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8le dessin de Kupka.
A NOS LECTEURS
Pas de supplément cette semaine.
SOMMAIRE
PAUVRE UNITÉ SOCIALISTE,
Pierre Monatte.
ANTIMILITARISME ET RÉVOLUTION,
Charles-Albert.
LA CULTURE INTENSIVE, G.
R.
LETTRE D'UN OUVRIER,
H. F.
MOUVEMENT SOCIAL:
Rousset Galhauban, Am. D.
M.
Pierrot, P. Delesalle, Vlasta Boreck.
VARIÉTÉ
:
Art appliqué.-
Art nouveau (fin),Léo-
min.
BIBLIOGRAPHIE.
CORRESPONDANCES ET COMMUNICATIONS.
• CONVOCATIONS.
PETITE CORRESPONDANCE.
Pauvre Unité Socialiste
Le parti socialiste n'a pas
dechance. Il n'a pas plutôt achevé
debâtir son Unité, que des
lézardes
se
révèlent sur
lafaçade.
Le Congrès de Chalon accepta
àl'unanimité la motion Cambier. Certaines gens votèrent cette motion dont ils disaient, huit jours avant,
qu'elle était haineuse, rancunière,
etpar-des-
sus tout impolitique. La motion Cambier ré- clame, on s'en souvient, que
leParti unifié
dé-nonce, par voie d'affiches, comme non socia- listes
lescandidats aux élections
de 1906qui s'étiquetteront socialistes sans appartenir au
parti
;
elleréclame,
deplus, que
lescandidats unifiés
semaintiennent au deuxième tour con- tre
lesnon-unifiés plus favorisés.
D'ici mai
1906, il y adu temps;
del'eau
pas-sera sous
lesponts,
desbrebis égarées auront
retrouvé
lechemin
du bercail socialiste. Cet espoir n'était-il pas fondé?
Leparti socialiste
est
une maison hospitalière où d'anciens can- didats radicaux ont aisément trouvé un abri.
Pourquoi
lesquelques députés
etcandidats
socialistes actuellement en dehors du parti n'auraient-ils pas d'ici
1906fait amende hono-
rable
etapporté leur
adhésion? Déjà Briand et
ses
collègues de
laLoire s'exécutaient. Auga- gneur prenait
lelarge.
Lesdéputés des Ar- dennes avaient pris peur
etétaient rentrés.
Ceux qui restaient encore au dehors, demeu- raient sans chefs. Voit-on un groupe politique ayant
à satête Gérault-Richard ou Zévaès?
Cela
ne sepeut décemment. Devant
cetétat de choses,
lesindépendants pouvaient-ils mieux faire que
de seremettre sous
la sifrêle dépen- dance du parti?
C'est ainsi, après
cescalculs, que la gênante motion Cambier obtint d'être votée. Ne pou- vant être appliquée
àpersonne, quel inconvé- nient
yavait-il
àl'accepter? On la vota. Elle n'était plus une motion
dehaine
et derancune, puisqu'il n'y aurait plus de frères ennemis.
Elle devenait, d'impolitique qu'elle avait sem- blé d'abord, habile
etprofondément politique.
Le parti socialiste
sepayait
àpeu
defrais un petit air
debravoure
quilui manquait. Il deve- nait un parti qui n'avait
paspeur, qui marche- rait carrément, qui ferait,
enfin,des élections
de
classe. Ca allait chauffer.
La douche commence. L'état-major du parti socialiste avait oublié l'existence d'un homme dont
lesadhérents du parti, eux, n'ont pas perdu
lesouvenir. On avait compté sans
Mille-rand. Voilà que
lesgroupes socialistes de
Nantes, faisant partie
de laFédération
deBretagne, lui ont spontanément
offertla candi- dature aux élections générales
de 1906dans
lapremière circonscription
deNantes.
Par41 voix contre
40,la Fédération socialiste nantaise
afait choix
deMillerand,
enviolation flagrante des statuts du
parti! Pour être candidat du
parti,
ilfaut être membre depuis trois ans. Or, Millerand n'est plus membre. Les
41délégués du prolétariat(!!) nantais,organisésur
leterrain politique,
nedevaient pas ignorer
cesdétails.
