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Quelques aspects mathématiques de la crise actuelle (et des autres crises

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Texte intégral

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Frédéric Laroche / octobre 2008

1. Les clients et la banque

Quand vous allez voir votre banquier lui demander des sous et qu’il accepte de vous en donner, il vous sort tout chaud de l’ordinateur un tableau d’amortissement précisant les traites que vous devrez payer (par exemple mensuellement). Comment vérifier qu’il n’y a pas d’erreurs 1 ? Le paramètre fondamental est bien sûr le taux d’intérêt qui vous est appliqué. Mettons que vous empruntiez C0=10 000 € à un taux t sur n mois ; la règle qui s’applique en général est que vous remboursez les intérêts dus pendant un mois au début du mois suivant, ainsi qu’une partie du capital emprunté.2

Au début du mois numéro k vous devez encore Ck, au début du mois suivant vous devrez

1

Ck qui sera égal à CktCkR, R étant votre traite constante (ce que vous remboursez mensuellement). On a alors une suite définie par :

1 (1 )

k k

C  t CR.

Ce type de suite est appelé suite arithmético-géométrique, et on obtient l’expression du terme général de la manière suivante : cherchons le point fixe de cette suite, F, obtenu en remplaçant Ck et Ck1 par F et qui sera solution de l’équation F (1 )t F R F R

     t ; on obtient alors en soustrayant :

1 (1 )( )

k k

C   F t CF ;

donc la suite de terme général ckCkF est géométrique et vaut ck (1 )t ck 0, ce qui nous donne Ck  F (1 ) (t Ck 0F) et finalement

(1 )k 0

k R R

C t C

t t

 

    

  .

Maintenant nous ne connaissons par R, par contre nous savons qu’au bout de n mois le capital restant dû doit être nul : Cn0, il reste donc à résoudre l’équation

0

1 (1 )tn n (1 )n

R C t C

t

    

1 Il n’y en a pas en général, inutile de vous précipiter sur votre calculette !

2 En général les premières années on paye surtout des intérêts, le capital dû s’amenuisant plus lentement. Il faut donc faire très attention à la durée d’amortissement envisagée. Deuxième point : ne croyez pas que la banque vous prête sur l’argent de ses clients, en général elle réemprunte la même somme sur le marché financier à un taux inférieur à celui où elle vous prête ; son gain est alors dû à la différence de taux d’intérêt et elle est couverte.

Quelques aspects

mathématiques de la crise actuelle

(et des autres crises

(2)

et finalement

0

(1 ) (1 ) 1

n n

t t

R C

t

 

  .

Une petite question se pose néanmoins : comment calculer le taux d’intérêt mensuel connaissant le taux annuel ? La réponse n’est pas de diviser ce taux par 12 (essayez de trouver pourquoi avant de conti-nuer…) ; en fait si vous voulez trouver ce taux mensuel t inconnu correspondant à un taux annuel T, il faut considérer que vous placez une somme S à t par mois qui va vous fournir le revenu correspondant à ce que vous auriez gagné en un an avec T : les intérêts cumulés sur les 12 mois sont (1 )t S S12  , les intérêts sur un an à T donnent TS, il faut donc que

(1 )t12 1 T d’où t (1 T)1211.

Regardons ce que ça donne par exemple sur 10, 15 et 20 ans avec divers taux T pour un capital emprunté de 10 000 € :

0,00 20,00 40,00 60,00 80,00 100,00 120,00 140,00 160,00 180,00 200,00

0 5 10 15 20 25

T

10 ans 15 ans 20 ans

fig. 1 : Variation de la traite mensuelle en fonction de T

0,00 5000,00 10000,00 15000,00 20000,00 25000,00 30000,00 35000,00

0 5 10 15 20 25

T Total

intéts

10 ans 15 ans 20 ans

fig. 2 : Variation du total des intérêts en fonction des taux annuels T

On voit par exemple que sur 20 ans, avec un taux de 6 % le total des intérêts sera de 6075

€ pour une traite de 70 €. On paye peu par mois, mais les intérêts forment une masse élevée.

