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Expériences pratiques de la procédure simplifiée

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Expériences pratiques de la procédure simplifiée

GRODECKI, Stéphane

GRODECKI, Stéphane. Expériences pratiques de la procédure simplifiée. forumpoenale , 2016, no. 1, p. 45-53

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:95374

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Stéphane Grodecki, Premier procureur à Genève1, Chargé de cours à l'Université de Genève, Docteur en droit

Expériences pratiques de la procédure simplifiée

Table des matières:

I. Introduction

II. Les dispositions légales applicables III. Exposé de la jurisprudence IV. La pratique genevoise en chiffres

1. Le nombre de procédures simplifiées entre 2012 et 2014

2. Les domaines et les résultats des procédures simplifiées en 2014

3. Excursus: les chiffres du Ministère public de la Confédération

4. Synthèse

V. Deux questions pratiques

1. La négociation avec le ministère public 2. Le pouvoir d'examen du tribunal VI. Conclusion

1.

Introduction

L'entrée en vigueur de la nouvelle procédure pénale au 1er janvier 20112 a amené la Suisse à connaître la procédure simplifiée (art. 358 ss CPP3). Celle-ci a été introduite par le législateur, nonobstant les réserves de la commission d'ex- perts. D'une part, il s'est fondé sur les expériences positives faites dans les cantons de Tessin, Bâle-Campagne4 et Zoug, qui connaissaient déjà une institution similaire. D'autre part, il voulait permettre aux autorités de poursuite de me- ner une telle procédure dans le domaine de la criminalité économique et éviter ainsi des accords informels5.

Moins de deux ans après son entrée en vigueur, une ini- tiative parlementaire avait déjà été déposée au Conseil national afin d'abroger cette procédure, subsidiairement la

La présente contribution n'engage que son auteur. Il a été tenu compte de la jurisprudence jusqu'au 19 novembre 2015.

2 RO 2010 1881.

3 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0.

4 Voir pour ce canton, BRAUN, Strafprozessuale Absprachen im abge- kürzten Verfahren: «Plea bargaining» im Kamon Basel-Landschaft, Bâle 2002.

5 Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1057, 1279.

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limiter6. Bien que balayée par le Conseil national le 12 dé- cembre 2013 par 138 voix contre 477, elle a lancé un débat aujourd'hui repris par la doctrine. Plusieurs articles récents préconisent en effet une modification de cette procédure afin de respecter les valeurs fondant l'Etat de droit8. En revanche, d'autres voix relèvent que la procédure simplifiée permet de décharger les tribunaux et qu'elle est ainsi parti- culièrement utiJe9.

A l'heure actuelle, le débat demeure avant tout théorique.

Au vu des possibilités limitées d'appel (art. 362 al. 5 CPP), la jurisprudence en la matière est en effet encore relative- ment peu fournie10. Il nous a dès lors paru intéressant d'exa- miner l'utilisation pratique de cet instrument, à l'échelle du canton de Genève1I, avant d'aborder deux questions impor- tantes pour la pratique, à savoir la phase de négociation de l'accord et les motifs de refus d'une telle procédure par un tribunal12.

Il. Les dispositions légales applicables

La procédure simplifiée est l'une des procédures spéciales du Titre 8 du CPP. Cette procédure particulière fait l'objet de six articles. La procédure simplifiée est ainsi possible jusqu'à la mise en accusation, lorsque le prévenu a reconnu les faits déterminants pour l'appréciation juridique ainsi que les prétentions civiles, au moins dans leur principe, à condition que le ministère public entende requérir une peine privative de liberté qui n'est pas supérieure à 5 ans

6 Initiative parlementaire JosJTSCH 12.496 du 12 décembre 2012, Code de procédure pénale. Abrogation ou du moins limitation de la procé- dure simplifiée.

7 http:llwww.parlament.ch/ab/framesetlfln/491l1428261/f_n_ 4911_ 428261_ 428S94.htm.

8 STOHNER, Abgekürzte Rechtsstaatlichkeit - Überlegungen zum abgekürzten Verfahren gemass Art. 358-362 StPO, FP 2015, 168;

LANDTWING/DôsSEGGER, Der Verfolgungsverzicht im abgekürzten Verfahren, RPS 2015 (133), 61. Dans le même sens, mais sans préco- niser de modification législative: WüTHRICH, Freier Markt beim Srrafen?, PJA 2014, 1585.

9 La procédure simplifiée est un bon moyen de soulager les tribunaux, Plaidoyer 2012/6, 6.

10 Voir infra III.

11 Voir infra IV.

12 Voir infra V.

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(art. 358 CPP). Lorsqu'une procédure simplifiée est mise en œuvre, le prévenu doit obligatoirement être assisté d'un conseil {art. 130 let. e CPP).

La procédure simplifiée doit être demandée par le pré- venu (art. 358 al. 1 CPP) au ministère public, lequel peut refuser sans aucune motivation (art. 359 al. 1 CPP), par exemple pour des motifs de pure opportunité13.

S'il accepte d'entrer en matière sur la procédure simpli- fiée, le ministère public dresse un acte d'accusation qui doit contenir tous les éléments nécessaires au respect du principe de l'accusation et la quotité de la peine ou la mesure (art. 360 CPP). Cet acte d'accusation est alors notifié aux parties (art. 360 al. 2 CPP), lesquelles disposent de dix jours pour l'accepter ou le refuser (art. 360 al. 2 et 3 CPP). En cas de rejet de l'acte d'accusation par une partie, la procédure ordinaire doit être engagée (art. 360 al. 5 CPP).

En cas d'acceptation de l'acte d'accusation par les par- ties, celui-ci est transmis au tribunal de première instance, qui interroge le prévenu (art. 361 CPP). Il apprécie ensuite la conformité au droit et la justification de la procédure simplifiée, de la sanction ainsi que la concordance entre le dossier et le résultat des débats {art. 362 CPP).

Les possibilités d'appel sont limitées (art. 362 al. 5 CPP), une partie ne pouvant que faire valoir qu'elle n'accepte pas l'acte d'accusation ou que le jugement ne correspond pas à l'acte d'accusation.

