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Le contrat électronique International
Meryem Edderouassi
To cite this version:
Meryem Edderouassi. Le contrat électronique International. Droit. Université Grenoble Alpes, 2017.
Français. �NNT : 2017GREAD009�. �tel-01892106�
THÈSE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE LA
COMMUNAUTÉ UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES
Spécialité : Droit privé
Arrêté ministériel : 25 mai 2016
Présentée par
Meryem EDDEROUASSI
Thèse dirigée par Martine EXPOSITO, Maître de Conférences HDR, Université Grenoble Alpes
préparée au sein du Laboratoire Centre d’Etudes sur la Sécurité Internationale et les Coopérations Européennes
dans l'École Doctorale Sciences juridiques
Le contrat électronique international International electronic contract
Thèse soutenue publiquement le 21 décembre 2017, devant le jury composé de :
Madame MARTINE EXPOSITO
MC1, Université Grenoble Alpes, Directeur de thèse Madame SARAH BROS
Professeur, Université d'Evry-Val-d'Essonne, Rapporteur
Monsieur THOMAS LE GUEUT
Professeur, Université Paris 13, Rapporteur Monsieur BLANC GERARD
Professeur, Université Aix-Marseille , Président Monsieur MICHEL FARGE
Professeur, Université Grenoble Alpes, Examinateur
Remerciements
Je remercie, tout d'abord, Dieu tout puissant de m'avoir donné le courage, la force et la patience d'achever cette modeste étude.
Je tiens à remercier, tout particulièrement, ma Directrice de thèse Mme Martine Exposito d’avoir dirigé ma thèse avec beaucoup d’efforts et de patience.
Ses qualités pédagogiques remarquables m’ont permis de profiter de ses connaissances et ont contribué à l’avancement de mon travail en ne négligeant ni ses conseils avisés et ni ses critiques constructives.
J’adresse mes remerciements, enfin, à mes parents qui m’ont fourni les motivations qui ont permis l’aboutissement de mon projet. Je leur adresse toute ma gratitude du fond du cœur.
Table des principales abréviations
A. Arrêté
al. Alinéa Aff. Affaire
Arb. Arbitrage, arbitral, arbitre Art. Article
Ass. Assemblée
Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation C. Code
CA [ville] Cour d’appel
CE Communauté européenne
C. civ. Code civil
C. com. Code de commerce
Comm. Com. Elec. Communication Commerce électronique C. consom. Code de la Consommation
CE Communauté européenne
Ch. mixte Cour de cassation, chambre mixte Chron. Chronique
Circ. Circulaire
Civ. Cour de cassation, chambre civile
CJCE Cour de justice des Communautés européennes CJUE Cour de justice de l'Union européenne
CNUDCI Commission des Nations Unies pour le droit commercial international
Com. Cour de cassation, chambre commerciale Concl. Conclusion
Consid. Considérant
Conv. Convention
C. proc. civ. Code de procédure civile
Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
CVIM Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises
D. Dalloz ( Recueil ou Sirey) Décis. Décision
Décr. Décret Direc. Directive
Ed. Edition
Ex. Exemple
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. ibidem : au même endroit JCP JurisClasseur périodique JO Journal officiel
LCEN (loi) Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique
n° Numéro
obs. observation
op.cit. opere citato : dans l’ouvrage cité
parag. paragraphe
pt. Point
Rev. crit. DIP Revue critique du Droit International Privé RTD Revue Trimestrielle de droit
s. Suivant
Soc. Cour de cassation, chambre sociale spéc. Spécialement
ss. Sous
TGI Tribunal de grande instance
Trad. Traduction
UE Union européenne
V. Voir
vol. Volume
Sommaire
PARTIE I
L’ENCADREMENT JURIDIQUE DU CONTRAT ELECTRONIQUE INTERNATIONAL
Titre I- Les conditions de conclusion du contrat électronique international
Chapitre I- Le consentement par voie électronique Chapitre II- Le formalisme contractuel à l’épreuve du contrat électronique
Titre II- L’exécution du contrat électronique international Chapitre I- Le paiement électronique
Chapitre II- Le régime de protection dans l’exécution du contrat électronique
PARTIE II
LE RATTACHEMENT DU CONTRAT ELECTRONIQUE INTERNATIONAL Titre I- La détermination de la loi applicable au contrat
électronique
Chapitre I- En présence du choix des parties : la loi d’autonomie
Chapitre II- En l’absence du choix : le rattachement objectif Titre II- Le rattachement juridictionnel et les modes électroniques de règlement des conflits
Chapitre I- La juridiction compétence dans le contrat électronique international
Chapitre II- Les modes électroniques de règlement des
conflits
Introduction
« L’informatique, et par suite, le droit, constitue sans doute l’un des points d’impact pour une modification des rapports du droit à la société. Les mouvements observés méritent qu’on s’y arrête car ils interrogent des idées telles que la souveraineté nationale, la force contraignante de la loi ou la primauté du consensus collectif sur les intérêts particuliers. Paradoxalement, sans bouleverser l’environnement légal du juriste, la diffusion des technologies de l’information pourrait néanmoins avoir une profonde incidence sur le cœur même du droit »1.
Apparu dans les années 1960 pour le compte du Département américain de la Défense, Internet, qui ne portait pas ce nom à cette époque mais celui d’ARPANET (advanced research projects agency network), est né en 1969 dans les laboratoires des universités américaines
2. Internet dépasse ensuite le territoire des Etats-Unis pour s’étendre au reste du monde à travers des connexions internationales.