2. La banque et les clients

Un petit calcul simple avant de commencer.

On fait la somme des puissances successives d’un même nombre A :

0 1 2 ... n1 n

SnAAA  AA . Pour cela on multiplie Sn par 1A :

1

 

1 1 2 ... n1 n

1

1 1 2 ... n1 n 1 2 ... n n1

SnA  AA  A AA  AA  AAAA  AA , soit Sn

1A

 1 An1 et finalement

(3)

1 1

1

n

n A

S A

  .

À la mort de Louis XIV, la situation financière de la France paraît désespérée ; la dette publique s’élève, en capital, à 1 milliard 200 millions de livres (environ 15 à 20 Milliards d’euros, dette actuelle : 1400 M. €), et le déficit annuel se monte à 77 millions – déficit supérieur, à celui qui, soixante-quatorze ans plus tard, devait contraindre Louis XVI à convoquer les Etats Généraux.

Par le jeu des « anticipations », les revenus du Trésor pour 1716-1717 ont été consommés à l’avance. Les 600 millions de billets d’État ont perdu de 80 à 90 % de leur valeur nominale et le crédit public est ruiné.

En 1716 un Ecossais du nom de John Law3 propose au Régent de créer une banque privée qui deviendra publique par la suite. Celle-ci créera la Compagnie des Indes et petit à petit s’imposera comme l’acteur économique principal de la France, percevant les impôts et battant monnaie. Malheureusement une baisse rapide de confiance entraînera la banqueroute de la Banque en 1720 et interdira aux gouvernements ultérieurs la création d’une Banque centrale et ce jusqu’à Napoléon. La France se retrouvera avec un siècle de retard sur l’Angleterre. Une partie du phénomène qui mena Law à la faillite est d’ordre purement mathématique comme nous allons le voir.

Imaginons que nous ayons une seule banque, le Crédit Mathématique (s’il y en a plusieurs le raisonnement est le même) qui prête de l’argent à ses clients. Lorsque Mr A emprunte il achète quelque chose à Mr B avec cet argent, Mr B s’empresse de déposer cet argent à la banque qui va le prêter à Mme C, qui va le dépenser chez Mme D qui va déposer l’argent à la banque, etc.

On voit immédiatement que le Crédit Mathématique pourrait prêter l’intégralité des dépôts, mais le jour où quelqu’un veut retirer de l’argent la banque n’a plus rien. Donc la banque va mettre de côté une partie des dépôts.

Nous allons mettre ça sous forme de tableau : quand un client dépose de l’argent la banque en met t (en décimal : 2 % sera en réalité le décimal 0,02) de côté et prête donc (1 – t).

client n° 0 1 2 3 … n

Dépôt S (1 – t)S (1 – t)2S (1 – t)3S … (1 – t)nS Prêt (1 – t)S (1 – t)2S (1 – t)3S (1 – t)4S … (1 – t)n+1S Réserve tS t(1 – t)S t2(1 – t)S t3(1 – t)S … tn(1 – t)S La banque reçoit donc au total

 

1 (1 ) 1

1

(1 ) ... (1 ) 1 (1 ) ... (1 ) 1 (1 )

1 (1 )

n n tn S n

D S t S t S S t t S t

t t

   

                   et quand n devient grand, D tend vers S

t car 1 – t<1 et

1t

n1 tend vers 0 quand n devient grand.

De même elle prête

2 1 1 (1 ) 1

(1 ) (1 ) ... (1 ) (1 )

1 (1 )

n tn

P t S t S t S t S

t

 

        

  et P tend vers 1 tS t

 . La réserve (obligatoire) est la différence entre les deux, soit quand n est grand

1 1 t .

R S S S

t t

   

3 Prononcer « Lass ».

(4)

Alors ça c’est pas mal ! Quelque soit le pourcentage mis de côté par la banque, quand le nombre de clients est important, il restera toujours S, c’est-à-dire la somme minimale nécessaire pour rembourser n’importe lequel des clients.

