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De la cellule biologique à la cellule urbaine : retour sur trois expériences de modélisation multi-échelles à base d’agents

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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De la cellule biologique à la cellule urbaine : retour sur trois expériences de modélisation multi-échelles à

base d’agents

J. Gil Quijanoa

quijano@ibisc.fr

G. Hutzlera

hutzler@ibisc.fr

T. Louaila,b

tlouail@ibisc.fr

aLaboratoire IBISC (Informatique, Biologie Intégrative et Systèmes Complexes), FRE 3190, Université d’Evry, CNRS, France

bLaboratoire Géographie-Cités,

UMR 8504, Université Paris 1, Université Paris 7, CNRS

Résumé

Lorsque l’on simule des systèmes complexes, il est souvent nécessaire de considérer des entités à différentes échelles d’organisation, et prendre en compte la façon dont celles- ci s’inter-influencent. Le choix des échelles est conditionné par des contraintes méthodo- logiques qui incluent les objets manipulés par les thématiciens, la disponibilité des données, la question d’intérêt et également des contraintes algorithmiques. Différentes manières d’aborder les structures multi-échelles et les influences entre niveaux peuvent être identifiées. Dans un premier temps, nous présentons trois modèles multi-agents de dynamiques multi-échelles exis- tants, centrés sur la croissance d’une tumeur cancéreuse, l’évolution de la distribution spa- tiale d’une population urbaine et l’évolution d’un réseau de villes. Nous proposons ensuite une grille de lecture de manière à comparer les différentes formes prises potentiellement par la notion de multi-échelles.

Mots-clés : simulation orientée agent, dy- namiques multi-échelles, architectures multi- niveaux, comparaison d’approches agents

Abstract

Simulating complex natural or social systems often implies to consider entitites at several le- vels of organisation, and take into account the way they influence each other. The choice of scales is driven by both methodological and thematic constraints which among others in- clude the objects of significiance for the specia- lists, availability of relevant data for compari- son, question of interest and algorithmic consi- derations. These multi-scale structures and the inter-levels influences can be modeled in several ways. Firstly we present three existing examples

of multi-scale modeling, addressing the growth of a tumor cell, the evolution of a urban system over a long period, and the spatial repartition of urban population in Bogotá. Then we generalize the underlying agent-based architectures in or- der to illustrate the possibility of application on other modeling questions.

Keywords: agent-based simulation, multi-scale dynamics, multi-level architectures

1 Introduction

Les systèmes complexes naturels et sociaux sont souvent caractérisés par de nombreuses enti- tés hétérogènes, de nature et de dimensions di- verses, à différents niveaux d’organisation, in- teragissant de manière complexe les unes avec les autres, à des échelles de temps et d’espace elles aussi très diverses. Dans ce cadre, l’aspect

« multi-échelles » ou « multi-niveaux » d’une modélisation correspond le plus souvent au choix d’un niveau particulier de description, et à l’observation de structures émergentes de plus haut niveau. Le choix d’un niveau conditionne la sélection des entités du système réel qui sont réifiées sous forme d’agents dans le modèle.

Le système simulé peut alors être analysé à au moins deux niveaux d’organisation : celui des agents d’une part, via une analyse de leurs tra- jectoires, et celui du système d’autre part, via des mesures permettant de caractériser les struc- tures produites au cours de la simulation. Le système peut aussi être mesuré à des niveaux intermédiaires qui peuvent faire sens pour le modélisateur, correspondant par exemple à des groupes d’agents partageant des caractéristiques communes, même si en pratique ce raffinement est plus rarement mis en place.

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Il nous semble dans ce cas difficile de parler de modélisation véritablement multi-niveaux dans la mesure où seul le niveau « du bas » est pré- sent dans le modèle et spécifié par le modélisa- teur. Le ou les niveaux supérieurs sont dans ce cas des niveaux qui peuvent être observés par l’expérimentateur qui « regarde » et mesure les simulations, mais ils ne sont pas réifiés en tant que tels dans le modèle. Le choix du niveau est particulièrement important car il doit satisfaire un certain nombre de contraintes qui s’imposent au modélisateur, sous peine de ne pas être per- tinent. Ce dernier doit en particulier s’interro- ger sur la question à laquelle son modèle est censé répondre, sur les ontologies manipulées par les experts du domaine, sur les données dis- ponibles aux différents niveaux de description, et enfin sur la puissance de calcul impliquée par le nombre d’entités et la période temporelle à simuler. Concernant la disponibilité des don- nées, il faut noter que l’on possède rarement les données permettant de caractériser entièrement l’état et la dynamique d’un système à un niveau particulier. Les données collectées sont en effet fragmentaires et hétérogènes.

Cette approche émergentiste, mono-niveau dans la conception et bi-niveaux dans l’analyse des comportements produits, est de loin la plus cou- rante actuellement en simulation orientée agents (voir par exemple les modèles présentés dans [16]). Elle n’est pourtant pas toujours appli- cable de manière satisfaisante pour des systèmes réels. En effet, un certain nombre de systèmes complexes ne peuvent se comprendre sans inté- grer plusieurs niveaux d’organisation et des dy- namiques qui ne peuvent se réduire à une vi- sion purement émergentiste. Les systèmes so- ciaux en particulier intègrent de manière forte un rôle structurant des niveaux supérieurs sur les niveaux inférieurs. De ce fait, les théories du domaine correspondantes, permettant de dé- crire le fonctionnement du système, sont rare- ment mono-niveau, soit par manque de connais- sance à un niveau donné, soit par le fait que les ontologies manipulées mixent des entités et des acteurs de niveaux d’organisation différents. Il est par exemple difficile d’imaginer reproduire l’évolution d’une ville en partant de la seule spé- cification du comportement de ses habitants. Par ailleurs, il serait trop coûteux d’un point de vue computationnel de simuler l’ensemble d’un sys- tème de grande taille au niveau le plus fin : simu- ler au niveau atomique, ou même au niveau mo-

léculaire, l’ensemble d’une cellule constituée de plus de 4.1013 molécules (cellule hépatique de rat) est ainsi parfaitement irréaliste.

