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Approche diagnostique et prise en charge de la dissection aortique aiguë aux urgences : revue de la littérature

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Approche diagnostique et prise en charge de la dissection aortique aiguë aux urgences : revue de la littérature

BLONDON, Marc

Abstract

Une dissection aortique n'est suspectée que dans la moitié des cas aux urgences. Malgré son incidence faible, elle peut se cacher derrière toute douleur thoracique ou dorsale, ainsi que sous la forme d'une syncope. Aucun élément de la présentation clinique ou examen paraclinique de base n'est suffisant pour l'exclure. Par contre, une douleur brutale, sévère, migrante, déchirante, un déficit neurologique ou de pouls, ou un élargissement du médiastin sont des données spécifiques qui engagent la poursuite du processus diagnostic. Toute suspicion d'une dissection aortique doit être suivie d'un examen d'imagerie (CT spiralé, échocardiographie transoesophagienne ou IRM) selon son délai en raison d'une mortalité importante dans les 48 premières heures. Dans l'attente, le traitement doit viser une antalgie efficace et une baisse agressive de la tension artérielle par des bêta-bloquants. Le dosage des D-dimères n'est actuellement pas suffisamment validé pour avoir une place dans la stratégie diagnostique de tous les patients.

BLONDON, Marc. Approche diagnostique et prise en charge de la dissection aortique aiguë aux urgences : revue de la littérature. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2009, no.

Méd. 10586

URN : urn:nbn:ch:unige-24426

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:2442

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:2442

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Section de médecine Clinique

Département de Santé et

Médecine Communautaire

Service des Urgences

Thèse préparée sous la direction du Professeur François P. Sarasin

"A PPROCHE DIAGNOSTIQUE ET PRISE EN CHARGE DE LA

DISSECTION AORTIQUE AIGUË AUX URGENCES : REVUE DE LA LITTÉRATURE "

Thèse

présentée à la Faculté de Médecine de l'Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en médecine par

Marc BLONDON de

Dürnten (ZH)

Thèse n° 10586

Genève

2009

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TABLE DES MATIERES

RESUME ...3

OBJECTIF ...4

PLAN ...5

HISTORIQUE BREF ...6

PATHOPHYSIOLOGIE ...6

CLASSIFICATION... 6

COMPLICATIONS... 9

EPIDEMIOLOGIE...10

INCIDENCE... 10

FACTEURS DE RISQUE... 13

PRONOSTIC... 16

STRATEGIE DIAGNOSTIQUE ...19

ANAMNÈSE... 19

EXAMEN PHYSIQUE... 21

EXAMENS PARACLINIQUES... 21

MARQUEURS BIOLOGIQUES... 22

SCORES... 24

ELÉMENTS CLÉS... 27

DIAGNOSTIC PAR IMAGERIE ...28

HÉMATOME INTRA-MURAL ...31

PRISE EN CHARGE AUX URGENCES ...32

PLACE DU TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE ...34

CONCLUSION ...35

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RESUME

Une dissection aortique n’est suspectée que dans la moitié des cas aux urgences. Malgré son incidence faible, elle peut se cacher derrière toute douleur thoracique ou dorsale, ainsi que sous la forme d’une syncope. Aucun élément de la présentation clinique ou examen paraclinique de base n’est suffisant pour l’exclure. Par contre, une douleur brutale, sévère, migrante, déchirante, un déficit neurologique ou de pouls, ou un élargissement du médiastin sont des données spécifiques qui engagent la poursuite du processus diagnostic. Toute suspicion d’une dissection aortique doit être suivie d’un examen d’imagerie (CT spiralé, échocardiographie transoesophagienne ou IRM) selon son délai en raison d’une mortalité importante dans les 48 premières heures. Dans l’attente, le traitement doit viser une antalgie efficace et une baisse agressive de la tension artérielle par des bêta-bloquants. Le dosage des D-dimères n’est actuellement pas suffisamment validé pour avoir une place dans la stratégie diagnostique de tous les patients.

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INTRODUCTION

La dissection aortique représente certainement un des diagnostics redoutés des jeunes internes. De par sa présentation clinique parfois subtile, et surtout son pronostic sombre en l’absence de diagnostic.

Jusqu’à présent, force est de constater que mon expérience personnelle a su m’ouvrir les yeux sur la difficulté du diagnostic de cette maladie. Alors que certains cas furent rapidement identifiés, j’aimerais brièvement rapporter deux patients pris en charge aux Hôpitaux

Universitaires de Genève.

Le premier patient fut amené en ambulance médicalisée de France voisine au Service d’Accueil et d’Urgences de Genève, pour une suspicion de syndrome coronarien aigu. Dans cette démarche, il avait déjà bénéficié d’un traitement antiagrégant par aspirine et clopidogrel, ainsi qu’une dose d’enoxaparine 1mg/kg. A son arrivée, nous restions étonnés par la

présence d’une douleur thoracique intense, transfixiante, avec une anamnèse de début extrêmement brusque et un ECG normal. Un scanner thoraco-abdominal confirma notre suspicion en montrant une dissection de type A descendant jusqu’aux artères rénales. Le patient décéda malheureusement en salle d’opération quelques heures plus tard.

Le deuxième cas se présenta également à Genève, de lui-même, pour une syncope alors qu’il prenait l’ascenseur, avec une douleur thoracique de quelques minutes comme prodromes. Six heures plus tard, aux urgences, il restait néanmoins asymptomatique et motivé à rentrer à domicile. Ce fut alors dans un bilan d’embolie pulmonaire, suite à des D- dimères très élevés, que le diagnostic de dissection aortique de type B fut posé. L’évolution fut favorable avec un traitement conservateur.

OBJECTIF

La difficulté du diagnostic de la dissection aortique aux urgences a été souvent rapportée dans la littérature. Les urgentistes ne la suspectent que dans la moitié des cas [1]. Ce d’autant plus qu’il s’agit de patients jeunes ou avec une présentation clinique non thoracique [2].

Partant de ces faits, il nous semblait intéressant d’entreprendre une revue de littérature sur cette pathologie. Tout en abordant la dissection dans sa globalité, nous mettrons l’accent sur les éléments importants ou validés de sa démarche diagnostique dans un service d’urgences.

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PLAN

Des connaissances de base sur la physiopathologie de la dissection aortique seront rappelées, ainsi que sa classification actuelle. Nous présenterons par la suite des données épidémiologiques d’intérêt pour les urgentistes. Nous tenterons ainsi d’évaluer la proportion des dissections aortiques parmi les patients se présentant pour des douleurs thoraciques.

Les patients à risques seront définis, avec la présentation des facteurs de risques. Enfin, nous discuterons du pronostic de cette maladie avec et sans traitement, afin de se rendre compte de la nécessité d’un diagnostic juste et rapide.

La partie suivante s’intéressera à l’identification d’éléments-clés pour la stratégie

diagnostique. Nous passerons en revue l’anamnèse, l’examen physique puis les examens paracliniques simples (mesure de TA aux 2 bras, radiographie standard, ECG). Enfin, l’utilité du dosage plasmatique de biomarqueurs, en particulier des D-dimères, sera discutée.

A la lumière de ces données, nous présenterons les scores développés à ce jour et leurs applicabilités dans un centre d’urgence.

Par la suite, les différents examens diagnostiques seront décrits, y compris leurs

performances, qualités et défauts. Ces données aideront à comprendre les tests à privilégier dans un contexte d’urgence.

Il nous semblait également important d’éclaircir une nouvelle entité encore peu connue : l’hématome intramural. Il sera brièvement décrit, en comparaison avec la dissection aortique classique.

Enfin, les principes de la prise en charge aux urgences seront abordés.

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HISTORIQUE BREF

Le premier cas documenté de dissection aortique fut rapporté il y a 250 ans, en la noble personne du Roi George II d’Angleterre. En 1760, à l’âge de 77 ans, il décèda d’une mort subite lors d’un valsalva sur défécation [3]. L’autopsie révélera une dissection aortique (Stanford type A) associée à un hémopéricarde. Il faudra attendre un siècle pour que le premier diagnostic antémortem soit publié, en 1856 [4]. Bien que des essais de réparation chirurgicale soient répertoriés dès le début du 20ème siècle, l’on doit à DeBakey la première intervention réussie en 1965.

