Une approche moléculaire
pour comprendre et améliorer la résistance au choc
des matériaux polymères
Jean Louis HALARY
Laboratoire de Physico-chimie des Polymères et Milieux Dispersés (UMR 7615) Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielles de la Ville de Paris
10, Rue Vauquelin, F-75231 Paris Cedex 05
jean-louis.halary@espci.fr
Introduction
La résistance au choc est une propriété critique pour les applications de nombreux polymères amorphes vitreux Une préoccupation de longue date a été :
1) de prédire la relation existant entre cette propriété et la structure chimique des chaînes polymères
2) de trouver des moyens pour remédier à leur fragilité éventuelle
Une approche moléculaire des phénomènes, basée en particulier sur la considération de familles de polymères modèles, a offert de nouveaux éléments de compréhension
L. Monnerie et al in: ‘‘ Intrinsic Molecular Mobility and
Toughness of Polymers ’’, Advances in Polymer
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Grandes lignes de la présentation
1. Caractérisation de la résistance à la rupture par des mesures de K Ic et G Ic
2. La dynamique des chaînes macromoléculaires 3. Relation entre K Ic , enchevêtrements et mobilité
moléculaire dans l’état vitreux
4. Sensibilité de K Ic à la masse molaire des polymères 5. Nouveaux remèdes à la fragilité des réseaux
thermodurcissables
exemple de réseaux époxy modèles
exemple de réseaux hybrides méthacrylate de méthyle - nanosilice
6. Conclusions
1.
L’évaluation de la résistance au choc se fait souvent par des essais en flexion 3 points sur éprouvette entaillée
B
W = 2B
4W
a
pre-crack notch
0.45 <a/W < 0.55
STANDARD ISO 13586-1
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Mécanisme de propagation de fissure
dans un polymère amorphe fragile
Mécanisme de propagation de fissure dans un polymère semi-cristallin
F
F
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Détermination de K Ic
B: épaisseur de l’éprouvette = 6 (or 10) mm W: hauteur de l’éprouvette
P
max: charge à la rupture f: facteur géométrique :
a: longueur cumulée entaille + pré-entaille f = 6 a
W
1/2 1.99 − a
W 1− a W
2.15 − 3.93 a
W + 2.7 a W
2
1+ 2 a W
1 − a W
3/ 2
200
150
100
50
0 Load (N) (N)
0.8 0.6
0.4 0.2
0.0
Displacement (mm)
P max
A-1I
A-1.8T
Incertitude sur la mesure de K Ic : ± 0.1 MPa.m 1/2 Polymère FRAGILE : K Ic < 1,5 MPa.m 1/2
Polymère RESISTANT AU CHOC : K Ic > 2,5 MPa.m 1/2
G Ic = U
BW i Φ
Incertitude sur la mesure de G Ic : ± 0.1 kJ.m -2
G = K 2 (1 – ν 2 ) / E dans des conditions de
B: épaisseur de l’éprouvette = 6 (or 10) mm, W: hauteur de l’éprouvette U
i: aire sous la courbe entre 0 et P
maxΦ : facteur géométrique Φ = Θ + 18.64 d Θ d a W
Θ = 16 a W
2
1− a W
2 8.9 − 33.717 a
W + 79.616 a W
2 − 112.952 a W
3 + 84.815 a W
4 − 25.672 a W
5
Θ calculé par l’expression :
Détermination de G Ic
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2.
