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Les contrats de plan Etat-régions 2014-2020

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Les contrats de plan Etat-régions 2014-2020

Jean-Marie Pontier

To cite this version:

Jean-Marie Pontier. Les contrats de plan Etat-régions 2014-2020. JCPA, 2014. �hal-02119496�

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1 LES CONTRATS DE PLAN ETAT-RÉGIONS 2014-2020

Par

Jean-Marie Pontier

Professeur à l’Université d’Aix-Marseille

Résumé : L’année 2014 va voir la signature d’une nouvelle de génération de contrats entre l’Etat et les régions, contrats qui retrouvent à cette occasion leur appellation originelle de contrats de plan, bien que cette appellation n’ait plus de sens. Le Premier ministre a fixé, dans deux circulaires, les priorités que devaient suivre ces contrats. Ces contrats devront s’articuler avec d’autres programmes ou engagements de l’Etat, et ils soulèvent d’ores et déjà des interrogations quant à la liberté contractuelle des régions et quant à leur nature même de contrats.

Une génération de contrats se termine, plus exactement est en train de s’achever1, une autre prend la suite. C’est là déjà un point à souligner, car il n’était pas absolument évident que l’histoire se poursuivrait, des doutes ayant été émis, de-ci de-là, sur l’utilité de la formule ou le bien-fondé de la poursuite de cette contractualisation. Deux circulaires du Premier ministre en date, la première, du 2 août 2013, la seconde du 15 novembre 20132, fixent les orientations et le calendrier de ces futurs contrats de plan.

Une remarque préliminaire s’impose d’emblée, qui appelle quelques observations : les CPER devenus CPER sont redevenus CPER … Expliquons ce qui pourrait apparaître comme une plaisanterie de mauvais goût. Au départ, c’est-à-dire en 1982, date de leur institution, les contrats sont qualifiés de contrats de plan Etat-région3. Il n’y a là rien que de plus logique : la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification institue des contrats de plan entre l’Etat et les régions, comme d’ailleurs d’autres contrats de plan, les régions n’étant pas les seules personnes visées ou retenues comme pouvant être des cocontractants de l’Etat. Mais l’important dans ces contrats de plan est qu’ils sont pensés, voulus, comme étant des contrats conclus en vue de l’exécution du plan de la nation.

L’article 11 de la loi dispose : « L’Etat peut conclure avec les collectivités territoriales, les régions4, les entreprises publiques ou privées et éventuellement d’autres personnes morales, des contrats de plan

1 Les contrats de projet étaient conclus pour la période 2007-2013. Selon la circulaire du Premier ministre citée plus loin, l’année 2014 verra l’achèvement desdits contrats. Il n’y a pas lieu de s’appesantir outre-mesure sur ce point, car les précédents contrats n’ont pas, eux non plus, été achevés dans les délais prévus. Il faut cependant souligner qu’entre les deux contractants, c’est l’Etat, et non les régions, qui se trouve en retard dans l’exécution de ses engagements.

2 Circulaire n° 5670/SG du 2 août 2013 sur les « Contrats de plan » et circulaire n° 5689/SG du 15 novembre 2013 sur la « Préparation des contrats de plan Etat-régions 2014-2020 ».

3 Pour l’historique V. Jean-Marie Pontier, Les contrats de plan entre l’Etat et les régions, QSJ n° 3281, 1998 ; du même auteur, Les contrats de plan Etat-régions 2000-2006, Rev. adm. 2001, n° 319, p. 58, L’avenir des contrats de plan Etat-régions, Rev. adm. 2005, n° 347, p. 510, Des CPER aux CPER : les contrats de projets 2007-2013, AJDA 2008, p. 1653.

4 Le fait de distinguer les régions des collectivités territoriales peut surprendre mais est tout à fait logique : en 1982 les régions ne sont pas encore des collectivités territoriales, elles ont été créées par la loi du 2 mars mais, en vertu de la volonté expresse du législateur (qui pensait que les choses iraient beaucoup plus vite) les régions ne sont nées qu’en 1986, avec l’élection des premiers conseils régionaux au suffrage universel direct.

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2 comportant des engagements réciproques des parties en vue de l’exécution du plan et de ses programmes prioritaires ». La dénomination « contrats de plan » était donc parfaitement justifiée.

Les premiers contrats de plan Etat régions se sont donc déroulés selon cette logique.

Mais, par la suite, les pouvoirs publics ont éprouvé des difficultés avec le plan de la nation, difficultés dues aux crises qui contraignaient les autorités à prendre des mesures correctrices. Les prévisions et les engagements du plan étaient régulièrement mis en échec. Le plan de la nation a progressivement été abandonné, sans que cela soit reconnu officiellement. Du coup, et si l’on s’en tient à la logique, les contrats de plan perdaient leur sens et, surtout, leur référence. Mais le système des contrats de plan, même avec ses défauts, apparaissait satisfaisant ou utile à toutes les parties, l’Etat comme les régions. Il a donc été poursuivi sans le plan de la nation, avec cependant la question nouvelle qui se posait, et qui n’a jamais reçu de réponse satisfaisante, de la référence de remplacement pour ces contrats : pour assurer la cohérence des contrats de plan il est indispensable qu’existe un document ou un engagement exprimant la politique de l’Etat.

