In memoriam / In memoriam
F. ESCHWÈGE
Hommage au Pr Maurice Tubiana A tribute to Professor Maurice Tubiana
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M. Tubiana vient de s’éteindre à 93 ans, après une longue et pleine vie consacrée à la science, la médecine et la cancérologie. Né en Algérie, il sera toujours marqué par ses années d’enfance et d’adoles- cence. Après ses études secondaires à Alger, il commence ses études médicales à Paris, interrompues par la guerre puis par les lois antisémites. Il va combattre, passant par l’Espagne et arrêté, s’évade, s’en- gageant ensuite dans les Forces françaises libres, suivent les campagnes de Tunisie, d’Italie, débarquant en Provence en août 1944, blessé, rapatrié à Alger, il recevra la Croix de guerre et la Légion d’honneur.Il reprend ses études médicales, interne des hôpitaux de Paris en 1945, docteur en médecine en 1946, docteur en physique en 1947. Sur les conseils de Robert Debré et Fréderic Joliot-Curie qu’il admire pro- fondément, il part aux Etats-Unis dans le laboratoire de John Lawrence à Berkeley.
À son retour, il crée à l’hôpital Necker un laboratoire consacré à l’utilisation des isotopes radioactifs en médecine et en biologie. Professeur de physique médicale en 1952, c’est à cette date que P.-F. Denoix lui demande de le rejoindre à l’institut Gustave-Roussy pour bâtir « avec son aide un ensemble conçu pour faciliter la coopération entre la recherche et la clinique », concept qu’il gardera dans son esprit toute sa vie. Chef du service bêtatron et des isotopes, il introduit physiciens et informaticiens qui vont avec de jeu- nes cliniciens rendre possible les progrès techniques de la radiothérapie de haute énergie avec l’utilisa- tion du bêtatron puis du premier télécobalt hospitalier. Il crée un laboratoire de radiobiologie qui va s’agrandir progressivement. Cliniciens et chercheurs du département des radiations vont au cours des années accueillir étudiants français et étrangers. Le département devenant le passage quasi obligé dans la formation des oncoradiothérapeutes attirés non seulement par la formation clinique, les activités de recherche, mais aussi la polydisciplinarité et le rayonnement du patron toujours très actif.
M. Tubiana va ainsi jusqu’en 1988 poursuivre sa carrière à l’IGR. Il va y développer de nouvelles métho- des de scintigraphie isotopique, en particulier en pathologie thyroïdienne et en hématologie. La radiothé- rapie médicale prend une place importante grâce aux progrès de l’imagerie et de l’informatique. En biolo- gie, les travaux vont déboucher sur l’amélioration des connaissances sur la prolifération médullaire dans les territoires non irradiés, l’existence de facteurs tumoraux inhibant la prolifération des cellules souches, la mise en évidence des séquelles d’irradiation dans les tissus irradiés. C’est grâce à ses travaux sur la croissance tumorale que va être montrée l’importance des intervalles de temps entre la naissance de la tumeur et la survenue des métastases, ou entre celles-ci et la détectabilité clinique à l’origine des travaux sur le dépistage et les traitements adjuvants des cancers.
Trois cent cinquante travaux scientifiques vont ponctuer cette activité de clinicien et de chercheur, portant aussi bien sur l’histoire naturelle du cancer du sein, la radiosensibilité, les associations chimioradiothéra- pies, les lymphomes ou les cancers de la thyroïde, etc.
Cette activité scientifique ne l’empêche pas d’être chargé par Edgar Faure en 1968 de la réforme des études médicales, d’être l’un des sages, et 15 ans plus tard, de présider la commission cancer et préparer pour Mme Veil des éléments de combat de son ennemi personnel le tabac. Représentant de la France Correspondance :ef.eschwege@wanadoo.fr
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Oncologie (2013) 15: 499–500© Springer-Verlag France 2013 DOI 10.1007/s10269-013-2342-2
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dans l’action européenne contre le cancer, expert consultant à l’OMS, à l’AIEA, membre fondateur avec Georges Mathé de l’EORTC, l’un des fondateurs de l’ESTRO. Directeur de l’institut Gustave-Roussy en 1982, il le restera jusqu’en 1988, membre de l’Académie des sciences, de l’Académie nationale de méde- cine dont il deviendra président en 2001.
La retraite, mot qu’il déteste, ne modifie pas son activité. C’est au centre Antoine-Béclère qu’il préside qu’il la poursuit, recevant visiteurs et organisant colloques et réunions. C’est là qu’il rédige ses principaux ouvrages dont un précis de radiobiologie célèbre et ses livres de vulgarisation dont le dernierArrêtons d’avoir peur,comme ses mémoiresN’oublions jamais. Il dénonce les fausses idées, les dogmes, dénonce les peurs sans objet (OGM, téléphonie mobile, gaz de schiste). Il continuait à défendre l’énergie nucléaire, l’écolo-sciences et s’alarmait de la place de la recherche et de la science dans la société. Il n’était pas poli- tiquement correct, cachait ses sentiments sous un abord parfois froid, fidèle en amitié, ses collègues et ses élèves admiraient son intelligence exceptionnelle, sa mémoire sans défaillance au service de travaux qu’il a poursuivis jusqu’à son décès.
En juin dernier, il pensait à son nouveau livre dont il avait déjà donné le titreFaire face. Il craignait la déchéance physique et abordait avec lucidité fin de vie et euthanasie dans une réflexion ultime que son esprit rationnel pouvait envisager le plus sereinement possible.
M. Tubiana aimait particulièrement sa famille ; amateur de peintures, il cherchait la lumière du soleil et la mer.
Récipiendaire de la Gray Medal, de la Breur Medal, de la Roentgen Medal, il était grand-croix de la Légion d’honneur. Les honneurs militaires lui ont été rendus aux Invalides.
Élève du Professeur Maurice Tubiana, François Eschwège est Professeur Honoraire de Cancérologie- Radiothérapie, il a été chef du département de radiothérapie de l’Institut Gustave Roussy et sous-directeur
de l’Institut.
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