Je suppose que parmi
les 40autres quelqu'un s'était trouvé pour
lesleur rappeler, pour
éle-ver cette objection. Une majorité
apu, néan- moins, sauter par-dessus l'obstacle. Combien d'unités
nel'ont pu, manquant
dejarret-
et demépris pour
lessacro-saints statuts? On peut avancer, sans témérité, que
lessympathies
dela majorité réelle, quoi qu'en dise
lacommis- sion administrative du Parti, allaient
àMille- rand,
àMillerand mis
àla porte du parti socia- liste,
,àMillerand
leplus dangereux ennemi des idées socialistes
etdu mouvement ouvrier.
Et alors? Que doit-on déduire? D'abord,
il mesemble que la Fédération socialiste nan- taise est bourrée de gens qui ne sont pas
socia-listes,
cequi n'est pas pour nous surprendre.
Ensuite
? Et ensuite, que
lesautres fédérations socialistes qui
nesont
nimieux
niplus mal recrutées que leur sœur nantaise, sont formées d'éléments analogues. La proportion n'est peut-être pas partout la même. Il
y apeut-être des fédérations plus favorisées. J'en connais aussi
depires. On n'objectera pas, sans doute,
que
lessocialistes nantais ignoraient la figure nouvelle
deMillerand. L'ancien ministre
estallé à
Nantes voici un mois ou deux
laleur montrer
etprésider une cérémonie mutualiste.
Il prononça un grand discours où
ilétait ques- tion de progrès social, d'intérêt national et
de
poudre sèche. Le discours
fitsensation.
Toute la presse bourgeoise l'applaudit
etquel-
ques journaux socialistes
lepublièrent en ca- ractères imposants. Evidemment,
lesouvenir
de
Waldeck-Rousseau fut rappelé. Millerand déclara sans ambages, qu'il
enétait l'héritier.
L'ancien ministre était d'autant plus
àson
aisepour parler ainsi, qu'il préside une commis- sion delà marine marchande chargée
dedistri- buer aux armateurs des primes
del'Etat.
Millerand apparaissait, là-bas, comme un homme
deconfiance
dela bourgeoisie, un homme décidé, autant
àla paix intérieure qu'à la guerre extérieure.
Tout cela décida la Fédération socialiste nantaise
àlui offrir une candidature.
* *
Incorrection
étrange! attitude surprenante !
s'écrie
lecitoyen Jaurès. En a-t-elle un de toupet, cette Fédération
nantaise! Elle
apro-
clamé
lesprincipes, adopté
lesstatuts,
etpuis
ce
qu'elle
a depremier
àfaire, c'est
de lesvio-
ler
! Que voulez-vous, citoyen,
lessentiments ont parlé plus haut que l'esprit de politesse, chez cette pauvre Fédération nantaise. Après tout, elle n'est pas
sicoupable. Il aurait fallu lui changer
sessentiments. L'avez-vous fait?
L'unité socialiste
estfaite. Tout
lemonde
dans l'unité socialiste
estsocialiste. Défense
deregarder quelqu'un
detravers. Jaurésistes
etguesdistes n'ont plus aujourd'hui qu'une même pensée, ne font plus que
lesmêmes gestes. Les jaurésistes ont donné
des gages;
ilsont rompu
le
bloc, supprimé leur représentation
à ladé- légation des gauches. En
effet, lebloc n'existe plus. Mais
nes'est-il pas
effritétout
seul
àforce d'avoir roulé. Est-ce
lessocialistes ou
lesradicaux qui l'ont
brisé? N'en est-il pas
de
même
dela délégation
des gauches? Les
radicaux
nevenant plus
à ladélégation des
gauches, complotant dans leur coin contre
leministère Combes,
lessocialistes étaient bien forcés
den'y plus aller; ils affectèrent de
seretirer
et ilscrièrent très haut qu'ils repre- naient leur indépendance, maintenant que la République était sauvée
etque brillait la lu- mière
dela Raison.