Avec l’apparition du Web en 1991, une révolution profonde des usages de l’informatique a vu le jour et a ouvert la porte au développement d’une multitude de services et la « démocratisation de l’Internet »
3. L’Internet devient un outil de communication incontournable et il s’intègre dans tous les aspects de la vie réelle personnelle et professionnelle. A partir des années 2000, les sites à vocation commerciale permettent aux clients de préparer leurs achats mais dont la réalisation se déroule encore dans le monde réel, de manière traditionnelle. C’est en cette période que les internautes découvrent les nouveaux risques associés à l’Internet tels que les virus, les spam et tous les éventuels dysfonctionnements liés à ces nouveaux moyens de communication. Les capacités des réseaux sont continuées à se développer avec l’augmentation du débit des connexions et les évolutions du logiciel.
L’évolution des technologies de l’information et des communications conduit à une révolution remarquable de la façon d’échanger et de communiquer. Cette
1 A. LEFEBVRE, E. MONTERO, « Ouverture. Informatique et droit. Vers une subversion de l’ordre juridique ? », in « Droit des technologies de l’information. Regards prospectifs », ss dir. de E. MONTERO, Cahier n° 16 du Centre de recherches Informatique et droit, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 18.
2 S. GHERNAOUTI , A. DUFOUR, « Internet », Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2017, p.
6. 3 S. GHERNAOUTI , A. DUFOUR, « Internet », Ibid.
citation des Messieurs Ghernaouti et Dufour résume la manière dont ces évolutions ont conquis le monde : « avec Internet, les frontières géographiques traditionnelles s’estompent au profit d’un environnement virtuel où tous les services semblent être de proximité. Cette proximité est renforcée du fait d’une communication immédiate et par la possibilité d’effectuer des actions à distance. Les produits dématérialisés sont téléchargeables instantanément alors que les produits physiques sont livrés toujours plus rapidement par des acteurs logistiques globalisés. L’abolition des notions de distances géographique et temporelle induite par l’usage des réseaux de télécommunications et d’Internet exerce une influence sur la façon dont chacun perçoit le monde et interagit avec lui. Cela favorise l’émergence de l’idée d’un village global »
4.
L’apparition de l’expression « village global »
5encouragé par l’utilisation à l’échelle mondiale de l’Internet dans tous les secteurs d’activité a contribué à l’unification et la globalisation de la société, ce qu’on appelle aujourd’hui « société de l’information ». Cette expression se réfère, selon le sociologue américain Daniel Bell, à l’idée « de société postindustrielle qui présentes trois aspects essentiels : a/
Le passage d'une société productrice de biens à une société de services ;; b/ Le rôle central de la codification des connaissances théoriques pour l'innovation dans la technologie ;; c/ La création d'une nouvelle " technologie intellectuelle " comme outil clé de l'analyse des systèmes et de la théorie de la décision »
6.Il s’agit donc d’« une rupture radicale avec l’époque industrielle instaurerait un Nouvel Age, qualifié tantôt de postindustriel, d’informationnel, de numérique ou de digital, et qui serait symbolisé par la société de l’information »
7.
A côté de cette nouvelle notion de la société de l’information, Internet, qui constitue la figure la plus emblématique des nouvelles technologies d’informations et de communications, a fait apparaître un ensemble, composé de services, d’informations, de ressources, d’infrastructures informatiques, de
4 S. GHERNAOUTI , A. DUFOUR, Ibid, p. 27.
5 Le village global ou le village planétaire (en anglais Global village) est une expression de Marshall McLuhan, tirée de son ouvrage « The Medium is the Massage » paru en 1967 pour qualifier les effets des technologies de l’information et de la communication, des médias et de la mondialisation. V. WikipédiA (https://fr.wikipedia.org/wiki/Village_plan%C3%A9taire).
6 V. F. ISCHY, « La "société de l’information" » au péril de la réflexion sociologique ? », Revue européenne des sciences sociales, XL-123 | 2002.
7 F. ISCHY, « La "société de l’information" » au péril de la réflexion sociologique ? », Ibid.
télécommunications
8, qui constitue aujourd’hui le cyberespace. Ce terme qui a été forgé à l’origine pour décrire « le nouveau monde numérique »
9, désigne « un domaine caractérisé par l’utilisation de l’électronique et du spectre électromagnétique à des fins de stocker, modifier, et échanger des données par l’intermédiaire des systèmes gérés en réseau et des infrastructures physiques associées. En effet, le cyberespace peut être considéré comme une interconnexion des êtres humains par des ordinateurs et la télécommunication, sans souci de la géographie physique »
10. Ce terme de cyberespace qui a été utilisé pour la première fois en 1984 dans le livre de science-fiction Neuromancien de William Gibson
11, est considéré par Monsieur Jacques Attali comme « un septième continent »
12. Cet auteur souligne, dans un article du Monde du 7 août 1997, qu’« on a utilisé beaucoup de métaphores pour faire comprendre ce qu’est Internet : réseau, autoroute, banques de données, bibliothèque. En réalité, c’est beaucoup plus que cela : un continent virtuel, le septième continent, où on pourra bientôt installer tout ce qui existe dans les continents réels, mais sans les contraintes de la matérialité […]. A l’intérieur de ce continent, vide d’habitants réels, se développera un gigantesque commerce entre les agents virtuels d’une économie de marché pure et parfaite, sans intermédiaires, sans impôts, sans Etats, sans charges sociales, sans syndicats, sans partis politiques, sans grèves, sans minimums sociaux. Internet devient donc aujourd’hui, dans l’imaginaire du monde, ce qu’était l’Amérique en 1492 pour les Européens : un lieu indemne de nos carences, un espace libre de nos héritages, un paradis du libre-échange, où on pourra enfin construire un homme neuf, propre, débarrassé de ce qui le salit et le limite, un consommateur insomniaque et un travailleur infatigable »
13. Plus simplement, le cyberespace est une création de l’homme qui est à la fois une projection et une continuation du monde réel, « il en constitue une extension reflétant sa réalité
