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Le site naturel de Genève

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Le site naturel de Genève

WILDI, Walter

Abstract

Après la fin de la dernière glaciation du Wurm, l'homme s'est installé au cours du Paléolithique supérieur (culture magdalénienne), il y a environ 13'000 ans, dans l'espace libéré au Nord des Alpes par le retrait des glaciers. Il a choisi des régions à l'environnement favorable, parcouru par les troupeaux d'animaux sauvages dont il faisait son gibier (rennes, chevaux, etc.). Le Bassin genevois a très tôt constitué un cadre favorable à l'occupation humaine, autant par sa topographie que par son climat. Au Néolithique, la présence du lac et de sa rade ont favorisé le peuplement des premiers agriculteurs et, dès l'époque gauloise, la colline de Genève fournit un lieu d'établissement à la fois protégé et stratégique qui verra se développer une ville qui n'a cessé de croître jusqu'à nos jours.

WILDI, Walter. Le site naturel de Genève. In: Broillet, Philippe. Les monuments d'art et d'histoire du Canton de Genève. Tome 1: La Genève sur l'eau . Bâle : Wiese, 1997. p.

3-13

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:90839

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3

GÉOGRAPHIE HISTORIQUE DU PLAN D'EAU ET DES RIVES:

DU SITE NATUREL AU SITE ÉLABORÉ

1. LE SITE NATUREL DE GENÈVE L'histoire d'une ville commence, aux yeux de beaucoup parmi nous, au moment où un chasseur préhistorique établit son foyer sur une butte, près d'une source, ou bien dès qu'une tribu de pê- ( ·heurs construit son village dans une baie tranquil- le sur les bords d'un lac poissonneux. L'émissaire d'un grand lac est évidemment un site particulière- ment favorable, puisque c'est l'endroit où l'on peut traverser les eaux par un gué, un bac ou un pont, et où les flux migratoires des populations favori- sent les rencontres et les échanges. L'évolution du village de pêcheurs à l'agglomération fortifiée pro-

/.

Figure 3

Géographie physique du bassin geneuois (IFAF).

tégeant le passage est, en conséquence, la règle;

Constance, Zurich, Lucerne, Thoune, Bienne et Genève illustrent parfaitement cette situation.

Cette position à l'émissaire d 'un lac pose cepen- danr des problèmes. En effet, les raz-de-marée catastrophiques et imprévisibles, les vagues de tempête et les fluctuations du lac, les marécages, un substrat géologique souvent peu propice à l'é- dification des maisons, à l'ancrage des ponts ou au percement de tunnels pour les communications, constituaient de tout temps des obstacles à l'urba- nisation. De ce fait, les sires naturels des villes ont subi de grandes transformations, qui cachent les paysages naturels.

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GÉOGRAPHIE, CLIMAT ET PALÉOCLIMAT DU SITE DE GENÈVE

Genève se situe dans une cuvette limitée par la haute chaîne du Jura au nord, atteignant plus de 1700 m, et par le Salève au sud, dépassant 1300 m.

Ce bassin fait partie du Plateau suisse, dont il cons- titue l'extrémité occidentale. En effet, le relief de la chaîne du Vuache, dressée à 1000 m par un acci- dent géologique important reliant le Jura à la chaîne du alève er aux chaînes subalpines à hau- teur d'Annecy, ferme cette dépression à l'ouest (fig. 3)1 .

Le bassin genevois fait partie du bassin versant du Rhône; le Léman correspond à un réservoir d'eau et une zone de dépôt sédimentaire, et le cours du Rhône à une zone de transport. Le niveau du lac est actuellement à 372 m au-dessus du niveau de la mer, alors que les bordures du bassin, au pied du Jura et du Salève, se situent à 500 m d'altitude.

A Genève, le Rhône est caractérisé par un débit moyen de l'ordre de 240 m3/ sec, er par de pointes de crue émoussées par le réservoir du Léman. TeJ n'est pas le cas de !'Arve, drainant une partie des massifs du Mont-Blanc du Platé, des Aravis et des Bornes. Elle se jette dans le Rhône à la hauteur du quartier de la Jonction sans avoir subi aucune retenue notable. Cette rivière apporte en consé- quence une grande charge en sédiments, graviers, sables et limons, capables de modifier le paysage de la zone de confluence à l'occasion de chaque crue.

