle des grillures.

L’information disponible sur les mélanges fleuris a été compilée et regroupée sur un site dédié au projet1, et relayée sur le site herbea.org.

1. Matériel et méthodes

1.1 Constitution des mélanges fleuris

Les mélanges construits sur mesure et testés dans le projet ont pour objectifs de favoriser une diversité de prédateurs et de parasitoïdes afin d’améliorer la régulation d’une diversité d’insectes phytophages s’attaquant aux cultures, sans cibler de couple culture-ravageur spécifique. Les plantes choisies doivent donc fournir des habitats physiques et des ressources trophiques susceptibles de favoriser des communautés diversifiées de prédateurs et de parasitoïdes.

1 https://wiki.itab-lab.fr/muscari/

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Concernant l’habitat physique, les espèces pérennes ont été privilégiées de telle sorte que les bandes fleuries jouent le rôle d’habitat stable à l’échelle pluriannuelle. Cette stabilité est très importante pour les organismes peu mobiles et ne se reproduisant qu’une seule fois par an (comme les carabes ou les araignées) et qui ne pourraient pas profiter, sur le plan démographique, d’une bande fleurie présente seulement quelques mois. Un habitat stable durant les saisons défavorables (cœur de l’été, hiver) permet également une recolonisation plus rapide de la culture depuis la zone ayant servi de refuge. Les graminées cespiteuses (comme Poa compressa) sont bien connues pour offrir des conditions microclimatiques tamponnées durant l’été (microclimat plus frais) et en hiver (plus faibles variations de température) très favorables aux prédateurs épigés comme les carabes et araignées.

Les ressources trophiques ciblées sont le nectar, le pollen ainsi que les proies alternatives. Le nectar, riche en sucres, constitue essentiellement une source d’énergie tandis que le pollen apporte des protéines et acides aminés peu présents dans le nectar. Compte tenu de la diversité des cycles de développement des prédateurs et des parasitoïdes, il est important que les ressources en nectar et pollen soient disponibles toute l’année. En grandes cultures par exemple, les parasitoïdes de la grosse altise du colza volent dès le mois de février et ceux des pucerons d’automne des céréales volent jusqu’en novembre-décembre. Pour obtenir des floraisons étalées le plus possible dans le temps, nous avons retenu des plantes produisant du nectar et fleurissant en fin d’hiver (pâquerette, pissenlit), en début (barbarée commune, alysse maritime) ou fin (marguerite commune) de printemps et jusqu’en été- automne (centaurée scabieuse par exemple). En plus du critère de disponibilité, le nectar doit être accessible aux prédateurs et aux parasitoïdes. En effet, beaucoup ont un appareil buccal de petite ou très petite taille, ce qui ne leur permet pas d’accéder au nectar lorsqu’il est produit trop profondément dans une corolle étroite ou dont l’accès est entravé par les pétales et autres pièces florales. Nous avons ainsi sélectionné des espèces à corolle très ouverte (comme la carotte) ou chez lesquelles le nectar est produit à faible profondeur dans la corolle (marguerite commune). Le nectar peut également être produit à l’extérieur des fleurs, comme sur les bractées des capitules (bleuet des champs, centaurée scabieuse) ou sur les stipules (vesce cultivée). Ce nectar extra-floral est très facilement accessible car son accès n’est pas restreint par une corolle et sa période de production s’étend au-delà de la période de floraison. Par ailleurs, pour éviter une compétition entre insectes, notamment avec les hyménoptères pollinisateurs, sur un faible nombre d’espèces de plantes, nous avons diversifié les formes de fleurs en incluant notamment des légumineuses, tout particulièrement attractives pour les abeilles et les bourdons. Le critère de production de pollen a été moins pris en compte car la grande majorité des plantes produisent du pollen durant leur floraison.

Pour que les prédateurs et parasitoïdes se maintiennent à proximité de la parcelle lorsque la culture n’est pas en place, ou lorsqu’elle n’est pas attaquée par des phytophages, il est nécessaire que les premiers disposent de proies alternatives. Les pucerons sont consommés par un cortège très diversifié de prédateurs et de parasitoïdes et sont fréquemment présents sur les plantes de la famille des légumineuses, comme sur la vesce cultivée et la luzerne cultivée. Ces pucerons n’étant pas toujours spécifiques des plantes de la bande, il était important de vérifier par la suite que cela ne favorise pas la colonisation de la culture par des pucerons hébergés dans la bande.

