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Submitted on 28 May 2020
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Trichogrammes contre la mineuse de la tomate, à la
recherche du meilleur : 64 souches testées contre Tuta
absoluta dans le cadre du programme CasDar TutaPI
Hong Do Thi Khanh, Marion Tiradon, Anais Chailleux, Etty Colombel,
Nicolas Desneux, Elisabeth Tabone
To cite this version:
Hong Do Thi Khanh, Marion Tiradon, Anais Chailleux, Etty Colombel, Nicolas Desneux, et al..
Trichogrammes contre la mineuse de la tomate, à la recherche du meilleur : 64 souches testées contre
Tuta absoluta dans le cadre du programme CasDar TutaPI. Phytoma , Groupe France Agricole, 2012,
pp.23-26. �hal-02642455�
d o s s i e r
MéthodeS ALteRNAtIveS
Trichogrammes contre
la mineuse de la tomate,
à la recherche du meilleur
64 souches testées contre Tuta absoluta
dans le cadre du programme Casdar tutapi
L
a mineuse de la tomate Tuta absoluta (Meyrick 1917) (Lepidoptera: Gelechiidae), d’origine amé-ricaine (Pérou), est détectée en Europe depuis 2006 (Urbaneja et al., 2007). L’importation de tomates a été un important vecteur de son in-vasion (Potting, 2009).Présente depuis 2008 en France (Batalla-Carre-ra et al., 2010) et dans le Bassin Méditer(Batalla-Carre-ranéen (Desneux et al., 2010), T. absoluta s’est établie rapidement dans plusieurs régions de France entre 2008 et 2011 (Germain et al., 2009 ; De-coin, 2010 ; Szilvasi, 2010 ; Ramel 2011).
tuta coûte cher
La mineuse mine la PBI
Ce papillon est trouvé le plus souvent sur la tomate (Lycopersicon esculentum), sa plante hôte principale. Mais il cause aussi des dégâts sur pomme de terre (Solanum tuberosum), aubergine (Solanum melongena) et poivron
(Capsicum annuum). Sur tomate les chenilles
causent de forts dégâts, parfois jusqu’à 100 % de perte (Gonzalez-Cabrera et al., 2011). L’arrivée de cette mineuse a fait exploser les coûts de production de la tomate.
En effet, cette dernière est cultivée en PBI (Pro-tection Biologique Intégrée) sur 80 à 90 % des surfaces en serre et 56 % sous abri (Caron 2003, source Ctifl).
Or les auxiliaires généralistes (prédateurs) utilisés en PBI n’ont qu’une efficacité partielle sur T. absoluta, et il n’y avait pas d’auxiliaires spécialistes disponibles en France jusqu’au printemps 2010.
Les insecticides ont une efficacité limitée ; de plus, ceux à large spectre menacent le système PBI (Thomas, 1999 ; Lietti et al., 2005) vu leurs effets négatifs sur les auxiliaires utilisés contre les autres ravageurs.
Les interactions entre T. absoluta et l’agrosys-tème (punaises prédatrices, mouches blanches, etc.) sont complexes.
Des moyens à combiner
Plusieurs moyens peuvent être utilisés en lutte biologique contre T. absoluta : insectes prédateurs, insectes parasitoïdes (larvaire ou oophage), traitements Bt (issu de la bactérie
Bacillus thuringiensis) ou Spinosad (issu de la
bactérie Saccharopolyspora spinosa).
Il y a deux mois, Phytoma
évo-quait la protection des cultures
de tomate contre la mineuse
de la tomate Tuta absoluta. Il
en ressortait que, pour réussir
cette protection, il fallait intégrer
plusieurs moyens dont des
auxi-liaires parasitoïdes (tabone et
al., 2012). L’article citait le projet
CASdAR « tutaPI » financé par
le Ministère de l’Agriculture
(2011-2013). Ce projet a pour
objectif de trouver une nouvelle
méthode de protection bio-
logique efficace à des coûts
raisonnables (tabone et al.,
2010b ; tabone 2011 ; tabone
et al., 2011). Aujourd’hui, nous
présentons ses premiers
résul-tats. Ils sont prometteurs.
* INRA Provence-Alpes-Côte-d’Azur,
400, route des Chappes, 06903 Sophia Antipolis Cedex Elisabeth.Tabone@sophia.inra.fr,
hong.do@sophia.inra.fr
** INRA Provence-Alpes-Côte-d’Azur, TEAPEA, 400, route des Chappes, 06903 Sophia Antipolis Cedex
1- Femelle de
Trichogramma achaeae
en ponte sur des œufs de la mineuse de la tomate
Tuta absoluta. Cette
espèce de trichogramme, commercialisée en France depuis 2010 contre
T. absoluta, nous sert
de référence pour le travail rapporté ici.
ph . E . T ab on e
d o s s i e r
MéthodeS ALteRNAtIveS
En complément, les producteurs utilisent des pièges à phéromone et des méthodes préven-tives (Dubon, 2010).
