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COVID-19: Que sait-on aujourd’hui sur ses différentes séquelles ?

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 5 août 2020

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COVID-19 : QUE SAIT-ON AUJOURD’HUI SUR SES DIFFÉRENTES SÉQUELLES ?

En France, la pandémie a soudain ré- veillé cette vieille institution, longtemps endormie, qu’est l’Académie nationale de médecine. En charge de conseiller l’exécu- tif, elle ne cesse, depuis plusieurs se- maines, de multiplier les avis, les prises de position, les recommandations ; et ce sur la base d’une bibliographie actualisée et des convictions affichées de ses membres.

Ainsi ce dernier avis consacré aux « sé- quelles du Covid-19 ».1

Contexte : à l’heure où ces lignes sont écrites, l’épidémie de Covid-19 diminue nettement en France – sans pour autant que l’on puisse minorer le risque d’aug- mentation des émergences localisées du virus. Dans le même temps, on dispose d’acquis de plus en plus nombreux quant aux séquelles dont peuvent être affectées, après être considérées comme guéries, les personnes infectées. « Chez les malades les plus sévèrement atteints, les séquelles sont une menace réelle dont l’importance reste mal évaluée, souligne l’Académie.

Des soignants et des malades feront égale- ment face à des séquelles psychiques qu’il ne faut pas mésestimer. »

Les séquelles du Covid-19 peuvent être schématiquement séparées en plu- sieurs chapitres.

1. Séquelles des atteintes organiques survenues au cours de la phase aiguë

Le poumon est l’organe le plus fré- quemment atteint à la phase aiguë de la maladie ; d’ailleurs, les épidémies précé- dentes dues à d’autres coronavirus comme le Sars-CoV et le Mers-CoV avaient mon-

tré qu’une fibrose pulmonaire pouvait persister après l’infection initiale. C’est la fibrose pulmonaire interstitielle qui est la conséquence fréquente de la détresse res- piratoire observée à la phase aiguë de la maladie. On l’attribue généralement à la production accrue de cytokines pro-in- flammatoires, conséquence indirecte de l’infection virale. L’Académie ajoute que d’autres facteurs peuvent intervenir, comme l’hyperpression dans les voies res- piratoires faisant suite à la ventilation arti- ficielle – ainsi que l’anoxie liée à un désé- quilibre entre les besoins en oxygène et le volume qui en est fourni. Cette fibrose est caractérisée par un déclin progressif de la fonction respiratoire, une extension des lésions visibles sur la tomographie thora- cique, une sensibilité accrue aux infec- tions respiratoires.

Au chapitre des atteintes cardiaques, une myocardite inflammatoire peut être retrouvée chez les malades traités en soins intensifs ; elle peut conduire à

une insuffisance ventriculaire gauche. « Un infarctus du myocarde peut survenir en rapport avec une rupture de plaque favorisée par l’infec- tion ou une anoxie prolongée, ajoute l’Académie. Une insuf- fisance ventriculaire droite secondaire à une hyperten- sion artérielle pulmonaire conséquence de la fibrose respiratoire et/ou d’embolies

pulmonaires à la phase aiguë est égale- ment possible, ainsi que des troubles du rythme. » Autant d’éléments qui récla- ment une surveillance prolongée et un traitement approprié.

On sait par ailleurs que des insuffi- sances rénales aiguës réversibles en rap- port avec des troubles hydroélectroly- tiques ont aussi été observées. Les at- teintes directes liées au virus se traduisent par une nécrose des cellules épithéliales tubulaires inconstamment réversible pou- vant conduire à une insuffisance rénale chronique nécessitant une surveillance sur une longue période.

Il faut encore compter avec les at- teintes directes ou indirectes du système nerveux central. 2 « L’atteinte cérébrale peut être directement liée au virus ou plus souvent la conséquence d’une anoxie pro- longée chez les malades sous ventilation

artificielle, d’accidents vasculaires céré- braux, ou d’un syndrome auto-immun comme l’encéphalomyélite aiguë dissémi- née qui, s’il s’accompagne de troubles pé- riphériques et touche le diaphragme, peut aggraver les troubles respiratoires, sou- ligne l’Académie. On a décrit aussi des at- teintes du tronc cérébral qui contribuent aux difficultés respiratoires. »

2. Les troubles mal étiquetés prolongeant la convalescence ou survenant à distance 

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Des malades apparemment sortis de l’épisode aigu peuvent nécessiter une convalescence prolongée ou se plaindre de nouveaux symptômes après une période de rémission. Dans ce cas, l’infection initiale a été souvent courte et a guéri spontané- ment, et la négativité des tests de recherche du virus permet d’éliminer une réinfection tandis que la présence d’IgG spécifiques

pour le SarsCoV-2 confirme l’infection antérieure.

