222 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 janvier 2011 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 janvier 2011 0 L’incidence des maladies inflammatoi
res de l’intestin (MICI) a tendance à augmenter, surtout pour la maladie de Crohn (MC), alors que l’incidence de la colite ulcéreuse (CU) reste stable. Sur la base de données vaudoises, on peut esti
mer qu’il y a probablement 12 000 person
nes atteintes en Suisse, dont la vaste majo
rité ont vu le diagnostic posé avant l’âge de 40 ans. Ces patients ont des besoins en médecine de premier recours à toutes les étapes de leur prise en charge, qui reste malheureusement, encore nécessaire sur le très long terme. Ces patients étant pour la plupart jeunes au moment du diagnostic et ne présentant aucune autre pathologie, ils sont fréquemment, surtout en pré sence de symptômes sévères, suivis seulement par leur gastroentérologue.
L’introduction des réseaux de soins est en train de modifier les modalités de la prise en charge au long cours de ces patients, avec un rôle accru des médecins de premier re
cours. Cette évolution demande que de nouvelles for mes de collaboration se déve
loppent. Com me souvent, ces changements sont porteurs d’op portunité qu’il convient de saisir ensemble pour le bien de nos pa
tients. Différents rôles du praticien de pre
mier recours dans les MICI sont discutés cides sous.
rôle du praticien
…
Dans le diagnostic précoce
Le diagnostic de MICI est basé sur une combinaison de symptômes et de signes clini ques dans un contexte plus ou moins évoca teur, complété par des paramètres bio logiques, endoscopiques, histologi ques et radiologiques. La difficulté réside surtout dans le diagnostic des cas de moindre acti
vité et sévérité, du fait de la similarité des symptômes avec ceux du syndrome de l’in
testin irri table (SII). L’usage des biomarqueurs des MICI reste limité, du fait de leur faible
disponibilité en pratique et de problèmes de remboursement. Le dosage de la calprotec
tine dans les selles, qui devrait être rem
boursée en Suisse dès 2011, sera un apport utile dans la distinction entre MICI et SII, mais non définitif.1
Une analyse récente des données de la SwissIBD cohort (1591 patients étudiés entre 2006 et 2009) montre qu’il persiste encore une grande variation de délais, par fois longs, entre le début des symptômes évocateurs d’une MICI et la première consultation chez le médecin de premier recours (percentile 50 = six mois pour la MC, quatre mois pour la CU) ainsi qu’entre la consultation chez le premier praticien et le diagnostic définitif, en général posé par le gastroentérologue (P 50 = dixhuit et cinq mois, respectivement).
Comme la réponse au traitement est meil
leure en cas de prise en charge précoce et que le risque de complications aug mente avec la durée de la maladie, une réduction du délai de diagnostic est à mê me de dimi
nuer la morbidité ainsi que la sévérité et le coût de prise en charge de ces patients, comme cela a été montré en Norvège no
tamment.
Dès le diagnostic établi
Lors de leur inclusion dans la SwissIBD cohort, plus de 80% et 40% des patients at
teints de MC et de CU respectivement, sont traités par une forme d’immunosuppression (stéroï des, azathioprine, méthotrexate ou anti
TNF, seuls ou en combinaison). Ces médi
caments sont en général introduits au cours des premiers épisodes de ces maladies. Il convient donc de procéder rapidement à une mise à jour du carnet de vaccination de ces patients, de préférence avant, ou alors dès, l’initiation d’un traitement immunosuppres
seur. Des recommandations récentes et dé
taillées de l’European Crohn’s and colitis or
ganisation sont disponibles (www.eccoibd.
eu) pour la prévention des infections chez les patients souffrant d’une MICI.2 Cela in
clut une mise à jour de l’immu nisation contre le tétanos, la poliomyélite, la diphtérie et la coqueluche. La vaccination contre S. pneu- moniae est recommandée ainsi que contre le Papilloma virus pour les patientes de moins de 25 ans, après con trôle gynécolo
gique négatif pour ce virus. Un bilan d’infec
tion par l’hépatite B et la tuberculose est également souhaitable dès le diag nostic.
Dans le suivi des patients
Lorsqu’une immunosuppression est mise en place, sauf l’importante exception des stéroïdes, elle doit en principe être poursui
vie pendant au minimum 21 mois, et le plus souvent elle sera maintenue au long cours afin de prévenir la survenue de rechutes et de complications de la maladie. Si la sécurité d’emploi de ces stratégies est maintenant bien établie, elle dépend de la qualité du suivi des patients. Le consensus européen est d’obtenir une formule sanguine et des tests hépatiques trimestriels, car une leucopénie tardive ou une toxicité hépati que peuvent sur
venir tardivement. Ce suivi permet aussi de juger de l’efficacité du traitement, raison pour laquelle il est admis de suivre également la protéine C réactive (CRP). La calprotectine dans les sel les pourrait devenir l’examen de choix pour le suivi de la réponse thérapeu
tique dans la MC. Afin de compléter le suivi, une évaluation annuelle plus large est égale
ment proposée (déficit en fer, vitamine B12, folate, notamment).
Pour la surveillance oncologique Les patients atteints d’une MICI présentent un risque accru de cancer colorectal (CCR).
Le risque relatif global de ces patients est de 5,5 en cas de MC colique et de 4,8 lors de CU, par rapport à la population générale.
Les facteurs de risque principaux sont la du
rée de la maladie (le risque augmente à par
tir de huit à dix ans de maladie), l’étendue de l’atteinte colique, une anamnèse familiale po
sitive pour le CCR, et la coexistence d’une cholangite sclérosante (PSC). Un traitement au long cours par au moins 2 g/jour de mé
salazine (ainsi que par acide ursodésoxy
cholique en cas de cholangite sclérosante primitive – CSP) semble efficace pour dimi
nuer le risque de survenue de CCR.3
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin :
quel est le rôle du praticien ?
Quadrimed 2011
P. Michetti
Pr Pierre Michetti
Gastro-entérologie La Source-Beaulieu Avenue Jomini 8
1004 Lausanne
Service de gastro-entérologie et hépatologie
CHUV, 1011 Lausanne pmichetti@gesb.ch
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 222
Bibliographie
1 Mendoza JL, Abreu MT. Biological markers in in- flammatory bowel disease : Practical consideration for clinicians. Gastroenterol Clin Biol 2009;33(Suppl. 3):
S158-73.
2 Rahier JF, Moutschen M, Van Gompel A, et al.
Vacci nations in patients with immune-mediated inflam- matory diseases. Rheumatology (Oxford) 2010;49:1815- 27.
3 Lyakhovich A, Gasche C. Systematic review : Mo le- cular chemoprevention of colorectal malignancy by mesalazine. Aliment Pharmacol Ther 2010;31:202-9.
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