Le Léman, d'une superficie de 582 kmz, d'une longueui- rorale de ï2,3 km dans son axe, d'une lar•

geur maximale de 13,8 km, er d'une profondeur maximale de 309 7 m, esr le bassin d'eau douce le plus important d'Europe occidentale2. Il traverse obliquement le Plateau suisse, du front alpin, res- pectivement du delta du Rhône à Villeneuve, jus- qu'au pied du Jura. Le bassin profond entre Yvoire et Villeneuve est communément appelé le Grand- Lac, alors que la zone comprise entre Hermance et Genève, avec des profondeurs inférieures à 70 m (le plus souvent, à 50 m) correspond au Petit-Lac.

On désigne par le terme de Rade de Genève la zone d'émissaire comprise entre l'île Rousseau et la transverse allant de la Perle du Lac au Port-Noir.

Cette limite correspond à une remontée du fond du lac à 369 m d'altitude, appelée le Banc de Travers.

Le climat est un facteur déterminant en ce qui concerne les conditions de vie. Actuellement, Genève, comme d'ailleurs tout le Plateau suisse, se trouve dans la zone caractérisée par le climat atlantique humide d'Europe centrale. La tempéra- ture moyenne annuelle de l'air est de 10,6 °C, celle du mois de juillet est de 19 °C et celle du mois de janvier, de 1 °C. Les précipitations moyennes an- nuelles sont de 89 cm dans la ville, et peuvent atteindre 101 cm sur le lac. Les vents dominants sont le "vent", venant du sud-ouest avec une vites- se moyenne supérieure de 20 mis, et la "bise", soufflant du nord-est avec une vitesse moyenne supérieure du même ordre. C'est la bise qui crée les situations météorologiques les plus rudes, notamment en hiver, et qui amène les vagues les plus hautes sur les rives de la Rade.

Pour comprendre la vraie signification du climat par rapport à l'installation de l'homme sur les rives du Léman, il convient de jeter un coup d'œil en arrière et d'examiner son évolution depuis le der- nier maximum glaciaire du Würm, il y a 18 000 ans BP3. A cette époqGe, où le glacier du Rhône attei- gnait la région de Lyon, les températures moyen- nes étaient inférieures de plus de 12 °C aux températures actuelles, et seules des herbes pous- saient sur les sites non occupés par la glace. A par- tir de cette période, le réchauffement a dü être rapide, et la langue glaciaire s'est retirée du bassin lémanique au cours du Tardiglaciaire en 2000 ans.

Une nette amélioration climatique s'est produite autour de 12 600 BP, avec un reboisement des re- liefs par des arbres pionniers, puis par le pin, jus- qu'à une altitude d'environ 1200 m. Cette amélio- ration fut cependant interrompue entre 10 700 et 1.0 000 BP, pendant la période du ·Dryas supérieur

m .. ,

par une rechute brutale des températures.

C'est à 10 000 BP que commença la période de

!'Holocène (Postglaciaire), avec des températures moyennes proches de celles que nous connaissons actueÙement.

La figure 4 donne un aperçu du développement de la couverture végétale depuis le dernier âge glaciaire, déduite de l'analyse des pollens dans les sédiments4 . En comparant ces données avec la répartition actuelle de la flore, on estime que les fluctuations des températures moyennes sont de 3 °C depuis le début de !'Holocène jusqu'à nos jours. La dernière grande période de fluctuation négative, avec une diminution des températures

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LE SITE NATUREL DE GE!\È\"E 5

BIOZONES OATES 14<; BP Brève description Climat Stades Périodes

(AMMANN 1989; non calibrées

AMMANN ('dates dela glaciaires archéologiques

&LOTIER 1989) 15 eslimées) végétation (localités)