8 S. GHERNAOUTI , A. DUFOUR, « Internet », op., cit., pt. 79.
9 E. LONGWORTH, « Opportunité d’un cadre juridique applicable au cyberespace- y compris dans une perspective néo-zélandaise », in « Les dimensions internationales du droit du cyberespace », ss dir. De B. DE PADIRAC, Collection Droit du cyberespace, Ed. UNESCO 2000, p. 17.
10 Selon la définition retenue par Monsieur Feuga Muller de la publication du National Military Strategy for Cyberspace Operations, P. FEUGA MULLER, « Cyberespace, nouvelles menaces et nouvelles vulnérabilités.
Guerre silencieuse et paix imprédictible », Sécurité globale, 2017/1 (N° 9), pt. 8.
11 H. LE CROSNIER, « Internet et numérique », Hermès, La Revue, 2014/3 (n° 70), pt. 14.
12 H. LE CROSNIER, « Internet et numérique », Ibid ; D. VENTRE, « Cyberespace et acteurs du cyberconflit », Collection Cyberconflits et cybercriminalité, Ed. Lavoisier 2011, p. 79.
13 D. VENTRE, « Cyberespace et acteurs du cyberconflit », Ibid.
politique, économique et sociale. Le virtuel est bien réel et, en cela, n’est ni pire, ni meilleur que celui-ci »
14. Internet est devenu un nouvel espace dans lequel circulent tout et n’importe quoi sans toutefois se séparer du monde réel. Toutefois, ce monde virtuel n’est pas une duplication de ce dernier, il se crée des comportements, des usages et nouveaux.
Cette évolution formidable d’Internet, qui atteint au 30 juin 2017 environ les 51% de la population mondiale utilisant Internet, soit 3,885,567,619 milliards d’internautes selon les données de l’Internet World stats
15, bouleverse le droit.
Ce bouleversement du droit se manifeste à travers les attributs du cyberespace. L’un des attributs de ce monde virtuel est l’anonymat. Dans cet espace les internautes peuvent rester anonymes et les origines des messages peuvent être dissimulées
16. A ce titre, il est possible d’utiliser les techniques du cyberespace pour « créer des sanctuaires permettant de se soustraire à des responsabilités légales »
17comme les cas d’atteintes à la propriété intellectuelle.
Le cyberespace repose sur des caractéristiques qui permettent de saisir l’environnement qui impose. Il se présente comme « un réseau informatique décentralisé de dimension internationale et de nature virtuelle, interactive et hypertextuelle »
18.
L’originalité de l’Internet, et donc du cyberespace, tient à cette capacité d’interconnexion de tous types de réseaux informatiques locaux ou régionaux sous un unique protocole de transmission compatible à travers le monde entier, ce qui fait de l’Internet un maillage à l’échelle planétaire. Il en résulte que la transmission d’informations et la communication prend aisément une dimension internationale.
Cette dimension ne serait pas saisissable sans le caractère virtuel de l’Internet. Ce terme, utilisé souvent pour qualifier le réseau Internet, peut désigner tout ce qui est
14 S. GHERNAOUTI , A. DUFOUR, « Internet », op. cit., p. 38.
15 V. le site officiel de l’Internet World stats : http://www.internetworldstats.com/stats.htm; WikipédiA à l’adresse électronique https://en.wikipedia.org/wiki/Global_Internet_usage; V. également le Rapport 2016 de l’Union internationale des télécommunications sur les statistiques à fin 2016 via le lien http://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ICTFactsFigures2016.pdf
16 E. LONGWORTH, « Opportunité d’un cadre juridique applicable au cyberespace- y compris dans une perspective néo-zélandaise », op. cit., p. 20.
17 R. DAVID JOHNSON, G. DAVID POST, « Law and Borders- the Rise of Law in Cyberspace », 1996 ; Réf.
Cité par E. LONGWORTH, Ibid.