Ill. Exposé de la jurisprudence

Après cinq ans de pratique, seuls quelques rares arrêts pu- bliés ont été rendus sur la procédure simplifiée. En revanche, la jurisprudence cantonale, non publiée, est légèrement plus riche.

Le Tribunal fédéral a jugé qu'un jugement en procédure simplifiée suppose que l'accusé confirme ses aveux à l'au- dience de jugement de première instance car la procédure de confirmation est l'un des mécanismes de protection de cette procédure spéciale. A cet égard, l'éventualité que la personne accusée révoque son acquiescement à l'acte d'ac- cusation doit être retenue lorsque le tribunal ne peut se convaincre personnellement qu'elle reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Lorsque le prévenu décide de garder le silence à l'audience de jugement, la procédure simplifiée doit dès lors être rejetée14. La présence de l'accusé à l'audience est ainsi indispensable15.

13 BoMMER, Kurzcr Prozess mit dem abgekürzten Verfahren?, HEER (éd.), Schweizecische Strafprozessordung und Schweizerische Jugends- trafprozessordnung, Berne, 2010, 149, 152.

14 ATF 139 IV 233.

1 S Même la position nuancée selon laquelle une dispense doit être large- ment accordée à la comparution du prévenu devant le juge semble ainsi exclue par le Tribunal fédéral: FALLER/REYMOND/Vu1LLE, Une pro-

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Le Tribunal fédéral a également limité le recours à une disjonction de procédure {art. 30 CPP) pour juger un pré- venu en procédure simplifiée, tout en poursuivant la procé- dure ordinaire pour les autres prévenus. Il a relevé que le Ministère public qui entendait procéder par la voie de la procédure simplifiée pour l'un des prévenus, mais pas pour les autres, devait examiner si les conditions d'une disjonc- tion au sens de l'art. 30 CPP étaient remplies. Le Tribunal fédéral a souligné l'importance du principe de l'unité de la procédure en cas de pluralité d'auteurs, les infractions de- vant être poursuivies et jugées conjointement (art. 29 CPP), d'autant plus si les prévenus s'accusent mutuellement16.

A cet égard, en cas de disjonction, la Cour cantonale genevoise a jugé que les déclarations d'un prévenu jugé en procédure simplifiée n'ont, dans une procédure relative à un autre prévenu, ni plus ni moins de force probante qu'un autre moyen de preuve17.

En revanche, le Tribunal fédéral a laissé la question de la portée d'une révision (art. 410 CPP) suite à une procédure simplifiée ouverte1B, étant précisé que le Conseil fédéral l'exclut dans son message à l'appui du CPP19. A Genève, la Cour de justice a toutefois jugé qu'une procédure de révi- sion (art. 410 CPP) était possible en cas de condamnation prononcée à la suite d'une procédure simplifiée au sens des articles 358 ss CPP, mais uniquement lorsque la culpabilité ou l'innocence quant aux faits dont le condamné s'est accusé était en jeu20.

Le Tribunal pénal fédéral a jugé qu'avec le consentement des parties, il était loisible au tribunal de modifier l'accusa- tion en procédure simplifiée ainsi que la qualification juri- dique des infractions21 _ La Cour cantonale zurichoise en a jugé de même22.

S'agissant de l'appréciation de la justification d'une procédure simplifiée (art. 361 al. 1 let. a CPP), le Tribunal pénal fédéral a précisé que le pouvoir d'appréciation du mi- nistère public devait être respecté et que la justification du recours à la procédure simplifiée devait être examinée objec- tivement. Il a toutefois estimé qu'il pouvait annoncer qu'il n'acceptera plus de procédure simplifiée à l'avenir dans un domaine, notamment lorsque le ministère public renvoie toutes les affaires d'un certain type par cette voie, empêchant ainsi le tribunal de statuer par voie de procédure ordinaire23. L'examen de la voie d'appel (art. 362 al. 5 CPP) a égale- ment occupé la jurisprudence cantonale. Le Tribunal can-

cédure simplifiée au sens des art. 358 ss CPP peut-elle se dérouler par défaut?, RPS 2012 (130), 76.

16 TF, arrêt du 6.10. 2015, 1B_l87/2015.

17 CJ GE, arrêt du 8.11. 2015, AARP/46112015, c. 2.1.1; CJ GE, arrêt du 22.6.2015, AARP/292/2015, c. 2.2.1.

18 TF, arrêt du 10.11. 2014, 6B_616/2014.

19 Message du Conseil fédéral, OfJ. cit. (n. 5), 1281.

20 CJ GE, arrêt du 30. 3.2015, AARP/168/2015.

21 TPF, jugement du 27.5.2015, SK 2015.8, c. 4.1.

22 OG ZH, arrêt du 23.1. 2015, SA140001, FP 2015, 219.

23 TPF, jugement du 22. 8. 2013, SK.2013.26, c. 5.

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tonal zurichois a jugé que la voie de l'appel était ouverte lorsque le prévenu soutient que l'acceptation de l'acte d'ac- cusation (art. 360 al. 2 CPP) et la reconnaissance des faits durant les débats (art. 361 al. 2 let. a CPP) reposent sur des vices graves de la volonté, notamment des faux renseigne- ments de l'autorité ou un vice de traduction. Il l'a toutefois rejeté sur le fond 24. La Cour cantonale genevoise à, quant à elle, adopté une approche contraire: en l'absence d'actes de contrainte lors de l'acceptation de la procédure simpli- fiée l'appel au sens de l'article 362 al. 5 CPP est irrecevable25.