Mais, par ailleurs, la dénomination contrats de plan est apparue comme étant devenue inadéquate : il ne pouvait plus y avoir de contrats de plan puisqu’il n’y avait plus de plan, le procédé du « contrat » étant néanmoins considéré comme devant être poursuivi. C’est pourquoi la décision a été prise de changer l’appellation et de qualifier les contrats de plan de « contrats de projet » Etat- régions, le sigle demeurant le même, CPER5.

Les contrats qui vont porter sur la période 2014-2020 (mais qui ne seront signés, au mieux, qu’en juillet 2014, ce qui laisse augurer, déjà, d’un retard dès le départ) reprennent l’appellation

« contrats de plan ». Le nouveau changement de dénomination n’apparaît pas clairement justifié6, il n’a guère de sens puisque le plan n’existe plus. Si les pouvoirs publics souhaitaient pour le principe changer la dénomination, mieux aurait valu faire preuve d’un peu plus d’imagination.

Les traits des contrats de plan à venir ne sont pas encore parfaitement définis, puisque l’on ne dispose pratiquement, pour l’instant, que des deux circulaires précitées du Premier ministre, et des discours qu’il a tenus à ce propos, et qui reprennent les mêmes problématiques que les circulaires.

Ce n’est d’ailleurs bien souvent qu’en cours d’exécution, voire au terme de l’exécution, que l’on peut avec quelque certitude opérer une analyse tant soit peu rigoureuse desdits contrats. Cependant, les circulaires et déclarations précitées, ainsi que les rapports qui ont pu être faits précédemment7, permettent de dessiner les contours de ces contrats et de poser un certain nombre d’interrogations qui recevront des réponses d’ici quelques années.

5 La dénomination « contrats de projet » n’était pas la plus heureuse possible, car vague, il eût été préférable de parler, par exemple, de contrats de décentralisation, plus « parlants ». Cela aurait obligé à utiliser un autre sigle, inconvénient qui paraît secondaire.

6 Un rapport parlementaire (A. Calmette, Avis sur le projet de loi de finances pour 2014, t. VIII Politique des territoires, Ass. Nat. 10 octobre 2013, n° 1434, p. 23) déclare que l’expression « contrat de plan » est remise en honneur « afin de bien marquer la rupture avec la politique suivie au cours des dernières années, où les mesures mises en œuvre conduisaient à mettre les projets en compétition entre eux, alors que l’actuel gouvernement souhaite définir une stratégie régionale », ce qui n’est guère convaincant.

7 De nombreux rapports ont été rédigés sur les contrats de plan, il est impossible de les citer tous. Le dernier en date a été le rapport rédigé par P. Bellec et E. Sesboüe, Quel avenir pour les CPER après 2013, sous l’égide du Conseil général de l’environnement et du développement durable, Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, décembre 2010.

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3 Il apparaît ainsi de manière assez claire que les pouvoirs publics entendent continuer à faire de ces contrats de plan un instrument de l’action publique (I), mais que cet instrument est, en tant que contrat, de plus en plus altéré (II).

I – LES CONTRATS DE PLAN, INSTRUMENT MAINTENU DE L’ACTION PUBLIQUE

Depuis plusieurs années une interrogation récurrente et persistante porte sur l’action publique, en particulier l’action de l’Etat. Les finalités de l’action publique sont moins claires qu’elles ne le furent, des doutes sont régulièrement exprimés. Mais cet aspect, qui n’est pas indifférent aux modalités utilisées – peut-être la multiplication des instruments de toutes sortes est-elle à mettre en parallèle avec ces doutes – ne nous intéresse pas directement. En revanche, les contrats de plan sont un des instruments auxquels recourent les pouvoirs publics, et ils sont présentés comme devant avoir une dimension territoriale essentielle.

1 – Les CPER, un instrument qui s’ajoute à d’autres instruments de l’action publique

Les CPER (qu’il se soit agi des contrats de plan ou des contrats de projets) n’ont jamais été l’instrument exclusif de l’action publique à l’échelon local, ni même de la collaboration de l’Etat avec les collectivités territoriales8. Cela se comprend d’ailleurs parfaitement, l’Etat (pas plus que les régions) n’entendant se « lier » entièrement par un contrat, et encore que celui-ci eût présenté, par sa souplesse, de nombreuses possibilités. Mais si l’Etat recourt à de nombreux procédés pour mettre en œuvre ses politiques publiques, les CPER présentent par rapport à eux des originalités.

A – La multiplicité des instruments de l’action publique

Il est question ici de ces instruments car le Premier ministre s’y réfère lui-même explicitement dans sa présentation des futurs CPER, déclarant que le gouvernement a défini ses orientations « au travers du plan ʺInvestir pour la Franceʺ et, avec les collectivités, dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité » (circulaire du 2 août 2013). Que sont ces instruments ?

