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L’attachement parent(s)-enfant: un défi pour la pratique infirmière lors de la visite postnatale

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Academic year: 2021

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L’attachement parent(s)-enfant : un défi pour la pratique infirmière

lors de la visite postnatale

Marie Lacombe

a

et Linda Bell

b

a inf., Ph. D. Professeure sciences infirmières, UQAR - Campus de Lévis, 55 rue du Mont-Marie,

Lévis (Québec) G6V 8R9

b inf., Ph. D., Professeure sciences infirmière, Université de Sherbrooke, 2500 boulevard de l’université,

Sherbrooke (Québec) J1K 2R1

La période postnatale est une période d’ajustement social et affectif pour toute la famille. La visite postnatale effectuée très tôt après le retour à la maison devient donc un moyen privilégié pour l’infirmière afin d’observer l’établissement du lien d’attachement entre les parents et l’enfant. D’une part, le processus d’attachement implique une relation entre deux partenaires soit le parent et son enfant. D’autre part, l’attachement est un lien qui se développe progressivement au fil du temps. Il va de soi que le parent autant que l’enfant contribuent au déploiement de cette relation. Un des pièges pour l’intervenant est de croire que l’amour que portent les parents à leur enfant est un signe de l’établissement d’un lien d’attachement positif pour leur enfant. D’ailleurs, les enfants vivant des problèmes d’attachement au cours de leur première année de vie seraient plus vulnérables aux plans physique et émotif et plus susceptibles de présenter des retards de développement. Or, l’infirmière doit porter attention lors de la visite postnatale aux comportements et aux affects de l’enfant tout en considérant que l’évaluation des interactions reflète le comportement des deux membres de la dyade. Bref, une meilleure compréhension du lien d’attachement permet à l’infirmière lors du suivi postnatal de se sentir plus à l’aise et habile pour recueillir les informations nécessaires dans le but de promouvoir les interventions de soutien à l’établissement de cette relation et d’orienter judicieusement ses interventions.

Mots-clés : attachement, parent, enfant, période postnatale, famille, relation.

La période postnatale est une période importante d’ajustement social et affectif pour toute la famille (Santé Canada, 2000). C’est à ce moment que commence à se tisser les liens d’attachement parent(s)-enfant, si important pour la santé émotive de l’enfant et pour l’équilibre familial. En effet, l’établissement de la relation entre les parents et leur enfant constitue un enjeu majeur de l’adaptation familiale à la période postnatale (Santé Canada, 2000; Holtslander, 2005). La visite postnatale effectuée très tôt après le retour à domicile devient donc un moyen privilégié pour l’infirmière d’observer l’établissement du lien d’attachement entre les parents et l’enfant.

Dans la culture nord-américaine, l’attachement entre les parents et leur enfant est décrit comme un déterminant dans le développement socio-affectif de l’enfant (Bretherton & Waters, 1985; Main, 1990; Sroufe, Egeland, & Kreutzer, 1990; Goldberg, 1991) et de l’identité du rôle de parent

(Rubin, 1984; Mercer, 1995). D’ailleurs, les enfants vivant des problèmes d’attachement au cours de leur première année de vie seraient plus vulnérables aux plans physique et émotif et plus susceptibles de présenter des retards de développement (Bornstein, 2002).

À cet égard, le déroulement du processus de l’attachement parent(s)-enfant est un aspect important à observer lors de la période postnatale par les infirmières. Un des pièges pour l’intervenant est de croire que l’amour que portent les parents à leur enfant est un signe de l’établissement d’un lien d’attachement positif pour leur enfant. L’amour que les parents éprouvent pour leur enfant se manifeste de façon bien personnalisée. Il est possible que les comportements de certains parents traduisent mal leurs dispositions affectives. D’ailleurs, les

Correspondance : Marie Lacombe, Université du Québec à Rimouski, Campus de Lévis, 55 rue du Mont-Marie, Lévis (Québec) G6V 8R9. Tél : (418)-833-8800 poste 3298, Courriel : Marie_Lacombe@uqar.ca

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comportements d’attachement entre le parent et l’enfant peuvent changer selon les contextes, l’état et la réponse de l’enfant, les normes culturelles ainsi que l’état physique et émotionnel de la mère (Mercer, 1995).