« Les troubles dont se plaignent ces sujets sont un malaise général, des douleurs musculaires, des arthralgies, de la fatigue au moindre effort physique ou intellectuel, une perte de la mémoire et, par- fois, des accès de tachycardie, explique l’Académie. L’exa- men clinique reste négatif à part souvent une perte de poids traduisant une dénutrition. Ces troubles sont le plus souvent épisodiques, mais ont parfois un caractère prolongé. » Dans ce cas de figure, le traitement est dif- ficile – à part la prescription de paracéta- mol, le soutien psychologique et la correc- tion d’une éventuelle dénutrition par un diététicien. « Il est difficile de faire la part de ce qui revient aux suites du Covid-19 ou à d’autres causes, comme c’est le cas dans le syndrome post-borréliose de la maladie de Lyme », note encore l’Académie.

Enfin, on ne saurait minorer ou passer sous silence les séquelles psychiques. Elles sont à craindre chez les patients comme chez les soignants et les victimes du confi- nement. Chez les patients sortant de réa- nimation avec ventilation assistée et séda- tion profonde, puis d’une longue convales- cence, elles sont intensément marquées.

En plus de la récupération fonctionnelle JEAN-YVES NAU

jeanyves.nau@gmail.com

© istockphoto/Nicolas McComber

AVANCÉE THÉRAPEUTIQUE

CHEZ LES MA- LADES LES PLUS

SÉVÈREMENT ATTEINTS, LES SÉQUELLES SONT

UNE MENACE RÉELLE DONT L’IMPORTANCE

RESTE MAL ÉVALUÉE.

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ACTUALITÉ

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des organes atteints, ces patients ont im- pérativement besoin d’un soutien psycho- logique leur permettant de retrouver un travail et une vie sociale normale. Mais ceux qui ont guéri spontanément en ont aussi parfois besoin, lorsqu’ils souffrent de

« troubles divers et mal étiquetés ».

« Les personnels soignants, qu’ils tra- vaillent dans des hôpitaux ou des maisons de retraite, qu’ils occupent des fonctions de médecin, infirmier, aide-soignant, bran- cardier, manipulateur…, ont été soumis à des horaires de travail prolongés associés à des responsabilités accrues, vu l’état pré- occupant des patients traités, entraînant fatigue, anxiété et manque de sommeil, ré- sume l’Académie. Même si chez la plupart d’entre eux ces troubles disparaissent avec le retour à l’activité habituelle et la possibi- lité de congés, certains gardent fatigue, an-

xiété et insomnie, qui nécessitent un suivi et un soutien psychologique. »

Quant au confinement, si l’ensemble de la population française a été soumis aux mêmes règles limitant les sorties du domicile et les contacts sociaux, quelques groupes ont été particulièrement touchés : les enfants et jeunes adultes handicapés qui ont quitté leur institution d’accueil ; les enfants privés d’école et de tout contact avec leurs camarades ; les étu- diants retournés chez leurs parents et dont les études ont été interrompues.

Souvent, ces troubles sont spontanément résolutifs, mais ils peuvent aussi nécessi- ter une aide psychologique chez certains.

Dans la limite des connaissances ac- tuelles, l’Académie nationale française de médecine recommande notamment : la re- prise d’une activité physique (dont la

marche est la plus simple) dès que pos- sible ; la vigilance quant à la qualité fonc- tionnelle des organes le plus souvent at- teints (cœur, cerveau, muscles et pou- mon) ; une surveillance de l’évolution à long terme de ces séquelles « en assemblant une cohorte de patients pour une étude longitudinale de plusieurs années ». Sans oublier des mesures concernant l’organisa- tion du travail des soignants pour diminuer le risque de « burn-out » et les tensions psy- chologiques liées à un « travail excessif ».

LE BESOIN D’UN DÉCENTREMENT, D’UNE APPROCHE NOUVELLE DE NOS RAPPORTS AVEC LE VIVANT

Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt et un sentiment de dé- couverte de choses qui m’étaient cachées (!), le dernier livre de Baptiste Morizot (1983)*. ll en- seigne la philosophie à l’Université d’Aix-Marseille, mais c’est un philo- sophe particulier. Il est aussi étho- logue, coureur des bois et des montagnes ; notamment en accom- pagnant des équipes qui, par des moyens de vision nocturne, suivent de près la vie des loups.

Ailleurs (Sur la piste animale, 2018), il a décrit ses expériences de pistage du grizzly à Yellowstone et de la panthère des neiges au Kirghizistan – pistage vu comme la sensibilité aux signes laissés par d’autres formes de vie (noter aux pages 55 à 62 une discussion du hurlement du loup).

