• Aucun résultat trouvé

La cartographie est un mode de représentation et

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La cartographie est un mode de représentation et"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

La cartographie des risques,

un outil de management des risques en établissement de santé

M. Moulaire

Centre Hospitalier – Aubenas

I Marc Moulaire – Ingénieur sécurité – Gestionnaire des risques – Centre Hospitalier d’Aubenas – 07200 Aubenas E-mail : marc.moulaire@ch-aubenas.fr

La cartographie des risques est la représentation graphique des risques d’une organisation. Les grandes entreprises l’utilisent cou- ramment alors que le monde de la santé en fait un usage encore limité. Or la cartographie procure les informations de base néces- saires à la gestion des risques. Après un recensement général des risques, ceux-ci sont évalués, hiérarchisés et représentés graphi- quement en cartes. Trois questions se posent pour la mise en œuvre en milieu hospitalier : quels risques choisir, quelles carac- téristiques retenir, quelle représentation adopter ? Au centre hos- pitalier d’Aubenas, cette démarche a dans un premier temps été appliquée aux risques professionnels puis étendue à la globalité des risques de l’établissement. Au total, dix-sept familles de ris- ques ont été identifiées. Les critères de gravité et de fréquence d’occurrence ont été retenus, complétés par un critère de sécu- rité qui mesure l’efficacité dans la maîtrise du risque. Pour chaque risque, la différence entre la criticité (fréquence x gravité) et la sécurité (ou niveau de maîtrise) alerte sur des vulnérabilités plus ou moins marquées. Ces différents éléments fournissent des pis- tes pour prioriser des actions d’amélioration dans le cadre d’un programme global.

Mots-clés : Gestion du Risque – Hôpital – Méthode.

Risk mapping: a risk management tool in hospitals

Risk mapping is a graphical representation of the risks of an organi- zation. Big companies commonly use it whereas the healthcare world uses it in a restricted way. The mapping provides basic information that is necessary for risk management. After a global risk inventory, the risks are assessed, prioritized and graphically represented in the form of maps. Three issues arise for the implementation in hospitals:

which risks should be chosen, which characteristics should be retai- ned, which representation should be adopted? In the Aubenas hos- pital, France, this procedure was firstly applied to professional risks and then spread to all of the hospital’s risks. In total, 17 risk families were identified. The severity and occurrence frequency criteria were retained, completed by a safety criterion that measures the risk control effectiveness. For each risk, the difference between the criticality (fre- quency x severity) and the safety (or control level) provides informa- tion about more or less pronounced vulnerabilities. These various elements provide directions for prioritizing improvement actions in the framework of a global programme.

Key-words: Risk Management – Hospitals – Methods.

L

a cartographie est un mode de représentation et de hiérarchisation des risques d’une organisation (1). C’est une composante essentielle du processus de gestion des risques (2). Son objectif est de dispo- ser d’un état des lieux global des vulnérabilités pour l’ensemble des champs d’activité (3). La cartographie des risques serait actuellement utilisée par 60 % des grandes entreprises comme outil de gouvernance (4).

Dans une étude commandée par la Direction de l’hos- pitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) pour établir un modèle de gestion des risques en établis- sement de santé, un cabinet de consultants a préco- nisé une étude prédictive des risques sur la base de l’analyse des processus, complétée d’une identifica-

tion des dangers potentiels sur les données rétrospec- tives fournies d’une part par le signalement interne des événements indésirables, et d’autre part par les données mises à disposition par les Agences ou orga- nismes externes (Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN), Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), assureurs, etc.) (5).

La démarche de cartographie est primordiale car elle suscite le recensement général des risques, leur éva- luation et leur hiérarchisation. Elle offre des repré- sentations simples et didactiques, donnant une vision d’ensemble aux décideurs pour orienter leurs choix stratégiques d’action. Les cartes sont ensuite utilisées

Résumé Abstract

(2)

pour suivre l’efficacité des stratégies mises en œuvre et forment enfin un outil très pertinent de communi- cation sur l’état des lieux.