PATHOPHYSIOLOGIE

Avant toute chose, il est important de comprendre des notions de bases de pathophysiologie de la dissection aortique. Il semble que l’événement déclenchant soit une rupture de l’intima de l’aorte, couche fine la plus interne de la paroi de ce vaisseau, souvent sur la moitié de sa circonférence, d’une longueur de 1-5 centimères. Néanmoins, la présence d’une

dégénération de la partie moyenne, appelée média, apparaît également nécessaire. Cette rupture s’opère en général dans la paroi latérale droite de l’aorte, où le cisaillement

hydraulique par l’onde de pression est maximal, ou juste après le ligament artériel dans l’aorte descendante. Le débit aortique pulsatile dissèque les couches élastiques lamellaires du vaisseau en créant une fausse-lumière, à l’intérieur même de la paroi. Celle-ci se

propage distalement dans la majorité des cas, mais peut aussi progresser proximalement en direction du cœur. Elle peut même recréer une ou plusieurs brèches intimales pour retourner dans la vraie lumière aortique.

CLASSIFICATION

Les classifications de la dissection aortique ont su traverser les décennies depuis leurs créations en gardant une importance en termes de prise en charge et de pronostic. Nous décrirons ici les deux classifications les plus utilisées (Stanford, DeBakey) ainsi qu’une nouvelle nomenclature proposée depuis plusieurs années, mais encore peu répandue en pratique clinique.

Michael Ellis DeBakey fut un médecin et chirurgien émérite, ayant révolutionné la prise en charge chirurgicale des dissections aortiques, et des anévrisme de l’aorte thoracique et abdominale. Récemment décédé, et ayant lui-même souffert d’une dissection aortique, il laisse cependant derrière lui une classification à son nom, datant de 1965 [5]. Elle consiste

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en trois catégories : le type I, partant de l’aorte ascendante et s’étendant au-delà de l’artère sous-clavière ; le type II, ne touchant que l’aorte ascendante ; le type III, qui prend son origine au-delà de l’artère sous-clavière, en épargnant l’aorte ascendante.

La deuxième classification très répandue fut proposée en 1970 sous le nom de Stanford [6].

Plus simple, elle différencie les dissections aortiques en type A, touchant l’aorte ascendante et type B, ne touchant pas l’aorte ascendante. Ses deux systèmes sont illustrés par la Figure 1.

Figure 1. Classifications de De Bakey et de Stanford. Tiré de Nienaber CA, Circulation 2003.

La reconnaissance de nouvelles entités dans les années 1990 incita la création d’une nouvelle classification, proposée par Svensson en 1999 [7] (Figure 2). Y figurent

l’hématome intramural, correspondant à une dissection sans brèche intimale, et l’ulcère athérosclérosique pénétrant.

(9)

Figure 2. Classification proposée par Svensson Tiré de Svensson, Circulation 1999.

I : dissection classique II : hématome intramural

III : rupture intimale limitée avec bulging de la paroi aortique IV : ulcère athérosclérotique pénétrant avec hématome V : dissection iatrogène ou traumatique

Il semble probable que l’hématome intramural et l’ulcère athérosclérotique pénétrant soient des précurseurs de sous-types de dissections. Ces deux entités peuvent en effet donner lieu à des ruptures aortiques ou des dissections dites classiques. La Figure 3 schématise les liens entre ces différentes catégories. D’une manière générale, tant l’hématome intramural que la plaque ulcérée peuvent mener à une rupture aortique ou une dissection classique.

Une guérison spontanée est également possible.

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Figure 3. Illustration schématique des rapports et progression entre les différents stades décrits par Svensson. Tiré de Erbel R, 2001.

COMPLICATIONS

Plusieurs complications peuvent être observées, et dépendent du siège de l’orifice d’entrée.

On craint surtout des complications en aigu pour les dissections de type A. L’anatomie vasculaire permet alors d’imaginer les situations cliniques retrouvées. Lorsque la dissection se propage en amont, elle peut comprimer l’ostium des coronaires, de préférence la

coronaire droite, et induire une ischémie myocardique. Une insuffisance aortique peut être expliquée par un prolapse du feuillet de dissection sur la valve avec interférence de sa fermeture, ou par un décollement des commissures. Extrêmement redouté, car pouvant induire un tableau de tamponnade, l’épanchement péricardique aigu est le fruit du passage de sang de l’aorte dans le péricarde via des fissures. En aval de l’orifice d’entrée, la

dissection peut comprimer l’ostium des vaisseaux partant de l’aorte. Ce phénomène peut être intermittent, en s’interrompant quand la pression dans la fausse-lumière décroît. Ainsi, l’obstruction des troncs supra-aortiques engendre une disparition des pouls (membres

(11)

supérieurs ou carotides), une asymétrie tensionnelle ou un signe neurologique focal. Une paraplégie transitoire est secondaire à la compression des artères intercostales, d’où naissent les artères médullaires et ‘lartère d’Adamkiewicz. Les artères rénales peuvent induire une anurie, et sont plus souvent touchées que les vaisseaux digestifs. Enfin, la compression d’une artère iliaque elle-même, peut expliquer un syndrome d’ischémie aiguë des membres inférieurs.

Des complications chroniques sont également décrites en cas de type A, si le malade survit la phase aiguë : l’insuffisance aortique chronique, ou l’épanchement péricardique secondaire à une transudation à travers l’adventice aortique.

Dans les dissections de type II selon De Bakey, on assiste souvent à une évolution soit de type aigu, soit sur le mode chronique avec formation d’un anévrisme aortique dans les jours ou semaines après l’événement. S’y accompagne alors une insuffisance aortique par dilatation de la valve.

Enfin, les dissections de type B se compliquent fréquemment de manière subaiguë, avec des symptômes en relation avec la dissection des artères rénales, digestives, ou des symptômes respiratoires sur épanchements pleuraux.

EPIDEMIOLOGIE

INCIDENCE

La dissection aortique aiguë est décrite comme rare. L’incidence des maladies rare est parfois difficile à évaluer, mais plusieurs longues études prospectives ainsi que des registres solides nous permettent de l’estimer de manière fiable. Afin d’obtenir des données récentes, nous présenterons ici les quatre auteurs qui se sont récemment intéressés à cette incidence dans différents endroits du globe.

En 2000, Meszaros et collaborateurs se sont livrés à une étude longitudinale populationnelle dans une région Hongroise comprenant plus de 100'000 habitants [8]. Un des points forts de cette analyse tient dans la période analysée de 27 années, soit de 1972 à 1998. Grâce à l’inclusion de cas non-hospitalisés associé à un taux d’autopsie approchant les 90%, l’incidence annuelle obtenue de 2.9/100’000/année semble fiable.

De manière similaire, une équipe américaine a conduit en 2004 une étude populationnelle basés sur une base de données dans le Minnesota, aux Etats-Unis [9]. Cette base de données unique regroupe les dossiers médicaux de la population entière (environ 100'000

(12)

habitants), tant hospitaliers qu’ambulatoires. Durant les 15 années d’observation (1980 à 1994), les auteurs ont calculé une incidence de 3.5/100’000/année dans la population caucasienne. Il est intéressant de noter qu’elle varie nettement en fonction du sexe : 5.2/100’000/année pour les hommes et 2.2/100’000/année pour les femmes. De manière surprenante, on retrouve une augmentation, quoique non significative, de la dissection aortique durant les 15 années, passant de 2.7 à 4.1/100’000/an. Les auteurs expliquent ce phénomène par une amélioration du diagnostic médical.

La plus grande étude fut réalisée à Taiwan, sur une analyse du registre d’assurance

médicale du pays couvrant 96% de la population [10]. De 1996 à 2001, Yu et collaborateurs ont totalisés plus de 5000 cas de dissections aortiques hospitalisés, correspondant à une incidence annuelle de 4.3/100’000. Comme le montre la Figure 4 tirée de cet article, cette incidence varie en fonction de l’âge et du sexe, atteignant un maximum de presque 30/100'000 chez les hommes de 70 à 79 ans.