Aufond d'eux-mêmes ils sanglotaient. Ils
nepouvaient pas croire que l'idylle des partis républicains était finie
etbien finie. Quelques-uns rêvent encore que cela dure. La loquacité
deRouanet laisse
detemps
àautre échapper quelques regrets. Le pauvre homme n'appelait-il pas, l'autre se-
maine, l'interpellation
deSembat relative aux grèves
deLongwy, l'interpellation
désgauches,
applaudie frénétiquement par
lesgauches, di- sait-il encore.
Auscrutin,
lesgauches
setrou- vaient réduites
à 55voix. Mais Rouanet qui
n'y pouvait croire, dans la persistance
deson rêve,
ne ledonnait pas,
cechiffre, aux lecteurs
de
l'Humanité.
Les guesdistes ont redonné la confirmation socialiste aux jaurésistes. Ils ont mieux aimé passer
encompagnie
deleurs adversaires d'hier
le mauvais pas des élections prochaines que
des'aventurer seuls sur
lechamp
debataille
élec-toral. Mais, par exemple,
ilfallait que
lesjau- résistes fassent un peu
detoilette prolétarienne, réapprennent par cœur la déclaration
deprinci- pes socialistes. Depuis l'effort
demémoire fait par
lesjaurésistes, rien
neles distingue plus guère
desguesdistes.
Desmots
lesséparaient.
L'action
detous
lesjours les réunissait. La querelle
demots
estclose. Ils étaient partis
envrais frères vers
laconquête des mandats poli- tiques. L'événement
deNantes
estun caillou sur leur chemin, un caillou qui secoue un peu la voiture, mais qui
al'avantage
deleur rappe- ler que la famille n'est
pascomplète, qu'ils ont
oublié
deprendre quelqu'un
aupassage.
C'est une brave
fille,cette Fédération nan- taise. Le parti socialiste allait faire une crasse à quelqu'un qui mérite la reconnaissance
detout
cemonde; son bon cœur s'est révolté.
Qu'est-ce qu'on
a àreprocher
àMillerand?
Des écarts
deconduite, insignifiants,après
tout. Il
acouru
avecl'aventurier Doumer. Eh
bien!
mais Doumer n'est qu'un bourgeois comme un autre. Tous
lesdéputés socialistes sans exception ont couru
avec lesgens du Bloc qui n'étaient pas autre chose que
desbourgeois.
Brousse
acouru Paris
avecquatre ou cinq rois;
Jaurès
apiloté
leroi d'Italie. Les conseillers socialistes
deParis ont reçu Alphonse XIII;
Delory
adîné chez Motte, etc., etc.
Est-ce qu'il n'a pas aussi vigoureusement que Jaurès
etque Guesde,
etavant
euxmême stigmatisé l'ignoble propagande antipatriotique
des
anarchoset semi-anarchos;
nedisait-il pas encore dans
salettre de refus aux groupes
deNantes que
lesocialisme français
nepouvait accomplir
sonévolution, jouer
lerôle qui lui est imparti
etservir efficacement
lacause
del'émancipation humaine que dans une France abritée contre toute tentative d'agression?
N'a-t-il pas
été leplus courageux
àmener
lebon combat contre
lesindividus qui veulent
entraîner le prolétariat dans la voie criminelle
de l'action directe? Guesde a-t-il
eudes mots plus durs pour flageller l'imbécillité
del'agita- tion
enfaveur
de laconquête des huit heures?
Reconnaissez que Millerand s'y était pris même plus habilement que vous autres pour enrayer l'extension des syndicalistes révolutionnaires,
ces anarchistes honteux. Marchent-ils derrière vous ou derrière Millerand,
cesréformistes du
mouvement syndical pour lesquels vous
aveztant de profonde estime; sont-ils vos amis ou
les siens? Qui donc plus que Millerand s'est préoccupé de prévenir
etd'empêcher
cesgrèves de plus
enplus aiguës
et deplus
enplus géné-
rales qui démoralisent
laclasse ouvrière, qui lui enlèvent toute
foi en leshommes politiques parce qu'elles lui donnent la conscience
desa force propre? Millerand seul, quand
ilsera
denouveau ministre, pourra nous donner une
bonne loi sur la conciliation
etl'arbitrage. Il nous donnera aussi
lesretraites ouvrières que vous faites
luireà nos yeux depuis
silongtemps,
et
tant
delois
deprotection ouvrière que nous
ne
soupçonnons pas encore.