La notion de cartographie de risques est cependant absente des principes méthodologiques de la gestion des risques publiés par l’Anaes en 2003 (6), ainsi que des recommandations de la DHOS de 2004 (7). De même, on relève cette absence dans le manuel d’ac- créditation V2 (8) et dans son guide d’aide à la cota- tion (9), bien que l’identification a priori des risques soit abordée au critère 14b, en citant l’inventaire des risques professionnels du document unique, et au cri- tère 45a.

Après présentation de la méthode, son utilisation au centre hospitalier d’Aubenas est présentée.

Méthode de production de la cartographie

Première étape opérationnelle : recenser les risques et les classer

Dans l’entreprise, l’objectif principal de la gestion des risques est d’assurer la continuité et l’écoulement de la production. L’analyse porte sur les risques d’image, les risques liés aux relations humaines et sociales, les risques aux personnes, aux biens, à l’environnement, les risques d’atteinte à l’intégrité des informations et aux pratiques de l’entreprise, les risques techniques empêchant la production, et enfin les risques finan- ciers (2).

Typologies des risques

Les classifications de risques, ou typologies, sont soit bâties sur les causes : naturelles, humaines, techni- ques, économiques, environnementales, soit bâties sur les conséquences : pertes d’exploitation, attein- tes aux personnes, dommages aux biens, perte d’in- formations, engagement de responsabilité, sanctions légales et pertes d’image (2).

S’ouvre alors un vaste débat sur la typologie des ris- ques hospitaliers. On peut facilement identifier les grandes catégories : risques pour les personnes (en dissociant les patients ou les personnes hébergées, le personnel, les visiteurs, les intervenants extérieurs), risques pour les biens, risques pour l’environnement, risques socio-économiques. Par contre, la recherche du détail expose au risque d’oubli ou au contraire de redondance. On trouve dans la littérature plusieurs exemples :

• les recommandations de l’Anaes sur la gestion des risques (6) différencient les risques spécifiques aux activités médicales et de soins (risques iatrogènes, nosocomiaux et organisationnels), les risques techni- ques et logistiques (incendie, pollution, rupture d’ap- provisionnement, panne notamment informatique), les risques sociaux (grève, départ de personne-clé, accident du travail, fraude et faute, risque d’image) ;

• les recommandations de la DHOS (7) distinguent les

risques liés à la prise en charge du patient (iatrogénie, infections nosocomiales, coordination, identification, information) et les risques de la vie hospitalière (pro- fessionnels, sociaux, alimentaires, transports, tech- nique, environnement, système d’information, mal- veillance, risques financiers) ;

• le guide WEKA sur la gestion des risques (3) pro- pose huit classes pour la cartographie des risques : santé/sécurité du patient, santé/sécurité du personnel, biens/environnement, social/managérial, données/

informations/savoir-faire, responsabilité, réputation, et finance/comptabilité ;

• la SHAM, principal assureur des établissements de santé en responsabilité civile, classe les risques en trois familles : dispositifs médicaux et produits de santé, vie hospitalière, et causes médicales (10) ;

• le ministère de la santé a recensé les textes régle- mentaires relatifs à la sécurité sanitaire dans les éta- blissements de santé (11) selon sept chapitres pouvant servir de trame : sécurité d’utilisation des produits de santé et vigilances, gestion du risque infectieux, acti- vité de soins, sécurité des personnes et des locaux, sécurité alimentaire, fluides, gestion des déchets.

Approche par processus

Une autre approche pour identifier les risques avant de les cartographier procède de l’approche processus (12). Un recensement détaillé des différents processus de production, des processus supports, et des proces- sus de management d’une organisation, donne une trame pour identifier les risques liés à chaque proces- sus élémentaire. La cartographie des risques découle alors naturellement de la cartographie des processus.

On relèvera par exemple :

• parmi les processus de prise en charge : les risques infectieux, les risques anesthésiques, les risques opé- ratoires…

• parmi les processus médico-techniques : les risques d’exposition aux rayonnements, les risques d’erreur d’identification de patient, la contre-indication médi- camenteuse…

• parmi les processus logistiques : la toxi-infection alimentaire, la contamination par contact avec les déchets infectieux, la panne informatique, l’incen- die, les risques électriques…

• parmi les processus de management : les risques sociaux, la perte de personnes ressources, la rétention d’informations…

Deuxième étape : choisir une méthode d’évaluation pour quantifier le risque

Là encore, la littérature offre de multiples exemples.