Regardons maintenant P :

si 1 – t=80 %, P=4 S ; si 1 – t=60 %, P=1,5 S ; si 1 – t=40 %, P=0,7 S.

Le coefficient 1 t t

 est appelé multiplicateur de crédit dont le nom indique bien que la banque crée de l’argent avec toujours la même somme S.

Dans le cas de Law, le peu de réserves a fait que devant un afflux soudain de demandes de remboursements la banque n’a pu rembourser ses clients.

En fait la loi oblige les banques à déposer leurs réserves à la Banque Centrale de manière à couvrir au moins les premiers besoins. Actuellement pour 1 $ déposé en réserve la FED autorise 32 $ de prêts alors que le FMI recommande 12 $.

Dans les années 1960-70 la Banque de France jouait sur le coefficient de réserve des banques pour « ouvrir » ou « fermer » le robinet du crédit, à l’heure actuelle ce ne serait plus possible. Un autre aspect de ce phénomène est la crise de 1929 (ou même une partie de la crise actuelle) : que fait la banque quand un client vient réclamer S ?

Elle peut tirer sur sa réserve (et puis si ils sont plusieurs, c’est impossible), mais en général elle préfère se faire rembourser ce qu’elle a prêté à un autre client. Imaginons que plusieurs clients veuillent retirer leur argent et que les débiteurs de la banque ne puissent pas la rembourser, il y a défaut de paiement, voire faillite (cessation de paiements) et si de nombreux établissements sont dans cette situation il y a crise !

En fait c’est au départ surtout une crise de liquidités : il « suffit » en général d’injecter de l’argent au « bon » endroit pour que la machine reparte, chose qui ne s’est pas faite en 1929 (le président américaine de l’époque n’ayant pas voulu engager l’argent des contribuables pour financer les erreurs des banques) mais que le Fonds Monétaire International (FMI) a fait régulièrement (crise asiatique, crise russe…) ainsi que les banques centrales.

Lorsqu’on dit que la Fed ou la BCE injectent des liquidités, c’est simplement mettre de l’argent à disposition des banques sur le court terme afin de leur permettre de payer leurs dettes. Evidemment lesdites banques centrales prennent des risques considérables4 mais la situation actuelle est trop périlleuse pour laisser les choses en l’état. Un aspect pervers de la situation actuelle est dû au « taux de prise en pension », soit le taux auquel les banques centrales rémunèrent les réserves des banques : actuellement ce taux est supérieur au taux d’emprunt, aussi certaines banques empruntent à tour de bras aux banques centrales et remettent en réserve auprès des banques centrales l’argent emprunté !

3. Black, Merton et Scholes

Peut-être avez vous entendu parler des « contrats dérivés », des « crédits default swaps (CDS) » et autres objets exotiques (en général on parole de « crédits structurés ») ; de même on accuse actuellement les banquiers de tous les maux pour leur imprudence, ceci alors même qu’ils ne font qu’utiliser des outils financiers modernes… avec malheureusement trop de légéreté dans leur approche, mais ils ne sont certainement pas les seuls à incriminer.

Les contrats dérivés ou contrats d’option sont un outil financier apparu au cours du 19e siècle sur les marchés des céréales et qui s’est développé à partir des années 1970 à Chicago (premier marché au monde pour les matières premières) puis dans le monde

4 Avant la crise actuelle la FED demandait aux banques du papier de haute qualité (type emprunts d’Etat) pour leur prêter ; du jour au lendemain n’importe quel type d’actif a été pris en dépôt de garantie (actions, dérivés, etc.) !

(5)

entier. Les contrats dérivés concernent les produits cotés (actions, matières premières…) ou soumis à des fluctuations diverses (monnaies, taux d’intérêt, crédits hypothécaires,…).

Prenons un exemple :

Alfred doit acheter d’ici un laps de temps T du pétrole pour sa compagnie d’aviation.

