Santé animale et viande de qualité : une approche possible chez le bovin Animal health and meat quality: a possible approach in bovines
DURAND D. (1), MOUROT BP. (1, 2), NORMAND J. (3), GUILLON C. (4), MAIRESSE G. (2), CHESNEAU G. (2), BAGE AS. (1), THOMAS A. (1), GRUFFAT D. (1).
(1) UMRH, INRA, 63122 Saint-Genès-Champanelle (2) VALOREX, La Messayais, 35210 Combourtillé
(3) Institut de l’Elevage, Service Qualité des Viandes, 23 rue Jean Baldassini, 69364 Lyon cedex 07 (4) TERRENA, La Noëlle, BP 20199, 44150 Ancenis
INTRODUCTION
Dans le cadre de l'amélioration des qualités nutritionnelles et sensorielles des viandes de ruminant, différentes stratégies sont actuellement proposées aux éleveurs (conduite à l'herbe, supplémentations en graines oléagineuses (lin, colza,
…)). Elles permettent de proposer aux consommateurs des viandes plus en adéquation avec les recommandations actuelles en termes de composition en lipides d'intérêt (acides gras polyinsaturés (AGPI), CLA…) (Scollan et al., 2014). Cependant, l'enrichissement des rations en lipides insaturés plus sensibles aux processus de peroxydation peut potentiellement entrainer une augmentation du niveau de stress oxydant chez l'animal lui-même ou dans ses produits (Durand et al., 2005). Le stress oxydant peut avoir des répercutions très négatives sur la santé et les performances des animaux de rente (Durand et al., 2013). Aussi, il apparait important de mieux explorer l'état de santé des animaux de rente au cours des périodes d'engraissement et de finition en fonction de leur alimentation plus ou moins riche en AGPI au travers des marqueurs biologiques simples classiquement utilisés en clinique vétérinaire. C’est ce que nous nous proposons d'illustrer grâce aux premières données obtenues dans le cadre du projet FUI SpecMeat.
1. MATERIEL ET METHODES
L’étude a été réalisée au cours des années 2013-2016. Elle a porté sur 391 animaux répartis dans 80 élevages représentatifs de la région "grand ouest". Au total, 7 races (4 à viande, 3 laitières), 12 rations (à base d'ensilage de maïs ou d’herbe, d'enrubannage, de foin, de concentrés, supplémentés ou non en lin) et 4 types d'animaux (vache, bœuf, JB, génisse) ont été étudiés. Du sang était prélevé sur chaque animal une semaine avant abattage en vue des dosages ultérieurs des indicateurs "santé" relatifs au fonctionnement hépatique (ASAT, ALAT, PAL, GGT, bilirubine), à l'inflammation (haptoglobine), au stress oxydant (malondialdéhyde (MDA)) et aux réserves en antioxydants (Vitamines E et A).
Les 391 animaux ont été abattus en fin de période de finition et des mesures de composition en acides gras de différents muscles ont été réalisées. Selon leur composition en AGPI, les animaux étaient classés dans le groupe "valeur nutritionnelle standard" (VNS) (n-6/n-3 > 5) ou dans le groupe
"valeur nutritionnelle élevée" (VNE) (n-6/n-3 ≤ 5).
Les indicateurs "santé" moyens des groupes VNS et VNE étaient comparés entre eux (test de Wilcoxon) mais également comparés aux valeurs usuelles rapportées chez des animaux sains (S Bellier, 2010, Durand et al., 2013) (graphe radar).
2. RESULTATS – DISCUSSION
Concernant l'ensemble des animaux, la majorité des indicateurs de disfonctionnement hépatique et de niveau d'inflammation sont très nettement en deçà des valeurs pathologiques rapportées en biochimie vétérinaire. Les niveaux de vitamine E sont élevés. Seuls les niveaux de
stress oxydatif (MDA) sont proches des valeurs seuils habituellement rapportées (Figure 1).
Les animaux du lot VNE présentent des paramètres santé globalement améliorés par rapport aux animaux du lot VNS sauf pour les niveaux d'oxydation appréciés par le MDA (0.19 vs 0.16 µg/mL, P<0.05). Ainsi, cette expérimentation conduite sur un grand nombre d'animaux représentatifs des pratiques françaises, présente des animaux au profil "santé" très satisfaisant, profil qui n'est pas altéré par l'apport de sources AGPI n-3 dans les rations. Ces résultats confirment ceux que nous avions déjà rapportés lors d'un essai conduit en station expérimentale chez des vaches laitières recevant des supplémentations en lipides (Gobert et al., 2009).
Figure 1 : Paramètres "santé" mesurés chez des bovins produisant des viandes de qualité nutritionnelle standard (VNS,· ···) ou élevée (VNE, ----) en pourcentage des valeurs usuelles (─)
() : Indicateur accompagné de sa valeur usuelle CONCLUSION
Cette étude rend concevable la production de viandes de meilleure qualité nutritionnelle tout en maintenant des valeurs d'indicateurs "santé" conformes aux valeurs usuelles rencontrées chez les animaux sains. La prise en compte de la santé animale par les filières "viandes bovines de qualité nutritionnelle" est une démarche prometteuse dans le cadre d’une stratégie de communication vis-à-vis des consommateurs.
Bellier S. 2010. Revue Francophone des Laboratoires, 420, 43-56.
Durand D., Damon M., Gobert M. 2013.. Cahiers de Nutrition et Diététique, 48, 218-224
Durand D., Scislowski V., Chilliard Y., Gruffat D. & Bauchart D.
2005. EAAP Publ. n°112, (editors JF Hocquette and S Gigli), Wageningen Academic Publishers, pp. 137-150
Scollan N.D., Dannenberger D., Nuernberg K., Richardson I., MacKintosh S., Hocquette J.F., Moloney A.P. 2014. Meat Sci, 97, 384-394
Renc. Rech. Ruminants, 2016, 23 311