Au final, la question posée nécessite la prise en compte d’entités à différents niveaux (molécu- laire et cellulaire par exemple, ou ceux des indi- vidus, du quartier et de la ville) ce qui, comme le rappellent Servat et ses collègues dans [15], fait partie de la gymnastique intellectuelle scienti- fique : faire cohabiter des points de vue et des- criptions complémentaires d’un même système.

Et de fait, notre perception de la réalité et des objets qui nous entourent se fait à plusieurs ni- veaux d’échelle.

Ces auteurs pointent deux raisons supplémen- taires à la prise en compte de niveaux d’orga- nisation multiples [15]. La première est d’ordre informatique : beaucoup de systèmes distribués font preuve d’un comportement global qui de- vient remarquable lorsque le nombre de compo- santes devient critiquement grand. Subsituer des

« super-agents » à des groupes d’agents et leur associer un modèle comportemental plus global mais équivalent permet un gain de performance et éventuellement de pouvoir transposer les res- sources gagnées pour modéliser plus finement d’autres parties du système. La seconde raison avancée est d’ordre plus thématique. La prise de conscience de sa similarité avec d’autres agents et de l’existence d’une structure « groupe » les rassemblant peut entraîner chez l’agent une mo- dification intentionnelle de son comportement, soit pour renforcer son appartenance au groupe, soit pour s’en distinguer. Plus généralement, le fait de pouvoir prendre en compte plusieurs ni- veaux d’organisation dans un même modèle doit permettre d’aborder des questions originales par rapport à un modèle classique à deux niveaux, celui de la spécification et celui des structures collectives émergentes.

Il semble donc important de pouvoir intégrer, au sein d’un même modèle, les descriptions d’en- tités évoluant à différentes échelles spatiales et temporelles, correspondant à différents ni- veaux d’organisation du système. Cependant et comme le dit Lesne dans [8], « il ne s’agit pas tant de prendre en considération tous les élé- ments et leurs relations que de considérer si- multanément le niveau des éléments et ceux de leurs propriétés émergentes et la façon dont ils sont couplés ». Pour le formuler autrement, c’est donc plus dans l’articulation de différents ni-

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veaux d’organisation que dans leur seule jux- taposition que se situe l’apport d’un modèle multi-niveaux ou multi-échelles. Articuler les niveaux, cela implique de les prendre en compte explicitement dans le modèle et de définir la ma- nière dont ils sont couplés, ce qui se traduira dans un modèle orienté agents par l’interaction entre agents/objets de niveaux différents. Cette question de l’articulation est d’actualité en si- mulation orientée agent. Treuil et ses collègues la présentent comme l’un des « chantiers » du domaine en conclusion de leur livre [16], et des projets actuels visent à construire des plates- formes de simulation devant faciliter le multi- échelles (par exemple [4] en écologie, la plate- forme Magéo en géographie1).

Pour illustrer ces différents aspects et les poten- tialités d’une approche agent pour les aborder, nous présentons dans la partie 2 trois exemples de simulation de modèles multi-niveaux. Pour chacun nous essayons de mettre en évidence les différents niveaux du modèle correspondant aux différentes échelles représentées, ainsi que les mécanismes assurant leur couplage. Dans la par- tie 3, nous tentons une abstraction des organisa- tions multi-agents sous-jacentes pour mettre en lumière leurs différences et discuter des condi- tions de leur déploiement. Enfin nous concluons ce papier en discutant des perspectives de re- cherche ouvertes par notre approche compara- tive.

2 De la cellule biologique à la

« cellule urbaine » : trois exemples de simulation multi-échelles

Le premier exemple présenté dans cette section traite de la croissance d’une tumeur cancéreuse, abordée aux échelles moléculaire et cellulaire.

Le second traite de la simulation des choix de logement des ménages dans la ville de Bogotá, traitée individuellement au niveau des ménages et des logements mais également au niveau de groupes de logements et de ménages. Enfin le troisième présente un modèle de croissance d’un système urbain, approché à l’échelle des quar- tiers, des villes et du système de villes.

1. http://mageo.csregistry.org/tiki-index.php

2.1 Modèle de migration de cellules cancé- reuses

Lorsque l’on parle de cancer, l’un des facteurs de mauvais pronostic est lié à l’apparition de métastases, c’est-à-dire de tumeurs secondaires.

Ces tumeurs secondaires peuvent se développer lorsqu’une cellule de la tumeur primaire passe d’un état prolifératoire à un état migratoire, s’échappant ainsi vers d’autres parties du corps.

Quand les conditions micro-environnementales le permettent, la cellule arrête sa migration et revient à un état prolifératoire, conduisant au développement de la tumeur secondaire. Nous nous intéressons ainsi aux conditions micro- environnementales, présentes autour d’une tu- meur cancéreuse, pouvant conduire à l’échap- pement métastatique d’une cellule. En particu- lier, nous étudions l’impact de la protéine PAI-1, suspectée d’être à l’origine de la transformation morphologique des cellules permettant l’échap- pement [10]. Cette molécule pourrait ainsi jouer un rôle clé dans l’initiation et le maintien de la migration des cellules cancéreuses. En ef- fet, la protéine PAI-1 est produite par les cel- lules elles-mêmes et peut se fixer sur la matrice extra-cellulaire. Les cellules, disposant de ré- cepteurs pour fixer puis internaliser PAI-1, pro- duisent et internalisent simultanément cette mo- lécule. Lorsque cette dernière est accrochée à la matrice extra-cellulaire, présente tout autour de la tumeur, elle fournit alors aux cellules des points d’adhésion qui leur permettent de migrer en se faufilant à travers la matrice.