Le projet « Investir pour la France » est constitué par un « programme d’investissements d’avenir » (PIA) de 12 milliards d’euros. Ce programme d’investissements d’avenir « est un mode original d’intervention de l’Etat pour mobiliser des acteurs privés ou publics autour d’un objectif de politique publique (par exemple le développement des énergies marines) »9. Il est géré par le Commissariat général à l’investissement (CGI), qui s’appuie sur dix opérateurs10, tous établissements publics de l’Etat, qui sont chargés de lancer des appels à projets dans leur domaine de compétence, de gérer et d’engager les fonds pour le compte du CGI et de suivre les projets retenus au cours des

8 Dès les premiers contrats de plan il y a eu le « hors plan », c’est-à-dire des engagements, qui pouvaient être réciproques, et qui portaient sur des interventions non prévues au contrat de plan. L’explication du hors plan était assez simple : des régions tenaient à certains projets (cela a pu être par exemple une modification du tracé d’une autoroute) et l’Etat a accepté, à partir du moment où les régions étaient prêtes à financer, chaque

« partie » y trouvant son compte.

9 Document de présentation du Premier ministre, 9 juillet 2013.

10 Ces dix opérateurs sont : l’ADEME, l’ANAH, l’ANDRA, l’ANR, l’ANRU, la CDC, le CEA, le CNES, l’ONERA, OESO (BPI France).

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4 différentes étapes de leur réalisation. Ce programme d’investissements est qualifié de « sélectif », devant susciter une prise de risque de la part du porteur de projet, il est axé autour de la transition énergétique qui est la « première priorité » du programme11.

Il faut tenir compte également des plans de « la nouvelle France industrielle » fixés par le gouvernement et « pilotés » par le ministère du redressement productif. L’objet de ces plans est

« d’unir les acteurs économiques et industriels autour d’un objectif commun, d’aligner pour plus d’efficacité les outils de l’Etat au service de cette ambition et de mobiliser les écosystèmes locaux autour de la construction d’une offre industrielle française nouvelle et compétitive, capable de gagner des parts de marché en France et à l’international et de créer ainsi des emplois nouveaux »12. Trente-quatre plans industriels ont été ainsi retenus13, chaque plan devant être animé par un chef de projet devant être issu, dans la majorité des cas, du monde industriel et économique.

Le Premier ministre a évoqué également, dans ses circulaires, d’une manière qui touche plus directement aux contrats de plan, le nouveau « Pacte de confiance et de responsabilité » entre l’Etat et les collectivités locales14. Le Haut-Conseil des Territoires a été présenté comme un élément clé de ce pacte de confiance, devant être « le nouveau lieu de dialogue permanent entre les représentants des collectivités et l’Etat », selon le Premier ministre. Mais ce Haut-Conseil a été rejeté par le Sénat et est passé à la trappe. Le relevé de conclusions établi à l’issue de la réunion du 16 juillet 2013 déclarait que ce pacte « constitue la traduction d’un cadre financier renouvelé, complétant la nouvelle organisation territoriale et la clarification des compétences, socles de la nouvelle étape de la décentralisation »15. L’absence de création de ce Haut Conseil obscurcit le pacte de confiance dont on peut se demander ce qu’il en subsiste.

B – Les contrats de plan, héritage de la planification à la française

Les contrats de plan ne sont pas compréhensibles, que ce soit dans leur appellation ou, bien plus naturellement, dans leur contenu, si l’on ne se replace pas dans une perspective historique.

11 Le document de présentation déclare que le programme d’investissements d’avenir « introduira une éco- conditionnalité dans les critères de sélection de ses projets dans la majorité de ses domaines d’intervention ».

Ceci étant la notion de « transition énergétique » ne présente sans doute pas toute la clarté souhaitable.

12 Les priorités retenues l’ont été au regard de trois critères : se situer sur un marché de croissance, ou présentant des perspectives de croissance forte dans l’économie mondiale ; se fonder essentiellement sur des technologies que la France maîtrise, sur leur diffusion dans l’économie et leur développement ainsi que sur l’industrialisation d’une offre industrielle nouvelle ; occuper une position forte sur ce marché avec des

« entreprises leader ».

13 La liste et la présentation de ces plans figurent sur plusieurs sites officiels. Il est regrettable que, sur un plan qui n’est certes pas le plus important, puisqu’il s’agit de terminologie, mais qui en dit long sur le désintérêt des pouvoirs publics à l’égard de la langue française, le gouvernement n’ait même pas fait l’effort de présenter en français le « big data », le « cloud computing », l’ « e-éducation », alors qu’existe une Commission nationale de terminologie et de néologie, dont on se demande à quoi elle sert si même les autorités publiques n’utilisent pas les équivalents français suggérés.

14 Il est à relever que l’expression de « collectivités locales » est celle retenue sur le site officiel du gouvernement. C’est dire que nonobstant la réforme constitutionnelle de 2003 et la jurisprudence du Conseil constitutionnel (qui semble, sur ce point, être le dernier souci des pouvoirs publics), la notion qui continue d’être utilisée est celle de collectivité locale.