Figure 4. Incidence annuelle de la dissection aortique aiguë à Taiwan (1996-2001). Tiré de Yu HY, Eur J Cardiothor Surg 2004

Enfin, Olsson et collaborateurs nous livrent des données Suédoises de 1987 à 2002 [11]. Ils ont étudiés des registres nationaux pour les cas hospitalisés, tout en analysant un registre de décès permettant de ne pas omettre les décès extra-hospitaliers. Ceci grâce à une utilisation obligatoire de l’autopsie en cas de décès non-attendu. Les chiffres sont ici

légèrement supérieurs, avec une incidence annuelle chez l’homme de 6.5/100'000 et chez la

(13)

femme de 3.7/100'000. Comme dans l’étude américaine, cette équipe a note une

augmentation de l’incidence de la maladie aortique thoracique (comprenant la dissection et les anévrismes aortiques), cette fois de manière significative, de 28 à 52% entre 1987 et 2002.

En 2002, des auteurs se sont intéressés à la variation saisonnière et circadienne de la présentation de dissection aortique [12]. En se basant sur le registre international IRAD (International Registre of Acute Aortic Dissection) comprenant alors 999 patients, ils ont pu démontrer une influence importante de ces rythmes chronobiologiques. Le début des symptômes était en effet corrélé à un pic le matin, entre 7h et 11h, tandis que la période hivernale semblait plus à risque. Cette variation n’est pas sans rappeler celle d’autres maladies cardio-vasculaires, en particulier l’infarctus du myocarde.

Nous tirons quelques conclusions sur ces données.

Premièrement, il demeure évident que la dissection aortique reste une maladie plutôt rare.

En extrapolant une incidence de 3 à 6 par 100'000 habitants au canton de Genève (430'000 en 2005), on calculerait une prise en charge de 10 à 30 cas par année au sein des urgences des Hôpitaux Universitaires de Genève.

Deuxièmement, la fréquence de cette maladie est étonnamment comparable dans les différents continents étudiés (Amérique du Nord, Europe du Nord, Europe de l’Est, Asie).

Troisièmement, l’augmentation des cas de dissection aortique décrits par l’étude américaine et suédoise entre 1980 et 1990-2000 reflète à nos yeux essentiellement un meilleur

diagnostic, bien que le vieillissement de la population puisse également jouer un rôle.

Replaçons-nous maintenant dans un centre d’urgence. La douleur thoracique est un motif fréquent de consultations, retrouvé chez 5%, correspondant à 6 millions d’évaluations par années aux Etats-Unis. Parmi celles-ci, basé sur un collectif de 40'000 patients consultant un service d’urgence d’un centre tertiaire pour des douleurs thoraciques, une dissection est incriminée chez seulement 0.3% [13].

L’embolie pulmonaire apparaît être dix fois plus fréquente, avec une incidence annuelle basée sur un registre aux Etats-Unis de 47 à 63/100'000 [14]. La fréquence des syndromes coronariens aigus reste également bien supérieure à la dissection, bien qu’il soit difficile de la préciser aujourd’hui, en raison du changement de nomenclatures, d’une prise en charge ambulatoire possible (en cas de bas-risque) et de causes secondaires échappant à

l’identification (en cas de sepsis, d’anémie, par exemple) [15].

(14)

Le problème est dès lors posé. Comment identifier toutes les dissections aortiques parmi le nombre gigantesque de patients qui consultent quotidiennement les urgences, en évitant la mise en jeu de ressources inappropriées ?

FACTEURS DE RISQUE

La détermination des facteurs de risque de la dissection aortique est utile pour le médecin- urgentiste, en pouvant l’aider à identifier des sous-groupes de patients à risque. Ces facteurs sont aujourd’hui bien identifiés, essentiellement grâce aux registres mis en place à la fin du XXème siècle, et sont illustrés dans le Tableau 1.

Tableau 1. Facteurs de risque de la dissection aortique.

Facteurs de risque décrits pour la dissection aortique.

Prévalence chez les patients avec dissection aortique

Selon Hagan PB, 2000 (464 cas)

Selon Spitell PC, 1993 (236 cas)

Hypertension artérielle chronique 72% 78%

Cocaïne / crack -

Maladies du tissu conjonctif

Syndrome de Marfan

Syndrome de Ehlers-Danlos

Ectasies annulo-aortiques

5% 6%

1%

- 1%

Bicuspidie aortique, coarctation de l’aorte, syndrome de Turner

7%

Inflammations vasculaires :

Maladie de Horton

Maladie de Takayasu

Maladie de Behcet

Aortite syphilitique

Maladie de Ormond

2%

1%

- 1%

Décélération : accident de la voie publique, chute de hauteur

1%

(15)

Facteurs iatrogènes :

Interventions percutanées (coronarographie,

angioplasties rénales)

Interventions chirurgicales cardiaques

2%

2%

-

Grossesse 1%

Le seul facteur de risque couramment identifié est l’hypertension artérielle, en moyenne chez trois patients sur quatre. Il s’agit d’une hypertension chronique, et non pas des valeurs tensionnelles présentées lors de la dissection. Elle induit un épaississement intimal et l’apparition de fibrose, de calcification et de déposition de graisse. On note en parallèle une dégradation accélérée de la matrice extracellulaire. Ces changements affaiblissent la paroi et créent un substrat pour la formation d’anévrismes et de dissections.

Les autres facteurs de risque ne sont présents que chez une minorité des patients.

En connaissant la physiopathologie de base de la dissection aortique (cf. plus haut), on comprend l’importance des mécanismes affaiblissant la média. Le syndrome de Marfan en représente le prototype-même.

Cette maladie autosomale dominante est la plus fréquente des maladies du tissu conjonctif, avec une incidence de 1/5000-7000 naissances [16]. Secondaire à des mutations du gêne appelé fibrilline-1, il résulte une anomalie de la matrice extracellulaire qui au niveau aortique s’exprime par une dédifférenciation des cellulaires musculaires et une fragmentation et une élastolyse de la média. On assiste dès lors à une progression plus rapide des phénomènes athérosclérosiques, à la formation d’anévrisme et à un risque important de dissection aortique . En effet, alors que seulement 2% des patients âgés avec dissection aortique souffrent de Marfan, on retrouve ce syndrome chez 50% des patients de moins de 40 ans [17]. Il est dès lors essentiel de pouvoir reconnaître ces patients à haut-risque. En 1996, des critères diagnostiques furent édités et appelés « critères de Gent » [18]. Bien qu’il existe une expression très variable de cette maladie, certains aspects peuvent aider à la reconnaître.

On distingue souvent une grande taille chez des patients minces, une envergure des membres supérieurs plus importante que la taille et une arachnodactylie des doigts et des doigts de pieds. Le pectus carinatum ou excavatum est également fréquent. Les atteintes occulaires ou neurologiques n’aident pas l’urgentiste dans la reconnaissance de ce syndrome en situation aiguë.

(16)

D’autres maladies prédisposent à la dissection aortique par une atteinte du tissu conjonctif.

Le syndrome d’Eler-Danlos représente un groupe hétérogène mais héréditaire associant une hypermobilité articulaire, une hyperextensibilité cutanée et une fragilité des tissus. Il est causé par des mutations dans une des chaînes du collagène de type III. Il existe également des ectasies annulo-aortiques caractérisées par des insuffisances de la valve aortique ainsi des agrégations familiales de dissection aortique, sans que l’on puisse retrouver d’anomalie moléculaire dans le collagène ou la fibrilline à ce jour.

Une association a également été décrite avec la coarctation de l’aorte, que ce soit en-dessus ou en-dessous du site de la coarctation. Il semble que l’hypertension secondaire joue un rôle prépondérant dans cette association.

L’hypertension est également souvent présente lors des dissections aortiques chez des femmes enceintes, bien qu’un mécanisme de dégénérescence kystique de la média ait également été supposé.

Plusieurs maladies inflammatoires affectant l’aorte prédisposent à la dissection aortique. On peut citer la maladie de Takayasu, l’artérite temporale de Horton, la maladie de Behcet, et l’atteinte aortique de la syphilis, devenue excessivement rare dans nos contrées

industrialisées.

