NOTE
INFLUENCE DE L’APPORT D’ALIMENT CONCENTRÉ
SUR LA DIGESTIBILITÉ ET LES QUANTITÉS INGÉRÉES
DE RATIONS A BASE DE PANGOLA
(DIGITARIA DECUMBENS) DISTRIBUÉ EN VERT
A DES CHEVRES LAITIÈRES ET A DES BOUCS
M. CHENOST
P. DAURY P. DESPOIS Station de Recherches
zootechniques,
Centre de Recherches
agronomiques
des Antilles et de laGuyane,
J. N. R.A., Petit-Bourg, Guadeloupe
RÉSUMÉ
Nous avons étudié l’influence de
l’apport
dequantités
variables de deux alimentsconcentrés,
l’un(A)
à 2,9 p. ioo, l’autre(B)
à m,3 p. 100(dont
la moitié estapportée
par del’urée)
d’azotetotal
(tabl. i),
- d’une
part
sur lesquantités
de matière sècheingérées
par des chèvres en lactation et par des boucs consommant des rations à base dePangola (Digita y ia decumbens) d’âge
et dediges-
tibilité différents
(tabl. i),
- d’autre
part
sur ladigestibilité
de la rationglobale
mesurée sur des boucs.Les
quantités
de matière sèche totalesingérées
ontaugmenté
en mêmetemps
que laquantité
d’aliment concentré distribuée
(fig.
1, 3,4 ).
Une
augmentation
de 10 p. 100de laproportion
de l’aliment concentré A dans la ration entraîne une diminutionsignificative
desquantités
de matière sècheingérées
sous forme de four- rage d’autant moinsrapide
que ladigestibilité
de celui-ci est faible( 120
g et 216g/ l oo kg
depoids
vifrespectivement
pour desfourrages
d’unedigestibilité
moyenne de 59,3 et6 9 , 5
p.100 ) (fig. 2 ).
Ladigestibilité
de la rationglobale augmente
en mêmetemps
que laproportion
d’alimentconcentré et cela d’autant
plus
que ladigestibilité
dufourrage
distribué seul est faible(fig. 3 ).
Un
apport
de 150 g de concentré riche en azote(B)
ne diminue pas lesquantités
defourrage ingérées (fig. 4 ),
etaugmente
defaçon
intéressante( 5
à 6points)
ladigestibilité globale
de laration
(fig. q).
L’influence de lacomplémentation
azotée sur ladigestibilité
des rations à base defourrages tropicaux
de faibledigestibilité
est doncimportante.
INTRODUCTION
D’une manière
générale,
lesgraminées
ont une valeur alimentaireplus
faible en zonetropi-
cale
qu’en
zonetempérée (Mirrsorr
et MACL EOD , 1970 ) ;
leurdigestibilité
et leur teneur en matièresazotées
digestibles
sont enparticulier.
moins élevées en zonetropicale ;
lesquantités qui
sontingérées
par le ruminant àqui
on lesprésente
à volonté sontégalement plus
faibles. Pour assurerla couverture des besoins
énergétique
et azoté des animaux à fortpotentiel
deproduction,
il estdonc nécessaire que les
graminées tropicales
soientcomplémentées
par unequantité importante
d’aliments concentrés. La culture desgraminées tropicales
sedéveloppe cependant rapidement
dans toute la zone des Caraïbes parce
qu’elles
ont uneproductivité
et unelongévité exception- nelles ;
c’est ainsiqu’une prairie
dePangola (Digitaria decumbens) exploitée
intensivementpeut produire
5o tonnes de matière sèche à l’hectare par an(S ALETTE , 1970 )
et durerplus
devingt
ans. En
revanche,
les variétés delégumineuses fourragères adaptées
à cette zonetropicale
humidesont moins
productives
et leur installation enprairie
est encore délicate.On sait que les
quantités
defourrage ingérées,
de foin etd’ensilage notamment,
diminuentlorsque
laproportion
d’aliment concentré dans la rationaugmente,
et cela d’autantplus
que lesfourrages
ont une valeur nutritiveplus
élevée(B LAXTER
etW ILSON , I9 6 3 ;
CAMPLINGet MuR- DOCH, 1966 ;
D EMAR CHI UILLY , I c)68,
résultats nonpubliés ;
CHENOST etD EMAPQ uiLLY, Ic!6c)).