Nous avons développé un premier modèle à base d’agents dans lequel aussi bien les cellules que les molécules de PAI-1 sont modélisées de manière individuelle. Il s’agit d’un modèle à pas de temps discret implémenté sur la plate- forme Netlogo. La modélisation de la crois- sance de la tumeur est obtenue par un compor- tement de division cellulaire : une cellule peut se diviser pour donner deux cellules filles au bout d’un temps variable qui dépend de son ac- cès aux nutriments. Ce comportement prolifé- ratoire est couplé à un comportement de répul- sion entre cellules : deux cellules trop proches se repoussent. Le modèle intègre par ailleurs la dynamique de production et d’internalisation de PAI-1 par les cellules. Pour ce faire, une cel- lule produit des molécules de PAI-1 avec un cer- tain taux τprod. Dans le même temps, elle peut internaliser le PAI-1 en suspension, ainsi que

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le PAI-1 matriciel, avec une probabilité direc- tement proportionnelle à son nombre de récep- teursnbupar. L’accès aux nutriments définit trois états différenciés pour les cellules de la tumeur : une cellule ayant un accès satisfaisant aux nutri- ments (couche externe de la tumeur) est active et possède à la fois les comportements de proli- fération et production/internalisation de PAI-1 ; une cellule ayant un accès insuffisant aux nutri- ments nécrose et meurt (couche interne de la tu- meur) ; les cellules de la couche intermédiaire reçoivent quant-à elles suffisamment de nutri- ments pour produire et internaliser PAI-1 mais plus suffisamment pour proliférer ; ces dernières sont qualifiées de quiescentes.

Les résultats obtenus à l’aide de ce modèle [7]

montrent que la dynamique globale de crois- sance de la tumeur est correctement reproduite, et que l’on peut observer par ailleurs un dépôt de PAI-1 matriciel tout autour de la tumeur, confor- mément aux observation biologiques concer- nant les tumeurs les plus invasives. Le problème est que lorsque les tumeurs simulées atteignent quelques milliers de cellules, il faut alors gé- rer plusieurs centaines de milliers de molécules de PAI-1. On se trouve ainsi rapidement limi- tés par la taille des tumeurs que l’on peut si- muler. La solution proposée consiste à abstraire certains détails du modèle dans les zones où ils ne sont pas utiles, ce qui permet au choix de simuler des tumeurs plus grandes ou d’ajouter des détails dans les zones d’intérêt. Sachant que la zone d’intérêt principale se situe à l’interface entre la couche externe de la tumeur et la ma- trice extra-cellulaire, nous avons donc proposé de remplacer les couches internes de la tumeur par un modèle agrégé, constitué à la fois de cel- lules et de molécules de PAI-1.

Le coeur de la tumeur et son modèle orienté- agents sont ainsi abstraits par un modèle glo- bal de calcul de flux entrant et sortant. Du point de vue spatial, ce modèle est délimité par l’ensemble des cellules nécrosées ou quies- centes, à l’exception d’une couche de cellules quiescentes qui constitue la bordure du modèle agrégé. Ces cellules étant immobiles ou très peu mobiles, cela permet de s’abstraire des mouve- ments de répulsion entre cellules, ceux-ci étant principalement dus au comportement de divi- sion cellulaire dans la couche de cellules ac- tives. Le modèle agrégé intègre toutes les cel- lules ainsi que toutes les molécules de PAI-1

situées dans le périmètre ainsi défini. Il s’agit alors de calculer les interactions entre ce mo- dèle agrégé et les cellules ou molécules situées à l’extérieur. Il est relativement aisé de détermi- ner les cellules et molécules qui devront être in- tégrées au modèle agrégé : dans le cas des cel- lules, il s’agit d’examiner lesquelles sont quies- centes et entièrement entourées d’autres cellules quiescentes ; concernant les molécules, il su- fit d’examiner lesquelles, dans leur mouvement de diffusion aléatoire, vont percuter la frontière du modèle agrégé. Pour déterminer combien de molécules seront au contraire « relâchées » par ce modèle, il est nécessaire d’évaluer la propor- tion de cellules nécrosées par rapport aux cel- lules quiescentes, afin de déterminer le nombre de cellules produisant ou internalisant ces mo- lécules. Il est ensuite aisé de mettre à jour la quantité de molécules de PAI-1 à l’intérieur du modèle agrégé, en considérant que l’activité d’internalisation et d’externalisation de ce mo- dèle agrégé est directement proportionnelle à la quantité de cellules quiescentes qu’il contient.

En assimilant les molécules diffusant à l’inté- rieur du modèle agrégé à un gaz parfait, on peut alors calculer la « pression » à l’intérieur du mo- dèle, et donc déterminer la quantité statistique de molécules de PAI-1 devant quitter le modèle agrégé. Celles-ci sont alors distribuées aléatoi- rement à l’extérieur du modèle agrégé, au voisi- nage immédiat de la frontière.

2.2 SimulBogota : Logements et Ménages dans la ville de Bogotá

L’objectif du modèle SimulBogota que nous avons proposé dans [6] est de modéliser l’évo- lution de la distribution spatiale de la popula- tion de la ville de Bogotá sur plusieurs décen- nies. Cette évolution dépend principalement des migrations à l’intérieur et à l’extérieur de la ville ainsi que de l’évolution de la population de ménages et du parc de logements. L’évo- lution de la population de ménages est le ré- sultat d’évènements individuels (mariage, di- vorce, émancipation, mort, etc.) qui produisent des changements de niveau socio-économique, ainsi que la création et la disparition de mé- nages. L’évolution du parc du logement dé- pend principalement du renouvellement et du vieillissement du bâti. Dans le cas de Bogotá, ces processus sont le résultat de dynamiques très complexes qui font non seulement interve-

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nir la construction contrôlée par les politiques d’aménagement, mais aussi des mécanismes in- formels comme l’auto-construction et le lotisse- ment illégal.