Il sera ministre
denouveau,
enfin.Grâce
àlui, Briand, Viviani,
etvous, Jaurès, ne mour-
rez pas sans avoir
vécuvotre
rêve: gouverner
pour
debon. Quel mal
ya-t-il
àêtre ministre ?
Y en
a-t-il davantage qu'à être maire, député,
rapporteur d'un
budget?
Il
estl'homme de confiance
de labourgeoi-
sie,
l'héritier
dela tâche
deWaldeck-Rous-
seau
! Tous
lesgroupes, ceux des simples ré- publicains,
desrépublicains démocratiques,
des
républicains radicaux
deNantes l'ont as- suré qu'ils soutiendraient sa candidature, cette candidature que venaient
delui offrir
lesgrou-
pessocialistes.
Bah! combien d'autres députés socialistes
etdes plus révolutionnaires rece- vront l'aide, discrète ou franche, des groupes
républicains
? Combien seront candidats
offi-ciels du gouvernement? Combien sont
etres- teront
leshommes
deconfiance du patronat ?
On
aaccueilli dans l'Unité
lesdeux députés mineurs, Basly
etLamendin,
àqui
lesCom- pagnies minières n'ont rien
àrefuser. Guesde qui, hier,
lestraitait
deBazaines,
seballade triomphalement
aveceux aujourd'hui. Or,
Basly
estplus millerandiste que Millerand lui -même. Pourquoi accueillir les disciples
et
pas
le maître? Pourquoi
cequi
estbon
dans
lePas-de-Calais
etd'autres régions,
setrouve-t-il mauvais dans
la Bretagne? Il fau-
drait choisir. Il ne faudrait pas contrarier nos sentiments,
lesmeurtrir. Jaurésistes et gues- distes, vous nous
avezdit
dattendre tout du Parlement,
lesréformes immédiates
et laRé- volution. L'expropriation capitaliste, nous
nepourrons la faire, vous le savez bien, que quand nous aurons conquis
lepouvoir politique, quand nous commanderons
àla police et
àl'armée
etque nous
necraindrons plus
denous faire casser la figure. Millerand sera président
du Conseil, un
de cesquatre matins. Il
vapouvoir faire
larévolution,
etvous
nevoulez pas
de lui?
Maisc'est
dela
folie!
* *
Je suppose que
ceraisonnementun peu long, la Fédération nantaise l'a fait.
Si elle nel'a
pas fait, son acte demeure incompréhensible,
et ne
produira pas
les effetsqu'elle
esten droit
d'en attendre.
Le socialisme unifié doit comprendre Mille- rand. Il doit
yoccuper
laplace d'honneur.
N'en est-il pas le plus beau produit
et leplus utile ?
PIERRE MONATTE.
Miilitarisme et Révolution
DiJnS le
dernier
numérodu
Libertaire,le
cama-rade
Almereydacritique
vivement lepremier
desdeux
articles parus
ici sous letitre: Antimilita- risme
etRévolution,
et vise spécialement unephrase
de cetarticle. Il
nesera peut-être pas
inutile
dereproduire
ici lesexplications que j ai
adressées à ce
sujet aux
camarades duLibertaire,
en réponse à
l article d'A lmereyda.
Chers camarades,
En réponse à l'articla d'Almereyda, voulez-vous me permettre quelques éclaircissements ?
Je serais désolé qu'on pût me croire la moindre inclination à la passivité tolstoïenne.
« Laissons-nous fusiller par les bourgeois fran- çais,
ai-je
écrit, plutôt que d'assassiner au nom de fa révolution nosfrères
allemands, anglais ou russes».
Replacée dans l'ensemble et
Jani
l'allurede l'ar-
ticle visé, cette phrase peut, il me semble, se com- prendre assez aisément un peu autrement que
ne
l'a comprise le camarade Almereyda. Je
reconnais
cependant qu'elle prête à l'équivoque: je
dois doncà ce
sujet
quelques explications.J'ai voulu dire exactement
:
« S'il n'y a pas moyen de faire mieux
(c'est-à- dire
si un mouvement
insurrectionnel
est impossible ouavorte et que nous restions sous
l'autorité
bour-geoise), laissons-nous fusiller
par
les bourgeoisfrançais plutôt que d'assassiner au nom de la Révo- tion,
etc.