On sait
beaucoup
moins cequi
se passe avec desfourrages
verts notamment dans le cas de gra- minéestropicales.
Il était donc intéressant d’étudier l’influence de la
quantité
et de la teneur en azote de l’ali- ment concentré distribué aux animaux sur ladigestibilité
et laquantité ingérée
des rations à base dePangola.
Cette étude a été effectuée sur des chèvres laitières à besoinsélevés,
et sur des boucs.MATÉRIEL ET METHODES
Fourrages
Nous avons utilisé des repousses d’une
prairie
dePangola (Digitaria decumbens) exploitée
par la
fauche,
repoussesâgées
soit de 30jours
soit de 50jours
suivant lesexpériences.
Pour celala
prairie
avait étépréalablement
divisée en deuxparties
subdivisées l’une en 30, l’autre en50
parcelles,
uneparcelle correspondant
à la surface fauchéechaque jour.
Lapartie exploitée
à30
jours d’âge
recevait8 4 o kg
d’azote et8 40 kg
depotasse/ha/an ; l’autre, exploitée
à 50jours d’âge,
recevait 350kg
d’azote et 350kg
depotasse/ha/an;
la fumurephosphorique
aété respec-
tivement
égale
à 250et 130kg.
Ces deux
techniques d’exploitation
nous ontpermis
d’obtenir desfourrages
dequalité
trèsdifférente
(tabl. I ).
Aliment concentvé
Nous avons utilisé deux aliments
concentrés,
l’un(A)
d’une teneur en azote de 2,9 p. 100, l’autre(B)
d’une teneur en azote de II,3 p. 100 dont la moitié étaitapportée
par de l’urée. Lacomposition
de ces deux aliments est donnée dans le tableau I.Animaux
Les chèvres et les boucs étaient de race
alpine (Saanen
etChamoisée), pesant respectivement
en moyenne
4 8 kg
et 47kg
etâgés
de 2 à 5 ans. Les chèvres en lactation étaient mises enexpé-
rience
après
le 2emois de lactation.Dispositif expérimental
Essai 1.
Vingt-quatre
chèvres en lactation ont étéréparties
en 6 lotsde 4 animaux,
3 lots ont reçu les repousses de 30jours,
les 3 autres les repousses de 50jours.
L’herbe était fauchée une fois parjour
le matin et distribuée individuellement en deux repas(début
de matinée et find’après-midi).
Chaque
lot a été soumis à une succession de 3 niveaux decomplémentation (NI, N 2 , N a )
avec l’aliment A suivant unprotocole expérimental
detype
carré latin. La durée despériodes
était de5
semaines
( 3 préexpérimentales,
2expérimentales).
Lacomplémentation
était de 0,5kg
deconcentré par
kg
de lait brutproduit
au-dessus de 1,0kg/j
pour le niveauNI,
au-dessus de o,5kg/j
pour le niveau
N 2
et au-dessus de okg/j
pour le niveauNs.
Pendant
l’expérience
menée surchèvres,
6 lots de 6 boucs( 4
en cage àdigestibilité,
2 en caseau
sol)
ont reçupendant
3périodes
différentes d’une durée de 21jours,
les uns lefourrage
de30
jours,
les autres lefourrage
de 50jours,
additionné d’unequantité
d’aliment Areprésentant,
suivant les
lots,
o, 25ou 50 p. 100 de la matière sèche totale de laration ;
cesproportions
ont étémaintenues en
corrigeant chaque jour
le rationnement àpartir
des résultats de la mesure desquantités
de matière sècheingérées
l’avant-veille. Cette modalité de distribution a été décidée àpartir
de l’étude des mesures desquantités ingérées
par leschèvres ;
elle avait surtout pour but de mesurer ladigestibilité
de rationscomparables
à cellesingérées
par les chèvres enexpérience.
Essai 3.
Dans une troisième série
d’expériences
les boucs ont reçu,pendant
2périodes
de zijours, le fourrage
de 30jours plus,
suivant leslots,
o, 50 ou 100g d’aliment B riche enazote, puis pendant
3
périodes
de 21jours,
lefourrage
de 50jours plus
o, 50, 100ou i5o g de ce même aliment.L’apport
a été limité à 100et 150 g defaçon
à ne pas fournir aux boucs unequantité
d’uréetrop grande.
