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Le droit à l'effacement de données personnelles face au dossier de police

GRODECKI, Stéphane

GRODECKI, Stéphane. Le droit à l'effacement de données personnelles face au dossier de police. Plaidoyer , 2017, no. 4, p. 25-27

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:95364

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Le droit à l'effacement

de données personnelles face au. dossier de police

Le Tribunal fédéral (TF) souffie le chaud et le froid en

tas

de classement ou d'acquittement.

1. Introduction

Le 18 octobre 2011, la Suisse a été condamnée pour violation de l'art.

8 CEDH1: tout en relevant l'im- portance d'une prévention efficace en matière de criminalité, la Cour européenne des droits de l'homme, a jugé, eu égard à l'importance pri- mordiale de la présomption d'in- nocence, que le maintien de la mention «prostituée» dans un dos- sier de police du canton de Genève pour une personne jamais condamnée pour exercice illicite .de la prostitution (art. 199 CP2),

ne répond pas à un «besoin social impérieUX>>, au sens de l'art. 8 CED W. Elle a donc jugé l'atteinte à l'article 8 CED H disproportion- née.

Depuis cet ACEDH Khelili, le TF a été amené à rendre plusieurs arrêts .sur les données de police dont un particulier peut requérir l'effacement. Le point central du raisonnement demeurant l' exa- men de la proportionnalité de la conservation des données, nous avons examiné les derniers arrêts pour tenter d'en tirer une syn- thèse.

2. La conservation de données personnelles dans le. dossier de police (art. 8 CEDH et 13 Cst.

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La' conservation de données personnelles dans les dossiers de police porte une atteinte à la personnalité de l'intéressé, dont la protection est garantie aux art. 8 CEDH et 13 Cst., tant que ceux-ci peuvent être utilisés ou, simplement, être consultés par des agents de la police ou être pris en considération lors de demandes d'informations présentées par certaines autori- tés, voire même être transmis à ces dernières5• Pour être admis- sible, cette atteinte doit, dès, lors reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt pu- blic ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et être proportionnée au but visé (art. 36 al. 1 à 3 Cst.)6

La conservation des données personnelles dans les dossiers de police tient à leur utilité poten- tielle pour la prévention des crimes et des délits ou la répres- sion des infractions7• Elle pour- suit ainsi des buts légitimes liés à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pé- nales8. La conservation au dos- sier de police des données rela- tives à la vie privée d'une personne condamnée au motif que cette dernière pourrait réci- diver est conforme au principe de la proportionnalité9A cet égard, il est possible d'être plus strict dans cet examen pour les

faits relevant de la criminalité organisée ou des infractions contre l'intégrité physique ou sexuelle: on peut, dans ces cir- constances, se montrer plus sé- vère dms la conservation de données, dans l'intérêt des vic- times potentielles10 S'agissant enfin des i cas où la personne a fait l'objet d'un classement ou d'un acquittement, la jurispru- dence est fluctuante: nous y re- viendrons.':,.. ··· "· 1 '< ' . '

3. La jurisprudence rendue par le TF depuis l'ACE OH Khelili

Depuis l'ACEDH Khelili du 18 octobre 2011, le TF a rendu cinq arrêts dans ce domaine11

20 aoüt 2012: le TF a déclaré irrecevable le recours de Khelili contre l'absence «d'attestation»

sur la radiation de ses données, à la suite de l'ACEDH du 8 mars 2012, relevant que la chef- fe de la police du canton de Genève avait indiqué que la police ne détenait plus aucun dossier, ce qui était suffisant12

25 mai 2012: le TF, après avoir annulé une première déci- sion cantonale pour violation du droit d'être entendu13, a reje- té le recours contre le refus d'ef- facement du dossier de police des autorités zurichoises. Un

Stéphane Grodecki, premier procureur à Genève*

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homme a fait l'objet d'une ins- cription dans le dossier de po- lice à la suite d'une attaque d'un restaurant avec des armes à feu et des armes blanches, en dé- . cembre 2000. Après avoir été

entendu par la police et placé en détention, l'homme a été défi- nitivement mis hors de cause en février 2004. Le TF a néan- moins justifié la conservation des données au dossier de police au motif qu'elles pouvaient de- meurer utiles à la recherche des auteurs - toujours inconnus - de l'attaque, notamment pour déterminer des liens entre diffé- rentes personnes14.

13 novembre 2014: le TF a partiellement admis un recours

contr~ le refus d'effacement du dossier de police des autorités vaudoises. Un homme faisait l'objet de différen~r~. Pf<?C~dures pénales pour infractions à la LC:W5 ou contre le patrimoine.