Vincent dispose de pétrole car justement il a une compagnie pétrolière et il préfère vendre son pétrole maintenant que dans T.

Alfred va acheter une option à Vincent pour son pétrole, et pour se garantir contre les variations de cours il dit à Vincent : « Je t’achète l’option au cours x d’aujourd’hui, mais si le cours a baissé à T et vaut xT je n’exercerai pas l’option et je t’achèterai le pétrole au cours xT . »

Ce sur quoi Vincent répond « Ok, mais tu dois me payer une prime pour le risque que je prends à ta place » ; « bien sûr » répond Alfred, « combien veux-tu ? » et c’est là où ça se corse : comment déterminer la prime que devra payer Alfred à Vincent ?

En fait sur les marchés d’option c’est la prime qui est cotée, pas la valeur de l’option qui est cotée par ailleurs (ou pas, il peut y avoir des primes cotées sur des produits non cotés, par exemple des achats d’avions) ; le marché est supposé toujours trouver un équilibre, donc c’est lui qui détermine la valeur de la prime au final.

Il faut cependant bien un début : Vincent va demander une prime à Alfred, puis mettre en vente son option sur le marché ; s’il y a preneur il peut la revendre et réaliser immédiatement son bénéfice tout en stockant la marchandise, l’option continuant à vivre sa vie entre les mains des traders jusqu’au débouclage du contrat. S’il n’y a pas preneur il peut néanmoins rester avec son option jusqu’à sa maturité.

Les travaux sur la question ont été initiés par Louis Bachelier en 1900 dans sa thèse intitulée Théorie de la spéculation, améliorés dans les années 1960, et en 1973 Robert Merton, Myron Scholes et Fischer Black (décédé en 1995), probabilistes américains, publient une formule, appelée « formule de Black & Scholes »5, qui permet de faire deux choses :

• calculer la valeur de la prime en fonction d’un certain nombre de paramètres dont un,  , appelé « volatilité » (de la valeur du produit) s’obtient par un calcul récursif de résolution d’équation : ce calcul se fait en temps réel,  s’obtenant en identifiant la formule de B&S et le prix du marché ; il existe d’ailleurs un indice de la volatilité (VIX) au Chicago Board ;

• une fois  trouvé on l’utilise pour calculer la couverture du risque lié à la prime.

En effet, aucun courtier n’acceptera de jouer à la roulette avec ses options, il doit donc couvrir le risque pris à acheter des options en composant un portefeuille de couverture.

C’est la manière de gérer ce portefeuille que B&S ont mis en forme, en fait en calculant la quantité d’actions sous-jacentes à détenir à tout instant, ce qui a valu le Prix Nobel d’Economie à R. Merton et M. Scholes en 1997.

5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_Black-Scholes

(6)

Evolution de l’indice VIX depuis sa création.

Un des produits phares issus du modèle de B&S sont les fameux CDS (Credit Default Swaps) dont le marché s’est goinfré pendant ces dernières années ; je cite Wikipedia : Les CDS sont considérés comme une des causes de la chute, le 15 septembre 2008, de American International Group (AIG), et une des sources de la diffusion incontrôlée des risques de crédit. Le marché des CDS est passé de 6,396 milliards de dollars américains à fin 2004 à 57,894 milliards à fin 2007, prenant le caractère d'une bulle financière. La banque Lehman Brothers était le premier acteur sur ce marché jusqu'à sa faillite. Les CDS, travaillés hors bilan et hors bourse, permettaient de contourner toutes les règles prudentielles. Largement vus comme une des grandes sources de la crise financière la plus grave depuis 1929, les CDS sont dans le collimateur de ceux qui veulent affermir les règlementations et resserrer le contrôle des activités bancaires.