Le Tribunal cantonal vaudois a relevé que la procédure simplifiée était normalement exclue après le dépôt de l'acte d'accusation et la création de la litispendance. Toutefois, en cas de transaction judiciaire intervenue après la clôture de la procédure probatoire, les dispositions sur la procédure simplifiée doivent s'appliquer par analogie et l'accord est irrévocable, sous réserve des vices susceptibles d'être sou- levés dans un appel au sens de l'article 362 al. 5 CPP26Le Tribunal fédéral a toutefois annulé cet arrêt au motif que le Tribunal de première instance avait en réalité appliqué la procédure ordinaire, discutant tous les éléments de fait et de droit, sur la culpabilité et la peine27. Le Tribunal fédéral n'a ainsi pas annulé l'approche vaudoise visant à assimiler une transaction judiciaire à une procédure simplifiée, mais s'est limité à juger que, dans le cas d'espèce qui lui était sou- mis, c'est la procédure ordinaire qui avait en réalité été ap- pliquée.

La Cour cantonale genevoise s'est prononcée à de nom- breuses reprises sur la fixation de la peine d'un prévenu jugé

prévenu de se prévaloir de l'article 362 al. 4 CPP pour de- mander le retrait de ceux-ci de la procédure ordinaire31.

S'agissant toujours du lien entre les procédures simplifiée et ordinaire, le Tribunal cantonal vaudois a confirmé que le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let a. CPP) n'empêchait nullement le ministère public de requérir une peine supé- rieure à celle qui avait été négociée dans une procédure sim- plifiée ayant finalement échoué32.

Enfin, tant le Tribunal cantonal vaudois que la Cour cantonale genevoise ont confirmé que le prévenu ne dispo- sait pas du droit d'exiger un droit à une procédure simpli- fiée et qu'il ne pouvait pas se plaindre d'une violation du principe de la célérité (art. 5 al. 1 CPP) lorsque le ministère public engage tout d'abord une telle procédure, avant de finalement y renoncer33.

Si la jurisprudence commence ainsi à définir les premiers contours de la procédure simplifiée, l'emploi pratique de cette procédure est encore largement méconnu. Son examen est pourtant indispensable aux réflexions en cours sur l'op- portunité de la réglementation actuelle de cette procédure.

IV. La pratique genevoise en chiffres

Nous nous sommes dès lors attelés à examiner la pratique genevoise afin de tenter de déterminer la fréquence de la procédure simplifiée et le type d'affaires jugé sous cette forme.

en procédure ordinaire lorsque l'un de ses comparses avait 1. Le nombre de procédures simplifiées entre 2012 et 2014

été jugé en procédure simplifiée. Elle a relevé qu'aucune com- paraison ne pouvait être faite, car la procédure simplifiée

«répond à des critères bien spécifiques qui lui sont propres»2s, voire peut justifier une peine inférieur à celle qui aurait été fixée dans le cadre d'une procédure ordinaire29.

La Cour de justice genevoise a également relevé qu'un prévenu ne pouvait solliciter une diminution de peine au motif que la procédure simplifiée avait finalement échoué, les éventuelles déclarations faites par les parties dans la perspective de la procédure simplifiée qui n'aboutit pas n'étant pas exploitables dans la procédure ordinaire qui suit (art. 362 al. 4 CPP)30. En revanche, des aveux faits en au- dience d'instruction, puis la demande d'ouverture d'une procédure simplifiée dix jours après, ne permettent pas au

24 OG ZH, arrêt du 5.2.2014, SA130001, FP 2014, 270.

25 CJ GE, arrêt du 27.12.2012, AARP/457/2012.

26 TC VD, arrêt du 28.5. 2014, JT 2014 III 136.

27 TF, arrêt du 4.11.2015, 6B_862/2014.

28 CJ GE, arrêt du 1.10.2014, AARP/48712014, c. 6.8. Voir également

CJ GE, arrêt du 17. 3. 2014, AA RP/127/2014, c.3.2; CJ GE, arrêt du 5.2.2014, AARP/77/2014, c. 3.3.2; CJ GE, arrêt du 31.1.2014, AARP/72/2014, c. 3.3; CJ GE, arrêt du 30.10. 2013, AARP/518/2013, c. 3.6.1.

29 CJ GE, arrêt du 28.9.2015, AARP/403/2015, c. 3.5.

30 CJ GE, arrêt du 19.10. 2012, AARP/332/2012, c. 2.7.

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Procédures simplifiées 2012 2013 2014

Mises en accusation devant le Tribunal

79 121 139

de poJice34

Mises en accusation devant le Tribunal

40 39 41

correctionneJ35

Total des mises en accusation en procédure

119 160 180 simplifiée

Il ressort de ces premiers chiffres que le nombre de pro- cédures simplifiées tend à augmenter chaque année. Les procédures simplifiées sont toutefois utilisées dans une minorité de cas si elles sont comparées au nombre de pro- cédures pénales traitées par le Ministère public genevois.

31 CJ GE, arrêt du 20.3. 2012, AARP/84/2012, c. 2.

32 TC VD, jugement du 27. 3.2014, PEJ 1.009754, c. 3

33 CJ GE, arrêt du 16.4. 2014, AARP/193/2014, c. 2. Dans le même sens, TC VD, jugement du 4.4.2014, PEll.010383, c. 4.

34 Juge unique compétent pour prononcer des peines privative de liberté jusqu'à deux ans: art. 96 LOJ/GE (loi genevoise sur l'organisation judicaire du 26 septembre 2010; RS/GE E 2 05).

35 Trois juges compétents pour prononcer des peines privatives de liberté jusqu'à dix ans: art. 97 et 98 LOJ/GE.

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Procédures pénales traitées par le Ministère public36

Nombre total de procédures37 Ordonnances pénales

Mise en accusation devant le Tribu- nal de police (y compris les procé- dures simplifiées et les maintiens d'ordonnances pénales)

Mise en accusation devant le Tribu- nal correctionnel (y compris les procédures simplifiées)

Mise en accusation devant le Tribu- nal crimine!Js

Total des mises en accusation

2012

15 564 7462

1104

187

4 1295

2013 2014

17212 22418 9092 11353

1168 1217

190 179

10 10

1368 1406

Il est ainsi possible de constater que les procédures sim- plifiées représentent une minorité des mises en accusation;

la procédure la plus largement utilisée pour traiter une pro- cédure pénale, qui ne fait pas l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) ou d'une ordonnance de classement (art. 319 ss CPP), est l'ordonnance pénale (art. 352 CPP).