L’utilisation de cocaïne a été associée à de nombreuses manifestations cardiovasculaires : crises hypertensives, ischémie cardiaque, vasospasme coronarien, arythmies et dissection aortique [19]. Cette drogue peut représenter une cause très importante de dissection,

comme rapporté dans l’analyse rétrospective d’un hôpital de San Francisco [20]. En étudiant 38 cas entre 1995 et 2001, ils identifièrent 14 cas liés à l’utilisation de cocaïne

(essentiellement sous forme fumée, appelée « crack »), soit 37%. Une prévalence de 10%

est également retrouvée dans une étude rétrospective sur 164 cas au Texas [21]. Ces chiffres doivent être pris avec précaution pour différentes raisons. Il s’agit d’études

rétrospectives où l’information sur l’utilisation de cocaïne était surtout basée sur l’anamnèse rapportée dans le dossier médicale. Par ailleurs, ces résultats ne sont pas applicable à d’autres populations que celle étudiée, car ils n’ont pas été ajustés au milieu socio- économique ou à la race (80% de patients de race noire). Nous sommes donc en pleine discrépance par rapport au 0.5% d’utilisation de cocaïne retrouvé dans le registre IRAD portant sur plus de 900 cas [22]. Il apparaît néanmoins important pour le médecin urgentiste d’inclure dans son anamnèse la question des toxiques, voire de la rechercher

biologiquement, surtout chez des patients jeunes.

En-dehors du syndrome de Marfan, qui prédispose essentiellement aux dissections de type A, les autres facteurs de risque semblent répartis de manière similaire dans les types A et les types B [22].

(17)

En résumé, la dissection aortique touche essentiellement les patients âgés souffrant d’une hypertension chronique. Sa survenue avant 40 ans doit faire rechercher la prise de toxiques, en particulier la cocaïne, ainsi que la présence d’un syndrome de Marfan.

PRONOSTIC

Une revue de 505 cas de dissection aortique datant de 1958 nous permet d’apprécier son pronostic sans traitement [23]. Il convient néanmoins de préciser que les moyens

diagnostiques utilisés restent flous, que les dissections n’ont pas été classées en type A et type B et que seuls 425 cas ont été suivis.

Cette étude révèle une mortalité extrêmement importante, tant dans les premières heures que les semaines suivantes. En effet, les auteurs notent une survie de 80% à 24h, 40% à 1 semaine, 20% à 1 mois et 10% à 1 an. La Figure 5 illustre la courbe de mortalité de ces 425 cas.

Figure 5. Courte de mortalité de 425 cas ayant souffert d’une dissection aortique, sans traitement. Tiré de Hirst AE, 1958.

La mortalité pré-hospitalière reste aujourd’hui importante. Ainsi, 20% des patients meurent en pré-hospitalier [8, 11]. Ces mêmes études révèlent encore un pronostic sombre dans la phase hospitalière Ainsi, en Hongrie, sur une étude de 84 patients non différenciés en type A

(18)

ou B, la survie n’est pas améliorée dans les années 1972 à 1998 [8]. Après l’admission, 40%

vont encore décéder dans les 24h, soit un risque de 1.6%/heure. La prise en charge de ses patients ne semble toutefois pas refléter les recommandations actuelles, avec moins de 10%

de traitement chirurgical.

Dans une étude suédoise, le tableau est moins pessimiste, avec une mortalité à 30 jours de 37% chez les patients admis pour une dissection aortique (22% si opérés) [11]. De plus, celle-ci tend même à diminuer entre 1987 et 2002 (OR 0.63).

Le registre IRAD reflète probablement le mieux la réalité. Ce registre basé sur douze centres dans six pays (USA, Espagne, Italie, Japon, Allemagne, Israël), permet d’apprécier le

pronostic des patients en fonction du type de dissection et de leur prise en charge (Figure 4 et Tableau 2). La mortalité intra-hospitalière de la dissection de type A est plus du double du type B (34.9% vs. 14.9%, respectivement), mais on reste bien loin des >60% de mortalité dans les premiers jours décrits précédemment. La Figure 6 montre par ailleurs qu’une prise en charge chirurgicale est associée à un meilleur pronostic en cas de type A, mais un moins bon pronostic en cas de type B. Il faut alors se rappeler qu’il s’agit d’une étude

observationnelle dans laquelle le choix du traitement dépendant de beaucoup de facteurs, incluant l’âge du patient et son état clinique. Les auteurs précisent que les patients traités conservativement avec une dissection de type A l’étaient surtout en raison de leur âge avancé et de leurs comorbidités, expliquant le mauvais pronostic.. De même, ce sont les dissections de type B compliquées qui ont bénéficié d’une chirurgie avec une surmortalité par rupture de l’aorte et ischémie viscérale surtout.

Tableau 2. Mortalité intra-hospitalière. Tiré de Hagan PG, JAMA 2000.

Type A Type B

Traitement chirurgical 58% 31.4%

Traitement médical 26% 10.7%

Total 34.9% 14.9%

(19)

Figure 6. Mortalité à 30 jours. Tiré de Hagan PG, JAMA 2000.

Basés sur l’IRAD, deux équipes différentes se sont intéressés aux facteurs prédictifs de la mortalité en cas de dissection de type A [24] et de type B [25]. L’étude de 290 variables cliniques et paracliniques chez 547 (type A) et 384 cas (type B) permit d’identifier des facteurs indépendants de mortalité, résumé dans le tableau 3. Ces études se terminent sur la création de scores prédictifs, dont l’utilité clinique reste douteuse en l’absence de

conséquences thérapeutiques, et qui n’ont pas été validés dans une autre population.

(20)

Tableau 3. Facteurs prédictifs indépendants de mortalité en analyses multivariées. Tirés de Mehta RH, Circulation 2002 et Suzuki T, Circulation 2003.

Dissection de type A Dissection de type B

Age > 70 ans (OR 1.7) Hypotension / choc (OR 23.8) Début subite de la douleur (OR 2.6) Absence de douleur (OR 3.5)

ECG anormal (OR 1.77) Implication d’un vaisseau secondaire (OR 2.9)

Déficit de pouls (OR 2.03) Insuffisance rénale (OR 4.77)

Hypotension / choc / tamponnade (OR 2.97)

En conclusion de cette partie, le pronostic en phase hospitalière a été nettement amélioré par l’imagerie moderne et le choix d’une thérapeutique adaptée (chirurgicale ou médicale)..

Actuellement, environ deux tiers des patients survivent à un mois, avec un meilleur pronostic en cas de dissection de type B.

Les données nous montrent cependant que les décès surviennent surtout dans les 48

premières heures. Une prise en charge idéale doit donc passer par un diagnostic très rapide.

STRATEGIE DIAGNOSTIQUE

Comme nous avons voulu le montrer dans les deux exemples cités en préambule, la présentation clinique de la dissection aortique peut être très hétérogène. Nous allons maintenant passer en revue l’utilité de l’anamnèse et de l’examen physique pour son diagnostic.

ANAMNÈSE

Pour évaluer l’apport de l’anamnèse, nous devons nous baser sur des registres rétrospectifs (ou prospectifs basés sur dossiers), avec les inconvénients liés : données basées sur des dossiers parfois incomplets, patients non-consécutifs dans certaines séries. Le Tableau 4 illustre la prévalence des symptômes, qui n’est autre que leur sensibilité. Les quatre premières colonnes permettent de différencier le type A et le type B. La dernière colonne représente elle un pooling de toutes les séries publiées avant 2000, avec un nombre impressionnant de patient.

(21)

Tableau 4. Symptômes de la dissection aortique.

Symptômes Type A Type B A / B

IRAD (n=289) [22]

Spitell (n=143) [1]

IRAD (n=175)

Spitell (n=84)

Klompas (n=1553, 95%CI)

[26]

Douleur 94%* 71% 98% * 79% 90% (85-94)

Début subit 85% 84% 84% (80-89)

Douleur thoracique

• antérieure

• postérieure

79%*

71%*

33%

63% *

44% * 41%

67% (56-77) 57% (48-66) 32% (24-40)

Douleur lombaire 47%* 64% * 32% (19-47)

Douleur abdominale 22%* 43% * 23% (16-31)

Douleur très sévère 90% 90% 90% (88-92)

Douleur « déchirante » 50% 52% 39% (14-69)

Douleur irradiante 27% 30%

Douleur migrante 15% 19% 31% (12-55)

Syncope 13% 6% 4% * 2% 9% (8-12)

* différence significative entre type A et type B (p<0.05)

Même si on décrit 10% de dissection sans douleur, elle reste le pilier de l’anamnèse et doit être explorée de manière détaillée, Certaines caractéristiques sont prévalentes, comme le début subite de la douleur, sa sévérité extrême (« la pire douleur »), et atteignent une sensibilité de 85-90%. La localisation est surtout thoracique, de préférence antérieure, bien que des présentations abdominales ou lombaires ne soient pas rares.