X ·lorte anthropisation de la végétation: fluctuations Temps

Subatlantique expansion du noyer, du châtaignier, climatiques Petit modernes

récent des céréales, seigle y compris, et du el glaciaires Age glaciaire Moyen Age

chanvre

• 1000

IX Haut

Subatlantique ·forte anthropisation de la végétation: Gôschenen 2 Moyen Age

ancien apparition du noyer et du châtaignier Romains

Gôschenen 1 Age du Fer '2700-2500

VIII ·établissement de la hêtraie-sapinière; Lôbben Age du

Subboréal chute définitive de l'orme; Bronze

épicea plus important Rotmoos 2 Néolithique

Piora récent el final

• 4900-4500

VII -passage des forêts de leuillus Rotmoos 1 Néolithique

Atlantique à la hêtraie-sapinière Piora moyen

récent

*6000

VI -augmentation des forêts de feuillus (chêne, climat chaud Frosnitz

Atlantique orme, tilleul et frêne); Misox

ancien recul du noisetier

immigration du sapin el du hêtre

--·

·9000-aooo

1 -expansion des forêts de feuillus climat chaud Venediger

Boréal noisetier important

• 9500-9000

N -forêts denses de bouleau el de hausse des

Préboréal pin; immigration de feuillus thermophiles, températures tels que le noisetier, l'orme et le tilleul

• 10000

Ill -ecla1rc1ssement dans les torets net refro1d1sse- t.gesen

Dryas récent de pin et de bouleau ment

10700

Il -forets denses de pin el de bouleau

Allerod -immigration du pin dans les forêts

de bouleau 12000

t:Jc phase de reforestation: hausse des fin Magdalénien

Bôlling 2-forêts de bouleau arborescent températures (Veyrier)

1-important développement du genévrier et de l'argousier

12600

.... végétation sans arbres: hausse

Dryas ancien 2-lande à arbrisseaux nains, tels que le probable des

inférieur bouleau nain, le genévrier et températures

l'argousier

1-steppe riche en espèces pionnières

·15000?

Fi.r..:11re 4

/Jc;i '<'lri/J/Jemenr du climat er de la )lare depuis le dernier âge p,laciaire dans le bassiu léma u ique: tahleau éfa/;/i par

1 furie Racho1td-Schneider en 1994 (fFAF) .

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NO SE

JURA SALEVE MASSIF DES BORNES

GRAND CREDO BASSIN GENEVOIS PLATEAU DES BORNES SUR COU

2000 MOLASSE ET QUATERNAIRE 2000

o m O m

-2000 -2000

Figure 5

Coupe géologique dans la partie occidentale du bassin genevois (IFAF).

de 1 à 2 °C et une réduction de la période de végétation en été, provoquant des disettes, de grandes gelées d'hiver et en conséquence d'impor- tantes migrations des populations, est connue comme le "Petit âge glaciaire". Il commença au XVIe siècle et dura, avec des fluctuations, jusqu'au XIXe siècle (env. 1570-1860)5_ Cette crise clima- tique est bien attestée par des docu-ments histo- riquesô. D'une façon générale, on connaît actuel- lement mieux les fluctuations passées des températures que celles des précipitations ou du vent.

HISTOIRE GÉOLOGIQUE DU BASSIN GENEVOIS

Les reliefs qui limitent le bassin genevois au nord, à l'ouest et au sud, à savoir le Jura, le Vuache et le Salève, correspondent à des structures tecto- niques, élevées par plissement et chevauchement il y a environ 5 à 10 millions d'années (fig. 3 et 5).

Ces structures font apparaître les couches de cal- caires et de marnes déposées sur une plate-forme marine, avec une profondeur d'eau allant de 0 à 100 m, au cours du Jurassique et du Crétacé7.

Cette sédimentation s'est arrêtée il y a environ 70 millions d'années et une partie des couches a été érodée par la suite. Cette plate-forme se situait en bordure de la mer alpine, qui séparait l'Afrique de l'Europe.

La Molasse est superposée à ces couches. Elle est essentiellement composée de sables, de marnes et de conglomérats, dont le matériel provient de l'érosion des Alpes au cours du Tertiaire. Sous la ville de Genève, l'épaisseur de la Molasse atteint environ 1 km. Elle représente une partie du temps

géologique de !'Oligocène (env. 30 à 25 millions d'années)_ Ces dépôts, qui étaient initialement pré- sents dans toute la zone au nord et à l'ouest du front alpin, ont été érodés par la suite sur les plis du Jura et du Salève.