Quelques rappels sur la dynamique des chaînes polymères Mobilité moléculaire :
- thermoactivée
- et (ou) induite par une contrainte mécanique
Relaxations secondaires à basse température (T γ , T β ) Transition vitreuse (Tg)
[relaxation principale α ]
Dynamique d’écoulement de la chaîne entière (rôle des enchevêtrements éventuels)
Température
croissante
Relaxations secondaires à basse température
Principaux moyens d’identification et de caractérisation : Analyse dynamique mécanique
Analyse diélectrique (si groupe polaire) RMN haute résolution dans l’état solide
Ex. 1 : transition chaise-chaise du groupe cyclohexyle
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Transition chaise-chaise du groupe cyclohexyle = relaxation γ
γ
γ
Transition chaise-chaise du groupe cyclohexyle = relaxation γ
1212
11log2,3fEafRTT =−−
(Arrhénius)
Ea ~ 25 kJ.mol -1
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Ex. 2 : rotations (ou oscillations) de groupes latéraux
DIELECTRIQUE
MECANIQUE
Processus Arrhénien
Ea ~ 80 kJ.mol -1
Ex. 3 : torsions (localisées) de la chaîne principale
MECANIQUE
Processus Arrhéniens
Cas de polymères sans chaîne latérale
MECANIQUE
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Ex. 4 : coopérativité des mouvements β du PMMA
Expérimental : - 40°C
Expérimental : + 60°C
Spectre simulé
Description thermodynamique
des mouvements β coopératifs (Starkweather)
Δ G
a= Δ H
a- T Δ S
aν = (kT/ 2 π h) exp(- Δ G
a/RT) = (kT/ 2 π h) exp(- Δ H
a/RT)exp( Δ S
a/R) fréquence ν du mouvement :
Ea = RT [1 + ln(k/ 2 π h) + ln(T/ ν )] + T Δ S
aΔ H
a= Ea – RT*
T* Δ S
a= Ea – RT* [1 + ln(kT*/2 π h)]
Pour une fréquence de relaxation de 1 Hz et une température T* du massif de relaxation
:
Mouvements coopératifs si Δ Sa ~ 100 J.K -1 .mol -1
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Transition vitreuse
Principaux moyens d’identification et de caractérisation : Essais mécaniques
Analyse enthalpique différentielle
Analyse diélectrique (si motif de répétition polaire) Méthodes de modélisation moléculaire
diagrammes d’état d’un polymère amorphe
Transition vitreuse :
une transition cinétique Equivalence temps-température
10 100 1000
0 50 100 150 200
160 170 180 190 200 210
M o d u l e d e c o n s e r v a t i o n
E' ( M P a )
M o d u l e d e p e r t e E ' '( M P a ) Température (°C)
f = 1 Hz
Notion de
«temps expérimental»
100 1000
50 100 150 200
ul e d e c o n s e r v at i o n
E ' ( M P a )
M od u l e d e E ' '( M
T = 183°C
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Transition vitreuse : une transition cinétique
Courbe maîtresse
0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5
-2 -1 0 1 2 3 4
103°C 105°C 107°C 109°C 111°C 113°C 115°C 117°C
l o g E ' [E ' , M P a]
log(1/f) [f, Hz]
Idem pour E’’
avec les mêmes facteurs de glissement log a(T/To)
E(T,f) =E(To, fo.aT/To)
cT/Tocô(T) log=log(a)ô(To)
o1T/Too2
C(T-To)loga=-C+T-To
Loi WLF
Théories de la Tg Approche de type
« volume libre »
A T > Tg :
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Théories de la Tg
Approche
« thermodynamique »
Mise en évidence d’une température
T
infÉtat vitreux =
État conformationnel hors équilibre
T
1Méthodes de simulation des mouvements moléculaires
Influence du temps de simulation (t 3 > t 2 > t 1 )
Centre d’Alembert, ORSAY 23
Mise en évidence des enchevêtrements
Principaux moyens d’identification et de compréhension : Analyse dynamique mécanique (plateau caoutchoutique) Rhéologie (dans la zone d’écoulement)
Modèles théoriques
Images d’enchevêtrements
Masse entre enchevêtrements : M
e= <n
e> M
oDensité d’enchevêtrements : ν
e= ρ N
A/M
e= signature des enchevêtrements
Plateau caoutchoutique transitoire
( ==
NotetñRT GgMg4/5 ou 1 suivant les modèles)
() =+
eeqRVoMNnnM
23(
∞=
eqNCmodèle de WU)
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= caractérisation de la viscosité
Ecoulement à l’état liquide
régime newtonien régime non newtonien
(rhéofluidifiant)
Ecoulement à l’état liquide (2)
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Modèles théoriques
Pour la chaîne non enchevêtrée Pour la chaîne enchevêtrée
Modèle de ROUSE Modèle de reptation (de Gennes, Doï, Edwards)
τ p ~ M 2 , η ~M τ rep ~ M 3 , η ~M 3
Hiérarchisation
des mouvements moléculaires
Plusieurs centaines de liaisons
Réseaux
d’enchevêtrement
Une quinzaine de liaisons
Transition vitreuse
Quelques liaisons Transitions
secondaires
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3.