Pour la réalisation de notre modèle, nous disposons uniquement de descriptions socio- économiques des ménages et des logements ainsi que de leur distribution spatiale pour les années 1973 et 1993. En l’absence de données suffisantes, une modélisation centrée sur une représentation explicite de mécanismes indivi- duels de décision et d’évolution s’avère inadé- quate voire impossible. Dans ces conditions, le parti pris du modèle que nous avons pro- posé est alors de considérer des groupes de mé- nages et des groupes de logements comme en- tités principales de modélisation. Il s’agit de ré- duire la complexité des simulations par la prise en compte d’un niveau agrégé et d’y placer le processus de décision conduisant les ménages à déménager. Toutefois, il est nécessaire de consi- dérer les populations de ménages et de loge- ments afin de pouvoir modéliser l’évolution des groupes.

Dans ce modèle nous considérons de manière explicite deux niveaux de modélisation, le ni- veau microscopique qui contient les données qui décrivent la population de ménages et le parc de logements et le niveau mésoscopique qui contient les groupes de ménages et les groupes de logements. Le modèle est composé essen- tiellement de trois mécanismes exécutés en sé- quence à chaque pas de simulation :

1. Formation de groupes : cela permet de passer du niveau microscopique (ménages et logements) au niveau mésoscopique (groupes de ménages et groupes de loge- ments). Il s’agit d’un mécanisme de classi- fication automatique2 effectué sur les don- nées qui représentent les ménages et les lo-

2. L’algorithme de classification utilisé [5] possède les caractéris- tiques suivantes :

– Il se base sur une mesure de similarité entre données des mé- nages entre elles et entre données des logements entre elles.

Les données des ménages décrivent le statut socio-économique des chefs de ménages (âge, sexe, niveau éducatif, type d’em- ploi, originaire de, , nombre d’enfants à charge etc.). Pour les logements, les données décrivent la qualité des matériaux de construction, la taille et l’interconnexion aux services publics.

– Le nombre de classes (groupes) est déterminé de manière auto- matique sur un intervalle donné en paramètre. Le réglage de ce paramètre permet de modifier la granularité des groupes.

Il faut noter que la localisation spatiale ne fait pas partie des variables considerées dans la classification.

gements.

2. Interaction entre groupes : cela permet de relocaliser les ménages dans l’espace. Il s’agit d’un mécanisme basé sur des en- chères qui permet l’échange de logements entre groupes de ménages. Ces interactions sont régies par des listes de préférences de logements construites dynamiquement3 et par une matrice statique de coûts de démé- nagement entre secteurs urbains. Dans ce mécanisme, on fait l’hypothèse que les mé- nages cherchent à se rapprocher des mé- nages de leur groupe social et à occuper les mêmes groupes de logements. Il s’agit donc d’un mécanisme de ségrégation spa- tiale auto-renforcé.

3. Evolution de la population : il s’agit d’un mécanisme basé sur l’exécution de règles globales d’évolution de la population de ménages et de logements. Ces règles per- mettent la création ou la suppression d’en- tités au niveau microscopique (ménages ou logements). Chaque règle associe un pro- fil d’entité avec un nombre d’entités à trai- ter. Ces règles représentent des tendances globales d’évolution et non pas des évène- ments individuels très difficiles à prendre en compte et très gourmands en données.

Pour pouvoir tracer l’évolution des groupes, un dernier mécanisme permet de mettre en relation les groupes trouvés au cours de deux pas de si- mulation successifs.

Les résultats des simulations ont été validés à partir du calcul de la corrélation entre les dis- tributions spatiales réelle et simulée pour la dernière année de simulation sur des modes statistique et cartographique. Ces résultats dé- montrent notamment une bonne stabilité des mécanismes développés et une bonne capacité de reproduction de la distribution spatiale de la population à la fin de la période de simulation.

3. Les préférences sont construites à partir de la distribution spa- tiale des ménages qui composent chaque groupe. Chaque groupe de mé- nages possède une liste de préférences par secteur urbain qu’il occupe.

La préférence d’un groupe de ménages (GM) pour un groupe de loge- ments (GL) dans un secteur urbain (SU) est proportionnelle au nombre de logements de GL occupés par GM dans SU. Les préférences évoluent au gré des changements dans la distribution spatiale des groupes.

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2.3 Simpop3 : simuler l’évolution urbaine à trois niveaux d’échelle

Les modèles Simpop, conçus et développés au sein de l’équipe P.A.R.I.S du laboratoire Géographie-Cités, sont des modèles multi- agents de croissance urbaine sur plusieurs siècles. Le premier d’entre eux, le modèle Sim- pop1 [1] fut l’une des toutes premières appli- cations des SMA à la géographie. Dans cette section nous présentons successivement deux modèles indépendants, SIMPOP2 et SIMPOP- NANO, puis leur couplage en SIMPOP3, un modèle multi-niveaux qui permet d’aborder de nouveaux questionnements géographiques.

SIMPOP2 : simuler la genèse et l’évolution des systèmes de villes SIMPOP24[14] est un projet démarré en 2002 qui s’est donné comme ob- jectifs d’une part de construire un modèle gé- nérique encapsulant les processus communs à l’oeuvre dans la croissance des systèmes de villes dans le monde, et d’autre part de raffi- ner ce modèle en plusieurs modèles appliqués, permettant de reproduire des systèmes particu- liers : Europe, Etats-Unis, Inde, Afrique du Sud.

Ceux-ci présentent des régularités remarquables (loi rang-taille) tout en ayant connu des morpho- genèses sur des temporalités historiques très dif- férentes (émergence continue en Europe et Inde, brusque aux Etats-Unis et en Afrique du Sud).