La topographie de la surface de la Molasse sous le bassin genevois est caractérisée par des buttes et des sillons orientés en gros nord-ouest-sud-est (fig. 6). A l'ouest de Genève,

fes

sillons les plus profonds se situent souvent autour de 300 à 350 m au-dessus du niveau de la mer et les buttes (par exemple celle de Bernex) dépassent 450 ms. Dans le lac, le rocher s'abaisse en direction de Lausanne, puis vers le front alpin, où il peut descendre jus- qu'à environ 200 m en dessous du niveau de la mer. Cette topographie de la surface du rocher est essentiellement l'œuvre des glaciers qui ont érodé la Molasse au cours du Quaternaire, il y a environ 2 millions d'années.

L'espace entre le rocher molassique et la surface est occupé par les terrains du Quaternaire, d'abord du Pléistocène (glaciations), puis de !'Holocène (postglaciaire, depuis env. 10000 ans). L'analyse de la composition et de la structure de ces terrains permet la reconstitution de leur milieu de dépôt, et par là, des paysages du passé. Dans le cas du site de Genève, le rôle des glaciers est essentiel. On analysera de ce fait rapidement les processus dans un environnement glaciaire, ainsi que les morpho- logies et les sédiments qui s'y forment.

Les glaciers qui ont envahi les vallées alpines et périalpines ont pris leur origine dans les Alpes et sur les crêtes du Jura. Par des températures très inférieures à celles qui règnent actuellement, la zone d'accumulation s'étendait à basse altitude et les langues s'avançaient jusqu'à la région de Lyon.

(6)

LE SITE NATUREL DE GENÈVE 7

Figure 6

Carte des isohypses de la surface du rocher (Molasse) sous le bassin genevois, dressée pm· Gad Amberger (IFAF).

1 ( ~ traces que ces glaciers ont laissées dans nos paysages témoignent de processus sous la glace, sur le dos du glacier, au front et en bordure de celui-ci.

La figure 7 représente la succession des couches du Quaternaire dans la partie occidentale du bassin genevois d'une part9, et dans le bassin du Petit-Lac d'autre partJO.

1 i;1 ns la partie occidentale du bassin genevois, la

"Moraine basale inférieure,,9 tapisse par endroits le rocher molassique (fig. 7 et 9). Elle témoigne du passage du glacier qui a érodé et modelé la surface du rocher. Des dépôts lacustres ou palustres sont superposés localement à cette moraine ( .. Marnes à lignite..). Les graviers et sables de .. !'Alluvion :11icil'nne,, représentent les dépôts d'une plaine flu-

\ 1.1l1tL' importante (d'un .. sandur•., dans la termino- logie des géomorphologues) en avant d'un glacier, dont le front se situait probablement à la hauteur

du Petit-Lac. La rivière qui alimentait ce .. sandur,, était organisée en plusieurs bras (rivière en tresses), entre lesquels se formaient des barres de graviers. A la suite d'une dégradation du climat, le glacier s'est de nouveau avancé sur cette "Alluvion ancienne . ., en l'érodant légèrement, mais en lais- sant une bonne couche de moraines sur une grande partie du bassin ( .. Moraine basale intermé- diaire,,).

La glace n'a pas dü être d'une grande épaisseur et n'est pas restée longtemps. La déglaciation du bassin genevois commença par un retrait des 'gla- ciers jusqu'à la hauteur de Soral, où se formait un vallum morainique ( .. Morainique basale supé- rieure,,). Un lac subsistait alors en avant de ce sta- de et se remplissait par le .. complexe glacio-lacus- tre,, et le .. sandur,,9. Au retrait du glacier du stade de Soral, c'est dans la plaine de ['Aire que se forma de nouveau un lac, comblé au cours du temps par

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des sédiments fins et passant vers le haut à des tourbes.

Les auteurs de cette reconstitution de la succes- sion des couches géologiques ont accumulé les arguments permettant une proposition de datation.

Ils sont ainsi arrivés à la conclusion que tous ces ter- rains se sont formés au cours de la dernière glacia- tion, le Würmien, et pendant une partie du Tardigla- ciaire. Le début du Würmien peut être placé à 11500 BP, la fin du Tardiglaciaire se situe à 10 000 BP.