Mesures
Nous avons mesuré les
quantités
de matière verte et de matière sècheingérées
individuelle- ment par les animaux parpesée
desquantités
distribuées et refusées et détermination de leur teneur en matière sèche. Les données de consommationcorrespondent
pour leschèvres,
à lamoyenne des consommations
journalières
individuelles de 4 chèvrespendant
5jours
et pour lesboucs,
à la moyenne des consommationsjournalières
individuelles de 6 boucspendant
10jours.
La
digestibilité globale
des rations(fourrages
distribués soitseuls,
soit avec l’alimentconcentré)
a été mesurée danschaque
essai avec 4 des 6 boucs dechaque
lot.Les teneurs en
cendres,
cellulose brute de Weende et matières azotées totales ont été déter- minées sur les échantillonsreprésentatifs
desfourrages proposés
etrefusés,
des aliments concentrés et des fèces dans le cas des boucs.RESULTATS
Valeur nutritive des
fouv y ages
La
composition
moyenne et les limites de variation de lacomposition chimique
et de ladigestibilité
des deux groupes de repousses dePangola
sontreportées
dans le tableau I.En moyenne, les repousses
âgées
de 30jours
ont eu une teneur en matières azotées(totales) supérieure (P
<0 , 01 )
de S,qpoints ( 12 , 1
contre6, 7
p.100 )
et une teneur en cellulose brute infé- rieure de 2,7points ( 34 , 2
contre3 6, 9
p.ioo)
à celles des repoussesâgées
de 50jours.
Ladigesti-
bilité de la matière sèche des repousses
âgées
de 30jours
a étésupérieure
en moyenne de 10,2points
à celle des repousses
âgées
de 50jours : 6 9 , 5
contre 59,3 p. 100. La valeur nutritive des deux groupes defourrages
verts utilisés a donc été très différente.Quantités ingérées: influence
de laquantité
et de la natuye de l’aliment concentvé
I . Chèvres.
Les
quantités
de matière sècheingérées
par 100kg
depoids
vif ont varié suivant lespériodes
de
1 ,68
à 3,72kg ;
elles ontaugmenté
en mêmetemps
que laproportion
d’aliment concentré A(fig. i).
Aproportion
d’aliment concentréégale,
elles ont étéplus
élevées avec lesrégimes
à basede
Pangola âgé
de 30jours.
Les
quantités
d’aliment concentréingérées
ontreprésenté,
suivant lespériodes
de mesure, de 90à i o0og/j,
soit de 5 à 66 p. 100de la matière sèche de la ration totale avec les repousses de 50jours
et de 90 à8 50 g/j
soit de 3 à5 6
p. 100 de la matière sèche de la ration totale avecles repousses de 30
j.
Les
quantités
de matière sèche defourrage ingérées
onttoujours
étéplus
élevées dans lecas des repousses de 30
jours
que dans le cas des repousses de 50jours lorsque
lesfourrages
étaientdistribués
seuls ;
elles ont diminuésignificativement (P
<o,oi) lorsque
lerapport concentré/
total a
augmenté (fig. 2 )
et d’autant moins que lefourrage
était de faiblequalité quand
il étaitdistribué
seul,
cequi
est en accord avec les résultats de CAMPLINGet MURDOCH( 19 66)
sur foin etde
D EM nx Q m LLY (résultats
nonpubliés)
sur foin etensilage.
C’est ainsi que la
quantité (y)
de matière sèche defourrage ingérée
par 100kg
depoids
vifest liée au
pourcentage (x)
d’aliment concentré A dans la ration par leséquations
suivantes :En moyenne
l’ingestion
de 100 g de matière sèche d’aliment concentré A a fait diminuerl’ingestion
dePangola âgé
de 30jours
et 50jours respectivement
de zço et 80 g de matière sèche.2 . Boucs.
Les
quantités
de matière sècheingérées
par 100kg
depoids
vif ontvarié,
suivant lesessais,
de
1 , 1 6
à 2,70kg.
Elles ontaugmenté
en mêmetemps
que laproportion
d’aliment concentréet n’ont pas été différentes suivant
l’âge
dufourrage (fig.