L’association entre des traitements non dange-reux pour les auxiliaires et les auxiliaires eux-mêmes (en inoculation, lâchers inondatifs ou lutte biologique par conservation) est fortement conseillée (Tabone et al., 2012). Les premiers es-sais combinant plusieurs méthodes de lutte ont montré des résultats encourageants (Lacordaire et Feuvrier, 2010 ; Frandon et al., 2010 ; Séguret
et al., 2011 ; Trottin Y. et al., 2011).
Ainsi, les premiers essais en serre de
Tricho-gramma achaeae ont montré l’intérêt de cet
auxiliaire mais aussi de son association avec la punaise prédatrice Macrolophus pygmaeus (Frandon et al., 2010 ; Trottin et al., 2011 ; Sé-guret et al., 2011). Ils ont montré aussi que la lutte biologique est indispensable pour une protection durable contre T. absoluta. Mais les solutions actuelles sont onéreuses. D’où l’idée de rechercher des auxiliaires plus efficaces et/ou moins coûteux que ceux dis-ponibles aujourd’hui.
Parasitoïdes oophages :
trichogrammes utiles,
mais chers jusqu’ici
Les parasitoïdes oophages tels que les tricho-grammes sont très intéressants (Tabone, 2010) car ils attaquent la mineuse au stade œuf avant apparition de dégâts (figure 1). En effet, les fe-melles trichogramme pondent leurs œufs dans ceux des lépidoptères ; les larves du parasitoïde se développent en consommant le vitellus de l’œuf hôte, d’où la mort de ce dernier (Stengel,
1982 ; Hawlitzky, 1992 ; Frandon & Kabiri, 1999). Li L.Y. (1994) a mentionné l’importance mondiale de ces micro-hyménoptères contre les lépidoptères nuisibles : ils sont utilisés pour la protection de plus de 32 millions d’hectares de culture (y compris la tomate) et forêt dans une cinquantaine pays.
Depuis fin 2009, Trichogramma achaeae (photo 1, page 23) est commercialisé en lutte biologi-que contre T. absoluta en France (Frandon et al., 2010 ; Séguret et al., 2011 ; Trottin Y. et al., 2011). Malgré son efficacité, les fortes doses utilisées et ses coûts de production sont de réels obsta-cles pour le développement de cette lutte.
Recherche d’une nouvelle espèce
L’objectif de notre étude est de trouver une espèce de trichogramme plus efficace parmi plusieurs espèces, en commençant par tester celles déjà disponibles en laboratoire.
tuta et
les températures
M
ême si le développement de Tutaab-soluta est arrêté en hiver (entre 6 et 9 °C)
(Barrientos et al., 1998), différents stades arrivent à survivre en France dans les ser-res chauffées (Potting, 2009). Avec l’aug-mentation des températures le temps de génération diminue fortement : il est 3 fois plus rapide à 27 °C qu’à 14 °C (24 jours pour un cycle complet vs 76 jours, Lacordaire & Feuvrier 2010).
Cette rapidité de cycle, combiné à la forte fécondité des femelles de T. absoluta, ex-plique une bonne part de la facilité qu’a ce ravageur à pulluler sous serre.
4 - la collection de trichogrammes de l’INRA Provence-Alpes- Côte-d’Azur. 64 souches, appartenant à 20 espèces, ont été testées, dont, pour référence, la souche de
T. achaeae déjà utilisée
sous serre.
Figure 1 - Comment agissent les trichogrammes.
Principe de la lutte biologique contre Tuta absoluta à l’aide de lâchers inondatifs de trichogrammes, parasitoïdes oophages.
Support d’élevage de Tuta absoluta à l’INRA Pro- vence-Alpes-Côte-d’Azur : 2 - Gros plan. 3 - Cages d’éle-vage confiné.
Nous avons d’abord mené un « screening », travail préalable indispensable dans la mise au point d’un programme de lutte biologique (Guo et al., 1999 ; Tabone et al., 2010a). Il a porté sur plusieurs dizaines de souches de Trichogramme provenant du monde entier, testés sur feuille de tomate avec des œufs de
T. absoluta dans des conditions optimales en
laboratoire (en tube).