Dans le Petit-Lac, la succession des couches géologiques est bien plus simple (fig. 8). En effet, selon les premiers résultats des forages réalisés pour le projet d'une traversée de la Rade de Genève, la Molasse est surmontée d'une succession de couches ne représentant qu'un seul cycle gla- ciairelü. Au maximum glaciaire, le glacier du Rhône ou son torrent sous-glaciaire touchaient la Molasse.

Le retrait du glacier fut accompagné d'une sédi- mentation importante, comprenant des éléments

PARTIE OCCIDENTALE DU BASSIN GENEVOIS

Om ~----~

de toutes les tailles, allant des blocs erratiques des Pierres du Niton à des graviers, des sables et des limons lacustres très fins. L'Holocène est repré- senté par des dépôts crayeux et des sédiments fins, riches en matière organique. Les pollens dé- couverts dans ces sédiments témoignent de l'amé- lioration du climat au cours des derniers millé- naires.

La figure 9 résume de façon synthétique et sim- plifiée le remplissage du bassin genevois par les dépôts du Quaternaire. Elle met notamment en évidence la continuité de .. !'Alluvion ancienne,, qui sert de niveau repère à l'ouest de la ville de Genève. Dans cette même région, trois cycles ou fluctuations glaciaires sont en outre attestés par la présence de moraines. Dans le lac, tous les dépôts antérieurs à la dernière phase glaciaire semblent avoir été érodés par le dernier passage glaciaire, et une seule séquence glaciaire et postglaciaire oc- cupe le bassin.

PETIT-LAC, RADE DE GENEVE

Sandur tardiglaciaire HOLOCENE

Limons et craie Moraine

basale 20 supérieure

40 60 80

100

120

140

Figure 7

Complexe glacio-lacustre

Moraine basale intermédiaire

Alluvion ancienne Marnes à lignite Moraine basale inférieure

Succession des unités géologiques du Quaternaire: Partie occidentale du bassin genevois; Petit-Lac et Rade de Genève (IFAF).

(8)

t

1

Cette situation pose évidemment la question de savoir si les glaciers alpins ont atteint le bassin genevois avant la glaciation du Würm. On peut répondre par l'affirmative, puisque des sédiment glaciaires plus anciens ont été mis en évidence récemment dans la région de Montfleu1y (Vernier).

LES .. TERRAINS À BÂTIR" DE LA VILLE DE GENÈVE

La figure 10 est• une carte géologique simplifiée de [a ville de Genève. Elle décrit la nature des pre- miers terrains rencontrés sous l'humus des parcs et sous le goudron de la ville. Cette carte tient compte des modifications massives intervenues au . ou rs des temps par ['activité humaine. En asso- ciant les données répertoriées sur la carte avec les informations tirées des sondages géologiques, on arrive cependant à reconstituer les conditions naturelles au temps des premières constructions.

En partant du Petit-Lac et en se rapprochant . d'une part des Pâquis, et d'autre part du quartier lies Eaux-Vives, on trouve d'abord les dépôts la- ' ustres de !'Holocène, donc de la période postgla- ciaire. Ces sédiments, sableux, limoneux, puis crayeux et parfois tourbeux, sont cle faible consoli-

Figure 8

Reconstitution du bassin du Petit-Lac pendant le retrait du glacier du Rhône (IFAF) .

LE SITE NATUREL DE GENÈVE 9 dation et constituent de mauvais terrains à bâtir. De nos jours, ces terrains peuvent donner lieu à des tassements de routes et de fondations. Ce matériel n'a pas pu se fixer clans la région de l'émissaire du lac, où les courants sont relativement forts, et où apparaissent les dépôts glaciaires ( .. Argiles glacio- lacustres" et "Moraine basale supérieure .. ) de l'île Rousseau jusqu'à l'usine de pompage de la Coulouvrenière. Les blocs erratiques des Pierres du Niton sont la preuve que la moraine arrive également en surface sur la bordure gauche de la Rade. La présence de ces anciens dépôts nous indique que cette zone se trouve en fait érodée par le cours du Rhône, et que le lit de ce dernier s'est en conséquence abaissé depuis la fin de la derniè- re glaciation.