Rapport entre les mises en accusa- tion en procédure simplifiée et en procédure ordinaire Total des mises en accusation Mises en accusation en procédure simplifiée

Pourcentage des mises en accusation en procédure simplifiée par rapport aux mises en accusation en procé- dure ordinaire

Rapport entre le nombre de procé- dures, les mises en accusation et les ordonnances pénales Nombre de procédures pénales Ordonnances pénales Pourcentage des ordonnances pénales par rapport au nombre de procédures

Mises en accusation en procédure ordinaire (y compris le maintien des ordonnances pénales)

2012 2013 2014

1295 1368 1406

119 160 180

9.19% 11.70% 12.80%

2012 2013 2014

15564 17212 22418 7462 9092 11353

47.94% 52.82% 50.64%

1176 1208 1226

36 Chiffres tirés des comptes rendus de l'activité du pouvoir judiciaire genevois, disponibles sur http:llge.ch/justicelcomptes-rendus-de- lactivite.

37 li convient de préciser que le Ministère public genevois ne se charge pas, sauf exception, des contraventions, lesquelles sont traitées par une autorité administrative (art. 17 al. 1 CPP): le service des contra- ventions (art. 11 LaCP/GE; loi genevoise d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009;

RSIGE E 4 10).

38 Sept juges compétents pour prononcer des peines privatives de liberté supérieures à dix ans (art. 99 et 100 LOJ/GE).

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Rapport entre le nombre de procé- dures, les mises en accusation et les ordonnances pénales

Pourcentage des mises en accusation ordinaires par rapport au nombre de procédures

Mises en accusation en procédure simplifiée

Pourcentage des mises en accusation en procédures simplifiées par rapport au nombre de procédures

2012

7.56%

119

0.76%

2013 2014

7.02% 5.47%

160 180

0.93% 0.80%

La procédure simplifiée est ainsi utilisée dans moins de 1 % des procédures pénales traitées par le Ministère public genevois et dans moins de 13% des procédures dans les- quelles il décide de saisir le tribunal de première instance d'un acte d'accusation.

Il faut noter que le rapport entre les mises en accusation en procédure simplifiée et les mises en accusation ordinaire peut être très différent d'un canton à l'autre. On constate en effet que si dans le canton de Genève il est de moins de 13%, il s'est élevé à 23% dans le canton de Saint-Gall en 201339

2. Les domaines et les résultats des procédures simplifiées en 2014

Le message du Conseil fédéral a mis en avant l'importance de la procédure simplifiée en matière de criminalité éco- nomique4o. Il est dès lors intéressant de déterminer dans quels domaines cette procédure est effectivement mise en œuvre.

Domaine des procédures simplifiées en 2014

Stupéfiants (principalement art. 19 al. 1 et 2 LSrup41; parfois en concours avec d'autres infractions, notamment l'art. 115 LEtr42) Vol (art. 139 CP43 ; régulièrement en concours avec l'art. 144 CP et/ou 186 CP)

Circulation routière (principale- ment art. 90 ch. 2 ou 3 LCR44) Brigandage (art. 140 CP)

Nombre de procédures simplifiées

105

31

23 10

Rapport aux 180 procédures simplifiées de 2014

58.33%

17.22%

12.78%

5.56%

39 HANSJAKOB, Zahlen und Fakten zum Strafbefehlsverfahren, FP 2014, 160, 163.

40 Voir supra n. 5.

41 Loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951; RS 812.121.

42 Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005; RS 142.20.

43 Code pénal suisse du 21 décembre 1937; RS 311.0.

44 Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958;

RS 741.01.

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Domaine des procédures simplifiées en 2014

Diverses infractions contre le patri- moine (criminalité économique) Infractions contre l'intégrité corporelle (art. 122 ou 123 CP)

Nombre de procédures simplifiées

8

3

Rapport aux 180 procédures simplifiées de 2014

4.4%

1.67%

Il faut ainsi constater que la majorité des procédures sim- plifiées a lieu en matière de stupéfiants. On peut également relever que plus de 70% des procédures simplifiées ont eu lieu dans le domaine des stupéfiants et de la LCR, où il n'existe pas de partie plaignante. L'explication pourrait dé- couler de la difficulté pratique de mener une procédure sim- plifiée avec une partie plaignante, laquelle dispose d'une place très importante dans cette procédure (art. 360 al. 3 CPP)45.

En revanche, la criminalité économique, pour laquelle la procédure simplifiée avait été originairement envisagée, ne représente qu'un très faible pourcentage des cas.

A noter que les premiers résultats dans le canton de Zu- rich dénotent également une tendance similaire, la majorité des procédures simplifiées ayant eu lieu dans le domaine des stupéfiants46.

Les premières expériences cantonales helvétiques semblent ainsi se distancer de la pratique allemande, où les sentences négociées sont très fréquentes dans le domaine économique47.

Les résultats des procédures simplifiées sont en outre les suivants:

Résultats des procédures Nombre de Rapport aux simplifiées en 2014 procédures 180 procédures simplifiées simplifiées de 2014

Jours-amende avec sursis 0

Jours-amende fermes 3 1.67%

Peine privative de liberté avec

sursis total 97 53.89%

Peine privative de liberté avec

43 23.89%

sursis partiel

Peines privatives de liberté fermes 28 15.56%

Mesures 2 1.11%

Refus du Tribunal 7 3.89%

45 Sur la place de la partie plaignante, voir, par e:Xemple, ]EANNERET, Ordonnance pénale et procédure simplifiée: une autoroute semée d'em- bûches?, Jusletter du 13 février 2012, 24 ss.

46 BüRGISSER, Erste Erfahrungen mit dem abgekürzten Verfahren (Art. 358-362 StPO) in der Praxis, «Justice - Justiz - Giustizia»

2012/3, 11.

47 Voir THORMANN, La procédure simplifiée-simplification des procé- dures en droit pénal économique, in: HURTADO Pozo/THORMANN (éd.), Droit pénal économique, Zurich 2011, 571, 612 ss.