18 Ph. AMBLARD, « 466 : Régulation des services en ligne », Le Lamy droit des médias et de la communication, nov. 2004.
« immatériel », tout ce qui n’appartient pas au monde « réel » ou physique. Ce réseau virtuel qui fait référence au caractère immatériel des échanges, offre des potentialités d’accès à toute source d’informations, à des services et des activités qui dépassent les capacités physiques d’un individu. Il permet un voyage instantané, à la fois, à plusieurs endroits éloignés sans déplacement physique et sans un moindre coût. Avec Internet, les relations s’internationalisent grâce aux potentialités d’utiliser toute sorte de communication allant des lettres et chiffres jusqu’aux images en couleur, de sons et musiques. Les galeries marchandes virtuelles regroupant des catalogues et des enseignes peuvent constituer un bon exemple. Cet environnement que constitue Internet forme un cyberespace intangible qui échappe à la notion de territoire physique du droit étatique. Comme le fait remarquer Monsieur Amblard, « l'abondance des contenus et des échanges associés à l'interactivité et l'hypertextualisation contribue à créer ce nouvel espace déterritorialisé, où l'internaute navigue ou agit sans référent géographique stable »
19. Le cyberespace ne connaît pas de frontières au sens propre, c’est à dire des délimitations spatiales ou physiques. Les données transitent d’un pays à l’autre sans contrôle réellement possible, car celles-ci ne sont pas censées obtenir une permission pour circuler au travers de réseaux et donc d’infrastructures localisées sur des terres étrangères. Cette approche du cyberespace sans frontières s’inscrit, selon Monsieur Daniel Ventre, « dans la lignée des rêves de construction d’un monde libéré de contraintes, de barrières entre les peuples […], dans le courant de la mondialisation et de la globalisation. Il devrait donc être un espace ouvert, de partages, d’échanges libres, le reflet d’un monde moderne et de progrès, libéré des contraintes des Etats. Selon cette perspective, il ne peut donc exister dans le cyberespace de barrières et de territoires »
20.
Cette virtualité de l’Internet qui est à l’origine d’un espace sans frontière, est étroitement liée à la numérisation des échanges. Les contenus en ligne sont formés de valeurs numériques qui permettent une transmission de données numériques constituant un lieu d’échange immatériel qui favorise la manipulation, le traitement et la transmission de toute sorte de documents, de créations photographiques, sonores, audiovisuelles indépendamment de leur support d’origine. Ces facultés du
19 Ibid.
20 D. VENTRE, « Cyberespace et acteurs du cyberconflit », op. cit., p. 83.
réseau Internet en termes d’interactivité mais également de rapidité de transmission impactent la stabilité et la traçabilité des données. Celles-ci constituent « les principes fondamentaux de la convergence des techniques de communications qui rend délicat l'application du Droit »
21. En effet, le pouvoir d’interagir notamment sur le contenu des données échangées influence le droit dans la mesure où les internautes peuvent communiquer entre eux ou interroger des serveurs informatiques.
A ces particularités de l’Internet s’ajoute un attribut lié à l’infinité des contenus associés à un lien et mis en rapport entre eux par le créateur de ce lien. Il s’agit de l’hypertextualisation des contenus sur Internet qui ne facilite pas l’encadrement par le droit de ces activités. Cet hypertexte désigne « un type de document contenant un système de renvois représenté par des liens ou hyperliens et permettent de passer d’une page à l’autre ou d’un document à l’autre en cliquant dessus. Le lien peut être un texte, une image, une portion d’image… »
22. En d’autres termes, un hypertexte sur une page Web ou un message électronique permet d’accéder instantanément à d’autres pages du réseau et une navigation dans un espace sans frontière. En se connectant sur un site du pays de l’internaute, avec l’hypertexte, il peut se trouver sur des sites étrangers et obtenir des contenus localisés sur des serveurs dispersés à l’échelle planétaire. Cette navigation par hypertexte affranchit donc les frontières étatiques méconnues du réseau Internet, ce qui n’est pas facilement saisissable en droit.
L’appréhension de l’Internet ou du cyberespace par le droit doit donc tenir compte de la diversité et la nature des activités se déroulant au sein d’un espace à dimension internationale, virtuel et hypertextuel. Un espace stratégique de la circulation des données en temps quasi-réel « à la vitesse de l’électricité dans des câbles et de la lumière dans les fibres couvrant la totalité des territoires »
23.
Ce réseau n’a pas seulement pour vocation de créer un espace mondial de communications et d’échanges d’informations, mais il constitue également un outil marchand à part entière au sein duquel les relations contractuelles se multiplient et
21 Ph. AMBLARD, « 466 : Régulation des services en ligne », op. cit.
22 H. LILEN, « Dictionnaire informatique & numérique », Ed. First Interactive, Paris 2011, p. 109.
23 O. KEMPF, N. MAZZUCCHI, « Cyberespace et intelligence économique », Géoéconomie, 2015/5 (N° 77), p. 45-58.
prennent plusieurs formes et dimensions laissant au droit un terrain très vaste de recherches et d’expérimentations pour adapter les moyens juridiques à un contexte hétérogène et en évolution permanente.
Toutefois, cette évolution d’Internet bouleverse les modes de gouvernance et les Etats qui peinent à s’imposer face aux acteurs du réseau, aux opérateurs et aux fournisseurs du réseau, aux techniciens et aux organisations internationales qui travaillent chacun à sa régulation
24. Comme l’affirme Madame TÜRK, « le développement d'Internet change la nature du phénomène, en plus d'en augmenter le degré. Car au-delà du nombre et de la simultanéité des échanges transfrontaliers et mondialisés résultant de la révolution numérique, le Réseau présente une caractéristique singulière, qui est précisément d'échapper largement aux Etats, assurant un contact direct entre les populations sans support ni contrôle. Les Etats se retrouvent ainsi confrontés à l'influence de milliards de connexions et d'échanges et aux conséquences d'un mode de communication instantané et virtuel, immatériel et instable, qui se joue des frontières, où les responsabilités sont diluées, et dont les acteurs peu identifiables et difficilement localisables, sont protégés par la liberté d'expression ». Autrement dit, avec la montée en puissance de l’Internet, la virtualité des échanges, l’instantanéité des modes d’informations et de communications, l’instabilité des contenus vont s’accroître et les frontières entre les Etats vont s’effacer. Internet peut constituer également un outil critique d’un pays dans la mesure où il est présent dans des échanges, de toutes natures, qui atteignent les aspects commerciaux, industriels, sociétaux, administratifs, politiques et juridiques.