Ils présentent des ordres de grandeur différents (en termes de dimensions spatiales, population, richesse). SIMPOP2 s’appuie sur la théorie évo- lutionnaire urbaine [13], dans laquelle les sys- tèmes de villes sont analysés comme des sys- tèmes complexes auto-organisés dont les villes sont les composantes principales. La question sous-jacente au projet est la compréhension et l’explicitation des mécanismes qui à la fois ont présidé à la genèse de ces systèmes organisés et hiérarchiques, et qui sont aujourd’hui le moteur de leur évolution.

Les villes sont les agents principaux du mo- dèle. Elles interagissent en se vendant et en s’achetant des biens associés aux fonctions ur- baines qu’elles possèdent. Les interactions spa- tiales entre villes sont de plusieurs types, et dépendent de l’agent fonction urbaine assurant la communication : proximité spatiale, délimi- tation spatiale adiministrative ou réseau privi-

4. http://www.simpop.parisgeo.cnrs.fr

légié à grande échelle. Les villes sont égale- ment en compétition pour l’acquisition de l’in- novation, qui est modélisée par l’apparition de nouvelles fonctions urbaines au cours de la si- mulation. Une fonction urbaine caractérise le rôle joué par une ville au sein du système dont elle fait partie, et elle est associée à une cer- taine période temporelle d’activité (fonction in- dustrie lourde, industrie automobile, nouvelles technologies par exemple, mais aussi fonction capitale ou chef-lieu, etc.) A l’exécution, la dy- namique interactionnelle produit une spéciali- sation et une différenciation progressives entre les villes. Au niveau global, cela se traduit par l’apparition dynamique d’un système de villes, dont on caractérise les propriétés par des mesures d’indicateurs-clés (population totale, courbe rang-taille, indices de primatie, etc.) qui peuvent être comparées aux valeurs dont on dis- pose pour les systèmes réels. Les résultats ob- tenus sur les modèles Europe et Etats-Unis ont confirmé la pertinence à la fois d’une lecture des dynamiques des systèmes de villes à l’échelle des villes, et ont aussi confirmé le potentiel ex- plicatif des mécanismes intégrés dans le mo- dèle. Utilisé comme un filtre, le modèle permet d’isoler les processus génériques des processus géographiques et historiques propres à chacun des systèmes simulés5.

SIMPOPNANO : simuler l’évolution de l’organisa- tion interne d’une ville sur le long-terme SIMPOP- NANO[9] fait suite à SIMPOP2 et a pour objectif de reproduire l’évolution de l’organisation spa- tiale d’une ville sur la même période que celle de SIMPOP2.

Le modèle intègre deux types d’agents : des agents quartiers, qui représentent des portions de l’espace intra-urbain, et des agents fonc- tions qui représentent les types d’activités socio- économiques possédées par la ville, et qui sont les mêmes que celles qui sont présentes dans SIMPOP2. Les fonctions possèdent des actifs à localiser dans la ville, ainsi qu’un solde éco- nomique permettant de payer pour leur locali- sation. Les quartiers sont reliés dans un réseau à structure dynamique et se différencient par leur accessibilité (qui traduit leur centralité au sein du réseau et leur niveau de desserte par les transports) ainsi que par leur composition

5.http://www.simpop.parisgeo.cnrs.fr/

theInstantiatedModels/introduction.php

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fonctionnelle. Cela les rend plus ou moins at- tractifs pour les fonctions, mais également plus ou moins chers. Les fonctions se différencient par leurs moyens économiques et leur stratégie de localisation. La dynamique interactionnelle entre ces agents produit à l’exécution une orga- nisation spatiale, une ville émergente, qu’il est possible de caractériser au moyen de plusieurs indicateurs : gradients centre-périphérie de den- sité d’occupation du sol et de prix, cartes de ré- partition spatiale des activités, indices de spé- cialisation fonctionnelle, etc. La comparaison des valeurs de ces indicateurs aux données is- sues des bases donne une mesure de la capacité du modèle à produire des structures cohérentes, ressemblant aux formes typiques des villes eu- ropéennes ou nord-américaines.

Simpop3 : coupler deux modèles pour le passage à l’échelle Avec SIMPOP3, l’objectif est de cou- pler les deux modèles précédents en un sys- tème multi-agent « multi-couches » qui permette d’étudier des dynamiques urbaines simultané- ment à trois niveaux de l’échelle spatiale : le quartier, la ville, et le système de villes. L’idée géographique sous-jacente est que ces niveaux exercent bien sûr les uns sur les autres des in- fluences récriproques. Etant donné la mutipli- cité des facteurs causant ces influences inter- niveaux, il est difficile de formaliser et quanti- fier leur action et de la traduire en règles inter- niveaux. Le modèle sert alors à tester des hy- pothèses sur la nature de ces liens d’influence qu’entretiennent ces trois niveaux d’organisa- tion spatiale.

SIMPOP3 inclue donc des agents à trois niveaux d’organisation spatiale :

– Au niveau le plus « bas », niveau micro, sont spécifiés des agents quartiers et les agents fonctions deSIMPOPNANO.

– Au niveau intermédiaire, niveau meso, on spé- cifie des agents villes et des agents fonctions qui sont ceux de SIMPOP2. Les agents fonc- tions sont les mêmes que ceux de SIMPOP- NANO.

– Enfin au niveau du système de villes, niveau macro, on spécifie une entité qui contient des paramètres globaux. Ceux-ci sont néce- saires au vu de la période considérée. Ils s’appliquent à tous les agents de niveau in- férieur et, sans influer sur la différenciation produite par les interactions, injecte des taux de croissance démographique et économique

globaux qui assurent que les valeurs des va- riables soient d’un ordre de grandeur compa- rable aux données.

L’exécution du modèle consiste en l’éxécution alternée d’une itération de SIMPOP2 et d’une itération deSIMPOPNANO.

– SIMPOP2 calcule à chaque pas de temps les interactions entre villes et détermine en conséquence l’état suivant de chacune : les fonctions qu’elles acquièrent, le nombre d’employés et la richesse de chacune.