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L'écrasante majorité des sanctions prononcées par la voie de la procédure simplifiée sont donc des peines avec sursis ou sursis partiel.

Les sept refus prononcés en 2014 se décomposent ainsi:

Un cas où le prévenu a manifesté son désaccord avec l'aggravante retenue pour du vol (art. 139 CP) ainsi qu'avec la peine lors de l'audience de jugement;

Deux cas où le tribunal n'a pas accepté la qualifica- tion juridique retenue par le ministère public;

Quatre cas où le tribunal a renvoyé la procédure au ministère public car les sanctions contenues dans l'acte d'accusation en procédure simplifiée étaient trop clé- mentes.

Ces différents éléments ne sont qu'une photographie de l'utilisation de la procédure simplifiée dans la pratique. Des conclusions définitives ne peuvent bien évidemment pas en être tirées à ce stade.

On peut néanmoins relever que la procédure simplifiée reste une procédure qui est loin d'être majoritaire, mais non moins importante en pratique. Il faut préciser que les chiffres présentés dans la présente contribution ne prennent pas en compte les procédures simplifiées qui ont échoué devant le ministère public.

3. Excursus: les chiffres du Ministère public de la Confédération

L'examen des rapports annuels du Ministère public de la Confédération48 démontrent que la procédure simplifiée est utilisée environ trois fois plus fréquemment sur le plan fédé- ral que sur le plan genevois.

Rapport entre les mises en accu- sation en procédure simplifiée et en procédure ordinaire Total des mises en accusation (y compris maintien des ordon- nances pénales)

Mises en accusation en procédure simplifiée

Pourcentage des mises en accusation en procédure simplifiée par rapport aux mises en accusation en procé- dure ordinaire

4. Synthèse

2012

17

7

41.18%

2013 2014

20 32

9 9

45% 28.13%

La procédure simplifiée est ainsi une procédure quantitati- vement non négligeable à Genève ou à Saint-Gall et très importante sur le plan fédéral. Son existence permet des jugements rapides, principalement dans les domaines comme les infractions à la LStup où le prévenu est détenu et sera condamné à une peine privative de liberté avec sursis.

48 Disponibles sur http://www.bundesanwaltscha(t.ch!dokumentationl 00024/index.html?lang=(r.

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Elle permet une accélération de la procédure de juge- ment. Celle-ci n'est pas uniquement favorable aux tribunaux ou au ministère public, mais également aux prévenus, les- quels peuvent être jugés plus rapidement et, ainsi, fréquem- ment mis en liberté à l'issue de l'audience de jugement.

Dès lors, même si, à Genève, la procédure simplifiée n'est guère utilisée dans le domaine de la criminalité économique pour laquelle elle a été originairement envisagée, elle per- met d'accélérer les procédures. La pratique genevoise dé- montre en outre que l'écrasante majorité des peines fixées dans le cadre d'une procédure simplifiée sont compatibles avec le sursis total ou le sursis partiel, soit égale ou infé- rieure à trois ans (art. 42 et 43 CP). La crainte de l'utilisa- tion de cette procédure pour des affaires particulièrement graves49 n'est nullement fondée.

V. Deux questions pratiques

En pratique deux questions importantes, guère réglées par le CPP, doivent notamment être examinées par les parties lorsque l'opportunité de demander, négocier ou accepter une procédure simplifiée se pose: comment peuvent se dérouler les négociations et quelle est, ensuite, la marge de manœuvre du tribunal. Il s'agit, autant pour le ministère public que pour les parties, de connaître les risques décou- lant d'une négociation et, surtout, les risques de voir le tri- bunal refuser de ratifier la procédure simplifiée.

1. La négociation avec le ministère public

Les articles 358 ss CPP ne contiennent aucune précision sur la négociation d'une procédure simplifiée entre le prévenu - plus exactement son conseil (art. 130 let. e CPP) - et le mi- nistère publicso, pas plus que sur l'éventuelle participation de la partie plaignante à ce stade51

La loi se limite à préciser que la procédure doit être ini- tiée par le prévenu (art. 358 al. 1 CPP)52, que le ministère public statue sur l'exécution de la procédure simplifiée par une décision qui n'a pas besoin d'être motivée (art. 359 al. 1 CPP). Elle prévoit ensuite différents délais pour interpeller la partie plaignante, notifier un acte d'accusation et rece- voir l'acceptation des parties (art. 359 al. 2 et 360 CPP).

49 Initiative parlementairejos1rscH 12.496 du 12 décembre 2012: Code de procédure pénale. Abrogation ou du moins limitation de la procé- dure simplifiée.

50 Sur la négociation de la peine, voir en particulier: PAREIN, La négo- ciation de la peine dans le cadre de la procédure simplifiée, Jusletter du 29 novembre 2010.

51 En défaveur de la participation de la partie plaignante à la négocia- tion: KEHRER, Les faits abandonnés dans le cadre de la procédure simplifiée, Jusletter du 6 octobre 2014, n° 6.

52 A noter que P1TTELOUD, Code de procédure pénale suisse, Commen- taire à l'usage des praticiens, Zurich 2012, 694 estime, quant à lui, que nonobstant le texte de la loi, le procureur, voire même la police, peut suggérer au prévenu qu'une procédure simplifiée est envisageable.

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En revanche, les dispositions légales sur la procédure simplifiée ne contiennent aucune indication sur la négocia- tion qui va s'ouvrir entre le prévenu, voire la partie plai- gnante, et le ministère public. Tout au plus, l'article 362 al. 4 CPP précise que les déclarations faites par les parties dans la perspective d'une procédure simplifiée ne sont pas exploitables dans la procédure ordinaire qui pourrait suivre. Il convient dès lors d'examiner comment ces négociations peuvent avoir lieu. Uniquement sous forme écrite? Orale- ment, mais avec une obligation de tenir un procès-verbal?

Sans forme particulière?

Des négociations informelles ont lieu entre les parties et le ministère public. Elles sont souvent uniquement orales et ont lieu à la fin d'une audience ou par téléphone, unique- ment entre les avocats et le ministère public. En pratique, il n'est au demeurant pas rare que des discussions -déjà avan- cées et totalement informelles - aient même eu lieu avant même la demande formelle du prévenu d'ouverture d'une procédure simplifiée au sens de l'article 358 al. 1 CPP53.