A la suite du classement de ces procédures, le TF a admis''ll·re- cours et a ordonné la destruc- tion des pièces correspondantes du dossier de police au motif que, en cas de classement, il ne se justifiait pas de conserver des données au dossier de p0lice16

26 novembre 2015: le TF a admis le recours contre le refus d'effacement du dossier de po- lice des autorités genevoises. Un homme avait fait l'objet d'une inscription dans le dossier de police après une plainte pénale pour escroquerie et faux dans les titres en lien avec la vente d'une société. Cette procédure pénale a été ~lassée par le Minis- tère public. Le TF a relevé que le dossier de police ne contenait pas de copie de l'ordonnance de classement, ce qui contrevenait à l'exigence de complétude des données. Il a en outre estimé que l'intérêt du recourant- qui voulait postuler pour devenir policier -l'emportait. Première- ment, il s'agissait de la seule

La conservation de données personnelles dans le dossier de poilee doit respecter le principe de proportionnalité.

mention dans le dossier. Deu- xièmement, les faits n'étaient nullement comparables à des faits relevant de la criminalité organisée ou à des infractions contre l'intégrité physique ou sexuelle où l'on peut se montrer plus sévère dans la conservation de données, dans l'intérêt des victimes potentielles. En défini- tive, le TF a estimé que l'intérêt du recourant à voir ces données radiées pour ne pas compro- mettre ses chances de succès d'une candidature à un poste dans la police l'emportait sur l'intérêt à la conservation, quand bien même la demande de radiation datait de seulement deux mois après le classement17

8 janvier 2016: le TF a rejeté le recours contre le refus d'efface- ment du dossier de police des autorités zurichoises. Un homme avait fait l'objet d'une inscrip-

tion dans le dossier de police pour s'être adressé à des enfants depuis un véhicule. Quand bien même aucun soupçon d'infrac- tion n'existait et qùaucune pro- cédure pénale n'ait été ouverte, le TF a jugé qùil n'était pas exclu que ces données policières puissent être utiles pour une en- quête policière, ultérieure, sem- blable ou comparable. :Cintérêt public à la conservation de telles données devait l'emporter sur l'intérêt privé de cette personne, étant toutefois précisé que, selon le droit çantonal, cette inscrip- tion serait automatiquement ef- facée après cinq ans18

4. Synthèse

:Cexarnen de ces cinq derniers arrêts démontre que le TF est parfois fluctuant dans sa pesée des intérêts.

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Dans certains arrêts, le TF a jugé que la conservation au dos- sier de police des données rela- tives à la vie privée d'une per- sonne condamnée au motif que cette dernière pourrait {écidiver . est conforme au principe de la proportionnalité. En revanche, tel ne serait pas le cas, en prin- cipe, de la conservation de don- nées personnelles ayant trait à la procédure pénale close par un non-lieu définitif pour des mo- tifs de droit, un acquittement ou encore un retrait de plainte, peu importe à cet égard que le . prévenu acquitté ait été condamné aux frais de justice, au motif qu'il a donné lieu par son comportement, à l' o.uver- ture de la procédure pénale19Il a, dès lors, jugé qu'un classe- ment devait, pratiquement et automatiquement, conduire à un effacement du dossier de police20 et a estimé qu'il en de~

vait aller de même lorsque le particulier-à la suite d'un clas- sement - voulait postuler à un poste dans la police21,

Dans d'autres arrêts, le TF a pourtant considéré qu'une déci- sion de non-entrée en matière, un classement ou encore un acquitte- ment ne suffisaient pas, à eux seuls, à exclure que certaines in- formations concernant la situa- tion de la personne fichée puissent encore apporter des informations utiles, en particulier lorsque les infractions qui ont donné lieu à l'enquête pénale demeuraient non élucidées22Il a ainsi estimé qu'une mise hors de cause ne de- vait pas nécessairement signifier un ·effacement, lorsque les don- nées pouvaient être utiles à déter- miner les liens entre plusieurs personnes23• Enfin, dans son der- nier arrêt, il a été jusqu'à justifier la conservation de données, no- nobstant l'absence de tout com- portement pénal relevanr24

Il est toujours difficile de synthétiser une jurisprudence

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où la pesée des intérêts consti- tue le cœur du raisonnement, chaque situation ayant ses par- ticularités. Il n'en demeure pas moins que nous trouvons dis- cutable d'ordonner la destruc- tion de toutes les données concernant une procédure pour escroquerie au motif que l'intéressé souhaite postuler dans la police - alors qu'il est légitime que l'institution puisse déterminer avec exactitude la moralité de la personne qui postule - et de justifier, moins de deux mois après, la conser- vation de données relatives à un comportement pénalement atypique.