En revanche, les caractères migrants, irradiants et déchirants, souvent cités en clinique, sont grevés d’une mauvaise sensibilité, en étant absents chez plus de la moitié des patients.

Comme nous le verrons plus tard, ils doivent cependant être recherchés en raison de leur spécificité.

Il est intéressant de comparer les types A et les types B, bien que ceci n’ait pas d’importance pour la prise en charge aux urgences. De manière attendue, les symptômes restent

homogènes, sous réserve d’une prépondérance pour des douleurs abdominales ou

lombaires pour le type B. On explique ceci par la relation entre la localisation de la déchirure aortique et son extension.

La dissection aortique se présente dans environ 10% des cas sous forme d’une syncope, comme dans la deuxième histoire décrite en préambule. L’incidence basse de cette maladie en fait évidemment une cause rare de syncope. Nallamothu et collaborateurs ont étudié un collectif de 96 cas de syncopes sur dissections [27]. Ces patients sont grevés d’un plus mauvais pronostic, pour différentes raisons. Il s’agit dans une grande majorité de type A, et l’on retrouve une tamponnade chez 1 patient sur 4, et un AVC chez 1 sur 5. La syncope elle- même peut résulter de ces deux phénomènes, mais également et dans la majorité des cas,

(22)

de mécanismes vasovagaux secondaires à la douleur ou au stretching des barorécepteurs aortiques. Enfin, l’absence de toute symptomatologie douloureuse dans un quart des syncopes sur dissection rend leurs identifications extrêmement difficiles.

Enfin, certaines présentations cliniques rares ont été rapportées : une paraplégie transitoire ou permanente, une anurie, une paralysie des cordes vocales (sur compression du nerf récurrent). On a également décrit des syndromes de veines caves supérieures, des hémoptysies, ou des épanchements pleuraux isolés.

EXAMEN PHYSIQUE

Au-delà d’un examen physique cardio-pulmonaire et abdominal rendu nécessaire par la présentation clinique (douleur thoracique, abdominale), plusieurs éléments spécifiques ont été étudiés. Ils comprennent :

• une hypertension, dans un contexte chronique ou aigu (douleur, stress)

• un souffle diastolique sur insuffisance aortique

• des déficits de pouls et déficits neurologiques focaux engendrés par la compression des branches de l’aorte

• un choc

Comme pour les caractères migrants et déchirants de l’anamnèse, ces éléments sont grevés d’une sensibilité basse, ne permettant pas d’exclure une dissection. Ainsi, alors que la majorité des patients sont hypertendus chroniques, on ne l’a retrouve que chez la moitié en phase aiguë. L’absence d’hypertension ne doit donc pas être rassurante.

Les mêmes conclusions peuvent être tirées concernant le souffle diastolique et le déficit de pouls, présents chez seulement dans 30% et le déficit neurologique chez 17% [26]. La présence d’un seul de ces éléments isolé doit par contre faire rechercher une dissection aortique, en raison de bonnes spécificités.

EXAMENS PARACLINIQUES

Lors de l’évaluation aux urgences d’un patient avec suspicion de dissection aortique, trois examens paracliniques simples sont quasiment toujours pratiqués. Nous allons ici tenter d’évaluer leurs utilités.

Le premier examen proposé est la mesure de pression aux deux bras. En 1996, Singer et collaborateurs ont pu démontré que des 53 et 19% patients se rendant aux urgences sans

(23)

maladie aortique présentaient des différences de 10 et de 20mmHg, respectivement [28].

Par contraste, une étude observationnelle avec groupe contrôle, de bonne qualité, tend à montrer que la différence de 20mmHg ou la présence de déficit de pouls est un facteur discriminant important, en raison d’une prévalence haute en cas de dissection (38%) mais basse dans le groupe contrôle (1%) [13]. Nous devons donc conclure à l’absence d’évidence solide, ce qui n’équivaut pas à l’évidence de l’absence de l’utilité de cette mesure. Sa

simplicité et sa rapidité en font un élément à rechercher, en gardant à l’esprit que sa spécificité varie beaucoup dans la littérature.

Vient ensuite l’électrocardiogramme, élément incontournable en cas de douleur thoracique, mais possiblement perturbateur dans la prise en charge de la dissection aortique. En effet, seul un tiers des ECG est décrit comme normal, tant pour les dissections de type A que de type B. Une hypertrophie ventriculaire gauche est retrouvée chez 25% et des troubles de repolarisation non spécifiques chez 40%. Dans le cas d’une extension rétrograde de la dissection, les ostiums de coronaires peuvent aussi être comprimés, résultant en une ischémie myocardique aiguë. Atteignant préférentiellement l’artère coronaire droite [29], cette ischémie est visible sur 15% des ECG, et peut aller jusqu’à l’infarctus avec des ondes Q nouvelles ou une surélévation du segment ST (7%). Ces anormalités expliquent la publication de case-reports de faux diagnostics de syndromes coronariens aigus lors de dissection aortique, allant parfois jusqu’à la thrombolyse [30].

La radiographie du thorax est le troisième examen pouvant être utilisé au lit du malade

rapidement. Les éléments classiquement décrits n’y sont pas présents de manière fiable [31].

Elle reste cependant très souvent anormale, avec un élargissement du médiastin dans 2/3 des cas. L’absence de critères validés pour définir des aspects radiologiques de dissection aortique n’aide pas l’urgentiste dans son interprétation.

En résumé de ce chapitre, les patients souffrant de dissection aortique présentent des symptômes souvent variés, mais centrés sur une douleur thoracique, lombaire ou

abdominale. Aucun élément isolé de l’anamnèse ou du status n’est suffisamment sensible pour exclure cette maladie. La même conclusion doit être tirée sur les examens

paracliniques de base.

MARQUEURS BIOLOGIQUES

Une dissection aortique est en pratique souvent évoquée, malgré son incidence rare, et ne peut être exclue de manière fiable à ce stade. L’utilisation d’un test rapide offrant une sensibilité élevée offrirait une aide considérable dans la prise en charge de ces malades.

(24)

Cette stratégie fait partie intégrante du diagnostic d’autres maladies, comme l’embolie pulmonaire, où le dosage des D-dimères s’est imposé rapidement [32].

A ce jour, trois tests ont été étudiés pour la dissection aortique : la calponine, une protéine dérivée de la myosine et les D-dimères.

Seule une équipe japonaise a étudié le dosage de la protéine de chaîne-lourde de la myosine du muscle lisse (« smooth-muscle myosin heavy-chain protein ») sur 95 patients avec dissection aortique et deux groupes contrôles : 48 patients avec infarctus du myocarde et 131 volontaires sains [33]. Bien que significativement plus élevé dans la dissection

aortique que dans les groupes contrôles, la sensibilité n’atteignait « que » 91%, un seuil inacceptable vu le pronostic inhérent à cette maladie.

Récemment, une étude préliminaire a pu discuter de l’intérêt du dosage de la calponine, une protéine de type troponine du muscle lisse [34]. Malgré des différences significatives de son dosage moyen, l’air sous la courbe ROC (0.63) et les valeurs prédictives négatives faibles ne laissent pas présager d’une bonne utilité en clinique.

La recherche s’est par la suite tournée vers le dosage des D-dimères avec des résultats plus prometteurs. Produits de dégradation de la fibrine, leur taux est élevé lors de la mise en marche du système de fibrinolyse qui accompagne toute activation de la coagulation. Dans la stratégie diagnostique de l’embolie pulmonaire, en cas de probabilité clinique faible à intermédiaire, leur sensibilité atteint 100%.

La littérature concernant l’association des D-dimères et la dissection aortique reste plus pauvre. En effet, les études sont de taille limitées (<100 patients), et essentiellement

rétrospectives. Une méta analyse et une revue systématique permettent néanmoins de tirer quelques conclusions à leur égard.

La méta analyse est le résultat d’un auteur unique [35]. Une recherche de littérature jusqu’en février 2007 lui ont permis d’identifier 11 études et 349 patients avec dissection aortique et mesure de D-dimères. Un des points forts de ce travail découle de la récolte de données auprès des investigateurs des 11 études, permettant d’homogénéiser le seuil de positivité du test à >500µg/ml. A ce taux, la sensibilité d’un taux de D-dimères est calculée à 94%.