Ainsi, cette réalité attachée à Internet remet en question la souveraineté des Etats et leur capacité à maîtriser tout ce qui entre et sort de leur territoire. Cette maîtrise dépend de celle de « leurs infrastructures de communication, les accès et les flux d’information de l’Internet »
25. La souveraineté qui repose sur « la qualité de l’Etat de n’être obligé ou déterminé que par sa propre volonté dans les limites du principe supérieur du droit et conformément au but collectif qu’il est appelé à
24 P. TÜRK, « La souveraineté des Etats à l’épreuve d’internet », Revue du droit public, 01 novembre 2013, n°
6. 25 P. TÜRK, « La souveraineté des Etats à l’épreuve d’internet », Ibid.
réaliser »
26, implique notamment le droit des Etats de maîtriser leur territoire et l’application des décisions prises par leurs autorités publiques ce qui est « garanti classiquement par le droit international et inhérent aux ordres constitutionnels nationaux »
27.
Mais cette souveraineté des Etats est confrontée à plusieurs acteurs opérants sur le réseau Internet, ce qui conduit à s’interroger sur la gouvernance du cyberespace, qui le gère, qui le contrôle et qui le surveille
28.
Le réseau Internet dépend de plusieurs acteurs. Il appartient aux internautes mais surtout aux entreprises qui fournissent les technologies, les contenus ou les services. Il dépend, en outre, de celles qui gèrent ou détiennent les ressources, les accès ou la sécurité de l’Internet. Pour certains auteurs, « ces entités qui contrôlent le réseau en sont d’une certaine manière les propriétaires »
29. Le trafic d’Internet est dominé par des géants digitaux comme Google, Yahoo !, Facebook, Amazon, Microsoft dont la puissance financière, l’impact économique entraînent certains marchés vers « des situations oligopolistiques »
30. Les spécialistes de l’informatique, M. Ghernaouti et M. Dufour, indiquent à ce propos que « beaucoup d’analystes relèvent l’ampleur hégémonique prise progressivement par les géants digitaux que sont les GAFA, Google, Apple, Facebook et Amazon, auxquels on ajoute souvent Microsoft, et parfois des acteurs comme eBay et PayPal. Leur emprise sur l’univers digital est palpable. La portée de leurs choix concerne plusieurs centaines de millions d’humains et jusqu’à près de 2 milliards pour le seul Facebook. A côté des GAFA, certains évoquent également les géants digitaux
26 L. LEFUR, « Etat fédéral et Confédération d’Etats », Paris, 1896, p. 443, Définition rappelée et réf. citée par A. PATRY, « La Capacité internationale des Etats : L’Exercice du "Jus Tractatuum " », Presse de l’Université du Québec, 1983, p. 18.
27 P. TÜRK, « La souveraineté des Etats à l’épreuve d’internet », op. cit.
28 Il convient de préciser que le terme « gouvernance » a été évoqué par Monsieur Kofi ANANN lors de la séance plénière d’ouverture du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) tenu à Tunis en novembre 2005. A ce propos, l’ancien Secrétaire général des Nations Unies a déclaré que « l’Organisation des Nations Unies ne souhaite pas prendre le contrôle de l’Internet, le policer ou le réglementer de toute autre manière… Le but commun que nous visons, c’est de protéger et de consolider l’Internet et de faire en sorte que tous puissent en bénéficier. Les Etats-Unis méritent notre gratitude pour avoir développé l’Internet et l’avoir mis à la disposition du monde entier… Mais je pense que vous serez également unanimes à reconnaître la nécessité d’une plus grande participation internationale aux débats sur les questions relatives à la gouvernance de l’Internet. Le problème est de savoir comment cet objectif pourra être atteint ». V. l’allocution de l’ancien Secrétaire générale de l’ONU via le lien http://www.un.org/press/fr/2005/SGSM10216.doc.htm; V.
également des informations complémentaires dans le site officiel du Sommet à l’adresse https://www.itu.int/net/wsis/newsroom/press_releases/wsis/2005/16nov-fr.html
29 S. GHERNAOUTI , A. DUFOUR, « Internet », op.cit., p. 42.
30 Ibid, p. 43.
chinois que sont les BATX – Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi –, tandis que d’autres observent le groupe d’acteurs disruptifs des NATU – Netflix, Airbnb, Tesla et Uber. Cette poignée de géants influence de façon déterminante le monde digital et ses usages, à une échelle qui dépasse très largement celle des Etats les plus importants de la planète »
31. Ces acteurs puissants qui créent des marchés bi- ou multi-faces, à partir de l’intermédiation en réalisant la rencontre entre offreurs et demandeurs ont pu bénéficier « d’externalités positives de réseau, de subventions croisées entre l’une ou l’autre face des marchés »
32et ont réussi à atteindre des populations très variées. Google, par exemple, met en relation par son algorithme de recherche, fondé sur des mots-clés, tous les utilisateurs et des annonceurs. La même fonction économique
33est assurée par des sites de transport comme Uber, de logement comme Booking.com, de vente comme Amazon, de rencontre comme Meetic, etc. Selon certains auteurs « les grandes plates-formes logicielles et d’intermédiation ont été centrales dans la construction de l’environnement numérique. Elles ont fait émerger une nouvelle catégorie d’acteurs économiques qui orientent les internautes parmi l’afflux d’informations, organisent la mise en relation entre l’offre et la demande, créent des services très innovants et suscitent de nouvelles chaînes de valeurs »
34.