(c'est-à-dire avec la pensée que noustra-
vaillons ainsi pour la révolution).»
Je répondais, avant tout, par là, à cette idée de
Kropotkine
:
la Franceétant
laterre
de la révo-lution, il faut coûte que coûte la défendre. Je
répondais aussi à cette conception —que
je ne
parviens
pas à
comprendre — et suivant laquelleon
imposerait
par une
guerre nationale analogue aux guerres de la Grande névolution, une révolution sociale, ouvrière, économique.Et c'est là, en réalité, le nœud même de la ques- tion.
Supprimons, en eff-t, la phrase incriminée. Rien
ne sera changé à ce que
j'ai
voulumontrer.
Le petit
jeu
d. s prévisions sur la guerre etsur
la révolution,
et sur
la manière plus oumoins
habile de faire coïncider l'une et
l'autre,
me sembleparfaitement, vain et c'est là ce qui nous sépare, au fond, ;¡Vpc Almereyda. Pour trop de révolution- naires, la révolution est
n'importe
quoi de violent,qui peut
arriver
n'importequand,
à n'importequelle occasion. Une pure forme sans contenu. C'est
la révolution pour la révolution, quand même. On peut dès
lors
très aisémentarranger
les chosesd'avance au gré de ses désirs.
Pour moi, toute l'importance d'une révolution est dans les résultats qu'elle doit amener, dans le sens et la physionomie
tJrobable
de la transformation.Je dirais volontiers
:
Pas de révolution du tout plutôt qu'une révolution quelconque.Or, si j'essaye aujourd'hui de me
représenter ce
que sera, à ce point de vue, la révolution utile de demain,
j'ai
un seul point de repère. Les seuls hommes,je
ne dis pas tout à faitprèls,mais
aptestout au moins à opérer la iransformalion écono- mique dont nous avons besoin et à lui assurer un lendemain, sont ceux que l'on appelle les
syndi-
calistes révolutionnaire*. Ils seront aidéy
bien en-
tendu,
par tous les homme-! de bonne volonté,mais leur esprit dominera, donnera la
note, ou rien
ne sera fait.
D'autre part, je vois mal ces hommes — é ati£
donné ce que
je
sais d'eux — disposés àentre- prendre
une guerre ou une série de guerres natio- nales — car sait-on où l'ons'arrête
dans cettevoie
?
— pour imposerlejrs
revendications. Je lesvois bien plutôt, disposas à
montrer
queleurs
moyen,; d'action
s
>nt t-alab'es contre tousles
gou-vernants, politiques et économiques, dans tous les pays et à
lutter
contre les réactions coaliséespar
la coalition entre exploités et révolutionnaires
de
tous pays.
Alors j'aime
autant
ne pas tablersur
lenatio-
nalisme. révolutionnaire et
je
conclus:Au iieu du nous perdre en des prévisions prati- ques que l'événement
tiès
probablementrendra
vaines, au lieu
de
supputer péniblement le devoir futur, tenons-nous-en au devoir présent qui est en l'espèce la propagande de l'antimilitaribme et de l'antinationahsme.Tachons
d'organiser, pour le plU5tôtpo
stble, lerefu
collectif de servir, sans dis- tinction de paix ni de guerre.Fraternellement
vôtre,CHARLES ALBERT.
LA CULTURE INTENSIVE
L'un des reproches que l'on
acoutume de
nous adresser est
celui decaresser
unrêve
rhimérique, quand, prônant
leretour
à laterre7
bien avant
que Mélineait fait
sondada
dela
question, nous soutenons qu'il
ya
auxchamps
placn
pour tous.
Je crois qu'il est utile
deprésenter aujour- d'hui, aux lecteurs des
Temps Nouveaux,quel-
ques résultats obtenus dans l'Etat d Ohio,
en-Amérique.
Ilssont concluants au possible.
Les-terres d'un certain domaine, drainées, ont
étédivisées
enparcelles d'un dixième d'acre
cha-cune (i).
Uneparcelle sur trois est cultivée sans recevoir
nifumure,
niengrais.