Le promontoire de la cité et une grande partie du quartier des Tranchées sont construits sur des graviers accumulés à la fin de la dernière glaciation en bordure d'une langue glaciaire. Ces dépôts de

"kame .. (delta glaciaire) ou

cr ..

esker» (tunnel gla- ciaire) affleurent, par exel!1ple, comme la couche la plus basse dans la fouille archéologique de la cathédrale Saint-Pierre 11 ; ils ont également été mis au jour clans le chantier du parking de Saint-An- toine. Au Moyen Age, la nappe phréatique qui cir-

Moraine basale supérieure

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420

400 BASALE -MORAINE

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420 Rade de Geneve. Petit-Lac 400

380 360

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O 0 0 o ALLUVION ANCIENNE ?~o o 0 o o O o o o

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340 340 320 320

MOLASSE Crocher)

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0 ,.,. .- • . S km -=;,• - INFERIEURE

Figure 9

Coupe synthétique simplifiée du remplissage quaternaire du bassin genevois, du Petit-Lac à Avully (IFAF).

culait dans ces graviers a été exploitée dans les puits de la cité pour l'approvisionnemenr en eau potable. Ces graviers permettaient cependant également l'infiltration des eaux de pluie et de eaux usées et la nappe a en conséquence dû être polluée très tôt. Il s'agissait néanmoins des terrains les plus propices à toute construction.

La zone qu:i s'étend de la Jonction et de la plaine de Plainpalais jusqu'à la Praille et à Carouge correspond à la "Terrasse fluviati le" tardi- et post- glaciaire, déposée au cours des derniers 10 000 à 14000 ans par l'accumulation des graviers et sa- bles de !'Arve et par des limons d'inondation de

!'Arve et de !'Aire, ou formés par ruissellement à partir des bordures de vallée. L'Arve apparaît sur toutes les anciennes cartes et peintures comme une rivière qui divaguait en tresse sur cette plaine d'inondation et ne se prêtait en conséquence pas vraiment à l'urbanisation. Dès le XIIIe siècle ce- pendant, le cours d'eau a été endigué, puis canalisé et abaissé12. La correccion de !'Arve empêche ac- tuellement le dépôt du matériel transporté, qui se fait finalement en grande partie dans la retenue de Verbois.

Les ·Argiles glacio-lacustres .. de la dernière gla- ciation et la ·Moraine basale supérieure" constituent le substrat de la terrasse de !'Arve. Ils recouvrent en outre les plateaux de Champel-Florissant (Parc Bertrand), de Lancy et de Saint-Jean ainsi que d'une grande partie de la Servette. L'extension des

~Argiles glacio-lacustres• montre que des flaques et des plans d'eau recouvraient Je relief pendant et après la fonte du glacier du Rhône à environ 16 000 BP. Ces plateaux sont caractérisés par des

sols lourds et argileux, où les eaux de pluie s'écoulent en surface.

Le Rhône et !'Arve sont encaissés par endroits dans des formations plus vieilles: !'·Alluvion an- cienne,, apparaît au bas des falaises de Champel, le long du Bois de la Bâtie et dans les falaises de Saint-Jean. Ses affleurements sont rafraîchis par l'érosion fluviatile active et par les éboulements qui se produisent régulièrement à la suite de celle-ci.

La "Moraine basale inférieure" a été cartographiée dans le lit du Rhône entre l'usine de la Coulouvre- nière et la Jonction.

La Molasse n'est pas visible à l'affleurement en ville de Genève, même si elle constitue le substrat du lit de !'Arve à la hauteur de la Jonction. Le matériel de construction de plusieurs bâtiments de la Vieille Ville permet en revanche de se faire une idée de la nature de cette formation; un bel exem- ple est actuellement le temple de la Fusterie, cons- truit avec des grès bariolés. Ces roches ont été exploitées dès le XIIIe siècle au moins, pendant les périodes de basses eaux sur les rives du Léman, par exemple au Reposoir et sous Cologny. Les car- rières se trouvent actuellement immergées sous les eaux du Léman. Pour une visite d'affleurements naturels, on recommande la vallée de la Roulavaz, où un sentier naturel a été aménagél3.

L'examen de la carte révèle en outre l'impor- tance des remblais: le long du cours de !'Arve, ils constituent des digues de protection de même qu'entre le Rhône et le quartier de la Jonction. Des remblais importants se trouvent cependant essen- tiellement le long des deux rives de l'émissaire du lac:

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Rive gauche: rue du Rhône (XVIe siècle), pro- menade du Lac (1854) - quai Gustave-Ador.