Par ailleurs, certaines ressources importantes comme les adresses IP et les noms de domaines sont gérées par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (l’ICANN), une association de droit privé à but non lucratif située en Californie et dont la composition est internationale
35. Cette association a été créée par le gouvernement américain, suite à la décision prise en 1998 de privatiser la gestion du cœur du réseau, c’est à dire, le DNS qui permet d’attribuer des adresses numériques et des noms de domaines aux différents acteurs du réseau. Elle est chargée « de définir des règles de fonctionnement pour les opérateurs privés qui allaient gérer effectivement le DNS, d’accréditer ces organismes et de résoudre les
31 Ibid.
32 Ph. CHANTEPIE, J.-B. SOUFRON, « La régulation des géants du Net : horizon ou mirage ? », Nectart 2016/2 (N° 3), p. 151.
33 Ph. CHANTEPIE, J.-B. SOUFRON, Ibid.
34 Ibid, p. 152.
35 P.-É. MOUNIER-KUHN, « L'ICANN : Internet à l'épreuve de la démocratie », Mouvements, 2001/5 (n°18), p. 81.
conflits qui s’ensuivraient »
36. En raison de plusieurs critiques sur sa dépendance au Ministère du commerce des Etats-Unis, elle est sortie du contrôle du ministère américain en octobre 2016
37, en se libérant ainsi de la tutelle américaine, ce qui constitue une renonciation par les Etats-Unis à un levier important de gouvernance de la toile.
Outre cette question de gouvernance du cyberespace, d’autres questions sont régulièrement soulevées sur le rôle des Etats par rapport aux acteurs privés
38, un rôle qui tient notamment à l’encadrement juridique de l’Internet et les activités qui se déroulent sur la toile. Par sa méconnaissance des frontières traditionnelles et l’émergence d’une communauté d’usagers, Internet donne l’illusion révolutionnaire de créer un espace qui échappe complètement aux Etats.
Tel est le cas de la déclaration d’indépendance de Monsieur John Perry Barlow « A Declaration of the Independence of Cyberspace », issu du mouvement libertaire d’origine californienne
39qui soutient qu’Internet doit échapper à l’emprise du droit étatique
40, un « espace sans loi », en rappelant aux gouvernements que
« vous n’avez aucune souveraineté là où nous sommes rassemblés »
41. Autrement dit, la loi et les règlements de l’Etat ne s’appliquent pas au cyberespace, une indépendance au droit qui est largement critiquée
42. Dans le même ordre d’idées, Monsieur Lessig défendait l’idée d’une souveraineté du cyberespace qui entre en concurrence avec les différentes souverainetés étatiques
43. En somme, l’Internet soumettrait à un nouvel ordre juridique appelé Lex electronica, constitué des
36 P.-É. MOUNIER-KUHN , « L'ICANN : Internet à l'épreuve de la démocratie », Ibid.
37 V. site officiel de l’ICANN via le lien https://www.icann.org/news/announcement-2016-10-01-fr
38 S. GHERNAOUTI , A. DUFOUR, « Internet », op. cit., p. 44
39 Ph. MULLER FEUGA, « Cyberespace, nouvelles menaces et nouvelles vulnérabilités. Guerre silencieuse et paix imprédictible », Sécurité globale, 2017/1 (N° 9), p. 83.
40 J. P. BARLOW, « A Declaration of the Independence of Cyberspace », en ligne : https://www.eff.org/fr/cyberspace-independence. L’auteur dèclare particulièrement que « your legal concepts of property, expression, identity, movement, and context do not apply to us. They are all based on matter, and there is no matter here ».
41 « You have no sovereignty where we gather », V. Ph. MULLER FEUGA , « Cyberespace, nouvelles menaces et nouvelles vulnérabilités. Guerre silencieuse et paix imprédictible », Ibid.
42 V. GAUTRAIS, « Libres propos sur le droit des affaires électroniques », Lex Electronica, vol.10 n°3, Hiver/Winter 2006, disponible en ligne à : http://www.lex-electronica.org/files/sites/103/10-3_gautrais.pdf ; V.
aussi : E. KERCKHOVE, « Le croisement des droits nationaux : point de vue international et communautaire », Revue Lamy Droit de l'Immatériel, No 29, 1er juillet 2007 ; J. PASSA, « Le contrat électronique international : conflits de lois et de juridictions », Communication Commerce électronique n° 5, Mai 2005, étude 17.
43 L. Lessig, « Code and Other Law of Cyberspace », Basic Books, 1999, p. 198.
normes informelles adaptées à l’environnement numérique, apparaissant comme un remède face à la difficulté de faire intervenir des normes formelles
44.
Ces tentatives d’échapper aux Etats et à leurs systèmes juridiques n’ont pas empêché les juristes, en particulier, à se pencher sur la question de régulation de l’Internet par le droit. Des réflexions sur les difficultés juridiques internationales inhérentes à Internet ont donné naissance à des doctrines divergentes. Des positions doctrinales particulièrement outre-Atlantique ont alimenté les débats très virulents aux Etats-Unis sur l’existence et la nature du droit devant régir le cyberespace
45.
