LE CONSENTEMENT DES MAJEURS PROTEGES AUX ACTES MEDICAUX
Rédigée en février 2020
1. Les différentes mesures de protection
Le majeur protégé est une personne majeure dont les facultés mentales et/ou corporelles sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge. Cette altération, médicalement établie, place la personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts.
Le majeur sous sauvegarde de justice* : il s’agit d’une mesure de protection juridique temporaire, mise en œuvre préalablement à un régime de protection plus durable ou pour un majeur atteint d’une altération provisoire de ses facultés. La personne conserve le plein exercice de ses droits. En matière de soins, elle conserve la même capacité juridique que n’importe quel patient. Son admission, son séjour et sa sortie relèvent des règles du droit commun (article 435 du code civil).
Le majeur sous curatelle* : le majeur, sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile. Son admission, son séjour et sa sortie relèvent des règles du droit commun.
Le majeur sous tutelle* : la tutelle est mise en place lorsque la personne n’est plus à même d’exprimer sa volonté et a donc besoin d’être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile.
Il s’agit d’une mesure de représentation par laquelle le tuteur désigné agit en lieu et place du majeur.
La loi prévoit toutefois que le consentement du patient aux soins doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Lorsque cela n’est pas le cas, et qu’une mesure de représentation est mise en œuvre, le majeur sous tutelle ne peut consentir seul ni à son admission, ni aux soins : le tuteur le représente et seul son consentement est requis.
L’habilitation familiale* : il s’agit d’un « mécanisme de mandat judicaire familial permettant aux proches d’une personne hors d’état de manifester sa volonté de la représenter sans avoir à se soumettre à l’ensemble du formalisme des mesures de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle » (communiqué de presse du conseil des ministres du 14 octobre 2015).
« Le juge, après vérification médicale que la personne concernée est effectivement hors d’état de manifester sa volonté, peut, s’il estime que tel est effectivement l’intérêt de la personne, confier un mandat au proche désigné par le consensus familial, visant soit à représenter l’intéressé pour un acte précis, soit à le représenter de manière générale tant pour des actes patrimoniaux que pour des actes affectant la sphère personnelle » (exposé des motifs du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 15 octobre 2015).
Le mandat de protection future* : toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts. La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu'avec l'assistance de son curateur.
Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Il est daté signé de la main du mandant. Le mandataire l’accepte en le signant (article 477 à 494 du Code civil).
*Définitions du mémento de l’administrateur de garde de l’AP-HP.
2. Sources juridiques
L’article 459 du code civil dispose : « Hors les cas prévus à l’article 458 du code civil, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet.
Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l'intéressé, y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l'un ou l'autre à prendre la décision, à leur demande ou d'office.
Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intimité de la vie privée de la personne protégée.
La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l'intéressé. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué. » L’article 458 du code civil dispose que : « Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée.
Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. »
La loi pose le principe de l’autonomie de la personne, selon lequel le majeur protégé prend lui-même les décisions touchant à sa personne si son état le permet et prévoit la procédure à suivre si la personne protégée ne peut pas prendre seule une décision éclairée.
3. Droit des majeurs protégés
L’information et le consentement du majeur protégé
L’article L.1111-2 alinéa 5 du code de la santé publique (CSP) dispose que « Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l'information prévue par le présent article, sous
réserve des articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle. »
« Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. » (Article L. 1111-4 CSP).
« Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L.
1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté » (article L. 1111-4 alinéa 5 CSP) : dans certains cas, l’urgence prévaut et permet aux médecins de se dispenser d’informer le patient ou son représentant légal. Cette information sera donnée a posteriori.
En pratique : s’agissant du majeur sous curatelle, le droit commun est applicable. Le majeur protégé est informé et donne son consentement aux soins (article L. 1111-2 et L. 1111-4 du code de la santé publique).
Il en est de même pour les majeurs placés sous sauvegarde de justice. L’article 435 du code civil prévoit en effet que « La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits.
Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l’article 437 ».
Pour les patients sous tutelle, il convient de faire une distinction : si la mesure de tutelle concerne uniquement la protection des biens de la personne, le droit commun s’applique alors. L’information devra être délivrée au majeur et ce dernier devra consentir aux soins. Ce n’est que lorsque la tutelle concerne la personne du patient (« tutelle à la personne ») et que le tuteur a pour mission de le représenter que l’information est donnée au tuteur qui consentira aux soins.
Par conséquent, le professionnel de santé doit vérifier la mesure de protection prise par le juge des tutelles afin de déterminer la conduite à tenir pour chaque patient en matière d’information et de recueil du consentement. Le jugement prenant cette mesure peut être demandé au majeur protégé, à son représentant légal, à sa famille ou au greffe du tribunal d’instance du lieu de résidence.
Traçabilité de l’information donnée : Il incombe au médecin de prouver qu'il a exécuté son obligation de délivrance de l'information auprès du patient et de son tuteur. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. C’est pourquoi il est indispensable de mentionner dans le dossier du patient les informations qui lui ont été délivrées, par qui et à quelle date, ainsi que les difficultés éventuellement rencontrées lors de leur délivrance.
Dispositions spécifiques
En matière de dons de sang, tissus et produits humains pour les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection légale : ces dons sont interdits (article L. 1221-5 et L. 1241-2 CSP).
Les dons de cellules issues de la moelle osseuse au bénéfice des frères et sœurs du majeur protégé sont possibles sous certaines conditions (article L. 1241-4 CSP). Cette possibilité est également étendue au bénéfice du cousin germain ou de la cousine germaine du majeur protégé, de son oncle ou de sa tante, de son neveu ou de sa nièce.