Ceci nous permet de comparer puis de choisir les meilleures souches potentielles (meilleur taux de parasitisme).
L’idéal étant de trouver parmi celles-ci une (des) souche(s) européenne(s), si possible plus facile à produire que T. achaeae, thélytoques (=qui engendre(nt) des femelles), et que l’on puisse stocker au froid.
64 souches de
20 espèces testées
élevages de tuta absoluta
et des trichogrammes
L’élevage de T. absoluta à l’INRA Provence-Alpes Côte-d’Azur (PACA) a été réalisé en chambre cli-matique à 25 ± 1° C, RH 70 ± 5 %, L16: D8 dans des cages d’1m3 et sur des plants de tomate
biologiques âgés d’un mois environ (variété « Marmande ») (photos 2 et 3).
Les souches de parasitoïde proviennent de la collection de Trichogramma à l’INRA PACA (photo 4). Elles sont maintenues à 18 ± 1 °C, RH 70 ± 5 %, L16: D8 depuis plusieurs géné-rations sur des œufs de teigne de la farine,
Ephestia kuehniella Zeller, utilisé comme hôte
de substitution.
Avant leur utilisation, nous les avons élevées pendant plusieurs générations dans les condi-tions expérimentales.
Figure 2 - In vitro et in vivo à la fois.
Dispositif expérimental du screening de tri-chogrammes en tube (« in vitro ») sur oeufs de l’hôte sur feuille de tomate (« in vivo »).
Mise en présence
Soixante quatre souches de trichogramme ap-partenant à 20 espèces ont été testées. Les expérimentations ont été menées en chambre climatique à 25 ± 1 °C, RH 70 ± 5 %, L16: D8. Les feuilles de tomate étaient mises en présence d’adultes de T. absoluta pour la ponte. Ensuite, le nombre d’œufs de papillons (âge ≤ 24 heures) était ajusté à environ une trentaine par feuille.
Puis une femelle de trichogramme (âgée de 12 à 24 heures) était placée dans un tube (15 x 3,2 cm) (figure 2) en présence de la feuille de tomate infestée d’œufs de T. absoluta, pen-dant 24 heures.
Comptages et analyses
statistiques
Avant l’émergence de la nouvelle génération, le nombre d’œufs parasités (devenus noirs) était compté, ce qui nous a permis de calculer le taux de parasitisme.
Les données obtenues ont été analysées à l’aide du logiciel R. Les comparaisons multiples entre les différentes souches ont été testées à l’aide de test non paramétrique de type Kruskal-Wallis. Les comparaisons deux à deux ont été réalisées à l’aide du test Mann-Whitney. Les résultats de fécondité moyenne sont pré-sentés figure 3 ci-dessus, ceux d’acceptation de l’hôte figure 4 page suivante.
1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 Souches de trichogrammes étudiées (64)
0 5 10 15 20 25
Nombre d'œufs pondus par femelle
sur 7 jours
Fécondité moyenne (nombre d'œufs pondus par femelle trichogramme sur 30 œufs de Tuta absoluta sur feuille de tomate en tube)
Figure 3 - Fécondités des souches étudiées.
Fécondités moyennes (classées par ordre croissant, barre d’erreur standard, 9 ≤ N ≤ 26) des 64
souches de Trichogramma étudiées en tube sur 24 heures (sur œufs de T. absoluta et feuille de tomate) comparées à Trichogramma achaeae (point vert) à 25 ± 1 °C, RH 70 ± 5 %, L16: D8.
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d o s s i e r
MéthodeS ALteRNAtIveS
Proportion de femelles pondeuses
Souches de trichogrammes étudiées (64)
1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Femelles pondeuses (%)
Figure 4 - Acceptation de l’hôte. Proportion de femelles ayant pondu au moins un œuf
(classées par ordre croissant des fécondités, 9 ≤ N ≤ 26) des 64 souches de Trichogramma
étudiées en tube sur 24 heures (sur œufs de T. absoluta et feuille de tomate) ) 25 ± 1 °C,
RH 70 ± 5 %, L16: D8, comparées à Trichogramma achaeae (trait vert).
douze souches
à suivre
Parasitisme
Une différence significative de performance a été observée entre les 20 espèces de Tri-chogrammes étudiées (Kruskal-Wallis test, p < 0,001) (figure 3). Par ailleurs, le nombre d’œufs parasités a été significativement dif-férent entre les souches d’une même espèce comme chez T. pretiosum (Kruskal-Wallis test, p < 0,001) ou d’autres.