Cet article discute de la théorie de l’attachement et de son processus. Par la suite, les facteurs influençant ce processus sont décrits ainsi que l’importance de l’attachement pour le développement de l’enfant. La dernière section présente les interventions de soutien suggérées pour promouvoir l’établissement du lien d’attachement parent(s)-enfant.

La théorie de l’attachement

Le terme « attachement » fait souvent référence à la théorie de l’attachement développé vers la fin des années 60 par John Bowlby, un psychiatre anglais. Cette théorie de Bowlby (1969) permet de conceptualiser la propension des êtres humains à établir des liens affectifs puissants avec des personnes particulières et d’expliquer nombre de formes de détresse émotionnelle et de perturbation de la personnalité dans le cas où ce lien n’est pas favorablement établi.

L’auteur définit l’attachement comme un lien puissant qui unit deux personnes. L’intérêt de Bowlby provient des observations reliées aux conséquences dramatiques chez l’enfant suite à une séparation prolongée ou à la perte de leur figure d’attachement (Gouin-Decarie, 1987). Par ses observations et ses recherches auprès de jeunes délinquants, Bowlby (1969) met en évidence l’importance de la formation d’une relation affective stable et durable entre l’enfant et une personne significative plus particulièrement la mère. La théorie de l’attachement explique que le développement socio-émotionnel des enfants est basé sur la qualité des interactions parent(s)-enfant, surtout au cours de la première année de vie. La théorie de l’attachement est fondée à partir de certains postulats provenant de l’éthologie, la biologie évolutionnaire, la cybernétique, la théorie développementale de la personne et la théorie psychanalytique.

De l’éthologie et de la biologie évolutionnaire, Bowlby postule que plusieurs espèces animales présentent un système de comportements leur permettant d’assurer leur survie. Ainsi, les enfants mettent en branle tout un répertoire de comportements lorsqu’ils sont en détresse ou en danger (les pleurs, par exemple) qui visent à aller chercher chez l’adulte la sécurité dont ils ont besoin. Le désir de l’enfant d’être proche de l’adulte serait donc biologiquement déterminé. De la cybernétique, Bowlby explique que la stratégie utilisée par l’enfant pour rechercher et maintenir la proximité avec l’adulte est conditionnée par

l’histoire interactionnelle entre les deux. De la théorie développementale de la personne, Bowlby infère qu’il existe des jalons dans le développement de l’attachement de l’enfant pour sa principale figure d’attachement. Ainsi, de la naissance à 8-12 semaines, l’enfant manifeste son besoin de proximité, mais sans discrimination ; jusqu’à 6-8 mois, il devient plus sélectif dans le choix des personnes à qui il répondra ; à l’étape d’attachement proprement dit, soit entre 8 et 18 mois, l’enfant manifeste une vive préférence à l’égard de sa figure d’attachement. L’orientation psychanalytique de la théorie de l’attachement est cernée dans ce que Bowlby appelle le “modèle opératoire interne” ou cet enregistrement des modes initiaux d’interactions avec la principale figure d’attachement dans une représentation interne de soi et des interactions avec les autres : un genre de “cassette intérieure”.

D’après cette théorie, l’intériorisation du modèle parental donne les bases pour les relations futures entre les personnes. De ce fait, lorsque devenu adulte, ce sont les représentations mentales du passé qui conditionnent la capacité à former d’autres liens d’attachement. D’ailleurs, l’expérience de parentalité met à jour la qualité du parentage reçu et le parent risque souvent de se comporter avec ses propres enfants selon la représentation qu’il a gardée de son expérience d’enfant (Hazan & Shaver, 1994).