Le choix précis des espèces satisfaisant à tous ces critères est basé à la fois sur les connaissances disponibles dans la littérature et sur la connaissance experte partagée par les partenaires du projet.

Pour s’assurer d’une bonne adaptation des espèces à semer, et pour éviter toute introduction d’espèce exotique, nous avons sélectionné des espèces indigènes et fréquemment rencontrées sur les bords de champs. Dans le mélange complet, le plus riche en espèces, nous avons également mis en œuvre le principe de redondance fonctionnelle : pour une fonction visée (exemple : apporter du nectar accessible en fin d’hiver), plusieurs espèces ont été choisies, ce qui réduit les risques de perte de fonction en cas de mauvaise implantation d’une espèce semée. Enfin, certains choix de plantes ont été adaptés en fonction de leur disponibilité chez les semenciers et de leur coût.

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1.2 Dispositif expérimental

Le réseau de partenaires a permis d’établir un dispositif de parcelles réparties sur le territoire (Figure 1), prenant en compte une diversité de situations pédoclimatiques, et différentes filières agricoles (grandes cultures, maraîchage, arboriculture, viticulture).

Les mélanges en test (Tableau 1) ont été mis en place à l’automne 20152 en bordure de parcelles (Figure 2) de façon à pouvoir mesurer un effet sur la culture adjacente, en comparaison.

Figure 1 : Distribution des sites expérimentaux MUSCARI et des systèmes de production concernés.

Figure 2 : Exemple de dispositif d’implantation des mélanges fleuris (A, B, C, D, témoin) en 2016.

2 Seul le mélange amélioré D’ a été semé à l’automne 2016

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Tableau 1 : Composition des 5 mélanges botaniques testés

1.3 Sélection des méthodes d'observation

Plusieurs méthodes d’observation existent pour recenser les auxiliaires (tente Malaise, piégeage Barber, aspirateur…). Dans le cadre de MUSCARI, le protocole des méthodes d’observation a été élaboré en fonction des groupes fonctionnels d’intérêt, à savoir les ennemis naturels du puceron (essentiellement coccinelles, syrphes, chrysopes, micro-hyménoptères et araignées).

Les outils d’inventaire sélectionnés devaient répondre aux critères de sélectivité et d'identification de ces familles recherchées. L’objectif étant de valider la pertinence d’une méthode simplifiée la plus représentative, ayant le meilleur rapport temps /qualité et en vérifiant qu’elle est transposable pour tout type de publics.

Quatre outils d'inventaire d’arthropodes ont été évalués en 2015 sur quatre sites avec trois répétitions pour chaque méthode d’échantillonnage par site et 5 à 6 relevés entre avril et juillet :

Le piège Cornet (méthode de référence) : il s’agit d’un piège d’interception passif, avec une seule ouverture qui se rétrécit comme un entonnoir, c’est un piège d’interception directif et destructif.

L’identification est possible à l’espèce. Les coûts financier (matériel) et en temps (identification) sont assez importants.

Le piège jaune englué : c’est un piège d’interception et d’attraction des insectes volants qui vont s’engluer sur une plaque verticale. Ce piège est délicat à manipuler et l’identification compliquée du fait de la glu.

Le filet fauchoir : il permet de piéger les individus présents dans la strate herbacée à l’aide d’un filet. La méthode est non attractive et non sélective. Les données collectées sont à la fois quantitatives et qualitatives à un instant t. Le protocole doit être respecté rigoureusement : les résultats sont dépendants de l’opérateur et des conditions météorologiques, mais plus représentatifs des auxiliaires présents dans la végétation car peu dépendants de leur activité de déplacements.

L’observation visuelle : elle permet l’observation directe des auxiliaires et des ravageurs dans une zone délimitée. La méthode est non destructive, avec des coûts financiers faibles, mais elle ne permet pas d’identification à l’espèce. L’information est à la fois qualitative et quantitative. Les résultats sont variables selon l’observateur et selon des conditions météorologiques.

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1.4 Observations réalisées 1.4.1 Suivis botaniques

Les suivis botaniques ont été réalisés de fin mars à juillet, en 2016 et 2017. Entre 5 et 8 relevés ont été réalisés par site d’étude. Ils ont consisté à :

 Lister et noter le recouvrement des espèces présentes, en distinguant les espèces semées de celles spontanées.

 Indiquer le stade phénologique dominant pour chaque espèce.