– Ces sorties sont les données d’entrée deSIM-

POPNANO, qui calcule la ventilation de ces effectifs des fonctions au sein des quartiers de la ville. Les fonctions payent leur implanta- tion sur les quartiers grâce à l’argent généré au niveau SIMPOP2, lors des échanges avec d’autres villes. En sortie simpopNano produit un indicateur de la qualité de l’implantation des fonctions à l’intérieur de la ville.

– Cet indicateur est utilisé par les agents- fonctions au niveau SIMPOP2 pour décider de la ville où elles vont s’implanter

Le résultat de cette intégration de modèles est un nouvel artefact, permettant de tester des hy- pothèses sur les mécanismes assurant le « pas- sage »entre les niveaux. Dans quelles propor- tions l’organisation spatiale interne d’une ville influe-t-elle sur sa position hiérarchique au sein du système de villes auquel elle appartient ?

3 Vers des organisations multi- agents multi-niveaux

Après avoir rendu compte de différentes expé- riences de modélisation à base d’agents à dif- férents niveaux d’organisation ou échelles, il s’agit maintenant d’essayer de les systématiser.

L’objectif est de proposer une grille d’analyse de ces modèles multi-échelles en vue de faciliter leur conception et leur mise au point. Nous exa- minerons ensuite comment ces différentes vi- sions du multi-échelles peuvent s’articuler.

3.1 Des niveaux et leur couplage dans les modèles étudiés

Avant de proposer une grille d’analyse, nous al- lons revenir sur les trois modèles présentés pour répondre aux questions suivantes :

1. Spécification des niveaux : quels sont les différents niveaux identifiés, quels sont les

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types d’objets et/ou d’agents définis à ces niveaux, et comment ces types sont-ils défi- nis (sont-ils spécifiés a priori ou bien sont- ils découverts de manière dynamique ?) ; 2. Instanciation des objets : comment l’ins-

tanciation des objets et/ou agents est-elle effectuée (celle-ci s’effectue-t-elle de ma- nière statique en définissant explicitement les agents du modèle ou bien ceux-ci sont- ils créés de manière dynamique dans la si- mulation en fonction du contexte ?) ;

3. Couplage entre les niveaux : de quelle ma- nière les différents niveaux sont-ils couplés (de quelle nature sont les interactions entre agents de niveaux différents ?).

Tumeur cancéreuse et ceinture de PAI-1. Dans ce modèle, l’aspect multi-niveaux peut-être vu de deux manières complémentaires. La première est de constater que le modèle, composé de cel- lules d’une part, de protéines d’autre part, in- tègre des objets appartenant à des échelles très différentes. La deuxième est de proposer que des objets correspondant à des abstractions de plus haut niveau d’organisation puissent être introduits dynamiquement dans la simulation.

L’introduction d’un modèle agrégé pour prendre en compte le coeur de la tumeur rentre ainsi dans cette catégorie.

FIGURE 1 – Modélisation d’une tumeur à partir d’entités cellules et molécules

Dans le premier cas (voir figure 1), les niveaux correspondent aux cellules et aux molécules, ces types étant définis a priori. L’instanciation s’ef- fectue en créant une cellule initiale, qui elle- même crée d’autres cellules par divisions suc- cessives, et produit et externalise des molécules de PAI-1. Les niveaux cellulaire et moléculaire sont couplés du fait de l’activité des cellules : les cellules produisent des molécules de PAI-1 avec une certaine vitesse ; dans le même temps, elles internalisent ces mêmes molécules avec une vi- tesse qui dépend du nombre de récepteurs dis- ponibles sur la membrane de la cellule.

FIGURE 2 – Introduction d’un modèle agrégé pour le coeur de la tumeur

Il n’y a pas jusque là de passage d’échelle mais seulement l’interaction, dans un environ- nement commun, entre objets d’échelles diffé- rentes. Dans le second cas en revanche (voir fi- gure 2), on identifie en cours de simulation une entité de niveau supérieur qui est réifiée en tant que telle. Il y a donc l’introduction d’un niveau supplémentaire de modélisation, celui d’un tissu multicellulaire correspondant au coeur de la tu- meur. Ce type d’objet est spécifié a priori : on sait de manière certaine que la simulation du modèle va conduire au développement d’une tu- meur et l’on peut donc anticiper l’apparition de cet objet. Son instanciation par contre dépendra du moment où un tel type d’objet pourra être observé dans la simulation. La dynamique de cet objet agrégé peut alors être vue, d’une cer- taine manière, comme la résolution numérique d’équations différentielles très simples, décri- vant l’évolution des quantités de cellules respec- tivement nécrosées et quiescentes, l’évolution de la quantité de PAI-1 à l’intérieur du modèle, ou encore la quantité de PAI-1 externalisée.

SimulBogota. Dans ce modèle, afin de réduire la complexité des simulations et la quantité des données nécessaires pour représenter les dyna- miques migratoires intra-urbaines, nous avons introduit un niveau intermédiaire composé par des structures « artificielles » : des groupes formés d’entités microscopiques semblables. Il s’agit de structures qui n’ont pas d’équivalent physique et qui résultent de l’analyse des don- nées de ménages et de logements (niveau micro- scopique). Ce caractère « artificiel » des groupes conditionne la mise en place de mécanismes d’interaction entre groupes et des mécanismes d’interaction inter-niveaux (voir figure 3).

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FIGURE 3 – Diagramme des interactions entre niveaux dans la simulation de l’évolution de la distribution spatiale de la population dans Si- mulBogota

Contrairement à la modélisation d’entités « phy- siques », dans ce cas-là, et en l’absence de règles de comportements de groupe bien établies ou fa- cilement déductibles, le modélisateur est en ef- fet libre dans la définition de mécanismes d’in- teraction. Egalement, par rapport aux modèles de phénomènes physiques, la question supplé- mentaire du niveau d’abstraction se pose : il s’agit de définir le nombre de groupes à considé- rer, sachant qu’un nombre réduit peut produire une sur-simplification du modèle, tandis qu’un nombre élevé peut rapprocher excessivement les groupes du niveau microscopique et entraîner la perte de leur capacité de synthèse.