Par ailleurs, certains outils ont été développés pour évaluer différents types d’attachement à partir du comportement de l’enfant. Se basant sur les travaux de Bowlby (1969), Ainsworth (1973) a conçu une situation expérimentale permettant de qualifier le type d’attachement établi entre le parent et son enfant : la “Situation étrangère”. La procédure de la “Situation étrangère” est une mesure de laboratoire, à l’intention des enfants de 12 à 18 mois, qui sert à opérationnaliser la qualité de la relation mère-enfant. La procédure développée permet d’examiner la relation d’attachement mère-enfant en portant une évaluation sur le comportement de l’enfant dans un contexte bien précis. Cette procédure est utilisée dans le contexte de la recherche et les comportements de la mère ne sont pas évalués lors de cette procédure. Ces expériences en laboratoire ont permis de catégoriser les types d’attachement susceptible d’être rencontrés.

Ces différentes observations ont conduit Ainworth (1973) à élaborer une classification des liens d’attachement de l’enfant envers sa mère. D’après l’auteure, les principales formes d’attachement se décrivent comme suit : 1] l’attachement sécurisant caractérisé par des signes de détresse au départ d’un des parents, des manifestations de joie au retour, l’enfant recherche la proximité du parent et ce dernier est sensible et

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compétent pour répondre à ses besoins (60% des enfants provenant de milieux socioéconomiques moyens se situent dans cette catégorie) ; 2] l’attachement évitant se distingue par une indifférence de l’enfant envers un des parents, celui-ci demeure impassible ou évite le parent, présence d’un manque de synchronie entre la demande de l’enfant et la réponse du parent (15% des enfants provenant de milieux socioéconomiques moyens se situent dans cette catégorie); 3] l’attachement ambivalent/résistant se manifeste chez l’enfant par la détresse, la colère et un besoin excessif d’être rassuré au retour du parent, le parent est inconsistant à répondre aux besoins de l’enfant (10 % des enfants provenant de milieux socioéconomiques moyens se situent dans cette catégorie); 4] l’attachement désorganisé / désorienté est le modèle relationnel le moins connu, mais ce modèle semble un mélange extrême des relations d'évitement et d'ambivalence (15% des enfants provenant de milieux socioéconomiques moyens se situent dans cette catégorie). À noter, ce dernier type d’attachement a été repéré par Main et Solomen (1990). Cet instrument de mesure est encore très utilisé aujourd'hui pour évaluer les types d’attachement.

Une alternative à la procédure expérimentale pour évaluer la relation de l’attachement développé par Waters et Deane (1985) est le Q-sort. La plus récente version inclut 90 items. Ces items sont définis à partir de la conception théorique de l’attachement élaborée par Bolby et Ainsworth en référence aux comportements d’attachement (la base de sécurité, l’exploration, la régulation affective, les schèmes de référence, le modèle interne).

Le processus du développement de

l’attachement

Le processus de développement de l’attachement de prime abord implique une relation entre deux partenaires. Or, le lien d’attachement se développe progressivement et de manière continue. Le parent autant que l’enfant contribuent au déploiement de cette relation. Au départ, la notion d’un moment critique a été rapportée par Klaus et Kennell (1976) pour l’établissement du lien d’attachement mère-enfant lors de la naissance de l’enfant. Cependant, les résultats de plusieurs études infirmeront l’hypothèse de Klauss et Kennel voulant que le contact précoce soit critique à l’établissement du lien maternel (Goldberg, 1983 ; Lamb & Hwang, 1982; Palkovitz, 1985). D’ailleurs, Klauss et Kennel reconnaissent que le lien d’attachement qui se développe entre la mère et son enfant est un phénomène hautement complexe et changeant, ne pouvant être

définitivement taxé par l’absence de contact à la naissance.