1.4.2 Suivis entomologiques

Les résultats comparatifs des essais de 2015 font ressortir que le piège à cornet et le filet fauchoir sont les méthodes les plus intéressantes avec une bonne représentativité et abondance des différents groupes (test corrélation de Spearman) et des coefficients de variation faibles. Par contre au niveau du temps moyen de collecte des données, ils sont très chronophages. L’observation visuelle est nettement plus rapide mais la diversité observée est plus limitée. Quant au piège englué, son efficacité de piégeage est assez faible pour une mise en place trop contraignante. Finalement les méthodes retenues dans MUSCARI sont :

- L’observation visuelle d’abord, sur un quadrat de 1 m2 au milieu de la bande fleurie

- Puis le filet fauchoir, utilisé sur un transect au centre de la bande (Figure 3). Il permet une identification plus précise des individus capturés. Le filet utilisé était de marque « Entomophil », de 50 cm de diamètre et de 90 cm de profondeur.

Le Tableau 2 précise les niveaux d’identification recherchés pour les différents groupes fonctionnels suivis.

Ces essais comparatifs ont permis de contribuer à une synthèse pilotée par le RMT Biodiversité &

Agriculture, sur les outils de suivi de biodiversité3. Tableau 2 : Niveau d’identification par groupe fonctionnel

Auxiliaires Quantification Niveau d'identification

Syrphes larve pupe adulte famille

Coccinelles larve pupe adulte famille

Chrysopes larve adulte famille

Araignées globale x

Opilions globale x

Punaises globale x

Momies globale distinction de la couleur (dorée, noire, Praon)

et des trous d’émergence

3 http://www.rmt-biodiversite-agriculture.fr/moodle/course/view.php?id=28

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1.4.3 Mesure du service rendu

Le service rendu a été apprécié en évaluant les quantités de ravageurs sur les cultures, voire un taux de dégât quand cela était possible, et ce à différents niveaux d’éloignement des mélanges fleuris (Figure 4). Pour rappel, les ravageurs suivis étaient les pucerons pour toutes les cultures, sauf la vigne où les cicadelles vertes ont été dénombrées.

Les protocoles précis ont été adaptés à chaque culture, en fonction de leurs spécificités et contraintes propres.

2. Résultats

2.1 Résultats botaniques

Les résultats présentés ici concernent la seconde année d’implantation (2017).

Les richesses spécifiques constatées sur les placettes du projet MUSCARI sont comprises entre 2 et presque 30 espèces et varient beaucoup pour un même mélange selon le site d’implantation (Figure 5).

Cette hétérogénéité s’explique principalement par la levée des espèces semées, différente selon les paramètres de sol et de climat des différents sites. D'autre part, l'abondance d'espèces présentes naturellement dans la banque de graines du sol (liée à l'historique de gestion du site et à la diversité floristique des abords des sites d'essai) explique cette hétérogénéité. Néanmoins, les deux mélanges

« C » et « D » sont les plus diversifiés, quelles que soient les parcelles expérimentales (Figure 6). Il est à noter que ces mélanges de semences n'étaient pas les plus diversifiés initialement (respectivement 6 et 15 espèces), alors que le mélange « A » en contenait plus de 20. Comme attendu, le mélange « E » est le moins diversifié (1 ou 2 espèces de graminées semées).

Figure 3 : Représentation des suivis botaniques et entomologiques réalisés par mélange fleuri en 2016 et 2017

Figure 4 : Exemple de dispositif pour mesurer le service rendu par chaque mélange à la parcelle cultivée.

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Figure 5 : Richesse spécifique moyenne sur tous les sites, pour chaque mélange en 2017

Une forte expression de la flore spontanée

La réussite d’un semis peut s’estimer par la proportion d’espèces relevées appartenant au mélange de graines initial (Figure 6). Les recouvrements d’espèces semées sont très variables en fonction des sites et des mélanges considérés. Cette grande disparité des résultats s’explique par des conditions d’implantation des semis, très différentes d’un site à l’autre. Toutefois, des espèces spontanées sont relevées dans quasiment toutes les situations.

Le mélange « D » est celui dont l’implantation a le mieux réussi, c’est-à-dire que la majorité des plantes relevées in situ appartenaient aux espèces semées. Du point de vue fonctionnel, le pourcentage de recouvrement des dicotylédones fleuries (production de pollen et nectar) varie peu entre les mélanges, et le mélange « D » présente des résultats légèrement supérieurs (Figure 7, Figure 8).