Les critères « gravité » et « fréquence » bénéficient d’un certain consensus (1) bien que la fréquence s’ap- précie soit comme un taux d’événements indésirables rapporté à un nombre total de mises en œuvre (13), soit comme une fréquence (ou une probabilité) d’ex- position au risque calculée par la durée d’exposition

(3)

rapportée à la durée totale d’activité. Cette mesure de l’aléa devient plus subjective quand on appréhende des événements indésirables non encore produits ; on se place alors sur des échelles de vraisemblance à par- tir de jugements d’experts (14).

La gravité, ou niveau des conséquences, est évaluée subjectivement, par avis d’expert, de faible à forte, ou quantitativement en mesurant par exemple les pertes financières engendrées ou encore les pertes d’exploi- tation en jours de production (1).

Suivant les méthodes, d’autres critères sont utilisés, comme la détectabilité (AMDEC), l’étendue, le coût de maîtrise, le niveau de maîtrise (14), etc.

Quant à la mesure de ces critères, la variabilité est encore plus grande, avec des cotations en lettres, en nombres discrets (et classiquement sur une échelle de 1 à 4), en pourcentage continu (de 0 à 100 %) ou en note (0 à 20 par exemple).

Les évaluations sont plutôt qualitatives dans une pre- mière approche. L’appréciation est très subjective car elle est liée au métier de l’évaluateur, à son expé- rience, à son tempérament. La variabilité peut être limitée en travaillant par consensus d’un groupe hété- rogène, mais le résultat n’est pas entièrement satisfai- sant. Pour une meilleure évaluation du risque, il faut pouvoir s’appuyer sur des informations quantitatives, sur des données peu sujettes à interprétation.

Troisième étape : représenter graphiquement les risques et leur évaluation

Les différents risques sont présentés sur des graphi- ques avec des positions ou des dimensions représen- tatives des critères d’évaluation. C’est la mise en car- tes ou « mapping ». La représentation classique est un graphique à deux axes, « fréquence » (ou proba- bilité, ou vraisemblance) et « gravité » dans lequel des points représenteront chacun des risques retenus (Figure 1 et figure 2 (15)). Mais on peut également choisir d’autres axes, comme par exemple « criti- cité » (fréquence x gravité) et « coût de maîtrise ». On remarquera que la SHAM présente le même type de graphe où fréquence et gravité sont calculées sur des sinistres réels (Figure 3 (16)). Chaque risque peut être représenté par un point ou par un nuage de points dans de tels graphiques si l’on veut tenir compte des différents couples possibles de paramètres fréquence/

gravité par exemple. Plus précisément, la répartition statistique de la criticité de chaque risque peut être représentée avec des rectangles imbriqués de plus en plus clairs aux extrémités exprimant la dispersion autour d’une médiane (Figure 4).

Le diagramme en radar ou diagramme de Kiviat est également couramment utilisé ; cet outil permet une bonne visualisation du risque global

La cartographie peut être thématique en présentant sur le graphique un seul risque mais avec une répar- tition par services ou globale en choisissant de repré-

Gravité

catastrophique majeure trés grave significative mineure

Probabilité Risque non

acceptable

Risque acceptable

incroyable peu pr

obable

occasionnelleprobable presque certaine Figure 1 - Matrice de criticité.

0 1 2 3 4 5

0 1 2 3 4 5

Probabilité Gravité RISQUE

ACCEPTABLE

RISQUE TOLÉRABLE

RISQUE INACCEPTABLE GxP = 6 GxP = 12

Risque 1

Risque 3 Risque 2

Risque 5 Risque 4

Risque 6

Figure 2 - Cartographie de risques.

programmatiques stratégiques

techniques

opérationnels

juridiques

financiers économiques

inacceptable tolérable acceptable criticité commerciaux professionnels système d'information sociaux management

insécurité

environnement politiques

Figure 3 - Cartographie des risques initiaux d’après (15).