Cependant, la popularité d’un moment critique à l’établissement du lien d’attachement mère-enfant a pour principal mérite d’avoir contribué grandement à humaniser les soins en périnatalité au cours des années 80. Les soins infirmiers s’ajustent pour procurer aux parents ce contact précoce avec l’enfant. De nouvelles structures dans les unités de soins en périnatalité se sont développées pour donner l’opportunité aux parents de voir, de toucher, de prendre leur bébé le plus rapidement possible. La cohabitation devient de plus en plus populaire dans les milieux de soins. Les infirmières en milieu communautaire modifient les rencontres prénatales et adaptent de nouvelles stratégies pour faciliter la compréhension des parents des effets bénéfiques du contact précoce parent(s)-enfant.

En réalité, le processus d’attachement chez le parent envers l’enfant diffère de celui entre l’enfant et le parent. D’une part, l’attachement de l’enfant envers le parent est un lien affectif durable que l’enfant développe de manière continue envers la personne qui en prend soin. D’ailleurs, divers comportements présentés par l’enfant ont comme but de susciter l’interaction avec le parent et d’assurer ainsi la survie de l’enfant surtout lors d’un danger (MSSS, 2005). Par exemple, les sourires et les vocalisations sont des signaux indiquant que l’enfant veut entrer en interaction avec le parent. À l’inverse, les pleurs chez l’enfant suggèrent au parent de trouver une réponse à une détresse émise (MSSS, 2005). De ce point de vue, l’attachement de l’enfant envers le parent se définit par l’assurance ou non de ce dernier à le protéger, à le réconforter et à l’encourager afin de satisfaire ses besoins. L’enfant apprend progressivement par les réponses qu’il reçoit de son parent s’il peut lui faire confiance ou non pour explorer son environnement sans méfiance. C’est ce qui l’amène à développer un attachement sécurisant.

D’autre part, l’attachement du parent envers l’enfant se traduit par la sensibilité parentale. En effet, la sensibilité parentale semble un facteur déterminant dans le développement du lien d’attachement. D’ailleurs, c’est ce facteur qui a été le plus démontré pour sa contribution au lien d’attachement, quoique son rôle n’est pas exclusif (De Wolff & van Ijzendoorn, 1997). En effet, selon Steinhauer (1997), rien n’influence davantage le développement de l’enfant, après sa propre hérédité, que la qualité des soins parentaux. D’après Lacharité (2003), la sensibilité parentale s’exprime en quatre phases: 1] la détection des signaux émis par l’enfant, 2] la signification juste et appropriée des signaux, 3] la sélection d’une réponse juste et appropriée aux signaux et 4] l’application rapide de la réponse sélectionnée.

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D’après cet auteur, un enfant n’est pas d’une fragilité telle qu’il lui faille un taux de 100 % de sensibilité parentale pour pouvoir se développer adéquatement. En effet, les parents qui sont les plus sensibles ne le sont qu’environ 75-80 % du temps et la majorité des parents n’arrive à être sensible qu’à 60-75% du temps.

Différents comportements d’attachement parent(s)-enfant peuvent se manifester par le regard, le sourire, le langage partagé entre le parent et l’enfant. Ainsi, l’enfant se façonne une représentation du parent comme étant disponible et l’efficacité du parent à répondre de façon satisfaisante à ses besoins aide l’enfant à réguler ses émotions (MSSS, 2005). Ce n’est que lorsque les interactions sensibles ne sont plus majoritaires dans l’ensemble des échanges parent(s)-enfant que l’enfant semble être affecté négativement par le comportement du parent. D’ailleurs, la sensibilité parentale est aussi importante dans la relation père-enfant que celle mère-enfant. Alors, même si un parent aime son enfant, il est possible que cet amour dépasse les dispositions affectives du parent et que ce dernier rencontre des obstacles dans sa relation avec l’enfant.