A titre de comparaison les PIB de quelques grands pays (en milliards de US$) :

Pays 2006 2007

Allemagne 2 916 3 397

Brésil 1 067 1 314

Chine 2 645 3 280

États-Unis 13 244 13 811

France 2 399 2 562

Inde 887 1 171

Japon 4 366 4 376

Royaume-

Uni 2 252 2 727

Russie 979 1 291

Au niveau du modèle mathématique un certain nombre de simplifications sont faites :

• taux d’intérêt unique et constant sur toute la durée de l’option (ceci est globalement vérifié sur la période 2000-2008),

• rendement de l’action de couverture ayant un écart-type (également appelé volatilité)  constant (très douteux), non prise en compte des dividendes versés ;

• coûts de transaction nuls ;

• cotation en temps continu.

(7)

Sur les coûts et les taux, on peut crier un peu mais on peut s’en accommoder, sur l’écart- type (la volatilité) constant  ça passe nettement moins bien : prendre un paramètre constant pour en déduire les variations dudit paramètre dont on n’est même pas sûr de l’existence ça fait beaucoup6 ! Par ailleurs la cotation en temps continu n’est toujours pas la règle, les décalages temporels induisant alors des problèmes dans les formules utilisées.

Alors personne ne devrait utiliser B&S ? Erreur ! aucun intervenant de salle de marché ne se risquerait sans son logiciel de calcul de la couverture de risque par la formule de B&S et la formule est devenue une référence absolue, ce qui induit le phénomène suivant : puisque B&S donne tel résultat, suivons le, donc validons B&S dont les prévisions deviennent correctes parce que tout le monde l’applique.

On a vu ce genre de phénomène quand toute la planète financière s’auto-persuadait des vertus de la « nouvelle économie (2000-2001) » jusqu’à ce que la bulle crève et entraîne tout le monde dans sa chute ! B&S a d’ailleurs amené la déconfiture d’un important fonds de placement américain en 1998 (Long-Term Capital Management) ; Robert Merton faisait d’ailleurs partie de son staff scientifique…

En fait quand arrive une catastrophe de ce genre, plutôt que d’accuser les marchés, les outils ou les mathématiciens vaudrait-il mieux s’en prendre au comportement moutonnier des traders, plus intéressés par le comportement de leurs collègues que par la réalité économique sous-jacente ainsi qu’à l’appât du gain qui fait que certaines banques ont refusé de prendre en compte la part de risque introduite dans leurs bilans à travers l’achat d’options sur des « produits toxiques ».

Dernière chose : les méthodes mathématiques utilisées par B&S faisaient partie des probabilités « théoriques » développées il y a 20-30 ans. Par ailleurs le séminaire « El Karoui » de l’Ecole Polytechnique a formé quelques uns des meilleurs financier/traders mondiaux actuels et les écoles de commerce française se distinguent par la qualité et le sérieux de leur formation. La protection dont semble bénéficier actuellement la finance française étant peut-être simplement due à une meilleur compréhension des mécanismes financiers.

Les fonds à modèles quantitatifs 7

Les fonds reposant sur des modèles quantitatifs ont de grandes difficultés à appréhender ces phases de forte volatilité et de changement radical de l'environnement financier.

La crise n'affole pas seulement les hommes, elle bouleverse aussi leurs machines. Les gestions quantitatives, que ce soit dans le monde traditionnel ou le monde alternatif, éprouvent de grandes difficultés à gagner de l'argent, quand elles n'en perdent pas franchement, dans ces périodes de changement fondamental de l'environnement et de modification brutale de la hiérarchie des risques. Et ce, malgré les progrès réalisés ces dernières années dans le domaine de la gestion des risques et de l'appréhension des événements rares (krachs...).

Ce n'est pas pour autant la faillite de ce type de gestion, qui recouvre des stratégies et des risques très divers, et qui a démontré son intérêt. C'est davantage le rappel, douloureux, qu'elle n'est pas une gestion robuste par tous les temps, qui serait immunisée contre l'irrationalité des marchés et décorrélée des cycles. « D'après les données de Lipper, 2007 n'a guère été une bonne année pour les gérants quantitatifs. Ils ont sous-performé les gérants discrétionnaires (non quantitatifs) dans toutes les grandes catégories à l'exception des grandes valeurs. C'est là une inversion de tendance radicale par rapport à 2006 et 2005, où leurs performances étaient supérieures », notent les auteurs d'une étude (*).