Prenant acte des enjeux écolo- giques systémiques, l’auteur aime- rait remédier à la « crise de la sen- sibilité », à l’appauvrissement de ce que l’homme voit, sent et com- prend de son environnement. Ci- tant E.O. Wilson : « La vérité, c’est que nous n’avons jamais compris le monde ; nous croyons juste exercer un contrôle. » Un fil rouge du livre est la remise en cause en- gagée de la dualité Homme-Nature dans les anthropo-philosophies occidentales majoritaires (Des- cartes et les autres… mais Morizot rompt une lance pour Spinoza).

Doctrines qui nous influencent/

dominent tellement et mènent, c’est de plus en plus évident, dans des voies sans issue. C’est pour- quoi le maître-mot est le « Vivant », nous avec les autres. Son plai- doyer, sa démonstration en fait : l’homme doit apprendre à se déta- cher de la pensée narcissique de supériorité spirituelle et technique qui le rend aveugle et sourd, pour aller vers une « approche insépa- rée du vivant ».

Parfois quelque lyrisme : « Nous avons tous un corps épais de temps ; au cours de millions d’an- nées se sont sédimentées, chez des formes de vie très éloignées sur l’arbre du vivant, des disposi- tions et des tonalités qui se res- semblent. Des manières partagées d’être vivant. »

ll a dans la foulée des propos caté- goriques sur le réexamen indispen- sable, en fait la réorientation ur- gente, des règles et moyens du li-

béralisme si souvent hors sol (guère besoin ici d’élaborer sur les excès de ce dernier). « La conjonc- ture nous force à penser autrement pour faire de la place aux autres vivants et ne pas courir le risque, en contexte de crise systémique (climatique, migratoire, sanitaire, alimentaire), qu’ils disparaissent compétemment des priorités. Nous allons tous [devoir] entrer dans une “écologie de subsistance” » (page 303). Le dépôt légal du livre est daté de février 2020, l’auteur a-t-il pu tenir compte de la pandé- mie qui déboulait, qui rend d’au- tant plus aiguë la question ? Pour une vie en commun raison- nable, satisfaisante pour toutes les parties (humains et animaux sau- vages comme domestiques), mettre en œuvre des mécanismes de « diplomatie interspécifique des interdépendances », que Morizot discute en détail (NB : un livre pré- cédent de 2016 est intitulé Les diplomates – Cohabiter avec les loups). Pour inventer les modali- tés d’une « cosmopolitesse » ! Cette diplomatie constitue à la fois une forme d’attention et un mode de résolution des conflits entre vi- vants, fondée sur la possibilité de communiquer ; allant ainsi contre l’idée que le seul rapport possible est de force. Travail d’intermé- diaire qui a pour effet de brouiller les positions arrêtées ; il ne s’agit pas de défendre un camp contre un autre. Le diplomate se met au service de la relation elle-même, de la manière dont les usages hu-

mains d’un territoire peuvent être combinés, tissés, avec des usages non-humains.

Il est bon de se voir interpellé, dés- tabilisé – mais aussi convaincu dans une bonne mesure – quand sont ainsi mises en cause des no- tions auxquelles nous sommes tel- lement habitués (piliers de notre

« décor »… dualité Homme-Nature, libéralisme) que nous n’avons plus guère conscience qu’elles peuvent être discutées, voire réfutées dans leurs conséquences. Morizot fait cela en compagnon engagé tout en montrant pédagogie et soutien.

C’est même rafraîchissant.

Alain Damasio dans sa postface :

« Comment construire une ap- proche politique du souci porté aux relations [avec les autres vivants] ? Comment entrer dans un éthos de la rencontre, dans cette hospitalité envers le pas-comme-moi ? » CARTE BLANCHE

Dr Jean Martin

La Ruelle 6, 1026 Echandens jeanmartin280@gmail.com

* Baptiste Morizot. Manières d’être vivant – Enquêtes sur la vie à travers nous.

Actes Sud, 2020. Voir aussi un portrait dans Le Temps, 24 juin 2020, p. 18.

1 Académie nationale française de médecine. Avis de l’Académie : Les séquelles de la Covid-19. 15 juillet 2020.

2 Traore A, Bonvin C, Alvarez V. Neurologie et Covid-19.

RMS 2020;16:947-9.

3 Balachandar V, Mahalaxmi I, Subramaniam M, et al.

Follow-up studies in Covid-19 recovered patients - is it mandatory? Science of The Total Environment 2020;

729:139021. Disponible en ligne sur : doi: 10.1016/j.

scitotenv.2020.139021

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