Les facteurs influençant le processus

de l’attachement

Certains facteurs peuvent influencer la sensibilité parentale, qui par ricochet, influence le développement de l’enfant. Les trois principaux sont : 1] les relations antérieures du parent, 2] le stress et 3] le réseau social. Premièrement, le facteur ayant trait aux relations antérieures provient des représentations mentales du parent découlant de sa relation antérieure vécue avec ses propres parents. Ces représentations surgissent souvent lors de la naissance d’un enfant. D’ailleurs, les premières expériences relationnelles continuent d’avoir un impact sur les comportements d’attachement au cours de la vie et influencent la capacité du parent à répondre de façon sensible à l’enfant ((Olds, Kitzam, Cole, & Robinson, 1997). En effet, souvent le parent se comporte avec son enfant à partir de ses expériences relationnelles vécues précocement avec ses parents (Zeanath, 1996).

En ce qui concerne, le stress, celui-ci est considéré comme étant un facteur qui peut avoir une influence négative sur la qualité des soins parentaux offerts. D’ailleurs, un parent qui vit un évènement stressant se montre moins disponible et moins sensible aux besoins de l’enfant (MSSS, 2005). Alors, il est fortement suggéré de soutenir le parent afin qu’il puisse trouver des solutions acceptables pour résoudre une situation difficile.

Par ailleurs, l’influence du réseau social du parent a un impact majeur sur l’adaptation psychosociale des parents et peut avoir un effet positif sur la qualité de l’interaction mère-enfant. D’ailleurs, d’après Massin (2001), le soutien de la famille semble un facteur qui encourage l’adoption de conduites parentales adéquates.

L’importance de l’attachement pour le

développement de l’enfant

Des données d’études ont mis en évidence l’influence déterminante de la qualité de la relation que les parents établissent avec leur enfant, dès les premiers mois de sa vie, sur le développement global de l’enfant, sur sa capacité d’adaptation psychologique ainsi que sur son développement cognitif, affectif, physique et moteur (Kelley, Smith, Green, Berndt, & Rogers, 1998; Magill-Evans & Harrisson, 1999; Simmons, Goldberg, Washington, Fisher-Fay, & Maclusky, 1995; Weinfield, Sroufe, Egeland, & Carlson, 1999). Au niveau émotionnel, une relation de bonne qualité parent(s)-enfant favorise à plus long terme, chez ce dernier, le développement d’un sentiment d’efficacité personnelle, une meilleure capacité d’autorégulation et des attentes plus positives en regard des relations interpersonnelles (Greenberg, 1999; Thompson, 1999; Weinfield et al., 1999). Enfin, une plus grande capacité de contact interpersonnel a également été observée chez ces enfants lorsqu’ils sont d’âge scolaire (Weinfield et al., 1999).

D’autre part, les enfants vivant des problèmes d’attachement au cours de leur première année de vie seraient plus vulnérables aux plans physique et émotif et plus susceptibles de présenter des retards de développement (Bornstein, 2002). De plus, ces enfants devenant moins habiles dans les relations interpersonnelles auront à l’âge préscolaire et scolaire, tendance à s’isoler, à vivre plus de colère, plus d’anxiété et plus de comportements agressifs (Weinfield et al., 1999). En outre, les difficultés relationnelles précoces entre les parents et leur enfant sont associées à des problèmes de comportements de l’enfant dès l’âge de trois ans ainsi qu’à des difficultés d’adaptation à la garderie et au milieu scolaire (Wakschlag & Hans, 1999).

Les différences individuelles constatées dans la qualité de la relation d’attachement parent(s)-enfant dépendent principalement de la qualité des soins reçus (Weinfield et al., 1999). De ce fait, il semble important pour les infirmières de promouvoir précocement des interventions de soutien pour l’établissement du lien d’attachement parent(s)-enfant.