Rive droite: quai des Bergues et quai du Mont- Blanc - quai Wilson (essentiellement pendant la seconde moitié du XIXe siècle).

Dans la zone de la ville, la démolition des forti- fications dès 1849 conduit à d'importantes modifi- cations du relief, qui entoure la Vieille Ville de part et d'autre du Rhône. Une reconstitution de la topo- graphie naturelle de cette zone, avant la construc- tion de la ville, est présentée plus loin.

LÉMAN, RHÔNE ET ARVE:

RESSOURCES ET DANGERS NATURELS Les cours d'eau et le lac peuvent être considérés comme des ressources naturelles, soit pour l'eau et

CARTE GEOLOGIQUE SIMPLIFIEE DE LA VILLE DE GENEVE

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LE SITE NATUREL DE GENÈVE 11

les poissons qu'ils fournissent, soit comme voies navigables (le Léman et le Rhône). Dans le bassin genevois, l'Arve et l'Allondon étaient en outre con- nus par les orpailleurs qui y gagnaient un modeste salaire. Concernant la situation de la ville, le plan d'eau et les rivières constituaient de tout temps également des obstacles et comportaient certains dangers naturels.

Un premier problème, auquel les bâtisseurs de la ville ont dû faire face au bord du lac, concerne les vagues de tempête. Avant la construction des jetées du Jet d'eau, du Débarcadère et des Pâquis, le port de Genève et la face de la ville entre l'actuel Jardin anglais et le Molard se trouvaient directe- ment dans la trajectoire des vagues qui se forment par forte bise, et qu~ atteignent facilement 1,5 m de hauteur, ou exceptionnellement même plus de 2 m. Ces vagues peuvent évidemment causer des

501

.,,

502

REMBLAIS/ DEPOTS DE PENTE

DEPOTS LACUSTRES, Holoct;n11 TERRASSES FLUVIATILES, lllrdiglsclaitr1 111 Ho/oct/na GRAVIERS ET SABLES.

RETRAIT GLACIAIRE ARGILES GLACIO-LACUSTRES, RETRAIT GU.CIAIRE ARGILES A BLOCS, BLOCS ERRATIQUES, MORAINE BASALE SUPERIEURE

GRAVIERS DE L'ALLUVION ANCIENNE, SANDUR FLUVIO- GLACIAIRE

ARGILES A BLOCS,

MORAINE BASALE INFERIEURE

Carte géologique simplifiée de la ville de Genève, dressée d'après la carte géologique et géotechnique du canton de Genève, établie par le Service géologique cantonal; la croix rouge correspond à l'emplacement des Pierres du Niton (/FAF).

(11)

-

12 GÉOGRAPHIE HISTORIQUE DU PLAN D'EAU ET DES RIVES régularisation du Léman

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1810 1820 1830 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940

Figure 11

Vttriation des niveaux extrêmes du Léman entre 1806 et 1941 (maximum et mininutm a11nuels et cow-bes lissées: cour- bes dressées par Pierre Corboud. d'après des données de François-Alphonse Fore! et du Semice hydrologique et géolo- gique national (AEU).

dommages aux S[ruc[ures construites. Elles éro- dent en outre les bordures et déplacent les sédi- ments meubles au fond du lac jusqu'à une profon- deur de 5 à 10 m14.

Les variations du niveau du lac, qui constituent un autre aspect et rendent souvent la vie difficile au bord du plan d'eau. ont plusieurs origines et peuvent avoir des amplitudes et des durées très dif- férentes15.

Les variations à long terme: ces variations, ana- lysées plus loin16, ont vu le niveau du lac s'abaisser pendant des décennies ou des siècles jusqu'à 368 m d'altirude. ou remonter jusqu'à 375 m. Ce sont les conséquences d'accumula- tions sédimentaires importantes dans la région de la Jonction, produites soit par l'alluvionne- ment dû à !'Arve, soit par l'écroulement des falaises de Saint-Jean qui ont pu élever de façon notable le lac et le cours du Rhône, alors que les niveaux bas reflètent une baisse de la plu- viométrie ou une élé\·ation de la température dans le bassin versant du Valais.