(4)

senter l’ensemble des risques repérés (Figure 5). Mais dans ce dernier cas, la représentation est en général limitée à une vingtaine de risques « majeurs », et ne doit pas dépasser la trentaine pour des raisons de lisibilité (2,3,17,18).

Une limite de ces divers modes de représentations est qu’ils ne permettent de visualiser que deux paramè- tres caractérisant le risque. Avec les modèles dévelop- pés ci-après, trois paramètres apparaissent.

Exemple de mise en œuvre au centre hospitalier d’Aubenas

Première application : le document unique d’évaluation des risques professionnels Dans une approche de la gestion globale des risques, le centre hospitalier d’Aubenas s’est d’abord intéressé aux risques professionnels en élaborant le document unique prévu par le décret du 5 novembre 2001 (19).

Le document doit rassembler les preuves d’une iden- tification globale et exhaustive des dangers pour les travailleurs, et de l’évaluation des risques. Une démar- che participative a permis une identification exhaus- tive des situations à risque pour chaque unité de tra- vail, suivie d’une évaluation de leur criticité (produit de la fréquence d’exposition par la gravité des consé-

quences) et de leur niveau de maîtrise. À partir de ces deux paramètres, une cartographie a été réalisée pour permettre une vision globale des risques par unité de travail et par famille de risque (Figure 6). Cette carto- graphie a permis ensuite une priorisation et l’élabora- tion d’un plan d’actions d’amélioration (20).

Extension à la cartographie globale des risques

Fort de cette première expérience, le centre hospitalier d’Aubenas a décidé d’étendre la démarche d’analyse a priori à l’ensemble des risques hospitaliers. L’ambi- tion a toutefois été limitée aux risques pour les per- sonnes et les biens, en excluant notamment les ris- ques socio-économiques.

Classification des risques

Pour adopter une classification des risques pertinente et surtout facile à comprendre par les professionnels, l’établissement s’est appuyé sur l’organisation exis- tante en matière de gestion des risques et sur les tra- vaux déjà réalisés :

• le risque incendie est parfaitement réglementé, il est géré par un chargé de sécurité, assisté d’une équipe de sécurité. Il fait l’objet de formations, d’exercices et de contrôle. Ce risque est évalué par un indicateur développé spécifiquement dans l’établissement (21).

• les risques professionnels sont bien définis par le document unique et déjà exploités (cf. ci-dessus).

• le risque infectieux (dont risques liés à « eau-air- surfaces », déchets, linge, grippe aviaire) est maîtrisé par l’équipe opérationnelle en hygiène hospitalière et les correspondants en hygiène, il est évalué par les enquêtes de prévalence, l’indicateur composite Icalin, il est supervisé par le comité de lutte contre les infec- tions nosocomiales (CLIN).

• les risques liés aux produits de santé (médicaments, produits sanguins, dispositifs médicaux) sont parfai- tement cernés grâce leurs correspondants respectifs, leur système de déclaration et leur traçabilité.

---

1

---

2

---

3

---

4

---

5 4

S

6

S

Risque 1 m

Risque 2

Risque 3 Criticité

Figure 4 - Représentation statistique d’un risque.

600 500 400 300 200 100

00 500 1000 1500 2000 2500

Nombre total de sinistres

Coût moyen par sinistre en kF

urgences médecine

obstétrique

neurochirurgie anesthésie/

réanimation

orthopédie chirurgie de la face chirurgie uro-viscérale

chirurgie cardio-vasculaire

Figure 5 - Cartographie des sinistres déclarés à la SHAM de 1991 à 2000 : répartition des spécialités en fonction de la fréquence et de la gravité des sinistres déclarés.

(5)

• le risque électrique est l’objet d’une abondante réglementation. Les contrôles et vérifications sont organisés et fréquents, les responsabilités identi- fiées. De plus l’analyse exhaustive de ce risque est faite périodiquement depuis plusieurs années dans l’établissement avec un indicateur de synthèse (22).

• le risque lié aux fluides médicaux est également bien encadré et supervisé par la commission locale de sur- veillance des gaz médicaux.

• le risque anesthésique fait l’objet d’un suivi spé- cifique par les professionnels avec un indicateur adapté fruit d’une AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité).