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Les interventions de promotion de

soutien à l’établissement de la relation

parent(s)-enfant

La relation entre les parents et leur enfant est sans contredit une situation extrêmement sensible lorsque vient le temps de l’évaluer (Bell, Sylvestre, St-Cyr Tribble, Goulet, & Tronick, 2004). L’entrevue avec les parents et l’observation directe des interactions des parents avec l’enfant sont des moyens à privilégier pour recueillir de l’information sur l’établissement de la relation parent(s)-enfant lors de la visite postnatale.

L’observation des interactions parent(s)-enfant peut s’effectuer dans différents contextes de soins (bain, boire, jeu social) lors de la visite postnatale. Il importe aussi, lors de l’observation et de l’évaluation de l’établissement du lien d’attachement, de prendre en considération le développement de l’enfant, son état de santé et les évènements entourant la famille (Bell et al., 2004). L’infirmière doit porter attention, lors de la visite postnatale, aux comportements et aux affects de l’enfant tout en prenant compte que les évaluations des interactions reflètent le comportement des deux membres de la dyade.

D’ailleurs, un outil a été développé par Bell et ses collègues pour observer et favoriser la sensibilité parentale dans les soins parentaux (Bell, Fontaine, Lajoie, & Puentes-Neuman, 2005)1.Le

développement de l’outil provient d’une série d’études dont le but était de mieux cerner la manière dont se construit la relation parent(s)-enfants au cours des premiers mois de vie de l’enfant (Bell, 1996; Bell, Goulet, St-Cyr Tribble, Paul, & Polomeno, 1996; Bell, St-Cyr Tribble, & Goulet, 2002; Goulet, Bell, St-Cyr Tribble, Paul, & Lang, 1998) et ce, selon une perspective familiale. Globalement, ces différentes études ont permis d’identifier les cinq composantes de cette relation : la découverte de l’enfant, le contact physique, la relation affective, l’établissement des interactions et l’investissement personnel dans le rôle parental. Voici, de façon sommaire, les différentes définitions qui concernent ces composantes.

La découverte de l’enfant se définit comme étant le processus par lequel les parents font la connaissance de leur enfant afin de mieux comprendre l’expression de ses besoins. Le contact physique entre le parent et son enfant fait appel aux comportements adoptés par le parent et l’enfant pour interagir. Le développement de la relation affective se caractérise par la disposition affective des parents à l’égard de leur enfant et de leur nouveau rôle qui se manifeste dans

1 L’outil peut être utilisé par les intervenantes ayant reçu la formation régionale sur l’attachement parents-enfant donnée par Bell et ses collègues en Estrie.

l’expression de plaisir, de sentiment de compétence à s’occuper de l’enfant et de contrôle sur leur expérience. L’initiation des interactions par les parents avec leur enfant correspond à l’habileté et à la motivation des parents à initier, maintenir et terminer les interactions avec leur enfant en tenant compte des capacités interactives de ce dernier. La composante de l’investissement du rôle parental réfère à la capacité du parent à assumer de nouvelles responsabilités et à s’engager réellement envers l’enfant. Les parents se sentent responsables de la sécurité, de la croissance et du développement de leur enfant. Cet outil fournit aux infirmières des repères utiles afin d’identifier précocement les forces et les faiblesses dans l’établissement du lien parent(s)-enfant à la période périnatale.

La visite postnatale devrait viser à fournir aux parents du soutien émotionnel et de l'information sur le développement et la santé des enfants de même qu'à réduire l'isolement social de la famille. De plus, ces visites devraient être l'occasion d'enseigner aux parents des stratégies éducatives plus adaptées aux besoins des enfants. Tout d’abord, l’infirmière doit tenir compte de la représentation que se font les parents de la relation avec l’enfant, leur comportement dans l’interaction avec l’enfant et la réaction de l’enfant (Bell et al., 2004). Ce sont des indicateurs importants pour comprendre l’interaction qui peut se développer entre le parent et l’enfant.