Dans le cas présenté ici, le niveau des groupes ainsi que les mécanismes d’interaction entre groupes ont été spécifiés au préalable. Toute- fois les groupes sont instanciés dynamiquement à partir de la classification des données de mé- nages et logements à chaque pas de simulation.

Le choix de mécanismes de passage entre les niveaux (par exemple l’algorithme de classifi- cation utilisé pour passer du niveau micro au méso) et du niveau d’abstraction a par contre été guidé par le mécanisme de validation du mo- dèle. Ces paramètres ont été définis en fonction de leur capacité à reproduire, le plus fidèlement possible, la distribution spatiale de la population dans l’année finale de simulation.

Etant donné que l’on connaît très peu sur le fonctionnement des groupes, le mécanisme choisi pour représenter l’interaction entre les groupes est aussi artificiel que les groupes eux- mêmes. Le mécanisme proposé basé sur les en- chères de logement n’a pas de fondement réel, il s’agit simplement d’un artefact qui permet l’appariement dynamique et multi-critère entre

groupes de ménages et groupes de logements.

Le choix de ce mécanisme ne relève que de l’intuition des modélisateurs. Grâce à ce méca- nisme, les ménages sont rélocalisés, le passage entre le niveau des groupes et le niveau micro- scopique est ainsi représenté.

Du point de vue de l’évolution, des règles géné- rales ont été construites à partir des données des- criptives des ménages et des logements. Le mo- teur d’évolution est donc placé au niveau micro- scopique et ses effets sont propagés aux groupes par le mécanisme de passage entre le niveau mi- croscopique et celui des groupes.

Dans ce modèle, il n’existe pas d’interaction di- recte entre entités microscopiques, les entités actives du système sont donc les groupes. Le niveau microscopique fait office de point d’an- crage avec la réalité tandis que le niveau de groupes offre une vision synthétique de la réa- lité, ce qui facilite la formulation et l’évaluation d’hypothèses sur le comportement du système permettant donc de mieux comprendre le phé- nomène modélisé.

SimPop3. Dans SIMPOP2 le niveau de spécifi- cation du modèle, celui où la connaissance géo- graphique est injectée dans les agents et règles, est celui des villes : les villes sont des enti- tés indivisibles, ce sont les agents du modèle.

Le niveau système de ville constitue le niveau émergent. SIMPOPNANO travaille quant à lui à l’échelle inférieure : le niveau de spécification est celui des quartiers, dans lesquels doivent se localiser ces mêmes fonctions urbaines acquises par la ville au niveau système. Le niveau ville constitue le niveau émergent. Il ne s’agit donc pas de la « même » ville que celle de SIM-

POP2 : celle de SIMPOPNANOest une entité qui n’existe que dynamiquement, à travers une su- perposition de mesures qui permettent au géo- graphe de décider si la structure émergeant de son modèle ressemble ou non à une ville. Pour SIMPOP3 nous avons donc été confrontés au be- soin de construire un pont entre la ville spéci- fiée de Simpop2 et celle, émergente, de Simpop- Nano. Ce besoin est illustré par la figure 4.

Pour réaliser cette articulation entre les deux modèles, nous avons choisi d’identifier une des- cription commune aux deux niveaux, qui repré- sente à la fois un effet de la dynamique du sys- tème des villes sur la ville, et qui puisse ex- primer une dynamique interne à la ville sus-

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FIGURE 4 – SIMPOP3 : un SMA multi-niveaux pour tester des théories urbaines au passage d’échelles. Comment articuler l’agent ville spé- cifié de SIMPOP2 avec la ville émergente de

SIMPOPNANO?

ceptible d’avoir des effets en retour sur le sys- tème. La notion de fonction urbaine a donc été instanciée dans le programme en agent « inter- échelles ». La fonction urbaine est à l’origine un concept abstrait défini par les géographes pour qualifier le rôle spécifique joué par une ville au sein du système, et qui trouve donc sa per- tinence à l’échelle du système de villes . Pour réaliser le couplage, la notion a été infléchie et l’hypothèse a été faite qu’elle pouvait être utili- sée pour qualifier les types d’activités en inter- action à l’intérieur de la ville. C’est en fait ce transfert d’un concept de l’échelle inter-urbaine à l’échelle intra-urbaine, qui permet d’utiliser l’objet fonction urbaine comme un agent « tam- pon » permettant de faire le lien entre les règles des deux modèles, et qui a permis de réaliser ce couplage.

3.2 Différentes approches de modélisation multi-niveaux

A partir des trois exemples présentés, ainsi qu’un ensemble d’autres modèles issus de la lit- térature, on peut tenter une catégorisation des modèles multi-échelles autour de trois aspects : 1. Le couplage de plusieurs modèles à l’ori- gine indépendants : on considère des mo- dèles à des échelles différentes en interac-

tion. Les sorties des modèles d’échelle su- périeure servent à définir des paramètres globaux des modèles d’échelle inférieure et les sorties des modèles d’échelle infé- rieure sont considérées comme des flux d’entrée dans les modèles d’échelle supé- rieure. On peut distinguer encore deux sous- catégories :

(a) les différents modèles s’exécutent de manière alternée (c’est le cas par exemple de Simpop3). Dans ce cas, le couplage entre les modèles est gé- néralement faible mais des difficultés peuvent néanmoins apparaître si les différents modèles partagent des objets qu’ils peuvent chacun modifier (l’entité ville dans le cas de SIMPOP3).