• les risques liés aux machines (dont les ascenseurs) et rayonnements ionisants sont bien encadrés par la réglementation et sont évalués par vérifications exter- nes d’organismes agréés et par un entretien régu- lier.

• le risque alimentaire est maîtrisé par le responsable de la restauration à l’aide de la démarche HACCP (analyse des risques par le contrôle des points critiques).

• enfin les risques de la vie hospitalière (chutes, escar- res, dénutrition, fugue, suicide…), les risques médi- caux, les risques naturels, les risques environnemen- taux (radon, plomb, amiante, insectes, pollutions…), la violence et les malveillances font l’objet de déclara- tions au moyen des fiches d’événements indésirables mises en place et exploitées collégialement depuis plus de quatre ans, et qui alimentent une base de données déjà conséquente. On classe dans les risques médicaux, les soins non pertinents (dont erreur de patient, erreur de côté à opérer, erreur de diagnos- tic…), les retards des soins, les erreurs dans la réali- sation, le suivi clinique insuffisant, les complications d'actes, l’absence d'information, de consentement du patient, le non-respect du secret médical.

1 9 18

1 2 3

1 9 18

1 2 3 Hôpital Bellande

Hôpital Boisvignal Bloc opératoire Urgences Consultations externes Radiologie Laboratoires Pharmacie Magasins transport Blanchisserie Ateliers sécurité Cuisines Service intérieur Administrtion Secrétariat

Incendie-explosionRisque électriqueRayonnement

Risques biologiquesRisques chimiquesRisques physiques

Risques psychologiques Gestes postur

es

Nuisances Autres

Déplacements

Criticité

Sécurité

Légende Figure 6 - Cartographie des risques professionnels au CH d’Aubenas.

La taille des bulles est proportionnelle à la criticité du risque. La bulle est d’autant plus sombre que le risque est peu maîtrisé.

(6)

Au total, on différencie dix-sept familles de risques qui recoupent la plupart des typologies énoncées pré- cédemment.

Critères d’analyse

Au centre hospitalier d’Aubenas, les critères de gravité et de fréquence d’occurrence ont été très classique- ment retenus, complétés par un critère de sécurité qui mesure l’efficacité dans la maîtrise du risque.

Dans chacune des dix-sept familles de risques, plu- sieurs risques élémentaires ont été évalués en fré- quence et en gravité pour ne retenir que la criticité la plus élevée représentative de la famille de risques.

Par exemple, pour le risque incendie, on compare l’in- cendie mortel très rare, au départ de feu beaucoup plus fréquent mais aux conséquences limitées. Autre exemple, on compare les infections nosocomiales avec décès du patient aux infections qui n’occasion- nent pas d’événement grave.

La mesure des indices de fréquence, gravité, criticité, sécurité se fait sur une échelle continue de 0 à 1.

Outre la facilité de compréhension (0 correspondant à fréquence nulle, gravité nulle, mais aussi sécurité nulle, et 1 à fréquence maximale, gravité majeure ou sécurité totale), ce système permet de coter égale- ment la criticité (produit de la fréquence par la gravité) de 0 à 1. Chacune de ces échelles est subdivisée en quatre pour retrouver les appréciations classiques de la littérature (Figure 7).

L’indice de fréquence est calculé par une fonction logarithmique de la fréquence réelle des événements indésirables (voir à ce propos le commentaire de l’échelle de vraisemblance de DESROCHES et GATECEL

(14)). Cette fréquence est soit relevée dans l’établisse- ment quand elle y est mesurable (taux de prévalence des infections nosocomiales, des escarres, nombre d’accidents du travail, nombre d’incidents médica- menteux…), soit déduite de statistiques nationales (incidents transfusionnels, accidents anesthésiques, incendies mortels…) (Figure 8). La fonction a été paramétrée pour obtenir les correspondances entre indice et fréquence indiquées dans l’échelle de fré- quence de la figure 7.