Comme l’on pourrait l’attendre, ces résultats sont pondérés par la présence d’un biais de publication et d’échantillon, avec de surcroît plusieurs méthodes de mesure différentes. On reste également très étonné de la mauvaise sensibilité (15%) dérivée d’une étude

prospective de 13 patients avec dissection de type B [36].

En parallèle, une équipe autrichienne a publié une revue systématique sur le sujet, en regroupant 437 patients [37]. La sensibilité se monte alors à 97%, mais sans avoir ajusté les

(25)

différents seuils étudiés (100-900 µl/ml). De manière intéressante, ce centre tertiaire a créé une cohorte de 65 patients consécutifs avec dissection de type A, chez qui la sensibilité des D-dimères semblait excellente sous 500µl/ml.

La prudence est de mise malgré des chiffres de sensibilité annoncés comme prometteur. Les populations étudiées restent petites, et certainement choisies. Il n’existe pas de consensus sur le seuil le plus performant, ni sur la méthode de dosage la plus efficace. Il convient également de rappeler que ce dosage n’est utile que s’il est négatif afin d’éviter un examen radiologique. Un seuil bas, nécessaire pour obtenir une sensibilité presque « parfaite », ne permettrait d’exclure la maladie que chez un nombre peu important de patient.

Les faux négatifs semblent eux dépendants de différents facteurs. Hazui et collaborateurs ont démontre qu’ils sont associés, par une analyse multivariée sur 113 cas, à un jeune âge, une fausse-lumière thrombosée et une courte dissection [38].

Basés sur ces faits, les recommandations locales ne soutiennent pas le dosage des D- dimères dans cette situation [39]. Seule l’identification d’un groupe à bas risque (probabilité pré-test faible) pourrait permettre d’approcher une sensibilité de 100% qui semble

nécessaire vu le pronostic de la dissection aortique. Ces recommandations contrastent avec celles de la Task Force Report, qui proposait le dosage des D-dimères déjà en 2001, avec une classe I …

SCORES

La création d’un score permettant cette identification révolutionnerait la prise en charge aux urgences.

Il convient tout d’abord d’identifier la population parmi laquelle ce score devrait être

développée puis utilisé. Il s’agit des patients chez qui la possibilité d’une dissection aortique est évoquée, quel que soit le diagnostic final. Le tableau 5 présente les diagnostics finaux des patients chez qui la dissection aortique est finalement exclue dans les sept études retrouvées. Les résultats poolés doivent être interprétés avec réserve, en raison des données parfois incomplètes des études et des critères flous d’inclusion des patients.

Toutefois, il ressort que les diagnostics différentiels principaux sont le syndrome coronarien aigu, la péricardite, les maladies peptiques et pancréatiques ainsi que l’embolie pulmonaire.

Les douleurs pariétales et les malades restés sans diagnostic constituent une part importante estimée à 30%. Enfin, certains diagnostics présents ont été suspects d’une dissection aortique par leurs images radiologiques (anévrisme non-disséquant, kyste ou tumeur médiastinale).

(26)

Tableau 5. Diagnostics différentiels de la dissection aortique (%).

Eagle 1986 [40]

Enia 1989 [41]

Chan 1991 [42]

Banning 1994 [43]

Armstrong 1998 [44]

Oliver 1999 [45]

Von Kodolitsh 2000 [13]

Poolés

Patients (n) 51 11 22 23 41 56 122 326

Diagnostic 1. Cardio-vascul.

SCA 24 18 23 48 20 15 17%

Crise hypertensive 9 3%

Péricardite 6 36 7 21 6 9%

Anévrisme non- disséquant

8 9 9 32 29 11%

Rupture de plaque aortique / HIM

22 20 *

Pathologie vasculaire (non- précisée)

10 10 7 5.5%

Embol

d’athérosclérose

2 <1%

Rupture aortique 14

2. Pulmonaire Embolie pulmonaire

2 9 7 5 4%

Pleurite 2 4 <1%

Maladie pulmonaire (non-précisée)

1 <1%

Pneumothorax 2 <1%

3. Gastro-intestinal Oesophagite, maladie peptique, pancréatique

4 10 4%

4. Autres

Douleur pariétale 8 30 15 9%

Tumeur ou kyste médiastinal

8 10 2%

Syndrome neuroradiculaire

1 <1%

5. Sans diagnostic 28 27 22 34 57 3 21%

SCA : syndrome coronarien aigu / HIM : hématome intra-mural

* l’hématome intra-mural est une variante de la dissection aortique, grevé du même pronostic et de la même prise en charge.

Partant de ceci, des médecins japonais ont dérivé un score d’une population de 131 patients avec dissection ou syndrome coronarien aigu [46]. Ils ont analysés 15 éléments

anamnestiques, cliniques ou paracliniques (ECG, radiographie pulmonaire,

(27)

échocardiographie transthoracique (ETT)), et ont retenu, après analyse multivariée, les indicateurs diagnostics indépendants suivants : présence d’une douleur dorsale ou lombaire, index médiastino-thoracique radiologique, présence d’une régurgitation aortique et diamètre aortique à l’ETT, présence d’une hyperlipidémie. Le score proposé est finalement composé de 4 points (1 point par élément) : (1) présence d’une douleur dorsale ou lombaire, (2) index médiastino-thoracique élevé (>30%), (3) présence d’une régurgitation aortique et (4)

présence d’une dilatation aortique de >30mm. Ce score a ensuite été validé de manière rétrospective dans une population similaire de 711 patients (67 dissections / 644 SCA). Un score de 3 ou plus points obtient une sensibilité de 93%, une spécificité de 78%, ainsi qu’une valeur prédictive négative de 97.6% et une valeur prédictive positive de 54%. Les auteurs concluent qu’un score positif devrait orienter les investigations vers le CT thoracique afin d’exclure une dissection avant de procéder à une coronarographie.

De notre point de vue, ce travail ne peut être appliqué à nos patients. Le score ne permet pas d’exclure une dissection avec suffisamment de performance. De plus, il demande la réalisation d’une échographie transthoracique à chaque cas suspect, ce qui signifie une perte de temps par rapport à une imagerie diagnostique définitive et l’utilisation de

ressources importantes. Enfin, il faut souligner la petite taille des deux populations étudiées et le groupe contrôle composé uniquement de syndromes coronariens, non-représentatif de la réalité.

La même approche a été utilisée par Von Kodolitsch et collaborateurs pour la création d’un modèle de prédiction de dissection aortique [13]. Parmi 41495 patients se présentant aux urgences pour une douleur thoracique ou dorsale, ils ont retenu 250 cas comme population de dérivation (0.6%). En effet, 93.5% ont été exclus en raison de la mise en évidence d’un autre diagnostic. Puis deux urgentistes expérimentés ont décidé de l’inclusion des 250 cas suspects parmi les 2676 patients restants, basé sur leurs libres jugements. Trois prédicteurs indépendants sur 26 variables cliniques et paracliniques simples étudiés forment leur score :

(1) « douleur aortique » : début subit (<2 minutes pour atteindre la douleur maximale) et/ou caractère déchirant.

(2) Élargissement du médiastin et/ou de l’aorte sur la radiographie (3) Déficit de pouls et/ou différentielle de >20mmHg.

En l’absence de ces signes, la probabilité clinique de dissection était estimée à 7%. La présence de la douleur aortique ou du signe radiologique identifiait une probabilité

intermédiaire (31-39%). Enfin, la présence du critère (3) ou toute autre combinaison était associée à une probabilité forte de dissection, entre 83 et 100%.

Cette étude semble beaucoup plus intéressante que la première. En effet, il s’agit d’une évaluation prospective. La diversité des pathologies du groupe contrôle se rapproche plus de

(28)

la réalité. Enfin, ce score permet d’identifier 77% des patients à haut risque de dissection (score intermédiaire ou haut), chez qui une prise en charge rapide est salutaire.

Il ne peut néanmoins être utilisé comme tel pour deux raisons. Il n’a pas encore été validé, et il ne semble pas qu’une telle étude soit en cours (clinicaltrials.gov). De plus, et surtout, il est dérivé d’une population qu’il est difficile de définir, en raison de critères subjectifs introduits dans son identification. Rappelons-nous que deux médecins expérimentés avaient décidé d’exclure 90% de cas de manière subjective pour former la population de dérivation.