15 Le relevé de conclusions déclarait que la conférence des finances locales serait organisée dans l’enceinte du Haut Conseil des territoires, la Cour des comptes devant présenter chaque année devant ce Haut Conseil un rapport sur l’état et les perspectives des finances locales.

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5 Après la Seconde guerre mondiale, le redémarrage de l’économie, la reconstruction du pays, impliquent des efforts de toutes les parties prenantes et une coordination de ces efforts. Dans un pays tel que la France, avec l’héritage que nous avons, et la place que, depuis des siècles, l’Etat s’est attribuée et qui lui a été reconnue, c’est à dernier qu’il incombe naturellement de remettre le pays sur pieds. Cela passe, selon les autorités de l’époque, imprégnées, à des titres idéologiques très divers, de l’interventionnisme étatique, par un « plan ». Mais il ne peut s’agir de planification de type soviétique, avec un plan impératif, le plan sera « indicatif ». C’est le début de la planification « à la française ». Pendant plus d’une dizaine d’années cette planification est purement étatique, et même centralisée. Cependant une déconcentration est peu à peu instaurée à partir des décrets du 14 mars 1964.

Les nouveaux dirigeants issus des élections de 1981 entendent renouveler la planification, mise à mal par les crises, notamment le « choc pétrolier » de 1973. C’est pourquoi est votée une loi qui est la loi du 29 juillet 1982. Le législateur redéfinit le plan qui devient le « plan de la nation » avec des instruments d’exécution parmi lesquels figurent les contrats de plan. Ces derniers ne concernent pas seulement les régions, qui viennent juste d’être créées, mais également les entreprises publiques, d’autres collectivités territoriales éventuellement. Le plan de la nation tel qu’il était prévu était tout à fait irréaliste, avec deux lois de plan, la procédure d’adoption prévue par la loi n’ayant jamais été respectée. Les contrats de plan n’ont pas eu beaucoup plus de succès, sauf précisément les contrats de plan avec les régions qui, eux, ont eu du succès au point d’exister encore aujourd’hui.

Par leur existence même ces contrats se présentent comme un instrument original, puisque l’on ne connaissait jusque-là rien d’équivalent. L’idée est de faire participer les régions, dont on ne sait pas, au départ, ce qu’elles seront puisqu’elles n’existent pas encore, au plan de la nation en les associant à l’exécution de ce plan. La perspective n’est pas celle que nous avons aujourd’hui, celle d’une « égalité » (consacrée constitutionnellement en 2003) entre collectivités, mais la recherche d’un rôle pour une catégorie nouvelle de collectivités qui n’avait jamais existé dans notre histoire, tout au moins depuis la Révolution.

Les contrats de plan entre l’Etat et les régions (chaque région) sont une idée originale ou un procédé original, qui a pu, un temps, être « exemplaire » en ce sens que l’on pouvait considérer que ces contrats instituaient un modèle de collaboration original, que l’on ne trouve pas dans les autres pays, de collaboration entre l’Etat et une catégorie de collectivités territoriales, les régions16. Car très vite, depuis 1984, date de la conclusion de la « première génération » des contrats de plan, ceux-ci ont pris en quelque sorte une autonomie par rapport à la référence qui était le plan de la nation. Ils étaient effectivement conclus en vue de l’exécution dudit plan mais, étant donné que ce dernier couvrait un champ très large, les contrats de plan étaient eux aussi un document contractuel (sur cette qualification V. infra II) dans lequel de fait de nombreuses interventions étaient inscrites.

2 – L’originalité des CPER

Les paradoxes signalés ci-dessus constituent déjà une originalité des contrats de plan, à moins qu’ils ne traduisent leur faiblesse intrinsèque et leurs contradictions.

16 V. J.-M. Pontier, Les contrats de plan Etat-régions, QSJ, précité.

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6 A – Les CPER expression de la décentralisation et de la contractualisation

L’expression « planification décentralisée » n’est plus usitée, elle n’est plus à la mode, même parmi les partisans de l’interventionnisme, elle reflétait cependant assez bien les préoccupations qui furent celles à l’origine de la planification française et de la volonté de desserrer l’emprise de l’Etat en instaurant une décentralisation progressive. Quoi qu’il en soit, les CPER sont la manifestation à la fois de la décentralisation et de la contractualisation17.

La décentralisation est une très ancienne revendication dont les réalisations concrètes n’apparaissent véritablement que sous la Cinquième République. Elle n’est pas décidée d’un coup, elle ne commence pas à une date déterminée, elle a été progressivement développée, sans véritable solution de continuité18. Et il est toujours possible de discuter, même aujourd’hui, du « degré » de décentralisation19, dire qu’elle est insuffisante ou incomplète … ou trop développée sur certains points. Mais ce qu’il est essentiel de relever, c’est que cette décentralisation s’est traduite par des transferts de compétences, ce qui a impliqué nécessairement une coopération entre toutes les collectivités20.