Par ailleurs, différentes stratégies peuvent être suggérées par les infirmières pour augmenter la sensibilité parentale lors de la visite postnatale à l’aide de diverses activités. Premièrement, l’infirmière peut favoriser la proximité du parent par la fréquence et la durée des contacts physiques notamment en parlant et caressant l’enfant lors des soins ou en le portant ou en le massant. En second lieu, l’infirmière peut soutenir le parent en l’accompagnant à s’engager afin de mieux connaître les caractéristiques individuelles de l’enfant (cycles de sommeil et d’éveil, alimentation…) et les capacités interactives de l’enfant. D’ailleurs, l’infirmière peut proposer aux parents de visualiser le vidéo sur l’évaluation comportementale du nouveau-né proposée par Brazelton à partir du Neonatal Behavioral Assessment Scale (NBAS) démontrant les compétences du nouveau-né. Troisièmement, l’infirmière peut aider le parent à augmenter sa sensibilité en l’encourageant à développer des habiletés pour détecter les signaux de l’enfant, par exemple, lorsque l’enfant manifeste un comportement pour susciter l’interaction tel que suivre du regard ou bien l’inverse, lorsque qu’il se montre fatigué en détournant le regard. Par ailleurs, l’infirmière peut aider le parent à interpréter correctement les signaux émis par

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l’enfant en en le soutenant dans son habileté à sélectionner et appliquer rapidement une réponse juste et appropriée, car bien souvent, les enfants envoient des signaux tels que les pleurs pour savoir si son parent est à proximité. Quatrièmement, l’infirmière doit évaluer le réseau de soutien social de la famille et, si besoin, les référer à différents organismes communautaires. Aussi, l’infirmière peut amorcer une discussion avec les parents sur le développement de la relation parent(s)-enfant. En dernier lieu, si l’infirmière lors de la visite postnatale soupçonne une difficulté, elle peut recommander des tâches à la famille et retourner pour évaluer l’impact des interventions ciblées sur l’évolution du développement de la relation parent(s)-enfant.

Conclusion

Les interventions efficaces de soutien à l’établissement de la relation d’attachement parent(s)-enfant ont donc pour but d’augmenter la sensibilité parentale à l’intérieur des cinq composantes des soins parentaux selon une perspective familiale systémique. Les objectifs à rencontrer lors des diverses activités proposées sont d’augmenter la sensibilité parentale, de prolonger les interactions parent(s)-enfant et de favoriser le contact physique parent(s)-enfant pour que chacun des partenaires puisse vivre des interactions agréables. D’ailleurs, un soutien aux parents peut prévenir les échecs dans l’établissement de la relation parent(s)-enfant et les conséquences négatives qui peuvent en résulter. Il nous apparaît donc essentiel de bien évaluer le réseau social de soutien des parents puisque le soutien est considéré comme étant une des variables qui contribue le plus à l'adaptation des individus et aux différents stress auxquels ils sont confrontés.

L’observation et l’évaluation de la relation parent(s)-enfant font partie intégrante des responsabilités inhérentes aux infirmières en périnatalité qui travaillent auprès des jeunes familles. Une meilleure compréhension du lien d’attachement permet à l’infirmière lors du suivi postnatal, de se sentir plus à l’aise et plus habile pour recueillir les informations nécessaires dans le but de promouvoir des interventions de soutien à l’établissement de la relation d’attachement parent(s)-enfant et d’orienter judicieusement ses interventions. Pour ce faire, il importe de former les infirmières sur le lien d’attachement afin qu’elles intègrent un langage commun et uniforme pour observer le déroulement du processus du lien d’attachement parent(s)-enfant. Il va de soi que les infirmières occupent une place stratégique pour évaluer avec les parents l’expérience

d’attachement du parent avec son enfant afin de dépister précocement les difficultés d’attachement.

Bref, la compréhension de l’attachement permet de mieux interpréter l’expérience des parents et des enfants afin de soutenir le plus adéquatement possible les habiletés parentales en émergence lors de la visite postnatale.

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