Malgré de fortes disparités dans l’expression des mélanges semés selon les sites expérimentaux, le mélange « D » est celui qui donne les meilleurs résultats en termes de diversité floristique, d’implantation des espèces semées, et de fleurissement.

Figure 6 : Diversité floristique relevée selon les mélanges

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2.2 Résultats entomologiques

Parmi la communauté d'arthropodes échantillonnées au filet-fauchoir en 2016 et en 2017 au sein des placettes semées avec les mélanges fleuris, nous avons choisi de nous focaliser sur les taxons dits auxiliaires et plus spécifiquement prédateurs, pour leur impact supposé sur les abondances de ravageurs des parcelles cultivées adjacentes. Ces auxiliaires capturés et déterminés appartiennent aux araignées (Aranae), coccinelles, carabes, staphylins (Coleoptera, Coccinelidae, Carabidae, Staphylinidae), forficules (Dermaptera Forficulidae), syrphes (Diptera Syrphidae), chrysopes (Neuroptera), thrips prédateurs (Thysanoptera Aelothripidae et Thripidae) et guêpes parasitoïdes (Hymenoptera en excluant Formicidae et Apidae). Certains de ces taxons ne sont pas strictement prédateurs (par exemple les coccinelles ou les thrips) mais ont été néanmoins inclus pour estimer l'abondance des prédateurs dans leur intégralité.

Les abondances d'arthropodes prédateurs suivent la même tendance observée sur la diversité floristique, à savoir un mélange E (à base de graminées) avec des abondances significativement plus faibles que le mélange D. Comme observé sur la Figure 9, le mélange D présente les abondances moyennes les plus élevées (plus de 25 auxiliaires prédateurs capturés par mélange et par date en Figure 7 : Répartition des espèces relevées en fonction de leur statut «semé» (couleur orange) ou «spontané»

(couleur verte). On notera la grande variabilité entre mélanges et entre les sites.

Figure 8 : Expression des dicotylédones fleuries en % de recouvrement selon le mélange

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2016, valeurs légèrement inférieures en 2017 ; Figure 10). En 2016 comme en 2017, les abondances dans le mélange D ne sont pas significativement plus élevées que celles observées dans les autres mélanges, excepté le mélange E qui présente une abondance d'auxiliaires largement inférieure.

En ce qui concerne les hyménoptères parasitoïdes, les différences sont plus marquées avec à nouveau une abondance significativement plus élevée de ces auxiliaires dans les modalités C et D comparée au mélange E (Figure 11). Les ressources complémentaires offertes par la diversité végétale (nectar et pollen) sont sans doute plus élevées dans ces mélanges indigènes et diversifiés et ont un effet attractif sur les populations d'hyménoptères parasitoïdes. Les abondances observées dans les mélanges plus faiblement diversifiés (D') ou à composition partiellement exotique (A) ne sont pas significativement différentes et en position intermédiaire. Néanmoins, les valeurs moyennes du nombre d'individus capturés sont largement inférieures, dénotant également la variabilité de succès des semis et donc d'attractivité entre les différents sites.

Figure 9 : Abondances des auxiliaires observées sur 7 sites en 2016

Figure 10 : Abondances des auxiliaires observées sur 12 sites en 2017

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Il est à noter que la prise en compte plus fine des relations entre diversité végétale (espèces semées et spontanées) et abondances des auxiliaires n'a été possible que sur une partie des sites, en fonction de la fréquence d'échantillonnage de la flore comme des arthropodes. Néanmoins, nos analyses ont montré que l'abondance des auxiliaires augmentait en particulier avec le recouvrement en dicotylédones fleuries, que celles-ci soient semées au sein des mélanges initiaux ou spontanées. La flore spontanée semble donc jouer aussi son rôle dans l’attraction et la fourniture de ressources pour les ennemis naturels, et notamment les parasitoïdes.

2.3 Services rendus aux cultures

Le service rendu au producteur reste délicat à quantifier, comme cela est souvent mentionné dans la littérature.

Voici les principales conclusions issues des cas de figure rencontrés au sein du projet :

- Sur vigne, la population de cicadelles vertes observée semble répartie de façon aléatoire dans la parcelle, ne laissant apparaître aucun effet des mélanges sur la culture, ni aucune différence entre les 5 mélanges comparés ;

- Sur culture de féverole (à Grignon), nous avons comparé les ratios prédateurs/proies selon les différentes bandes pour prendre en compte l’hétérogénéité dans la répartition des pucerons dans la parcelle. Ce ratio est le plus faible pour les mélanges C et D’, et il était le plus élevé pour le mélange complexe D dans sa deuxième année, avec environ un prédateur pour dix pucerons.