ELÉMENTS CLÉS

Nous venons de voir qu’il n’existe pas de score validé permettant de simplifier et d’améliorer la prise en charge aux urgences. Néanmoins, nous avons déjà énuméré les éléments-clés à rechercher, qui peuvent aider à diminuer ou augmenter la probabilité pré-test de la dissection aortique. Ils sont regroupés dans le Tableau 6.

Tableau 6. Rapports de vraisemblance de signes et symptômes clés (Tiré de Klompas M, 2002).

ELEMENT RAPPORT DE

VRAISEMBLANCE +

RAPPORT DE VRAISEMBLANCE - Hypertension chronique 1.6 (1.2-2.0) 0.5 (0.3-0.7)

Début subit de la douleur 1.6 (1.0-2.4) 0.3 (0.2-0.5)

Caractère déchirant 1.2-10.8 0.4-1.0

Caractère migrant 1.1-7.6 0.6-1.0

Déficit de pouls 5.7 (1.4-23.0) 0.7 (0.6-0.9)

Déficit neurologique focal 6.6-33.0 0.71-0.87 Souffle diastolique 1.4 (1.0-2.0) 0.9 (0.8-1.0) Elargissement du médiastin 2.0 (/1.4-3.1) 0.3 (0.2-0.4)

En pratique clinique, il convient de rappeler que seuls les rapports de vraisemblance positifs supérieurs à 2 ou 3 ont réellement un intérêt, alors que les RV négatifs devraient être en- dessous de 0.5 [47]. En prenant ceci en compte, il semble que les éléments identifiés soient plus à même d’identifier des patients à plus haut risque de dissection que de pouvoir exclure cette maladie. Ainsi, la présence d’un déficit de pouls ou d’un déficit neurologique en

présence d’une dissection aortique est très suspecte. Par contre, l’absence de ces caractéristiques, ou de l’aspect classique de la douleur aortique (début subite, douleur migrante, déchirante), ne permet pas au praticien d’être rassuré.

(29)

La connaissance de ces éléments et de leur RV est importante pour l’urgentiste, qui doit savoir interpréter avec caution la présence ou l’absence de ces signes.

DIAGNOSTIC PAR IMAGERIE

La confirmation ou l’exclusion du diagnostic de dissection aortique doit reposer aujourd’hui sur une imagerie. Nous allons passer en revue les moyens actuels à disposition, avec leurs avantages et inconvénients, ainsi que leurs performances.

Historiquement, l’aortographie s’est imposée comme gold-standard dans la deuxième moitié du XXème siècle. Une ponction rétrograde fémorale permet l’introduction d’un cathéter rétrograde avec injection de produit de contraste dans l’aorte. La visualisation d’une double lumière ou d’un flap intimal permet de poser un diagnostic certain. En 1969 déjà, Shuford et collaborateurs rapportaient un doute diagnostic dans un quart des aortographies [48], avec présence de signes indirects seuls : compression de la vraie lumière, projections de type ulcère, anormalités de branches de l’aorte, insuffisance aortique, épaississement de la paroi aortique. Deux études prospectives ont par la suite permis de déterminer la performance de l’aortographie, avec une sensibilité de 88% et une spécificité d’environ 95% [49, 50].

Plusieurs conditions prédisposent aux faux-négatifs : thrombose de la fausse-lumière, opacification des deux lumières simultanées, hématome intra-mural. Bien que largement remplacée par des examens non-invasifs, l’aortographie peut encore être réalisée après une coronarographie, surtout en cas de coronaires saines et de clinique douteuse. Il est alors important de réaliser qu’elle manque une dissection sur dix. De surcroît, on est en droit de penser que l’expertise des cardiologues interventionnels a dû diminuer, au regard du faible nombre d’examen réalisé.

L’échocardiographie transthoracique seule ne s’est jamais imposée dans la démarche diagnostique de la dissection aortique. Une seule étude de bonne qualité a évalué de

manière prospective cet examen, avec des chiffres décevants y compris pour une dissection proximale [51]. Plus de 40% des dissections échappaient au diagnostic. Ces faux-négatifs étaient essentiellement constitués de dissections distales, avec une sensibilité de seulement 33% en cas de type B. De plus, la spécificité relativement mauvaise rendait nécessaire la réalisation d’une autre imagerie. Une étude a évalué de manière rétrospective la

combinaison d’une échocardiographie transthoracique à un CT conventionnel (non spiralé) chez 168 patients consécutifs (45% de dissection aortique) [52]. Les auteurs ont alors noté

(30)

une amélioration notable des performances de cette combinaison (sensibilité 95%, spécificité 91%) par rapport aux performances des deux examens séparés.

Par voie transoesophagienne, l’échocardiographie possède une sensibilité et une spécificité calculées à 98 et 95%, respectivement, dans une méta-analyse regroupant 10 études sur 630 patients. Au-delà de ces excellents résultats, la rapidité de cet examen est étonnante, avec une moyenne en dessous de 10 minutes [49, 53]. Il est le seul à pouvoir être réalisé au lit du malade, en cas d’instabilité hémodynamique ou respiratoire. Quant à ses désavantages, cet ultrason reste dépendant de l’expérience de l’opérateur, et des interférences aériennes (trachée, bronche souche gauche) induisent une zone aveugle en regard de l’aorte

ascendante distale.

Trois articles ont évalué l’utilisé du CT conventionnel, non spiralé, de manière prospective, sur environ 200 patients [50, 51, 54]. Sa performance est restée décevante, avec jusqu’à 20% de faux négatifs et 13% de faux positifs.

Le scanner conventionnel a été remplacé depuis les années 1990 par le scanner dit spiralé, qui permet l’acquisition d’images dans un temps beaucoup plus rapide, en continu, associée à une meilleure définition. Cet examen actuellement très utilisé n’a été validé

prospectivement que sur 129 patients dans trois études [55-57]. Il en ressort une sensibilité

« parfaite » de 100%, associée à une très bonne spécificité de 94 à 100%. De plus, il identifie la limite de progression de la dissection, les éventuelles répercussions sur les branches de l’aorte (y compris au niveau des vaisseaux supra-aortiques) et la présence d’un épanchement péricardique. Il ne permet pas d’évaluer la présence d’une insuffisance aortique, et nécessite l’injection de produits de contraste, avec des risques d’allergie et de néphrotoxicité.

Enfin, sept études ont évalué prospectivement les performances de l’IRM. Une méta-analyse de celles-ci suggère un excellent rendement (sensibilité 98%, spécificité 98%). Les délais d’obtention, la longueur de l’examen et la difficulté de surveillance clinique représentent les points faibles majeurs de l’IRM. En comparaison directe, le temps d’investigation augmente de 20 à 30 minutes pour l’IRM par rapport à un CT spiralé ou une échocardiographie transoesophagienne [53, 57]. Ceci sans compter le temps de transport et d’installation du patient. Il en ressort donc que l’IRM est probablement le meilleur examen de confirmation d’une dissection, mais au prix d’une perte de temps et d’une surveillance difficile du patient.

Le tableau 7 résume les performances, qualités et défauts des différents examens à disposition de l’urgentiste.

(31)

Tableau 7. Caractéristiques des examens diagnostiques de la dissection aortique.

Examen SN SP Avantages Inconvénients Référ.

Aortographie 88% 94- 97%

Evaluation d’une insuffisance aortique

Néphrotoxicité des produits de contraste

Irradiation Examen invasif

Complications iatrogènes

Impossibilité d’évaluer la présence d’un épanchement péricardique

[49, 50]

ETT 81%

(A) 33%

(B)

83% Non-invasif

Evaluation d’une insuffisance aortique et d’un épanchement péricardique

Performances médiocres (surtout pour les dissections distales) Opérateur-dépendant

[51]

CT

conventionnel 80- 94%

87- 100

%

Non-invasif Produit de contraste

Irradiation

Impossibilité d’évaluer une insuffisance aortique

[50, 51, 54]

CT

conventionnel + ETT

95% 91% [52]

CT spiralé (hélical)

100

%

94- 100

%

Non-invasif

Evaluation de compression de branches de l’aorte et d’un épanchement péricardique et du point d’entrée

Evaluation de diagnostics alternatifs

Néphrotoxicité des produits de contraste

Irradiation

Impossibilité d’évaluer une insuffisance aortique

[55-57]

ETO 98% 95% Partiellement non-invasif Examen rapide, au lit du malade

Opérateur-dépendant

« Blind spot » (partie distale de l’aorte ascendante)

Contre-indiqué en présence de varices oesophagiennes

[58]

IRM 98% 98% Non-invasif

Excellente spécificité

Délai et longueur de l’examen Difficulté de surveillance clinique Incompatibilité avec le métal

[58]

SN : sensibilité / SP : spécificité / ETT : échocardiographie transthoracique / ETO : échocardiographie transoesophagienne

Dans la réalité quotidienne, il semble que les performances décrites ne soient pas atteintes.