Pour chacune des dix-sept familles, une criticité moyenne a ainsi été calculée, sur une échelle conti- nue de 0 à 1. L’évaluation du paramètre de maîtrise du risque s’est faite à l’aide du rapport d’activité annuel de gestion des risques :

• soit à partir d’indicateurs utilisés dans l’établisse- ment pour évaluer la sécurité électrique (21), la sécurité incendie (22), la sécurité anesthésique, la sécurité des gaz médicaux, la maîtrise des dispositifs médicaux ;

• soit à partir d’indicateurs nationaux (Icalin, préva- lences…)

• soit par utilisation des études déjà disponibles (ris- ques professionnels, rayonnements ionisants…) ;

• soit d’après les notes obtenues lors de la certifica- tion V2 de l’établissement (produits sanguins).

Caractérisation des risques

très fréquent quotidien

peu fréquent occasionnel très peu fréquent rare fréquent souvent

cotation = 2/(2-log10F) avec F fréquence en jours-1 1 une fois par jour et plus

dans l'établissement une fois par jour et plus dans l'établissement une fois par jour et plus dans l'établissement

une fois par millénaire dans l'établissement ou une fois par an en France

jamais 0,75

0,5

0,25

0

Fréquence

très grave dommage majeur

peu grave dommage modéré bénin dommage mineur grave dommage important

1 décès

menace du pronostic vital ; incapacité permanente hospitalisation ou

prolongation d'hospitalisation blessure ; dommage physique ou moral

inconfort tout au plus 0,75

0,5

0,25

0

Gravité

très critique

peu critique

très peu critique critique

1

Criticité = fréquence x gravité 0,75

0,5

0,25

0

Criticité

risque bien maîtrisé

risque peu maîtrisé

risque non maîtrisé risque partiellement maîtrisé

1 suppression du risque

contrôles périodiques, exercices, analysesa priori et actions préventives formation, analyse des incidents, équipement spécifiques

information, consignes, procédures

aucune précaution ni disposition 0,75

0,5

0,25

0

Sécurité Figure 7 - Échelles de cotations.

(7)

Pour représenter l’ensemble des risques étudiés et faire figurer le niveau de criticité et le niveau de maî- trise, un simple diagramme en bâtons est utilisé. Au bâton représentant la criticité, on superpose pour cha- que risque, la « couverture » de ce risque, c’est-à-dire son niveau de maîtrise. Un risque parfaitement maî- trisé aurait un indice de sécurité de 1, soit 100 %, d’où une « couverture » à 100 % de ce risque. Inver- sement, avec un indice de sécurité de 0, la criticité reste entière (Figure 9).

Résultats obtenus

La figure 9 donne une image précise des risques dans l’établissement. Deux risques se détachent quant à leur criticité. Il s’agit du risque infectieux et des risques de la vie hospitalière (chutes, escarres, dénutrition, fugues, tentatives de suicide…). On n’insistera jamais assez sur l’importance de ces risques, qui engendrent des événements indésirables quasiment quotidienne- ment avec des conséquences souvent graves de pro- longation d’hospitalisation, voire de décès. Ces ris- ques trop courants ont tendance à être banalisés, et l’intérêt d’une cartographie globale est de leur redon- ner leur triste importance. Souvent des gestes simples, comme l’hygiène des mains, suffisent à diminuer les événements indésirables, mais ils doivent être répétés quotidiennement, et l’habitude les fait négliger.

Dans notre établissement, le risque médical dans son ensemble vient en troisième position. Il se caracté- rise par une fréquence beaucoup plus faible que les deux précédents, mais la gravité des conséquences est plus importante. Surtout, c’est le risque médiatique par excellence, et celui qui donne lieu au plus grand nombre de contentieux.

Les autres risques hospitaliers suivent de près. On remarquera que le risque « violence et malveillance »

affiche une des plus faibles criticité, avec une fré- quence plutôt faible et peu de conséquences graves en général, alors que c’est un des risques les plus redoutés. Quand on parle d’insécurité, c’est souvent ce risque qui est sous-entendu.

Pour chaque risque, la différence entre la criticité et la sécurité (ou niveau de maîtrise) alerte sur des vul- nérabilités plus ou moins marquées.