Nos résultats ont mis en évidence douze sou-ches ayant un parasitisme moyen équivalent ou supérieur à celui que manifeste T. achaeae (de 40 à 70 % vs 33 % respectivement) (test Mann-Whitney pour chaque comparaison deux à deux, p < 0,05).
Ces douze souches (codées 53 à 64) appar-tiennent à 8 espèces différentes dont 4 euro-péennes.
De plus, 4 de ces souches (appartenant à X es-pèces) sont indigènes au sens du décret sur les auxiliaires. En effet, elles ont été collectées en France dans des serres où elles n’avaient pas été préalablement apportées, prevue qu’elles
étaient établies sur notre terrutoire quel que soit le lieu de leur différenciation passée en tant qu’espèce.
Une de ces souches a été collectée en Pays-de-la-Loire, la deuxième en Alsace et les deux dernières en Provence.
Proportion de femelles pondeuses
Une différence significative entre les souches a été observée pour la proportion de femelles ayant parasité au moins un œuf de T. absoluta dans nos conditions expérimentales (test G, G = 322,1, p < 0,001) (figure 4). Cette proportion s’étale de 0 à 100 %, ce qui met en évidence une très grande variabilité entre espèces et sou-ches pour cette caractéristique d’acceptation de l’hôte.
Ainsi, chez 10 des 12 souches à meilleure fé-condité moyenne que T. achaeae, 100 % des femelles testées ont pondu sur T. absoluta. Elles appartiennent .
Le travail continue
Les premiers résultats de ce « screening » en tube en laboratoire sont très encourageants (Chailleux et al., 2011 ; Do Thi Khanh et al., 2011)
pour la suite du projet TutaPI. Il ont montré qu’il est possible de trouver des souches ayant un bon parasitisme et une majorité de femelles pondeuses sur T. absoluta (i.e. bonne fécondité de la souche et bonne acceptation de T.
abso-luta comme hôte).
En 2012, le travail continue :
– tests en tube sur de nouvelles souches, col-lectées en culture de tomates en France, tou-jours en comparaison avec T. achaeae. – pour les souches ayant eu les meilleurs
ré-sultats en tube (en 2011 puis en 2012), tests d’efficacité à plus grande échelle : d’abord en cage (mésocosme), puis en serre et plein champ (conditions d’utilisation).
Ces expérimentations viendront confirmer, ou non, l’efficacité des souches retenues dans des conditions plus proches des systèmes de culture. Ces tests nous permettront également de sélectionner les souches en fonction de nou-veaux critères : leur capacité de dispersion et leur résistance à des conditions climatiques variables. • La biblio- graphie de cet article (33 références) est disponible auprès de ses auteurs et de la rédaction de Phytoma.
Bibliographie
Remerciements
Cécile Thomas et Philippe Bearez pour l’élevage de Tuta absoluta et la culture de tomate ; Jacques Frandon, Julien Séguret et Pascal Maignet pour leur collaboration et discussion ; Eric Wajnberg pour sa colla-boration et son aide en statistique.
En production de tomate, notamment en PBI, la lutte contre la mineuse de la tomate Tuta
absoluta, très nuisible ravageur arrivé en
France en 2008, passe par une combinaison de moyens. Parmi ceux-ci figure la lutte bio-logique à l’aide de parasites oophages, les trichogrammes. Une espèce, Trichogramma
achaeae, est commercialisée et utilisée en
France depuis 2010. Dans le cadre du pro-gramme CasDar TutaPI, d’autres espèces sont en cours de test dans le but d’en trouver d’aussi efficaces et/ou moins onéreuses, si
possible d’origine européenne voire indigène (cf. la nouvelle réglementation).
Une première étape de ce programme a consisté à tester en laboratoire, sur œufs de
T. absoluta sur feuilles de tomate en tubes, la
fécondité et le comportement de ponte de 64 souches de trichogrammes appartenant à 20 espèces différentes conservées à l’Inra Pro-vence-Alpes-Côte-d’Azur, dont T. achaeae uti-lisée comme référence. 12 souches présentent une meilleure fécondité (pourcentage d’œufs de T. absoluta parasités), dont 10 avec une
meileure acceptation de l’hôte (100 % des femelles testées ayant parasité T. absoluta). Le travail continue, d’une part sur XCOMBIEN, de ces meilleures souches (tests en conditions plus proches de la production) d’autre part sur d’autres souches collectées sur cultures de tomate en France en 2011.
Mots-clés : méthodes alternatives, cultures légumières, tomate, Tuta absoluta, PBI (pro-tection biologique intégrée), lutte biologique, auxiliaires, trichogrammes, Trichogramma
achaeae, screening, espèces, souches.