Dans son message, le Conseil fédéral relève d'ailleurs que

«pour parvenir à cette identité de vue, les parties devront mener des négociations informelles qu'il n'y a pas lieu de régler dans le code de procédure unifié,,54.

La doctrine majoritaire soutient toutefois que l'article 76 al. 1 CPP, qui précise que tous les actes de procédure qui ne sont pas accomplis en la forme écrite sont consignés au pro- cès-verbal, impose la mention dans un procès-verbal de tous les éléments des négociationsss, allant parfois jusqu'à pré-

53 Ce qui semble d'ailleurs avoir été envisagé par le législateur: «Il est même probable que, souvent, la demande ne sera faite qu'à partir du moment où les parties (c'est-à-dire le ministère public et le prévenu) seront tombées d'accord sur les points essentiels de l'acte d'accusation»

(Message, op. cit. [n. 5], 1280). Voir aussi THORMANN, Das abge- kürzte (?) Vorverfahren - Ein abgekürztes Vademecum für die Staat- sanwaltschaft, FP 2011, 231, 233, qui admet de tels contacts préalables.

Une partie de la doctrine dénonce d'ailleurs le «marché de dupe» de la procédure simplifiée tel qu'il ressort du CPP où le prévenu doit faire des aveux afin de pouvoir ouvrir formellement la procédure simplifiée:

]EANNERET, Les procédures spéciales dans le Code de procédure pénale suisse, in: PFISTER-LIECHTT (éd.), La procédure pénale fédérale, Berne 2010, 137, 171. Voir également PAREIN, Les aveux dans le cadre de la procédure simplifiée (art. 358 ss CPP), Revue de l'avocat 2011, 32, 32.

54 Message, op. cit. (n. 5), 1280.

55 ScHWARZENEGGER, in: DoNATSCH/HANSJAKOs/L1EBER (éd.), Kom- mentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2' éd., Zurich 2014, art. 358n°15; GREINER/]AGGI, in: N1GGL1/HEER/W1PRiiCHTTGER (éd.), BSK StPO, 2' éd., Bâle 2014, art. 358 n° 65; DoNATSCH/ScHWARZE- NEGGER/WoHLERS, Strafprozessrecht, 2< éd., Zurich 2014, 313; Wü- THRICH, op. cit. (n. 8), 1586; DONATSCH/KouTSOG!ANNAKIS, Das Ges- tiindnis im Strafbefehls-sowie im abgekürzten Verfahren, in: KuHN/

MARGo/Arn1/ScHWARZENEGGER/DoNATSCH/Jos1rscH (éd.), Crimi- nologie, politique criminielle et droit pénal dans une perspective inter- nationale, Zurich 2013, 961, 972; PERRIN, in: KUHN/jEANNERET (éd.), CR-CPP, Bâle 2011, art. 358n°11; DoNATSCHIFREI, Die Prüfungspflich- ten des Gerichts beim abgekürzten Verfahren, in: HEER/HEIMGART- NERIN1ccu/THOMMEN (éd.), Festschrift für Hans Wipriichtiger, Bâle 2011, 73, 85; THORMANN, op. cit. {n. 47), 600; THORMANN, op. cit.

(n. 53), 235; ainsi que les références citées par ces différents auteurs.

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coniser que le CPP soit modifié afin de l'imposer explicite- ment à la procédure simplifiée56.

Le Tribunal pénal fédéral a d'ailleurs jugé qu'à défaut de consignation dans un procès-verbal de toutes les phases de la négociation et de leurs détails, la procédure simplifiée devait être rejetée et le dossier retourné au ministère pu- blic57.

ScHMID est cependant plus nuancé, soutenant que le contenu des négociations informelles n'a pas à être consigné dans un procès-verbal. En revanche, les dates des contacts, les participants et l'objet des négociations doivent être men- tionnés dans un procès-verba1ss. Quant à MAZOU et PITTELOUD, ils estiment que le contenu des discussions ne devrait pas être consigné au procès-verbal59 • Enfin, ÜBERHOLZER, sans se prononcer explicitement sur laques- tion, laisse entendre que le tribunal ne connaît pas le contenu des négociations entre les parties lorsqu'il examine l'acte d'accusation en forme simplifiée, sous-entendant apparem- ment que celles-ci ne doivent ainsi pas être documentées60.

Les tenants de la théorie de la consignation au procès- verbal estiment que celle-ci s'impose en application de l'ar- ticle 76 al. 1 CPP61. Nous ne partageons pas cette analyse.

Les dispositions sur la procédure simplifiée ne contiennent en effet aucune obligation de tenir un procès-verbal des né- gociations, et surtout de leur contenu. Il ressort du message du Conseil fédéral que cette absence de règle est volontaire:

les travaux préparatoires démontrent une volonté de s'abs- tenir de réglementer cette problématique afin de permettre des «négociations informelles»62.

L'article 76 al. 1 CPP figure certes dans le chapitre 8 du CPP sur les «règles générales de procédure». La procédure simplifiée est toutefois abordée dans un titre spécifique ré- servé aux procédures spéciales. Il faut dès lors procéder par la voie de l'interprétation afin de déterminer si l'article 76 al. 1 CPP est applicable à la procédure simplifiée.

Selon le Tribunal fédéral, l'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune propre- ment dite suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une si- tuation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié.

D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune pro-

56 STOHNl'.R, op. cit. (n. 8), 171.

57 TPF, jugement du 2.10.2013, SK.2013.34, c. 3.

58 ScHMID, Scbweizerische Srrafprozessordnung, Praxiskommentar, 2• éd., Zurich/Sr. Gall 2013, art. 358 n° 3.

59 PITTl'.LOUD, op. cit. (n. 52), 696; MAZOU, La procédure simplifiée dans le nouveau Code de procédure pénale: principes er difficultés, RPS 2011 (129), 1, 7.