Ce phénomène est fréquemment rencontré, et reflète le choix de la population étudiée, ainsi

(32)

que l’attention particulière et l’expérience des examinateurs. Soulignons également que les études sont en nombre restreint, avec souvent de petites populations incluses.

Moore et collaborateurs ont observé les méthodes diagnostiques de 628 cas de dissection aortique de 1996 à 1999 [59]. Ils ont noté l’utilisation majoritaire du CT en première ligne (63%), suivi de l’échocardiographie transthoracique et/ou transoesophagienne. L’IRM et l’aortographie représentent une part minime comme premier examen. De manière surprenante, les auteurs ont montré que deux patients sur trois bénéficiaient d’imageries multiples (moyenne de 1.8 examens), avec surtout l’échocardiographie transoesophagienne et l’aortographie comme deuxième examen. Ceci permit alors un calcul de sensibilité en comparant différents types d’imagerie effectué sur le même patient, avec les performances suivantes : 87% (aortographie), 88% (échocardiographie transoesophagienne), 93% (CT, spiralé et non-spiralé), 100% (IRM).

Après cette description des différentes modalités d’imagerie diagnostique de la dissection aortique, nous tirons quelques messages-clés.

Le scanner spiralé et l’échocardiographie transoesophagienne apparaissent comme les meilleurs examens de première ligne, par leurs bonnes performances, leurs disponibilités et leurs rapidités. Le meilleur test selon la littérature est l’IRM, en terme de rapport de

vraisemblance positif surtout, mais reste en pratique difficile à implanter pour des questions de surveillance et de délai. En cas d’instabilité hémodynamique ou respiratoire,

l’échocardiographie transoesophagienne peut être réalisée au bord du lit du malade, et doit être privilégiée.

Un taux non négligeable de faux négatif doit pousser à la prudence dans l’interprétation des résultats. Un diagnostic de dissection aortique ne peut donc pas être formellement exclu sur la base d’un examen négatif, si la probabilité clinique est élevée. Une autre imagerie doit alors être recommandée.

HÉMATOME INTRA-MURAL

Les progrès de l’imagerie ont permis la reconnaissance de nouveaux syndromes aortiques aigus, en particulier de l’hématome intramural. Comme décrit plus haut (Figure 2), il

correspond à une variante de la dissection avec absence d’une brèche intimale. Il n’y a donc pas de communication avec la lumière aortique.

Du point de vue physiopathologique, deux mécanismes ont été décrits. Il s’agirait le plus fréquemment d’une rupture des vasa vasorum, dans la média, ou d’une rupture induite par

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un ulcère pénétrant athérosclérotique dans 20% des cas. Les phénomènes d’athérosclérose étant plus marqués dans l’aorte descendante, l’ulcère est surtout retrouvé dans cette partie.

Cette entité pourrait correspondre à un précurseur de la dissection aortique classique. Selon les séries, on retrouve 5 à 15% d’hématome intramural parmi les syndrome aortiques aigus, le reste étant constitué par des dissections aortiques [60, 61]. Ces deux maladies partagent donc beaucoup de points communs, avec quelques distinctions.

L’hématome intramural est en effet préférentiellement localisé dans l’aorte descendante, du fait de sa pathogenèse parfois liée aux ulcères aortiques. Les facteurs de risque sont par contre similaires. Quant à la présentation clinique, elle ne diffère que par l’incidence plus rare de complications liées à l’obstruction du flux dans l’aorte ou ses branches (ischémie

cardiaque, AVC, syncope, insuffisance aortique). La douleur reste au premier plan, et présente les mêmes caractéristiques qu’en cas de dissection franche.

Le diagnostic par imagerie semble plus difficile à poser, en raison des signes parfois très discrets, comme un épaississement de la paroi aortique. Ceci est reflété par un retard diagnostique et l’utilisation de plus d’examens d’imagerie chez ces patients qu’en cas de dissection aortique [60].

Le pronostic d’un hématome intramural est réservé. A 30 jours, sans chirurgie, 20% vont évoluer en dissection, 26% en rupture et 14% en anévrisme progressif [62]. A moyen terme, on peut encore assister à une progression chez 25% des patients survivants non opérés, ou à une régression chez plus de la moitié. La mortalité est évaluée à 20% à 30 jours, soit similaire à une dissection. On retrouve également un meilleur pronostic chez les patients traités médicalement (type B) ou chirurgicalement (type A) [63]. Devant ces similarités, les recommandations de traitement de l’hématome intramural suivent celles de la dissection aortique, à savoir un traitement chirurgical pour les types A, et médical en l’absence de complications pour les types B. Notons enfin que la présence d’un ulcère pénétrant athérosclérotique aggrave le pronostic en augmentant le risque de progression de l’hématome

PRISE EN CHARGE AUX URGENCES

La prise en charge d’un patient suspect d’une dissection aortique est basée sur des

recommandations d’experts internationaux [29]. Il n’existe aucune étude randomisée qui ait validé un traitement ou une stratégie diagnostique.

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Tous les patients suspects d’une dissection aortique doivent bénéficier d’une imagerie permettant d’exclure ou de confirmer ce diagnostique. Selon une analyse décisionnelle réalisée par Sarasin et collaborateurs, cette stratégie est bénéfique même si la probabilité pré-test d’une dissection est très basse (<5%) [64].

Cette étude a également pu également démontrer l’importance des délais d’obtention des examens d’imagerie. En l’absence de différence notable dans les performances entre un CT spiralé, une échocardiographie transoesophagienne ou une IRM, l’examen le plus utile doit donc être le plus rapide à obtenir. Dans la majorité des cas, il s’agit du CT spiralé, comme indiqué dans l’étude observationnelle de Moore (réf 59 à rajouter).

Entre-temps, le travail de l’urgentiste se compose d’une antalgie par morphine efficace associée à un traitement aggressif de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque.

L’équipement doit comprendre une voie d’accès veineuse et si possible un cathéter artériel pour une mesure invasive hémodynamique. Celui-ci doit être posé préférentiellement à gauche, sauf en cas de compression du tronc brachio-céphalique par la dissection ou de différence tensionnelle en défaveur de la gauche. Sont recommandés en première ligne les bêta-bloquants, qui permettent de diminuer la pression sur la paroi artérielle en diminution la force d’éjection du ventricule gauche et de minimiser la fréquence des ondes de

cisaillements par la systole. Récemment, le contrôle strict de la fréquence cardiaque (<60/min) s’est révélé être un facteur associé à une réduction des événements aortiques à deux ans (dilatation aortique, récidive de dissection, rupture, nécessité d’une chirurgie) [65].

Parmi les bêta-bloquants utilisés, les plus utilisés aujourd’hui sont le labétalol et l’esmolol. Le premier agit également sur les récepteurs alpha et induit une vasodilatation permettant de diminuer la tension artérielle. Il s’est rapidement imposé depuis ses premières utilisations dans les années 1980 [66]. Par contre, sa longue demi-vie (3-8h) ne permet pas une titration fine ou un retrait rapide en cas de complications. L’esmolol possède cet avantage, avec sa demi-vie de quelques minutes. En cas de contre-indications potentielles aux bêta-bloquants (asthme, bradycardie, décompensation cardiaque), on recommande aussi l’essai d’un bêta- bloquant de courte durée d’action. Il n’existe aucune donnée validant l’utilisation

d’anticalciques.

Si la tension artérielle systolique reste >100-120mmHg et en l’absence de signes de malperfusion, des vasodilatateurs peuvent être rajoutés. Le nitroprussiate de sodium représente la molécule de choix.

Il existe des indicateurs d’urgence extrême qu’il convient de connaître : la présence de liquide dans le péricarde, dans l’espace pleural ou le médiastin. Ces patients doivent être pris en charge le plus rapidement possible, car ils souffrent d’une mortalité de plus de 50%.

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