Il y a d’abord ceux qui pensent qu’« Internet ne constitue qu'un nouveau médium et que les nouveautés techniques n'emportent pas d'implications juridiques substantielles par rapport aux médias traditionnels. Il y aurait lieu d'appliquer mutatis mutandis les instruments existants, éventuellement de les retoucher, Internet n'étant alors qu'un nouveau moyen d'émission et de réception »
46et que, comme l’affirme Monsieur J. Goldsmith, les problématiques du cyberespace sont identiques à celles du monde réel en considérant que « cyberspace transactions are no different from "realspace" transnational transactions. They involve people in real space in one jurisdiction communicating with people in real space in other jurisdictions in a way that often does good but sometimes causes harm. There is no general normative argument that supports the immunization of cyberspace activities from territorial regulation. And there is every reason to believe that nations can exercise territorial authority to achieve significant regulatory control over cyberspace transactions. Resolution of the choice-of-law problems presented by cyberspace transactions will be challenging, but no more challenging than similar problems raised in other transnational contexts »
47.
44 V. GAUTRAIS, « Le contrat électronique international : encadrement juridique », 2ème Ed. revue, BRUYLANT-ACADEMIA 2002, p. 233 ; V . GAUTRAIS, G. LEFEBVRE, K. BENYEKHELF, « Droit du commerce électronique et normes applicables : l’émergence de la lex electronica », RDAI 1997, p. 547 et s.
45 D. MARTEL, « Les contrats internationaux sur le web », Revue Lamy Droit de l'Immatériel, n° 81, 1er avril 2012.
46 E. WERY, « Internet hors-la-Loi ? Description et introduction à la responsabilité des acteurs du réseau », 1997, 5846 Journal des Tribunaux, 223.
47 J. L. GOLDSMITH, "Against Cyberanarchy," University of Chicago Law Occasional Paper, No. 40 (1999).
En ligne :http://chicagounbound.uchicago.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1001&context=occasional_papers (date d’accès le 01/04/2017). Trad. « Les transactions du Cyberspace ne sont pas différentes des transactions transnationales de l’espace réel. Ils impliquent des personnes dans l'espace réel dans une juridiction qui
Cependant des auteurs comme Monsieur David Post et Monsieur David Johson considèrent que Internet pose une problématique nouvelle. Pour ces auteurs, les ordres juridiques pouvant régir un comportement revient à ce que ce comportement ne soit régi nulle part, si ce n’est par une régulation propre au cyberespace
48. M. David Post a, particulièrement, répliqué en 2002 à Monsieur J.
Goldsmith dans « Against ‘Against Cyberanarchy’ », en réitérant sa déclaration selon laquelle les activités du monde virtuel sont loin d’être « fonctionnellement identiques » aux activités du monde réel
49.
Entre ces deux courants différents, d’autres auteurs estiment que loin d’être un monde parallèle, l’Internet se confond avec la société et accompagne son évolution vers la mondialisation
50. Monsieur Sylvain Bollée indique qu’il est toujours possible de se reposer sur les règles préexistantes, « la matière appelle aussi l’introduction de solutions spécifiques, élaborées en considération des problématiques particulières liées à un internet et dont certaines, au moins, pourraient procéder d’un dépassement du paradigme classique associant le droit à la figure de l’Etat. Adaptation, d’une part, innovation, d’autre part, telles sont donc les deux grandes voies qu’empruntent, dans leurs aspects internationaux, les rapports entre le droit et internet »
51.
En admettant, ainsi, que l’Internet ne constitue pas un espace de non-droit et que les règles juridiques sont appelées à s’adapter en permanence à l’évolution de celui-ci voire même à s’innover, il convient de rappeler, néanmoins, que cette adaptation ou cette innovation se dessinent au sein d’un cadre borné des frontières politiques de chaque Etat. Ces frontières incarnent les limites de la souveraineté de l’Etat et, par conséquent, son champ de compétence juridique.
communique avec les personnes dans l'espace réel dans d'autres juridictions d'une manière qui fait souvent du bien, mais parfois des dommages. Il n'existe pas d'argument normatif général qui soutienne la vaccination des activités du cyberespace à partir de la réglementation territoriale. Et il y a toutes les raisons de croire que les nations peuvent exercer une autorité territoriale pour obtenir un contrôle réglementaire important sur les transactions sur le cyberespace. La résolution des problèmes de choix de droit présentés par les transactions du cyberspace sera difficile, mais pas plus difficile que les problèmes similaires soulevés dans d'autres contextes transnationaux ».
48 D. JOHNSON et D. G. POST, « Law and Borders : the Rise of Law in Cyberspace », Stanford law Review, 1996, vol. 48, p. 1367 et s., cité par D. MARTEL, « Les contrats internationaux sur le web », Revue Lamy Droit de l'Immatériel, n° 81, 1er avril 2012.
49 David G. POST, « Against “Against cyberanarchy” », 2002, Vol. 17, Berkeley Technology Law Journal, p.
1363, en ligne : http://scholarship.law.berkeley.edu/btlj/vol17/iss4/7/
50 E. LOQUIN, C. KESSEDJIAN, « La mondialisation du droit », Litec, Paris, 2000, p. 116.
51 S. BOLLÉE, « Rapport de synthèse », Revue Le Lamy Droit de l'immatériel, nº 81, 1er avril 2012.
En effet, la difficulté de la régulation tient au fait que celle-ci s’opère au niveau des Etats, alors qu’Internet est, par nature, supranational. Comme l’indique, à bon droit, Madame Françoise Benhamou « la complexité de l’architecture de la régulation reflète la tension entre l’omniprésence du numérique et la volonté d’en délimiter des périmètres pour y imposer des règles et de " bonnes pratiques " »
52.