Les fluctuations saisonnières, qui sont liées aux changements pluviométriques et à la fonte de la

neige. Au siècle dernier, avant la régularisation artificielle de l'émissaire à Genève, le niveau des hautes eaux se situait autour de 373 m au- dessus du niveau de la mer, avec des pointes vers 373,5 m. Les niveaux bas se situaient entre 371 m et env. 371 ,7 m. Le lac avait en consé- quence une variation annuelle plus ou moins régulière entre 1,5 met 2 m, avec des extrêmes, au cours du siècle dernier, de 2,5 m (fig. 11).

Depuis la mise en service du barrage du pont de la Machine en 1887, ces fluctuations ont diminué de moitié et se situent actuellement entre 371,5 et 372,5 m d'altitude.

- Les variations apériodiques, dues aux différen- ces et aux changements de la pression atmos- phérique sur les diverses régions du lac, et au vent. Ces variations, appelées .. seiches", peuvent faire monter le niveau du lac en un endroit donné en quelques minutes (jusqu'à une demi- heure) de quelques centimètres à quelques décimètres. Une variation de 2 m serait le maxi- mum absolu jamais mesuré à Genève. La des- cente est en revanche plus lente. Les ·seiches ..

correspondent en fait <t des oscillations, soit

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longitudinales, soit transversales par rapport à l'axe du lac.

Les marées lunaires, dont l'ampleur est de 3,7 à 4,4 mm, selon les mesures effectuées par François-Alphonse Forel17.

Le débit du Rhône est une conséquence directe du niveau du Léman. La moyenne mesurée de 1935 à 1991 est de 247 m3/sec, avec un écoulement maxi- mal de 670 m3/sec en juin 198718. Cette différence relativement faible entre la moyenne et le maximum s'explique essentiellement par l'effet tampon du lac.

L'Arve se comporte à Genève comme une ri- vière alpine. Depuis 1935, le débit annuel moyen est de 79 m3/sec, avec un minimum de la moyen- ne annuelle de 46 m3/sec et un maximum de 102 m3/sec19. Une pointe de crue exceptionnelle de ,-; 10 m3/sec a été mesurée en septembre 1968. La période de hautes eaux (moyenne de plus de 100 m3/sec) se situe entre mai et juillet, mais des crues extrêmes se produisent également plus tôt au printemps ou plus tard en automne.

CONCLUSION

Les reliefs qui limitent le bassin genevois, à savoir les chaînes du Salève, du Jura et du Vuache, ont été créés par le plissement alpin il y a 5 à 10 millions d'années. Les glaciers ont retravaillé le substrat rocheux par la suite et ont creusé le bassin du Léman. La morphologie du site de Genève et la nature du substrat immédiat datent surtout de la dernière glaciation.

A la fin du dernier âge glaciaire, des formations géologiques vaseuses et tourbeuses occupaient

LE SITE NATUREL DE GENÈVE 13 une grande partie des surfaces de la future ville de Genève. Les meilleurs terrains à bâtir se trouvaient sur le promontoire de la cité. Les terrains bas, le long des rives du lac et du Rhône, ainsi que dans la plaine située entre Carouge et la Jonction étaient en permanence soumis aux risques d'inondation.

En outre, les fluctuations du lac modifiaient de fa- çon importante pendant des périodes de quelques dizaines à quelques centaines d'années les lignes de rivage et en conséquence limitaient la possibi- lité d'utilisation des terrains bas.

L'urbanisation de l'émissaire du lac au cours des derniers 2000 ans a modifié la nature du site de plusieurs façons:

rétrécissement de la zone d'écoulement et déplacement du front du lac par la construction des jetées et par le remblayage des quais;

- extension de la zone constructible par la canali- sation et l'endiguement des rivières;

diminution des risques d'inondation par la régu- lation du lac.

L'analyse de l'histoire,...de la ville permet de retracer à la fois les rapports entre l'homme et la nature sur ce site et les changements environne- mentaux intervenus au cours des derniers millénai- res, notamment en ce qui concerne l'évolution cli- matique. Cette analyse montre également qu'un tel site naturel ne peut être considéré comme figé, mais qu'il évolue avec le développement de l'ac- tivité de l'homme qui devient ainsi un facteur important de l'histoire géologique.

Walter Wildi

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