Neufcents sont
consacrées principalement
àla vérification
dela valeur des acides phosphoriques
commebase constitutive
desengrais.
Voici le
système d'assolement quinquennal
adopté
:
Maïs,avoine, blé, trèfle,
fléole després.
Les
résultats sont extraordinaires,
ilssont vrais pourtant et affirmés par Foster Fraser dans
sonlivre
:
Americaai
wcrk.Sur
lepremier champ,
le
champ sans engrais chimiques, la récolte
deblé fut
de dixboisseaux un tiers par acre.
Le
deuxième champ, fertilisé au moyen
denitrate
desoude et
dechlorure
depotassium
adonné treize boisseaux et
demipar
acre;
tandis
quetrois cent vingt livres
(2) desuper- phosphate, remplaçant
lenitrate
desoude, ont
fait
augmenterle rendement du troisième champ qui fournit vingt-quatre boisseaux.
Enfin,
dans un dernier champ,
lenitrate
desoude fut repris et combiné
avec lechlorure
depotassium et
lesuperphosphate.
Lerendement fut
detrente-sept boisseaux.
Tous ces
chiffres nous montrent comment
onpeut tripler la quantité
derendement, et rien ne prouve qu'il soit impossible d'augmenter encore cette quantité par une culture
deplus
enplus intelligente et raisonnée.
Cela ne
prouve aucunement, du reste,
ledéfaut de qualité.
Il aété reconnu sur les mêmes ter-
rains d'expérience que certaines variétés de
bléproduisaient
enmoyenne quatre ou cinq
bois-seaux
deplus par acre,
avec desquantités d'en-
grais égales.
Mieux nourrie par un régime approprié
àses besoins, la terre cesse d'être la marâtre.
Ellepaye largement
ceux quilui donnent des soins -intelligents.
Que lestravailleurs agricoles qui se sont groupés pour résister
àleurs exploiteurs se tiennent dès
àprésent au courant
de cesquestions si intéressantes, pour
eux; qu'ils
écoutent les conseils
decamarades
qui sesont spécialisés dans
cesétudes. Qu'ils
setiennent
prêts pour
lejour où, débarrassés
deleurs maî-
tres,
ilsauront
àorganiser librement
etdevront organiser au mieux des intérêts de tous, la pro- duction agricole.
G. R.
—————o
o o o
ggo o c
Lettre d'un Ouvrier
Camarades,
Avez-vous lu l'article de Paul et Victor Margue-
citte, dans
le Journal de vendredi dernier?,
Quelle inconscience de bourgeois! S'ils avaient
été
élevés à l'école de la vache enragée, ils ne don-neraient
pas la même solution d'un problème qu'ils ne sont pas placés pour comprendre.— Faites des enfants, dit la classe des repus à celle des résignés.
Fournissez toujours la vie, nous fournirons la
mort,
soit à l'usine, soit sur le champ de bataille.Et pourquoi n'en fait-elle pas, des enfants, la classe bourgeoise? Pour eux
pourtant,
matérielle- ment, la vie serait moins dure. Mais ils nouslais- sent
ce soin.Et
pourtant, je
me souviens de mesjeunes
ans,delà
lutte inouïe, atroce, que soutenait ma mère pour fournir le pain quotidien de son travail pro- longé jusquau
milieu des nuits. Il lui fallait quinzeheures pour faire deux peignoirs, payés 17 sous pièce.
Mon père avait un salaire de 7 francs et
prenait
son repas de midi dehors. Cela faisait un budget de
21 francs, sur lequel nous vivions à cinq, plus les frais de médecin, ma grand'mère
étant
hydropique et ànotre charge.
Je me souviens qu'un
jour
il nous restait quatresous pour le repas de midi. J'allai
chercher
deuxboulettes
chez le charcutier voisin, lequel spécula(1) L'acre vaut en ares 40,4671.
,(2) La livre anglaise
vaut
452 grammes.encore sur notre misère. Cette
nourriture
était tel- lement vieille et infecte que nous dûmes lajeter.
Je vois toujours le regard atrocement triste de ma mère, quand il fallut tremper notre pain dans de l'eau colorée de café.
Il y a pourtant douze ans de cela et des larmes de rage me montent encore aux yeux à la pensée que les uns crèvent de misère, et que d'autres les exploitent et vivent de leur résignation.