Opérations de débouclage

Comme au début de la crise du «subprime», à l'été 2007, les fortes baisses des marchés boursiers depuis quelques semaines semblent être accentuées par des opérations de débouclage et de liquidation massive de portefeuilles de la part d'acteurs (banques, « hedge funds »...) en quête éperdue de liquidités (lire plus bas). Des liquidations qui bouleversent les valorisations relatives des actifs et laissent les modèles sans voix... D'où la nécessité d'une intervention « humaine », l'expérience des gérants venant au secours de systèmes pris au dépourvu par la tournure des événements. « Aucun modèle quantitatif ou système ne peut gérer correctement ces périodes de changement radical et de bouleversement majeur, souligne Jean-Pierre Aguilar, directeur général et un des fondateurs de Capital Fund Management, un « hedge fund » quantitatif français. « Pour nous, l'élément déclencheur très inquiétant a été la faillite de la banque Lehman Brothers. Nous avons profité des volumes de transactions importants qui l'ont suivie pour liquider l'intégralité de notre fonds d'arbitrage statistique long-short et être investi à 100 % en cash, un fait très rare dans notre histoire. C'est une règle de bon sens que de se mettre à l'abri quand les modèles ne fonctionnent plus. Nous avons réduit les risques de nos autres fonds, ce qui nous a permis de limiter nos pertes au mois de sep tembre (−2,3 % pour le fond Stratus, investis dans nos trois stratégies) ».

6 Il existe des lois de probabilité sans écart-type comme la loi de Cauchy. Les distributions de probabilité des marchés boursiers étant en général inconnues et en tout cas pas gaussiennes, on voit le problème sous-jacent.

7 On appelle ainsi des fonds dont la gestion est essentiellement confiée à des modèles mathématiques.

(8)

Ce professionnel pointe ur facteur qui n'a pas aidé à la réso lution de la crise actuelle, à savoir les interdictions et les restrictions sur la vente à découvert, lesquelles n'ont d'ailleurs en rien empêché les marchés de sombrer. « Ces décisions de changer brutalement les règles du jeu sont assez irresponsables dans le contexte actuel », estime-t-il. Aujourd'hui, malgré le chaos apparent, les marchés « semblent revenir à une dynamique d'évolution plus naturelle, ce qui permet de penser que les systèmes quantitatifs vont progressivement fonctionner de nouveau ».

NESSIM AÏT-KACIM (*) « Challenges in quantitative equity management », Fabozzi, Focardi, Jonas, CFA Institute

Sorties massives

Sanction immédiate. Conçus pour prendre des risques, les « fiedge funds » ont été servis avec la crise actuelle, qui va sans doute en emporter un certain nombre. La sanction sera plus brutale et immédiate que dans les sociétés de gestion traditionnelles.

Plus visible aussi. A cet égard, les premiers chiffres qui commencent à circuler sur le mouvement de sortie des fonds alternatifs ne sont pas seulement inquiétants, ils sont catastrophiques. Des sources évoquent des sorties de 500 à 700 milliards de dollars des « hedge funds » en septembre, dans un marché estimé entre 2.000 et 3.000 milliards de dollars... De très gros fonds de fonds, notamment suisses, connaîtraient des hémorragies importantes. Le segmenttrès encombré dès fonds dits «long/short», notamment ceux dont l'exposition au marché est neutre, va sans doute payer un lourd tribut à ce qui commence à prendre la forme d'une débâcle. La stratégie d'arbitrage d'obligations convertibles va être, elle, affectée par une configuration de marché des plus défavorables. Les gros utilisateurs d'effet de levier ne vont pas être épargnés non plus.

Les Echos du 09/10/2008

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