(b) un modèle multi-agent est encapsulé à l’intérieur d’un agent de niveau supé- rieur. Si l’on pense au modèle de tu- meurs, cela correspondrait au fait que l’on modélise la dynamique interne des cellules, plutôt que de considérer une production à taux fixe de molécules de PAI-1. Cela permettrait alors de prendre en compte les réseaux de ré- gulation génétique contrôlant la pro- duction de PAI-1. Il faut faire atten- tion, dans ce cas, à l’ordonnancement de l’activité des agents aux différents niveaux, qui n’intervient pas nécessai- rement à la même échelle temporelle.

2. La cohabitation et l’interaction d’agents si- tués à des échelles spatiale, sociale ou tem- porelle différentes au sein d’un même mo- dèle. On peut y parvenir d’au moins deux façons différentes :

(a) par spécification statique des entités si- mulées (ex. : des cellules qui inter- agissent avec des molécules dans le modèle de tumeur ; des personnes qui interagissent avec des quartiers dans le modèle Accessim [2], SIMPOP3).

A nouveau apparaissent des problèmes liés à l’ordonnancement des agents.

Dans le cas de cellules et de molécules, les échelles de temps caractéristiques sont en effet très différentes. Cela im- pose de privilégier un mode de simu- lation à évènements discrets, ou encore de gérer en parallèle plusieurs ordon- nanceurs pour les différents types d’ob- jets simulés.

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(b) par spécification dynamique des en- tités simulées : implémentation de mécanismes de type « loupe dyna- mique » qui permettent d’augmenter le niveau de résolution spatiale sur des zones critiques. (ex. : le modèle fractal de l’environnement proposé par [11]).

La difficulté principale dans ce cas ré- side dans l’adaptation continuelle né- cessaire pour toujours conserver le plus grand niveau de détail sur les zones d’intérêt, par exemple celles où se trouvent des agents.

3. La construction automatique d’agents d’échelle supérieure : il s’agit de modèles qui produisent des agents de niveau supé- rieur par « observation » automatique de la simulation, caractérisation de structures de plus haut niveau et réification de ces structures sous forme d’objets. On peut là encore distinguer deux cas distincts :

(a) les agents des deux niveaux n’inter- agissent pas directement les uns avec les autres (ex. : simulBogota) car les entités des deux niveaux ne sont pas dans le même espace de modélisation.

D’une certaine manière, ce cas res- semble au cas 1a, puisque l’on aura également une alternance entre l’exé- cution de modèles aux niveau micro et macro : le simulateur exécute en effet en boucle l’évolution du modèle au ni- veau micro puis son analyse au niveau macro, puis l’évolution du modèle au niveau macro.

(b) les agents des deux niveaux peuvent interagir entre eux et avec les agents de l’autre niveau : les entités des deux niveaux sont dans le même espace de modélisation (ex. : modèle de tumeur avec modèle agrégé, RIVAGE [15], ou encore [3] qui se base sur des ap- proches hiérarchiques de type holo- niques). Cette approche, sans doute la plus riche, entraîne cependant une plus grande complexité puisqu’elle néces- site de pouvoir à la fois détecter l’ap- parition d’une structure émergente, ca- ractériser sa dynamique et ses interac- tions avec les autres agents de manière à pouvoir la réifier, vérifier que la si- mulation reste valide, et enfin contrô- ler que les conditions de maintien de

la structure émergente sont vérifiées, faute de quoi, elle devra disparaître en tant que telle pour réapparaître sous forme d’agents individuels.

4 Conclusion

Nous avons présenté dans cet article trois mo- dèles à base d’agents qui peuvent tous, d’une manière ou d’une autre, être qualifiés de « multi- niveaux ». Ces modèles sont pourtant très dif- férents les uns des autres, tant du point de vue du domaine d’étude et des échelles modélisées que des approches mises en oeuvre pour gérer la complexité entraînée par la gestion de diffé- rents niveaux d’organisation. Nous avons pro- posé une grille d’anlayse permettant la classi- fication de différents types de modèles multi- niveaux, à l’intérieur de laquelle nous avons po- sitionné nos modèles. Celle-ci demande à être complétée et raffinée en y intégrant d’autres tra- vaux de la communauté.

Ce faisant, nous ne prétendons pas proposer une méthodologie de conception de modèles multi- niveaux, qui puisse être réutilisée, étape par étape, pour la conception d’un nouveau modèle.

L’objectif est davantage de montrer d’une part que différentes problématiques de modélisation peuvent conduire à des solutions très différentes et d’autre part d’aider le concepteur à identi- fier les points durs de chacune des approches.

D’autre part, l’identification de ces difficultés nous conduit à proposer quelques pistes de réa- lisation de couplage inter-niveaux et orientés agent. Leur pertinence a été établie pour les trois exemples étudiés, ainsi que pour d’autres issus de la littérature.

Lorsque des modèles existent dans un domaine particulier, et ont prouvé leur efficacité, il est à la fois utile et important de pouvoir les réutili- ser, ce qui implique de permettre le couplage de modèles à différents niveaux ou fondés sur des formalismes hétérogènes (discret/continu par exemple). Pour ce faire, d’une part des modèles microscopiques peuvent être encapsulés sous formes d’agents, d’autre part des modèles conti- nus (par exemple des modèles à base d’équa- tions différentielles) peuvent servir dans la défi- nition de variables et dynamiques globales uti- lisables comme entrée de modèles d’échelle su- périeure.

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Et parce que les systèmes complexes évoluent de manière dynamique, il est également impor- tant que le découpage en agents puisse lui aussi évoluer dynamiquement. Pour ce faire, il est né- cessaire de permettre la détection [12] et la réi- fication automatique de structures émergentes, et réciproquement de permettre le découpage d’agents en organisations sous-jacentes, de ma- nière interactive. En adaptant les niveaux de description du système, il ne s’agit pas tant de gagner en performances computationnelles, que de gagner en pouvoir explicatif en sélectionnant les niveaux d’organisation et de description per- tinents, pour obtenir la plus grande compréhen- sion possible des mécanismes à l’oeuvre dans le système complexe étudié.

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Références

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