En effet, d’une part il est nécessaire, à la fois, qu’existe un certain partage des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales et que celles-ci se voient reconnaître des compétences effectives, d’autre part, que les différents niveaux de collectivités collaborent, l’objectif étant toujours de satisfaire l’intérêt général, généralement par le biais de services publics. La coopération se révélait d’autant plus indispensable qu’était créé un niveau supplémentaire de collectivités, les régions, et qu’il fallait attribuer à ces collectivités des compétences sans pour autant dépouiller les collectivités existantes, ce que ces dernières n’auraient jamais accepté. Les contrats de plan ont donc été pensés comme un instrument de collaboration entre l’Etat et les régions et plus largement, à travers elles, avec les autres catégories de collectivités. De ce point de vue, effectivement les contrats de plan ont « accompagné » la décentralisation, comme le rappelle le Premier ministre dans sa circulaire du 2 août 2013.

Cette coopération entre l’Etat et les régions est, par les CPER (et d’autres instruments de même nature), une coopération contractuelle. Cette assertion, qui peut paraître banale aujourd’hui, ne l’est pas au regard de l’histoire. Il n’est pas « naturel » en effet, en France, que les relations entre

17 V. J.-M. Pontier, Contractualisation et planification, RDP 1992, p. 691.

18 On se croit obligé de rappeler ici, pour éviter tout contresens, que dire qu’il n’y a pas solution de continuité veut bien dire qu’il y a eu continuité, que la politique de décentralisation n’a pas été, nonobstant les discours politiques, une politique de rupture, avec un « avant » et un « après », mais une politique continue, avec des avancées progressives. Et, notamment, la suppression de la tutelle (dont il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas complète puisque subsiste, légalement, la tutelle technique) n’a pas été le « grand soir » pour la décentralisation, mais l’achèvement de réformes commencées bien avant.

19 Par exemple l’enseignement est peu décentralisé, même pour le premier degré. Les enseignants sont tous des enseignants qui relèvent de l’Etat (alors que ce n’est pas le cas dans la plupart des pays), et il est encore plus significatif que personne, en France, ne revendique un statut de fonction publique territoriale pour les enseignants du premier voire du second degré.

20 Le thème des transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales (ou territoriales) ne commence à apparaître dans les débats que dans les années 60, et ce n’est pas un hasard, mais le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs (développement, décentralisation, déconcentration).

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7 l’Etat et les (ou des) collectivités territoriales soient des relations contractuelles et cela pour deux raisons au moins. D’une part, les relations des collectivités locales avec l’Etat ont beaucoup plus été, historiquement et sur une longue durée, des relations de subordination que des relations de coopération. Cela tient à notre histoire, à la manière dont l’Etat s’est constitué en France avec la constance du pouvoir central, quel qu’ait été le régime politique, pour s’imposer face aux féodaux mais aussi face aux autres personnes, dont les collectivités locales. D’autre part, lorsque ces relations sont devenues moins inégalitaires, elles ont été des relations dans un cadre institutionnel et non contractuel. En d’autres termes, la solution choisie en France pour régler les questions de coopération, de relations, soulevées par les communes (les autres collectivités, représentées à l’époque par les départements, étant moins concernées) a été celle d’institutions administratives, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sous toutes leurs formes en étant la plus remarquable illustration. Le contrat était certes connu, utilisé par les personnes publiques, mais essentiellement dans les relations avec les personnes privées (la concession étant, traditionnellement, la forme la plus utilisée de ces contrats).

La généralisation de la contractualisation entre les personnes publiques est un phénomène de la seconde moitié du XXème siècle, et les CPER en apparaissent comme l’expression la plus forte. Le terme contractualisation est lui-même ambigu : il peut recouvrir toutes sortes d’interventions, d’actions qui peuvent être d’authentiques contrats mais, plus souvent encore, de faux contrats, des actes que le juge administratif requalifie en actes unilatéraux car s’ils se présentent comme des contrats ils n’en ont pas les caractéristiques essentielles, ils ne manifestent pas de consensualisme, ils ont un caractère vague qui laisse plus penser à des engagements « moraux » qu’à de véritables engagements juridiques. La question s’est précisément posée pour les contrats de plan avec les régions. Le Conseil d’Etat a reconnu, non sans réticence, la nature de contrats administratifs aux CPER21. Cette qualification était inévitable, le législateur ayant en 1982 clairement manifesté son intention d’en faire des contrats. Nous verrons plus loin que ces réticences du juge administratif étaient peut-être justifiées.

B – Les CPER, expression d’engagements territoriaux

La contractualisation concrétisée par les CPER était à ses origines destinée à la mise en œuvre, à l’échelon régional, du plan de la nation (c’est ce qui résulte très clairement de la loi du 29 juillet 1982). C’est dire que cette contractualisation était, malgré tout, quelque peu déséquilibrée, la raison d’être des CPER étant de réaliser les objectifs du plan de la nation. Avec la pratique des CPER et les revendications des régions, qui prenaient conscience de leur rôle et acquéraient peu à peu de la puissance, il est devenu indispensable de mettre l’accent sur la dimension territoriale de chaque contrat, d’où l’introduction de ce qui a été appelé le « volet territorial » du contrat de plan22.