Relation entre K Ic et enchevêtrements
H.H. KAUSCH : K
Ic˜ ν
e 1/2S. WU : K
Ic˜ ν
eexemple de la famille des copolymères
statistiques MMA-co-CHMI
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Relation entre K Ic et mobilité moléculaire
droite K
Ic ˜ν
e 1/20,5 1 1,5 2 2,5
6 6,5 7 7,5 8 8,5 9 9,5 10
KI (C
MP a .m
1 / 2)
10-12 ν
e 1/2 (m-3) GIM 36% PMMA GIM 58%
GIM 76%
exemple de la famille des copolymères statistiques MMA-co-GIM
MMA GIM
comportement à mettre en relation avec l’accroissement de
coopérativité des mouvements de relaxation secondaire β
Relation entre K Ic et mobilité moléculaire
exemple d’une 1ère famille des polyamides semi-aromatiques amorphes
comportement à mettre en relation avec l’accroissement de
2,3 2,4 2,5 2,6 2,7 2,8 2,9
14 14,5 15 15,5
KI
c
(M P a .m
1 / 2)
a t - 4 0° C
10-12νe1/2 (m-3) 1I
1.8I 1T0.7I0.3 1.8T
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Relation entre K Ic et mobilité moléculaire
exemple d’une 2ème famille de polyamides semi-aromatiques amorphes
comportement à mettre en relation avec l’accroissement de coopérativité des mouvements de relaxation secondaire β en remplaçant des motifs iso- par des motifs téré-phtaliques
3,2 3,3 3,4 3,5 3,6 3,7 3,8
15 15,5 16 16,5
KI
c
(M P a .m
1 / 2)
a t - 4 0° C
10-12νe1/2 (m-3)
MI MT0.7I0.3
MT0.5I0.5
droite K
Ic ˜ν
e 1/2Relation entre K Ic et mobilité moléculaire Conclusion sur l’ensemble des polyamides
semi-aromatiques amorphes
Centre d’Alembert, ORSAY 35
4.
Sensibilité de K Ic à la masse molaire des polymères
Un résultat classique pour tous les polymères:
la présence de chaînes courtes accroît la fragilité
Valeurs typiques de « stabilisation » de K
Ic:
M
w= 17 kg.mol
-1pour le polycarbonate 67 kg.mol
-1pour le polyméthacrylate
de méthyle
147 kg.mol
-1pour le polystyrène
Sensibilité de K Ic à la masse molaire des polymères pour M w >> 8 M e
Exemple des polyamides semi-aromatiques à différentes températures
>
Basse température : PAS D’EFFET
(craquelures par scission de chaînes)
Haute température :
SENSIBILITE A LA MASSE (craquelures par
désenchevêtrement;
stabilisation des fibrilles à
Centre d’Alembert, ORSAY 37
Sensibilité de K Ic à la masse molaire des polymères pour M w >> 6 M e
Même résultat pour le polycarbonate de bis-phénol-A …
>
Basse température : PAS D’EFFET
(craquelures par scission de chaînes)
Haute température :
SENSIBILITE A LA MASSE (craquelures par
désenchevêtrement;
stabilisation des fibrilles à forte masse)
… et pour de nombreux autres polymères amorphes
5.
Nouveaux remèdes à la fragilité des réseaux thermodurcissables
Cas du réseau époxy-amine pur (exemple de la résine DGEBA-DDM)
NN N N
N N
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Cas des réseaux époxy-amine-antiplastifiant présentant une nano-séparation de phases
CURE
diepoxide primary diamine additive AM or AO
300
250
200
150
100
50
0
E" (MPa)
200 100
0 - 1 0 0
Temperature (°C)
Signature mécanique b)
de la séparation de phases Antiplastifiants donnant une séparation de phases
avec les résines DGEBA-DDM :
K
Icdes réseaux époxy-amine-antiplastifiant présentant une nano-séparation de phases
Approche généralisée à d’autres thermodurs : poly(thiouréthanes)
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Cas de réseaux hybrides méthacrylate de méthyle - nanosilice
Polyméthacrylate de méthyle : K
Ic~ 1,2 MPa.m
1/2Nanohybride : K
Ic~ 0,9 MPa.m
1/2(très fragile !)
SiO2
SiO2
MMA MMA
Cas de stratifiés méthacrylate de méthyle – nanosilice (1 mm) / polyméthacrylate de méthyle (100 µ m)
PMMA
nanohybride
Centre d’Alembert, ORSAY 43