C'est au bout de vingt ans de sacrifices sembla-
bles qu'il viennent dire à une mère
:
Je ne m'oc-cupe pas comment tu as élevé ton fils. Il a l'âge
d'aller trois
ans au bagne:
la boucherie l'attend.Je te le prends pour aller
défendre.
ta misère.Paul et Victor Marguerittese placent à ce seul point
de vue du nombre de soldats à opposer aux armées allemandes ou autres. Ils ne voient pas les quatre cent mille chômeurs qui sont en France. Que de-
main leurs théories soient appliquées et, le machi- nisme aidant, nous en aurons six cent mille. Alors, s'ils ne veulent pas s'occuper des sans-travail,
ceux-ci s'occuperont des repus, n'ayez crainte.
(Une machine vient de se ii-onter dans mon usine
:
elle
supprime huit ouvriers.)
En tous cas, camarades, si cette lettre vous inté- resse assez pour la publier, conviez donc ces Mes- sieurs à venir, entre 8 et 9 heures, au marché Lenoir. Ils y verront la cohue de ceux qui ont des gosses, venant, chercher, pour les
nourrir,
les détri-tus de ceux qui n'en ont pas.
H. F.
MOUVEMENT SOCIAL
La Grande Famille.
— Parmi les soldats libérésil y a deux mois du service militaire se trouve le
nommé Vianet, habitant aujourd'hui Pélussin. En garnison au 38e de ligne à Saint-Etienne, pendant les manœuvres d'été, au mois de
juin,
il se brisa une jambe.Malgré que l'accident se soit produit en service commandé, Vianet a été réformé n° 2, c'est-à-dire sans qu'il lui soit alloué aucune pension ou indem- nité.
On se doute bien que celui-ci n'accepta pas cette mesure sans protester. Il refusa même de se dévê-
tir
du costume militaire et de quitter la caserne.Le capitaine de la 9e, la compagnie de Vianet, fut chargé d'appliquer le jugement du conseil de
ré-
forme et de procéder à l'expulsion du récalcitrant. Il
invita ses hommes à déshabiller de force leur cama- rade. A leur honneur,
tous
refusèrent d'obéir, mal- gré que le capitaine eût le code en main.Mais ce que des soldats refusèrent de faire,un adju- dant eut l'ignominie de l'accomplir, et l'estropié, revêtu d'un costume civil, fut
jeté
à la rue.L'Unitc
socialiste,
qui relate ces faits et proteste, a la naïveté de réclamer une enquête. Une enquêtefaite par qui
?
par d'autres officiers!
Ceo'est
guèrela peine.
4.1.
4
Antimilitarisme - Le
Chambon-Feugerolles. — Croyant mettre une entrave à notre propagande antipatriote et empêcher la camarade Séraphine Pajaud de donner sa conférence, le grand usinier Claudinon, maire du Chambon et député progres-siste (!) a refusé de
prêter
la salle de la mairie aux organisateurs de la conférence. Celle-ci a tout de même eu lieu au local de la chambre syndicale desmétallurgistes.
RousSET-GALHAUBAN.
Pivoteau.
— La sympathie qu'ont hautement ma- nifestée les ouvriers parisiens au camarade VictorPivoteau, condamné en janvier dernier par la cour d'assises de la Seine pour avoir exécuté son contre-
maître,n'est
certainement pasétrangère à la « mesure de clémence»
qui vient d'être prise à son égard. Sapeine de dix ans de réclusion vient d'être abaissée
à trois ans de prison. Nous nous en félicitons vive- ment.
.:..:.
Chronique parlementaire.
— La vérité peut quelquefoissortir
d'une boucheréactionnaire.
Témoin cette appréciation, par l'Eclair, du cas du citoyen Augagneur.
« Voilà un gaillard appelé à un poste grassement rétribué, dont il est, paraît-il, en état de
tirer
encore, pour lui ou les siens, des profits complé- mentaires, et qui l'obtienf, non parce qu'il y est apte, mais parce qu'il l'a gagné par ses votes! Ja- mais régime de corruption ne s'avoua plus cynique- ment. Alors c'est cela le socialisme
parlementaire?