21 Conseil d’Etat Ass. 8 janvier 1988, Ministre chargé du plan et de l’aménagement du territoire c/ Communauté urbaine de Strasbourg et autres, Rec. Leb. p. 3, RFDA 1988, p. 25, concl. S. Daël, AJDA 1988 p. 159, chron.

Azibert et de Boisdeffre p. 137, JCP 1988, II, 21084, note Drago.

22 V. sur ce point J.-M. Pontier, Le volet territorial des contrats de plan Etat-régions, in Contractualisation et territoires : les contrats d’agglomération, Les cahiers du GRIDAU, n° 12, 2005, p. 89 et s.

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8 La circulaire du Premier ministre du 31 juillet 199823 déclarait que le volet territorial « présente les modèles d’actions qui concourent au développement local et à une meilleure organisation du territoire » et comprend notamment « des investissements de proximité et des opérations déterminantes pour la création d’activités nouvelles, l’émergence de nouveaux emplois et la prise en compte de l’environnement ».

L’institution du volet territorial, dans les CPER, a consisté à « délimiter le territoire pertinent » ainsi que le déclarait le rapport d’information sur le volet territorial24. La question est de savoir de quel(s) territoire(s) l’on parle et, de ce point de vue, l’ambiguïté qui caractérisait la génération précédente semble devoir perdurer dans la future génération des CPER. Un rapport demandé par le Premier ministre en 200525 s’interrogeait sur la contractualisation infrarégionale : doit-elle exister parallèlement à la contractualisation des contrats de plan ?. Selon le rapport « certains souhaitent que les contractualisations infrarégionales soient hiérarchisées ou mises en cohérence avec les CPER et entre elles ».

La question se pose notamment par rapport aux schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADT).

Le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire est issu de la loi 95-115 du 4 février 1995 d’orientation d’aménagement et de développement du territoire et était considéré, au départ, comme une déclinaison, à l’échelon régional, de ce que devait être, à l’échelon national, le schéma national d’aménagement et de développement du territoire.

Le système présentait une certaine logique puisque l’aménagement du territoire pouvait être analysé comme la dimension territoriale de la planification. Les instruments définis à l’échelon national devaient se retrouver à un échelon territorial, et l’échelon territorial le mieux indiqué était évidemment le niveau régional.

Ce qui, en théorie, et sur le papier, pouvait paraître séduisant, ne l’était plus du tout en réalité : on aboutissait à une multiplication d’instruments, qui se chevauchaient en partie, étaient lourds à mettre en œuvre, l’articulation entre tous ces instruments devenant problématique.

La disparition du plan de la nation, puis de ce qui devait le remplacer, à savoir le schéma national d’aménagement et de développement du territoire (SNADT), a simplifié la question, sans la résoudre : de même que les contrats de plan ont survécu à la disparition du plan de la nation, de même, les schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire ont survécu à l’absence d’édiction du schéma national, mais avec la question qui subsiste, de la référence pour ces schémas régionaux.

23 J.O. 13 sept. 1998. Cette circulaire a entendu définir les « principes relatifs à l’architecture des contrats de plan État-régions ». Une autre circulaire, du ministre de l’aménagement du territoire, et portant sur la stratégie de l’État en région, avait été adoptée le 1er juill. 1998 (elle a été publiée également au JO du 13 sept.).

24 J.-C. Daniel, Le pari des territoires Rapport de la Délégation à l’aménagement du territoire et au développement durable du territoire, Doc. Parl. Ass. Nat. 24 mai 2000, n° 2416, p. 31.

25 Rapport Y. Olivier (inspection générale des finances et R. Castera (inspection générale de l’administration) remis en mars 2005 au Premier ministre.

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9 L’article L. 4251-1, dans sa rédaction résultant de la loi 99-533 du 25 juin 1999 d’aménagement et de développement durable du territoire, dispose :

« Le plan de la région est constitué par le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire prévu à l’article 34 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 portant répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat.

Il fixe les orientations mises en œuvre par la région, soit directement, soit par voie contractuelle avec l’Etat, d’autres régions, les départements, les communes ou leurs groupements, les entreprises publiques ou privées, les établissements publics ou toute autre personne morale ».

Ainsi, le seul document subsistant est le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire, qui vaut désormais plan de la région. Il faut observer que les régions ont toujours eu beaucoup de mal à individualiser le « plan de la région » et, du temps du plan de la nation, les contrats de plan avaient été considérés, par les régions, comme valant plan de la région.

En déclarant que ce dernier est constitué le par schéma régional d’aménagement et de développement du territoire, la loi ne fait qu’opérer un déplacement, et il est plus logique, en définitive, que la référence soit faite au SRADT plutôt qu’au contrat de plan.