On note une maîtrise du risque médical très incom- plète. Cela s’explique d’abord par une mauvaise appréhension de ce risque, trop peu évalué, avec des événements indésirables restant souvent confidentiels

1 10-1 10-2 10-3 10-4 10-5 10-6

1 fois par trimestre 1 fois par semaine

1 fois par jour

1 fois tous les 10 ans 1

0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0

If : Indice de fréquence

F : fréquence :

If = 2/(2–log10F)

Figure 8 - Indice de référence, fonction logarithmique de la fré- quence réelle.

Envir onnement 0,75

0,50

0,25

0,00

CRITICITÉ

SÉCURITÉ

Incendie Fluides médicaux

Électricité

Rayonnements ionisants Machines

Violence et malveillanceRisques pr ofessionnels

Risque infectieux Alimentation

Vie hospitalièr e

Dispositifs médicaux Médicaments

Produits sanguinsRisques médicaux Anesthésie

Risques natur els

Figure 9 - Exemple de cartographie globale des risques hospitaliers.

Criticité et sécurité se lisent sur une même échelle à gauche de 0 à 1. Les risques peuvent être hiérarchisés selon leur criticité ou selon le décalage entre la criticité et la sécurité.

(8)

1- DE MARESCHAL G. La cartographie des risques. AFNOR, 2003, 50 pages.

2- VÉRET C, MEKOUAR R. Fonction : Risk manager. Dunod, 2005, page 121.

3- COLLECTIF. La cartographie des risques : un outil d’aide à la construction d’une politique globale de gestion des risques. In: La maîtrise des risques et la sécurité sanitaire au quotidien dans un établissement de santé. Quaranta JF, Petit J. Weka, 2006, 955 pages.

4- TNS-SOFRES. Baromètre du risk management 2005.

www.tns-sofres.com/etudes/it/240805_ riskmanagement.

htm

5- DHOS. Étude sur les modèles de gestion des risques en établissement de santé: organisation, méthodes et outils.

novembre 2002. www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/risques_

etabs/documents/capg_etude.pdf

6- ANAES. Principes méthodologiques pour la gestion des risques en établissement de santé. 2003. www.has-sante.fr 7- DHOS. Recommandations pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de gestion des risques en éta- blissement de santé, Avril 2004. www.sante.gouv.fr 8- ANAES. Manuel d’accréditation des établissements de santé, deuxième procédure d’accréditation, septembre 2004. www.has-sante.fr

9- HAS. Guide d’aide à la cotation, deuxième procédure de certification des établissements de santé, novembre 2005.

www.has-sante.fr

10- SHAM. Panorama 2005 du risque médical des établis- sements de santé. http://www.sham.fr/article.php3?id_arti- cle=598

11- DHOS. Référentiel de sécurité sanitaire : textes appli- cables aux établissements de santé en matière de sécurité sanitaire. Edition n° 5, Juillet 2005. www.sante.gouv.fr 12- Poulain JC. Cartographie des risques en santé. Journée technique de formation Apave, Lyon, 11 janvier 2007.

13- Fascicule de documentation FD ISO/CEI Guide 72.

Management du risque, vocabulaire. AFNOR, septembre 2002.

14- DESROCHES A, GATECEL C. L’analyse préliminaire des ris- ques : un outil adapté aux établissements de soins. Risques

& Qualité 2006; 3 :141-150.

15- DESROCHES A, LEROY A, QUARANTA JF, VALLÉE F. Diction- naire d’analyse et de gestion des risques. Lavoisier, 2006, 479 pages.

16- GUIMBAUD B. Typologie du risque médical du point de vue de l’assureur. 1re journée nationale sur la gestion des risques sanitaires dans les établissements de santé, DHOS, 6 juin 2001.

17- BLIN M, LUCET B, BERTRAND J. La cartographie globale des risques, Necker Enfants Malades, Congrés AFGRIS, 16-17 octobre 2003. www.afgris.asso.univ-paris7.fr

18- BLIN M, LUCET B, BERTRAND J. Exemple de cartographie et hiérarchisation des risques. Gestions hospitalières 2004;

432: 72.

19- DÉCRETN° 2001-1016 DU 5 NOVEMBRE 2001 portant créa- tion d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L 230-2 du code du travail et modifiant le code du travail.