5. Conclusion

Il faut espérer que le TF soit, à l'avenir, plus conséquent dans sa jurisprudence en matière de conservation des données de police et qu'il cesse de souffler le chaud et le froid, semblant hési- ter entre la présomption d'inno- cence et l'intérêt public, comme ill' a fait dans ses deux derniers arrêts des 26 novembre 201525 et 8 janvier 201626

Il conviendrait également que le TF règle la contradiction qui existe actuellement dans sa ju- risprudence où il affirme, par- , fois, qu'un classement signifie

ipso facto .la destruction des données de police27, soutenant le contraire dans plusieurs autres arrêts28Les enquête de police pouvant nécessiter de déterminer des liens entre des protagonistes pour identifier des auteurs d'infraction, un classement doit être un élément, parmi d'autres, dans la pesée des intérêts. Il ne saurait dès lors entra1ner un effacement auto- matique des données du dossier de police. ~ACEDH Khelili n'impose nullement le contraire, sauf pour des soupçons particu- lièrement vagues291

/.

,.

j • "

*Dr en droit, chargé de cours à l'Univer- sité de Genève.

'Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 'Code pénal suisse.

3CrEDH, arrêt de la 2e Section No 16188/07 «Khelili contre Suisse» du 18.10.2011 (qui fait suite à TF 1P.713/2006 du 19.12.2006).

'Constitution fédérale de la Confédéra- tion suisse; RS 101.

5ATF 138 I 256, c. 4; ATF 126 I 7, c. 2;

TF 1C_363/2014 du 13.11. 2014, c. 2 in SJ 2015 I 128; TF C_51/2008 du 30.9.2008, c. 3.1 in ZBI2009 388.

6ATF 138 I 256, c. 4; ATF 126 I 7, c. Z:

7TF 1C_307/2015 du 26.11. 2015, c. 2;

TF 1C_363/2014 du 13.11.2014, c. 2 in SJ 2015 I 128.

8CrEDH, arrêt de la 2' Section No 16188/07 «Khelili contre Suisse» du 18.10.2011, §59.

%id.§ 66.

10TF 1C_307/2015 du26.11.2015, c. 2.

11Pour être exhaustif, il fuut préciser qu'il existe un sixième arrêt: TF 1C_177/2012 du 3.8.2012. Il s'agit toutefois d'un arrêt d'irrecevabilité, faute de grief suffisam- ment développé.

12TF 1C_209/2012 du 20.8.2012.

13TF 1C_51/2008 du 30.9.2008 in ZBI 2009 388.

14ATF 138 I 256.

15Loi fédérale sur la circulation routière.

16TF 1C_363/2014 du 13.11.2014, c. 2 (partiellement reproduit) in SJ 2015 I 128.

17TF 1C_307/2015 du 26.11.2015.

18TF 1C_323/2015 du 8.1 2016, résu- mé in Plaidoyer2016/2 52.

'"TF 1C_363/2014 du, 13.11.2014, c. 2 in SJ 2015 I 128; TF 1P.46/2001 du 2.3.2001, c. 2a. Cf. aussiATF 124 I 80, c. 2e.

20TF 1C_363/2014 du 13.11.2014, c. 2 (partiellement reproduit) in SJ 2015 I 128.

11TF 1C_307/2015 du 26.11.2015.

"ATF 138 I 256, c. 5.3; TF 1C_307/2015 du 26.11.2015, c. 2.

23ATF 138 I 256.

24TF 1C_323/2015 du 8.1.2016, résu- · mé in Plaidoyer 2016/2 52.

25TF 1C_307/2015 du 26.11. 2015.

26TF 1C_323/2015 du 8.1.2016, résu- mé in Plaidoyer 2016/2 52.

27TF 1C_363/2014 du 13.11.2014, c. 2 in SJ 2015 I 128; TF 1P.46/2001 du 2.3.2001, c. 2a. Cf. aussiATF 124180, c. 2e.

'8

ATF 138 I 256, c. 5.3; TF 1C_307/2015 du 26.11.2015, c. 2.

29Cf. CrEDH, arrêt de la 2e Section No 16188/07 «Khelili contre Suisse>> du 18.10.2011, § 66.

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