60 ÜBERHOLZER, Grundzüge des Srrafprozessrechrs, 3• éd., Berne 2012, 527.

61 Voir supra n. 55.

62 Message, op. cit. (n. 5), 1280.

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prement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, d'intervenir en cas de silence qualifié63.

En l'espèce, le législateur s'est spécifiquement interrogé sur la négociation et a, explicitement, choisi de ne pas la réglementer afin de permettre des «négociations infor- melles»64. Ces notions mêmes excluent, par essence, une consignation dans un procès-verbal. A notre sens, il faut donc considérer que l'absence de réglementation de la phase des négociations de la procédure simplifiée dans le CPP équivaut à un silence qualifié, qui ne peut être comblé par une application de l'article 76 al. 1 CPP.

Il faut en déduire que la phase des négociations peut -et doit - demeurer informelle et ne pas faire l'objet d'un pro- cès-verbal. En cas d'échec de la procédure simplifiée, le contenu de ces négociations ne peut au demeurant être ex- ploité ni par le ministère public (art. 362 al. 4 CPP), ni par les autres parties65.

Seule la demande du prévenu (art. 358 al. 1 CPP), l'ac- ceptation du ministère public (art. 359 al. 1 CPP), l'inter- pellation des parties plaignantes (art. 359 al. 2 CPP), la notification de l'acte d'accusation (art. 360 al. 2 CPP) puis l'acceptation des parties (art. 360 al. 3 à 5 CPP) doivent être consignées et documentées au dossier.

2. Le pouvoir d'examen du tribunal

Seconde question très importante pour la pratique: quels sont les motifs qui permettent au tribunal de première ins- tance peut-il refuser un acte d'accusation en procédure simplifiée? Y-a-t-il un risque de voir le tribunal refuser une telle procédure car il estime uniquement que le recours à une procédure ordinaire est plus opportun?

A teneur de l'article 362 al. 1 CPP, le tribunal apprécie librement si l'exécution de la procédure simplifiée est conforme au droit et justifiée {let. a), si l'accusation concorde avec le résultat des débats et le dossier (let. b), si les sanc- tions proposées sont appropriées (let. c).

Le Tribunal pénal fédéral a eu une interprétation large de la faculté d'apprécier «librement» si une procédure sim- plifiée est «justifiée». Il a jugé qu'il pouvait annoncer dans un jugement qu'à l'avenir il n'accepterait plus de procédure simplifiée dans un domaine66. En revanche, à Genève, on constate que dans les sept refus de procédure simplifiée par les tribunaux en 2014, ce sont uniquement des questions juridiques, voire de peines trop clémentes, qui ont amené un rejet de la procédure. L'opportunité même du choix d'une procédure simplifiée n'a jamais été au cœur des débats67.

63 ATF 139 I 57 c. 5.2; ATF 131II562 c. 3.5.

64 Message, op. cit. (n. 5), 1280.

65 TC VD, jugement du 27.3. 2014, PEll.009754, c. 3.

66 TPF, jugement du 22. 8.2013, SK.2013.26, c. 5.

67 Voir supra IV, 2.

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A notre sens, l'approche du Tribunal pénal fédéral est problématique68, Comme l'a relevé le Conseil fédéral, «le caractère même de la procédure simplifiée limite les pou- voirs d'examen du tribunal»69•

Un premier courant doctrinal soutient ainsi que le tribu- nal, au vu de l'accord conclu entre les parties, devrait exer- cer son contrôle avec une certaine distance et n'intervenir que dans des cas particulièrement choquants70.

Un second courant estime que le tribunal doit clairement examiner l'opportunité de la procédure, notamment pour des motifs d'égalité de traitement71. Il est dès lors soutenu que des purs motifs d'opportunité peuvent être invoqués par le tribunal, lesquels pourraient même être différents d'une composition à une autre72.

Un troisième courant, intermédiaire en quelque sorte, soutient que le tribunal peut examiner la justification de la procédure simplifiée, mais uniquement en se basant sur des éléments objectifs73.

Il s'agit en définitive d'interpréter les notions d'apprécier

«librement» si la procédure est «justifiée» qui figurent à l'article 362 al. 1 let. a CPP.

Selon le Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge doit rechercher la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu'elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulière- ment de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (in- terprétation systématique)74. Lorsqu'il est appelé à interpré- ter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragma- tique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité75.

68 Dans le même sens, STOHNER, op. cit. (n. 8), qui estime que cette approche va trop loin.

69 Message, op. cit. (n. 5), 1280.

70 ]EANNERET/KuHN, Précis de procédure pénale, Berne 2013, 437;

MORETLLON/PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale, Petit commentaire, Bâle 2013, arr. 362 n° 2; SCHMID, op. cit. (n. 58), art. 362 no 2 à 5. Pour un contrôle !imité, voir également LAUBE, Zum Ablauf und den Risiken des abgekürzten Verfahrens, in: TAGIHAURI (éd.), Schweizerische Strafprozessordnung, Zurich/St. Gall 2010, 143, 161 et, semble+il, PITTELOUD, op. cit. (n. 52), 705-706.

71 DONATSCH/SCHWARZENEGGER/WOHLERS, op. cit. (n. 55), 320;

SCHWARZENEGGER, in: DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER (éd.), Kom- mentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2éd., Zurich 2014, art. 362 no 3.

72 PERRIN, op cit. (n. 55), art. 362 n° 3.

73 GREINER/]AGGI, op. cit. (n. 55), art. 362 3 et 8a. Voir aussi DONATSCH/FREI, op. cit. (n. 55), 82.

74 ATF 141II53 c. 5.4.1; ATF 138 III 166 c. 3.2.

75 ATF 140 II 202 c. 5.1; ATF 139 IV 270 c. 2.2; ATF 137 III 344 c. 5.1.

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En l'espèce, l'interprétation littérale est délicate. Le terme librement signifie-t-il un contrôle en opportunité? L'indica- tion de l'absence d'une limitation à l'arbitraire?