Le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire est prévu, comme l’indique l’article L. 4251-1 du CGCT qui y renvoie, à l’article 34 de la loi 83-8 du 7 janvier 1983, qui n’est pas codifié, comme un certain nombre d’autres dispositions de cette loi et de la loi 83-663 du 22 juillet 1983 la complétant26. Cet article a été modifié, en dernier lieu (et de manière très limitée) par la loi 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

Selon le premier alinéa de cet article, le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire fixe les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il comprend un document d’analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui exprime le projet d’aménagement et de développement durable du territoire régional.

Le SRADT définit notamment les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d’intérêt général qui doivent concourir, au sein de la région, au maintien d’une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu’aux projets économiques porteurs d’investissements et d’emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l’environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière.

Par ailleurs ce schéma doit être, selon la loi, l’instrument destiné à veiller à la cohérence des projets d’équipement avec les politiques de l’Etat et des différentes collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une incidence sur l’aménagement et la cohésion du territoire régional.

26 La Commission supérieure de codification a préféré ne pas intégrer les compétences dans le CGCT pour ne pas en faire un code démesuré. En conséquence de quoi les dispositions sur les compétences doivent être en principe (car il y a des exceptions) intégrées dans les différents codes correspondants, dont certains ne sont toujours pas adoptés.

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10 II – LES CPER, EXPRESSION D’UNE DÉMARCHE CONCERTÉE PLUS QU’UN INSTRUMENT JURIDIQUE

Les CPER ne sont plus ce qu’ils étaient. Ce n’est pas là l’expression d’une nostalgie qui n’aurait pas sa place ici mais le simple constat d’une évolution sur trente ans. Au demeurant il n’est pas anormal que l’instrument que sont les CPER ait évolué, à condition de le reconnaître, de ne pas en faire ce qu’ils ne sont pas ou ne sont plus. Cette évolution peut être résumée par la souplesse de plus en plus grande qui caractérise les CPER et, par voie de conséquence, l’affaiblissement, peut-être la disparition, de leur nature juridique de contrats.

1 – Les CPER, un instrument de plus en plus souple

Notre temps est celui de la souplesse (dans d’autres domaines on parlerait de relativisme) : souplesse du droit à travers des normes qualifiées de « droit mou », souplesse souhaitée des institutions et des relations entre l’administration et les citoyens. Les CPER eux aussi ont évolué avec des caractéristiques de plus en plus souples.

A – L’élargissement des préoccupations

Les contrats de plan avaient au départ une logique, celle d’être des instruments de mise en œuvre du plan de la nation, d’un certain nombre de programmes de ce dernier. Très vite on a cherché à mettre dans les CPER toutes sortes d’engagements, concernant les domaines les plus divers. L’évolution s’est opérée en fait dans un double sens, ces deux sens pouvant paraître contradictoires mais ne l’étant pas en réalité.

D’un côté, on a cherché à « charger » les CPER, un peu comme on charge un bateau, en y mettant toutes sortes de marchandises, c’est-à-dire, s’agissant des CPER, des engagements financiers portant sur des équipements ou des investissements à réaliser durant la durée du contrat de plan. Il faut remarquer que personne, ni l’Etat ni les collectivités concernées, les régions (mais de la part de ces dernières cela est plus compréhensible que du côté de l’Etat) n’a cherché à vérifier s’il y avait une cohérence entre les financements et les compétences, si les premiers coïncidaient avec les compétences. Et il n’est pas difficile d’observer que tel n’a jamais été le cas : les régions (mais aussi les autres catégories de collectivités dont il est question ci-après) ont apporté des financements à des opérations qui relevaient indiscutablement de la compétence de l’Etat, qu’il s’agisse, par exemple, du financement de bâtiments ou d’équipements universitaires, ou d’opérations relevant du ministère de la défense (gendarmeries), domaines de compétence indéniablement étatique, voire « régaliens »27.

La répartition légale des compétences n’a donc jamais été respectée, sans que cela émeuve qui que ce soit. Les contrats de plan (ou de projet, ensuite) ont mis régulièrement en échec la volonté hautement proclamée de clarifier les compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales. Ils ont démontré qu’il était possible de passer contractuellement outre à une répartition légale (supposée)

27 Et avec toute l’imprécision qui s’attache à ce terme, faussement clair. V. J.-M. Pontier, La notion de compétences régaliennes dans la problématique de la répartition des compétences entre les collectivités publiques, RDP 2003, p. 193 et s.

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11 des compétences. Il est fort probable que les futurs contrats de plan comporteront des engagements du même ordre. Cela peut se comprendre, toutes les parties ayant intérêt au financement d’un projet afin que celui-ci puisse être réalisé. Mais, dans ce cas, les débats et les dispositions sur les compétences, sur la clarification des compétences, paraissent bien vains, ou dérisoires.

D’un autre côté, ainsi que nous l’avons vu, il y avait (et il est probable qu’il continuera d’y avoir) du « hors plan », ce qui n’entre pas dans les priorités de l’Etat pouvant cependant faire l’objet d’un financement (minoritaire) de l’Etat, dès lors que les régions (et les autres collectivités territoriales) manifestaient leur forte volonté de réaliser un équipement déterminé et une implication financière correspondant à cette volonté.