- Sur pommier, le puceron vert Aphis pomi a été suivi, à défaut d’attaque suffisante du puceron cendré, espèce la plus problématique. La Figure 12 montre un effet de la présence des bandes fleuries sur le niveau d’infestation en puceron vert, au fil de la saison.

Figure 11 : Abondances des hyménoptères parasitoïdes observées sur 8 sites en 2017

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Figure 12 : Evolution du pourcentage de rosettes infestées par Aphis pomi selon la distance à la bande fleurie

Conclusion

Le projet MUSCARI a permis de mettre en évidence les marges de progrès possibles pour augmenter l’efficacité de bandes fleuries sur les cultures. De nombreux éléments sont à prendre en compte comme le choix des espèces (et leur origine), leur combinaison, leur complémentarité, la qualité du travail du sol, le suivi du développement… Les partenaires ont l’impression d’avoir pu contribuer à améliorer l’offre et à sensibiliser les agriculteurs grâce aux évènements qui ont été proposés en marge du projet.

Les principales productions du projet ont été mises à disposition sur le site dédié au projet : https://wiki.itab-lab.fr/muscari/?EssenTiel

Une attention particulière a été portée à la valorisation des travaux, ce qui s’est traduit par plusieurs articles techniques (Biofil, Réussir…), des présentations à diverses occasions, posters (Tech&Bio, conférence de la SFE…). Une vidéo de résumé a aussi été produite par l’ITAB.

L’impact sur les cultures (aussi appelé service rendu) reste le maillon le moins facile à mesurer et à démontrer, car beaucoup d’autres facteurs interagissent. Néanmoins, il a été montré dans plusieurs cas d’infestation moyenne.

Les bandes fleuries sont un des outils agroécologiques que les producteurs doivent mobiliser (le premier des outils reste néanmoins le choix variétal, pour réduire l’appétence des cultures). Elles sont surtout indiquées pour juguler des pullulations de ravageurs de type piqueur-suceur (pucerons, acariens, …) mais ne pourront être suffisantes vis-à-vis de diptères ou de lépidoptères. Elles pourront néanmoins agir de plusieurs manières (ressource alimentaire, gîte, dilution…) pour favoriser tout un cortège utile, d’arthropodes mais aussi oiseaux voire mammifères.

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Remerciements

Les auteurs remercient l’ensemble des partenaires ayant contribué à la bonne réalisation du projet : Alexandra Magro (ENFA), Sylvie Guiet, Isabelle Sénegas (Chambre de Bretagne), Jean-Michel Ricard (Ctifl), Laurent Dutruel (Lycée agricole Montreuil-Bellay), Rémy Chifflet (Lycée Nature), Frédrick Leveque (lycée agricole Lomme), Julie Carrière, Aude Coulombel (ITAB). Ils remercient également les stagiaires ayant participé aux observations et comptages, ainsi que les membres du comité de pilotage.

Hommage

Les partenaires du projet dédient cet article à Marie-Claire Chardès de Supagro, disparue en cours de projet.

Références bibliographiques

Bianchi F.J.J.A., Booij C.J.H., Tscharntke T., 2006. Sustainable pest regulation in agricultural landscapes: a review on landscape composition, biodiversity and natural pest control. Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences 273, 1715-1727

Griffiths G.J.K., Holland J.M., Bailey A., Thomas M.B., 2008. Efficacy and economics of shelter habitats for conservation biological control. Biological Control 45, 200-209

Landis D.A., Wratten S.D., Gurr G.M., 2000. Habitat management to conserve natural enemies of arthropod pests in agriculture. Annual Review of Entomology 45, 175-201

Sivinski J., Wahl D., Holler T., Al Dobai S., Sivinski R., 2011. Conserving natural enemies with flowering plants: Estimating floral attractiveness to parasitic Hymenoptera and attraction’s relationship to flower and plant morphology. Biological Control 58, 208-214

Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0).

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

Pour la citation et la reproduction de cet article, mentionner obligatoirement le titre de l'article, le nom de tous les auteurs, la mention de sa publication dans la revue « Innovations Agronomiques », la date de sa publication, et son URL ou DOI).

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