Compte tenu de leur rôle de gardien du droit, les tribu- naux n'ont en règle générale pas le pouvoir de contrôler l'opportunité d'une décision76. D'ailleurs, le législateur a expressément précisé dans le CPP lorsqu'il a souhaité qu'un tribunal se charge d'un contrôle d'opportunité (art. 393 al. 2 let. cet art. 398 al. 3 let. c CPP). D'un point de vue systé- matique, il ne semble ainsi pas que l'article 362 al. 1 let. a CPP vise à laisser le juge effectuer un contrôle de l'oppor- tunité de la procédure simplifiée.

Si le texte allemand («angebracht») semble, comme le texte français, permettre de douter que l'article 362 al. 1 let. a CPP autorise le juge de la procédure simplifiée à examiner ]'opportunité de la procédure, le texte italien ne confirme pas ces doutes. C'est en effet le terme «opportuna»

qui est employé.

Sur le plan historique, il ressort du message du Conseil fédéral que même si le législateur a utilisé la terminologie

«apprécie librement», il a également relevé que la procédure simplifiée, par essence, «limite les pouvoirs d'examen du tribunal»77•

Du point de vue téléologique, le Tribunal fédéral a relevé que le contrôle du tribunal est un des mécanismes de pro- tection de cette procédure spéciale78. Il ne saurait ainsi être question de limiter le pouvoir de contrôle du tribunal qu'aux cas particulièrement choquants comme le soutient une par- tie de la doctrine.

En revanche, les interprétations systématique et histo- rique, ainsi que dans une moindre mesure littérale, doivent amener à exclure un contrôle de l'opportunité même du choix de la procédure simplifiée par le tribunal. Celui-ci doit uniquement examiner librement, c'est-à-dire avec un examen complet en fait et en droit79, les résultats de la pro- cédure simplifiée afin de s'assurer:

1) que les règles formelles de la procédure simplifiée ont été respectées (art. 362 al. 1 let. a CPP);

2) que les règles matérielles de la procédure simplifiée ont été respectées, notamment que l'accord conclu est conforme au droit (art. 362 al. 1 let. a CPP);

3) que le résultat de la procédure est conforme aux élé- ments matériels contenus dans le dossier (art. 362 al. 1 let. b CPP);

4) que les sanctions sont appropriées (art. 362 al. 1 let. c CPP)80.

76 TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève 2011, 173.

77 Message, op. cit. (n. 5), 1280.

78 ATF 139 IV 233.

79 Voir, mutatis mutandis, ATF 135 II 369 c. 3.3.

80 Voir, DoNATSCH/ScHwARZENEGGER/WoHLERS, op. cit. (n. 55), 320.

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Le tribunal ne peut cependant pas indiquer qu'il va refu- ser une procédure simplifiée au vu du domaine concerné ou de sa préférence de trancher ces cas par procédure ordinaire.

Ce choix n'appartient pas au tribunal, qui ne peut pas exa- miner l'opportunité du choix de la procédure simplifiée par le ministère public.

A notre sens, l'approche du Tribunal pénal fédéral pré- citée81 n'est ainsi pas conforme à l'article 362 CPP.

VI. Conclusion

La procédure simplifiée est, quantitativement, utilisée de manière non négligeable en pratique. Elle permet d'accélé- rer les procédures en particulier en cas de prononcé de peine privative de liberté avec sursis complet. Elle est donc avan- tageuse pour le ministère public, pour le tribunal et le pré- venu. Sa suppression ou sa limitation seraient ainsi une ré- gression très importante pour la pratique. Elle serait au demeurant contraire au principe de la célérité, principe fon- damental en procédure pénale (art. 5 CPP}

L'examen de chiffres genevois tend à démontrer que celle-ci est avant tout utilisée dans deux domaines où la partie plaignante est absente: les infractions à la LStup et à la LCR. En revanche, cette procédure n'est, à Genève, que peu utilisée dans le domaine de la criminalité économique pour lequel elle avait été initialement envisagée par le légis- lateur. Cette conclusion n'est toutefois nullement absolue.

Premièrement, les chiffres examinés dans la présente contribution ne couvrent qu'une année. Deuxièmement, les chiffres du Ministère public de la Confédération laissent à penser que cette procédure peut s'appliquer dans le domaine de procédures plus complexes.

Enfin, il ressort d'un examen du CPP que la négocia- tion d'une telle procédure peut rester informelle et ne doit

81 Voir supra o. 66.

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pas faire l'objet d'une obligation de consigner tous les éléments dans un procès-verbal. Les tribunaux ne peuvent en outre pas refuser des procédures simplifiées pour des purs motifs d'opportunité, par exemple parce qu'ils sou- haitent établir de la jurisprudence dans certains domaines du droit.

Mots-clés: procédure simplifiée, statistique, formalisation des négociations, pouvoir d'examen du tribunal

Stichworter: abgekürztes Verfahren, Statistik, Formalisie- rung der Verhandlungen, Prüfungsbefugnis des Gerichtes

Résumé: L'auteur examine l'utilisation pratique de la procédure simplifiée dans le canton de Genève. Les chiffres démontrent qu'il s'agit d'une procédure relative- ment fréquente et particulièrement utilisée en matière de stupéfiants et de circulation routière, mais peu en matière de criminalité économique. L'auteur analyse également de manière critique l'obligation de consigner dans un procès-verbal les éléments relatifs à la négociation de la procédure simplifiée ainsi que le pouvoir du juge de reje- ter une procédure simplifiée.

Zusammenfassung: Der Verfasser untersucht die prak- tische Anwendung des abgekürzten Verfahrens im Kan- ton Genf. Die Zahlen belegen, dass es sich um ein relativ haufiges Verfahren handelt, welches besonders bei Betaubungsmittel-und Strassenverkehrsdelikten, selten aber im Bereich der Wirtschaftskriminalitiit angewandt wird. Der Verfasser wirft sodann einen kritischen Blick auf die Verpflichtung, die Bestandesteile der im Rahmen des abgekürzten Verfahrens geführten Verhandlungen zu protokollieren, sowie auf die Befugnis des Gerichtes, ein abgekürztes Verfahren abzuweisen.

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