En matière de prélèvement d’organes : les prélèvements d’organes sur un majeur protégé vivant sont interdits (article L. 1231-2 CSP).
Si le majeur sous tutelle est décédé, ils nécessitent l’autorisation écrite du tuteur (article L. 1232-2 CSP).
Les prélèvements d’organes sur un majeur sous curatelle décédé sont régis par le droit commun (article L. 1232-1 CSP).
En matière de recherches biomédicales : la participation de majeurs sous tutelle ou curatelle à des recherches biomédicales est possible sous certaines conditions (article L. 1121-8 CSP). L’autorisation est donnée pour un majeur sous tutelle par son tuteur, et si le comité mentionné à l’article L. 1123-1 considère que la recherche comporte, par l’importance des contraintes ou par la spécificité des interventions auxquelles elle conduit, un risque sérieux d’atteinte à la vie privée ou à l’intégrité du corps humain, par le conseil de famille s’il a été institué, ou par le juge des tutelles (article L.1122-2 CSP).
Pour le majeur sous curatelle, le consentement est donné par l’intéressé assisté par son curateur, et si le comité mentionné à l’article L. 1123-1 considère que la recherche comporte, par l’importance des contraintes ou par la spécificité des interventions auxquelles elle conduit, un risque sérieux d’atteinte à la vie privée ou à l’intégrité du corps humain, par le conseil de famille s’il a été institué, ou par le juge des tutelles (article L.1122-2 CSP). Une personne faisant l’objet d’une mesure de sauvegarde de justice ne peut être sollicitée aux fins de participer à une recherche impliquant la personne humaine (même article).
En matière de stérilisation à but contraceptif : en ce qui concerne les majeurs sous tutelle et curatelle, elle est possible uniquement lorsqu’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement (article L.2123-2 CSP).
L’intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles saisi par la personne concernée, les père et mère ou le représentant légal de la personne concernée.
En matière d’anomalie génétique grave : l’opposition à l’examen des caractéristiques génétiques du majeur sous tutelle est exprimée par le tuteur (article L. 1131-1-1 CSP).
Lorsque la personne est un majeur hors d’état d’exprimer son consentement et ne faisant pas l’objet d’une tutelle, l’opposition est exprimée par la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, à défaut de celle-ci, par la famille ou, à défaut, par une personne entretenant avec l’intéressé des liens étroits et stables (article L.1131-1 CSP).
En matière d’assistance médicale à la procréation : en ce qui concerne le majeur sous tutelle, le recueil et la conservation de gamètes ou de tissu germinal est possible avec l’autorisation du tuteur (article L.
2141-11 CSP).
En ce qui concerne le majeur sous curatelle ou sous sauvegarde de justice, le droit commun s’applique (article L.2141-1 et suivants CSP).
La personne de confiance
Le majeur sous tutelle peut désigner une personne de confiance avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Dans l’hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer (article L. 1111-6 CSP).
Le majeur sous curatelle peut désigner une personne de confiance (article L. 1111-6 CSP).
Selon les recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé (HAS) en matière d’information des majeurs protégés, « le professionnel de santé délivre à la personne une information adaptée à ses facultés de compréhension.
La personne de confiance est consultée si la personne qui l’a désignée se trouve hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin.
Il revient au professionnel de santé de vérifier qu’une personne de confiance a bien été désignée par la personne malade à un moment où cette dernière disposait encore de ses facultés de discernement.
En l’absence de personne de confiance, le professionnel de santé consulte les proches présents. Il indique dans le dossier médical pourquoi il s’est trouvé dans la nécessité de les consulter et le contenu de l’information donnée ».
N-B : Mesure de sauvegarde de justice par déclaration médicale
Concernant la déclaration aux fins de sauvegarde de justice, l’article L. 3211-6 du code de la santé publique prévoit que :
« Le médecin qui constate que la personne à laquelle il donne ses soins a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425 du code civil, d'être protégée dans les actes de la vie civile peut en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement. Cette déclaration a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice si elle est accompagnée de l'avis conforme d'un psychiatre ».
Lorsqu'une personne est soignée dans un établissement de santé ou un hôpital des armées ou hébergée dans un établissement social ou médico-social, le médecin est tenu, s'il constate que cette personne se trouve dans la situation prévue à l'alinéa précédent, d'en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement. Cette déclaration a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice. Le représentant de l'Etat dans le département doit être informé par le procureur de la mise sous sauvegarde. »
Cet article instaure la mise en œuvre d’une mesure sous sauvegarde de justice par déclaration médicale (qui diffère de la sauvegarde de justice sur décision d’un juge des tutelles). Cette mesure vise à protéger une personne, dont les facultés sont durablement atteintes, qui a besoin d'une protection immédiate en attendant la mise en place d'une mesure plus protectrice (tutelle ou curatelle). La sauvegarde médicale permet à un médecin de placer lui-même la personne à laquelle il dispense des soins sous un régime de protection, par simple déclaration, s’il constate que l’état du patient nécessite une mesure de protection. Comme pour toute mesure de protection, la personne doit avoir une altération de ses facultés personnelles. L’intérêt de la sauvegarde médicale est d’être mise en place rapidement. Elle a les mêmes effets que la sauvegarde de justice décidée par le juge. Elle ne permet pas au médecin de décider pour et à la place de la personne concernée. En revanche, le juge peut désigner un ou plusieurs mandataires spéciaux pour accomplir des actes précis, de représentation ou d'assistance, que la protection de la personne rend nécessaire.