Journal Officiel du 7 novembre 2001, page 17523.

20- MOULAIRE M. L’évaluation des risques professionnels en établissement sanitaire et social: enjeux, principes et mise en œuvre. Risques & Qualité 2005; 1: 34-41.

21- MOULAIRE M. Une méthode A.I.S.E.E. pour une gestion mesurable du risque incendie. Risques & Qualité 2004; 1:

45-50.

22- MOULAIRE M. Elec’Indic, une méthode pour la maîtrise de la sûreté électrique. Risques & Qualité 2004; 3: 42-45.

23- BERWICK DM. Lessons from developing nations on improving health care. BMJ 2004; 328: 1124-1129.

Références bibliographiques

et très peu exploités. Les contrôles sont très difficiles et d’ailleurs quasi inexistants, les processus de maî- trise très rarement écrits. On retrouve là l’importance majeure du développement des recommandations de pratique clinique (RPC) et des évaluations des prati- ques professionnelles (EPP) dont l’objectif est l’amé- lioration des pratiques.

On note également les efforts à faire dans la maîtrise du risque médicamenteux, avec un circuit du médi- cament à définir précisément et à respecter, et une exploitation des incidents médicamenteux. Concer- nant le risque « machines » (ascenseurs, portes automatiques, machines en cuisine, en blanchisserie, outillage électro-portatif…), des progrès sont à faire rapidement sur leur identification, puis leur maîtrise par le développement de dispositifs de protection, et surtout de formation du personnel.

Ces différents éléments fournissent des pistes pour prioriser des actions d’amélioration dans le cadre d’un programme global.

Conclusion

Notre expérience nous amène à quelques recomman- dations qui rejoignent les préceptes de BERWICK et notamment : faire simple, le faire en équipe, mesurer avec pragmatisme, simplifier la méthodologie, démar- rer le plus tôt possible, diffuser et développer tous azimuts, surtout arrêter de se plaindre (23) !

Comme c’est le cas avec tous les outils de la qua- lité, la tentation est grande d’en abuser. La démarche est alors consommatrice de temps et perd considé- rablement de son efficacité. Plutôt qu’une profusion de tableaux et de couleurs, il faut savoir se limiter à deux ou trois cartes essentielles que les professionnels pourront s’approprier facilement si leur présentation est récurrente.

Le recensement trop exhaustif des risques n’a d’inté- rêt qu’intellectuel et s’avère inefficace. Il faut savoir se limiter à une vingtaine de risques majeurs pour éviter la dispersion.

La cartographie n’est pas une fin en soi. Elle ne pro- cure que des outils dont la finalité est l’aide à la déci- sion et surtout les actions d’amélioration. Il faut pren- dre garde de ne pas y engager toutes ses ressources, que ce soit en compétences ou en temps.

Références

Documents relatifs

Événement 19 : la réception d'un message OPEN dans les états Connecté ou Actif va causer la fermeture de la connexion par le locuteur BGP, la libération de toutes les ressources

la nature pour ne citer qu’elles et les sciences humaines, qui ont pour objet le comportement de l’Homme au sens large, dans la dimension individuelle et collective.. Toutefois,

A l’aide du document, déterminez pour chaque caractère étudié si la différence phénotypique est due à 1 ou plusieurs gènes puis si ces gènes sont

En effet, selon la nature sémantique des éléments X et Y , la détermination peut être définie comme dans : Quelle est la différence entre le train et le café ?, ou

Les mesures actuelles pour préserver la qualité de l’air sont toujours en vigueur et la liste des véhicules autorisés dans la zone à circulation différenciée est réduite

On doit donc avoir 13 premiers distincts (ou une de leurs puissances), dont on prend les 13 qui minimisent l'écart entre le plus petit et le

Sur une plage de Malibu, le maître-nageur Mitch BUKANOUILLE utilise une corde de 160 mètres de longueur et deux bouées pour délimiter une zone de baignade de forme

Ajouter une anse réduit de 2 unités la caractéristique d’Euler- Descartes de la surface χ = S + F − A (où S est le nombre de sommets du graphe représentant ce réseau, F son