Avec cette inégalité fonctionnelle, l’Etat s’efforce à trouver sa place et à imposer ses règles. L’ordre juridique étatique demeure le garant du droit et doit s’adapter et faire évoluer ses lois dans un univers numérique qui change constamment. L’Etat est appelé à vérifier en permanence que telle ou telle réglementation sectorielle est adaptée à cet univers. Ce contexte permet de rappeler les propos tenus par le philosophe suisse René Berger « les survivants du futur sont ceux qui prolongent leur capital de vie en se conformant aux normes et aux structures qui ont prévalu jusqu’ici, tandis que les primitifs du futur sont ceux qui rompent avec les normes et les structures établies pour élaborer l’avenir, non plus comme un supplément, mais comme une possible métamorphose […]
53. Le fondement de la mutation […] doit être cherché dans l’avènement des réseaux qui permettent de tisser des liens d’un bout à l’autre de la planète, avec quiconque, immédiatement, partout. Les " primitifs du futur " sont donc ceux qui, forts de cette intuition, mettre en œuvre les moyens dont nous disposons aujourd’hui pour créer la conscience collective à l’échelle de notre monde en mutation »
54. En transposant cette philosophie aux systèmes juridiques étatiques, l’Etat est censé être en mesure de s’affranchir les règles classiques, sans les nier car ce sont elles qui permettent d’identifier les changements induits par l’Internet, et de déceler les transformations en cours afin de disposer les moyens permettant d’évoluer en harmonie avec les mutations technologiques.
Les Etats, dans ce cadre, se sont montrés capables de marquer leur territoire et imposer leurs règles. Les tentatives d’enterrement du législateur, considéré trop lent, moins expérimenté et trop national pour encadrer un univers numérique aussi rapide, technique et transnational sont vouées à l’échec
55.
52 F. BENHAMOU, « L'État et l'internet. Un cousinage à géométrie variable », Esprit 2011/7 (Juillet), p. 108.
53 R. BERGER, X. COMTESSE, « Vers les temps réels », Editions du Tricorne, 2006, p. 151.
54 R. BERGER, X. COMTESSE, Ibid., p. 152.
55 J. BERLEUR, Y. POULLET, « Réguler Internet », Études 2002/11 (Tome 397), p. 470.
L’Union européenne, comme le reste du monde, a multiplié les efforts d’encadrement des activités du cyberespace. Les Directives européennes, à l’instar de la Directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000 relative au commerce électronique
56, ont été transposée dans l’ordre national des Etats membres. Les Etats-Unis, par le biais de la National Conference of Commissioners on Uniform State Laws a promulgué la Uniform Electronic Transactions Act (UETA)
57, une loi uniforme du 29 juillet 1999 qui représente le premier effort fédéral de création de règles uniformes pour les transactions commerciales électroniques et visait de garantir la sécurité des opérations accomplies par voie électronique. Le Canada, précisément le Comité des mesures en matière de consommation (CMC)
58, a élaboré le Modèle d’harmonisation des règles régissant les contrats de vente par Internet, lequel a été ratifié en 2001 par le fédéral, les provinces et les territoires
59. Il a servi de Modèle pour l’élaboration d’un encadrement du commerce électronique dans les provinces et territoires. Des organismes supranationaux officiels comme l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE)
60et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle
61ont établi progressivement des consensus réglementaires adaptés au contexte numérique. La Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International, connue sous l’acronyme
« CNUDCI » et principal organe juridique du système des Nations Unies dans le
56 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), Journal officiel n° L 178 du 17/07/2000, p. 0001 – 0016.
57 L’UETA est adopté par 49 Etats (V. le site officiel de l’Uniform Law Commission http://www.uniformlaws.org/LegislativeFactSheet.aspx?title=Electronic%20Transactions%20Act).
Le texte de l’UETA se trouve sur le site :
http://www.uniformlaws.org/shared/docs/electronic%20transactions/ueta_final_99.pdf
58 Pour en savoir plus sur ce Comité, visiter le site https://www.ic.gc.ca/eic/site/cmc-cmc.nsf/fra/accueil
59 V. Bureau de la consommation du Canada (BC), « Modèle d’harmonisation des règles régissant les contrats de vente par Internet » (29 mai 2001), en ligne : Industrie Canada <http://www.ic.gc.ca/eic/site/oca- bc.nsf/vwapj/Sales_Template_fr.pdf/ $FILE/Sales_Template_fr.pdf> [BC, «Modèle d’harmonisation de 2001»].
60 L’OCDE a élaboré en décembre 1999 des Lignes directrices régissant la protection des consommateurs sur Internet. Les pays membres originaires de l’Organisation sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Turquie. Les pays suivants sont ultérieurement devenus Membres par adhésion aux dates indiquées ci-après : le Japon (28 avril 1964), la Finlande (28 janvier 1969), l’Australie (7 juin 1971), la Nouvelle-Zélande (29 mai 1973), le Mexique (18 mai 1994), la République tchèque (21 décembre 1995), la Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996) et la Corée (12 décembre 1996). V. le site officiel de l’OCDE http://www.oecd.org/fr/apropos/
61 Le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI résout, au niveau mondial et en ligne, les conflits qui surgissent dans le secteur des noms de domaine. V. nos développements dans la deuxième partie de cette étude.