On épouse bruyamment la cause du
prolétariat;
on promet de consacrer sa vie à le défendre
;
onjure
de l'affranchir. Cela dure un lustre ou deux,et, l'heure venue de
jeter
le masque, on file à l'an-glaise, tranquillement, sans même essayer de dis- simuler qu'on
n'a
crié si fort que pour mieuxas-
surer sa fortune. Après de pareils exemples, on conçoit bien que les militants, restés à la portion congrue,perdent
de plus en plus la foi dans le socialisme de Parlement. »4.1.4M.*
Procédés d'Etat. -
Le 26 avril dernier, lejeune
soldat François Novel conduisait de Chambéry à
Cognin une voiture de corvée, quand, au passage d'une automobile, son mulet prit peur et s'emballa.
Novel voulut le maîtriser, mais un écart de la bête l'ayant projeté à terre, une roue de la lourde voi- ture lui écrasa le pied droit.
Relevé et conduit à l'hôpital, il y resta plus de trois mois. Quand il en sortit, comme il ne pouvait plus marcher sans le secours
d'un
bâton, il fut mis en réforme.Mais Novel refusa de
partir,
exigeant une pension.C'était trop d'audace de la part d'un simple soldat.
Un peloton de soldats,
baïonnetteau
canon, l'expulsa l'autrejour
de la caserne Curial.Le voilà pour toujours infirme, et pour longtemps peut-être, à la charge de ses parents, de pauvres ouvriers de Culoz. Il y a bien une loi sur les acci- dents du travail, mais elle ne
saurait
s'appliquer dans l'occurrence, l'Etat étant bien au-dessus des loisqu'il a fabriquées.
Et cependant, comme l'observait récemment
G. Lhermitte dans le Courrier européen, de tous les métiers le plus dangereux, c'est celui de soldat, et
il n'est pas
d'atelier
plus malsain qu'une caserne.D'un garçon solide, l'Etat fait un infirme
;
aprèsquoi il le
jette
à la rue. La morale de l'Etat n'est pas la nôtre.Am.
D.
se K
MONOGRAPHIE (Suite) (1)
Roanne.
[. La campagne l'oannazse. L'industrie roannaise (le tis-
sage des cotonnades). — II. La crise
induslrielle.-
III. Lesconditions
du travail.
—IV.
Lexistenceouvrière.— V. La vie publique. — VI. La lutte ouvrière et l'organisation syndicale.
III.
-
LES CONDITIONS DU TRAVAIL (Suite) :Les autres corporations.
En dehors du tissage, Roanne offre encore un cer- tain nombre
d'industries;
mais celles-ci n'occupent qu'un rang très secondaire par rapport à la masse d'hommes employés dans les fabriques de coton- nade.Tout d'abord deux industries dépendent essentiel- lementteintureduet detissagel'apprêt.lui-mêmeLa première
;
ce sont celles dela
a pour objet de
teindre
les filés de coton utilisés ensuite par les fa- briques de cotonnade;
la seconde se charge d'ap-prêter,
de préparer les pièces une fois tissées. Ces deux industries reçoivent leurs commandes des pa- trons de tissage. Seule une fabrique de cotonnade possède sa propre teinturerie et son usine d'apprêt.Les
teintureries
sont disposéesle long du
Renai-son, et elles ont changé cette petite rivière en
un
égout aux couleurs changeantes. Les Parisiens qui ont connu la Bièvre avant qu'elle fùt recouverte, auraient pu la retrouver dans le ruisseau roannais.
Les usines de
teinture
occupent environ 700 ou- vriers qui ont imposéà
leurs patrons lajournée
de dix heures. Leurs salaires sont de 4 francs, poar lesouvriers
travaillant
dans le bleu, et de 3 fr. 75, pour ceux qui travaillent dans les couleurs. Les condi- tions hygiéniques laissent à désirer à cause de la chaleur, de l'humidité et de la manipulation deproduits colorants dont certains peuvent être plus
ou moins toxiques.
Les apprêteurs
préparent
les pièces de cotonnade (encollage, etc). Une de leurs occupations consiste par exemple à graser les flanelles de coton, de(1) Voir les numéros 23,24, 25, 26 27,28 et 29.