3et4 ).
Les
quantités
d’aliment concentré Aingérées
ontreprésenté
environ 250 g et 600g/j
lors-qu’elles
étaientdistribuées, respectivement,
à raison de 25et 50 p. 100de la matière sèche totaleingérée.
Lesquantités
d’aliment concentré B(inférieures
ouégales
à 150g/j)
n’ontjamais dépassé
20p. 100de la ration totale.
En moyenne
l’ingestion
de 100g de matière sèche de l’aliment A a fait diminuerl’ingestion
de
Pangola
de 80à 100g defaçon indépendante
del’âge
des repousses.L’ingestion
de l’aliment Bn’a pas modifié les
quantités
defourrages ingérées (fig. 4 ).
Digestibilité
de la ration totaleLa
digestibilité
de la ration totaleingérée
par les boucs aaugmenté
en mêmetemps
que laproportion
d’aliment concentré dans la ration. Cetteaugmentation
a été d’autantplus impor-
tante que la
digestibilité
dufourrage
distribué seul était faible(fig.
3 et4 ).
Il est intéressant de constater que même de faibles
apports
de l’aliment concentré richeen azote ont entraîné une
augmentation importante ( 5
à 6points)
de ladigestibilité (fig. 4 ).
Celle-cia toutefois été moins
grande qu’avec
l’aliment Aqui
était distribué enquantité beaucoup plus
élevée. Il semble donc que la
complémentation
en azote soit aussi déterminante del’augmen-
tation de la
digestibilité globale
des rations à base defourrages tropicaux
que lacomplémen-
tation
énergétique.
DISCUSSION
Ce travail doit être
poursuivi
sur unplus grand
nombre defourrages
pour mesurer, d’unepart,
lesquantités
d’éléments nutritifsingérés
suivant laqualité
desfourrages offerts,
la natureet la
quantité
de l’aliment concentrédistribué,
d’autrepart,
l’utilisation de ces éléments nutritifs par des animaux encroissance,
enengraissement
et en lactation. Notreobjectif
est dedéterminer,
pour
chaque catégorie d’animaux,
suivant laqualité
desfourrages qui
leur serontofferts,
laquantité
et la nature(teneur
etqualité
del’azote)
de l’aliment concentrécomplémentaire
néces-saire à la réalisation des
performances zootechniques
désirées tout en utilisant au maximum lesfourrages qui peuvent
êtreproduits
surplace
engrande quantité.
Reçu pour publication en juillet
1971.SUMMARY
INFLUENCE OF THE SUPPLY OF CONCENTRATES ON THE DIGESTIBILITY AND VOLUNTARY INTAKE OF DIETS BASED ON PANGOLA GRASS
!DIGITAR1A DECUMBENS!,
OFFERED AS GREEN FORAGE TO LACTATING AND MAI,! GOATS.Using lactating
and malegoats
fed diets based onPangola
grass(Digita y ia decumbens)
ofdifferent ages and
digestibilities (table i),
we studied the effect ofsupplying
different amountsof two concentrates, A,
containing
2.9p. 100nitrogen
andB,
i r.3 p. ioo(half
of itbeing
consti-tuted of
urea)
on thedry
matterintake,
and on thedigestibility
of the whole ration measuredon male
goats only.
The total
dry
matter intake was increased when thesupplements
were offered(fig.
i,3 and4 ).
When
increasing, by
io per cent, thesupply
of concentrate A in thediet,
there was asigni-
ficant reduction of the
dry
matter intake in the form offorage,
which was all the more slow asthe
digestibility
of the latter was low( 120
g and 2i6g/ioo kg
liveweight respectivelyforforages
with a mean
digestibility
of 59.3 and6 9 . 5
percent) fig.
2. Thedigestibility
of the whole ration increased at the same time as theproportion
of concentrate, increase that was all the moreimpor-
tant as the
digestibility
of theforage
allotted alone was low(fig. 3 ).
A
supply
of 150 g of the richnitrogen
concentrate(B)
did not reduce theforage
intake andimproved digestibility
of the total dietby 5 -6 points (fig. 4 ). Thus,
thenitrogen supplemen-
tation of diets based on
tropical forages
of lowdigestibility
has animportant
effect on thediges- tibility
of these diets.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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