B – L’élargissement des intervenants

Elargissement des intervenants signifie que, du côté des collectivités territoriales, ce ne sont pas seulement les régions qui sont concernées, mais également les autres collectivités territoriales, et en dehors de ces dernières, d’autres « acteurs » sont également visés par les futurs contrats de plan.

Les contrats sont conclus entre l’Etat et chaque région, mais dès la première génération de contrats de plan d’autres collectivités que la région ont apposé leur signature, ont manifesté leur engagement. On y a trouvé les départements, mais aussi certaines communes. Pourquoi ces signatures et que valaient-elles ? La réponse est extrêmement simple. La signature signifiait bien la volonté des régions (mais elles y furent encouragées par l’Etat lui-même) d’associer les collectivités territoriales inférieures au processus du contrat de plan, et desdites collectivités d’affirmer leur volonté d’intervenir à côté de la région, de se manifester en tant que collectivités, pour ne pas laisser à la région le champ libre. Du point de vue politique ces signatures avaient une grande importance, du point de vue juridique elles n’en avaient aucune, les contrats étant conclus uniquement avec les régions, les autres collectivités étant des tiers par rapport au contrat. Cette signature était, comme l’on dit dans le contentieux, superfétatoire28.

Les futurs contrats de plan comporteront probablement les mêmes errements juridiques : dans sa circulaire du 15 novembre 2013 le Premier ministre déclare que si les contrat seront signés entre l’Etat et la région : « Pour certaines thématiques et pour les conventions prévues dans le volet territorial, vous associerez à la concertation et le cas échéant à la signature, en accord avec la région, les autres collectivités directement concernées, notamment les départements, les métropoles et les autres agglomérations ». Pour que le droit soit conforme à la réalité il aurait été bien préférable de refondre le système des contrats en question, en en faisant une contractualisation plus étendue.

Cette ambiguïté fondamentale, et récurrente, caractérise donc les contrats de plan, affectant la dimension juridique qui apparaît comme étant seconde, voire secondaire.

28 Il est à signaler que, du côté de l’Etat, si l’autorité juridiquement apte à engager ce dernier est le préfet, dans la réalité les régions ont souvent profité du passage d’un ministre pour lui faire signer en même temps le contrat. Politiquement cela a peut-être un sens, juridiquement la signature est superfétatoire. Mais il est probable que ce cas de figure se représentera pour les futurs contrats de plan.

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12 Ceci paraît devoir s’aggraver avec la volonté affichée des pouvoirs publics d’étendre la concertation. La circulaire du Premier ministre du 15 novembre déclare en effet, s’adressant aux préfets de région, pour la préparation des futurs contrats : « Les futurs contrats de plan devront encourager la participation citoyenne, en veillant tout particulièrement à la mobilisation des personnes les plus éloignées des processus de délibération que sont les jeunes et les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je vous demande donc d’associer les acteurs de la société civile aux réflexions stratégiques qui seront conduites lors de la première phase d’élaboration des contrats. Les futurs contrats pourront également prévoir un soutien à la conception et au montage de projets d’initiative citoyenne ».

A vrai dire on ne voit pas très bien ce que cela peut recouvrir dans le cadre d’un processus d’élaboration d’un contrat de plan entre l’Etat et une région. Du simple point de vue des délais, il paraît parfaitement irréaliste d’organiser une telle « participation » pour des contrats devant être signés en juillet 2014 : un tel délai semble déjà très court pour des discussions entre l’Etat et la région, avec tous les débats, les échanges, les aller-retour que cela implique entre les différents services, s’il faut en plus associer les citoyens cela est impossible dans le cadre temporel fixé. La

« participation » en question risque fort d’être un leurre, un faux-semblant, avec les risques de laisser derrière un sentiment d’amertume, voire d’avoir été trompés pour tous ceux qui y auraient cru. Ajoutons que même avec un délai plus long, il paraît bien difficile d’instituer une « participation citoyenne » qui soit autre chose qu’une adhésion à un programme qui serait présenté, sauf à admettre des modifications à la marge, qui ne remettraient aucunement en question les engagements prévus par les futurs contractants. En revanche cela ne peut qu’affaiblir un peu plus la dimension contractuelle.

2 – Des contrats qui le sont de moins en moins

Les pouvoirs publics parlent de « contrats » mais s’agit-il vraiment, encore, de contrats, tout au moins au sens juridique du terme ? On peut d’autant plus en douter que cet instrument que sont les contrats de plan est de plus en plus conditionné.

A – L’affaiblissement de la dimension juridique

Un acte est-il un contrat par le simple fait qu’il est qualifié de contrat ? Tout dépend évidemment de l’origine de la qualification : si la qualification est législative, témoigne de la volonté du législateur de considérer effectivement lesdits actes comme des contrats, le juge ne peut aller à l’encontre de cette volonté, tout au plus peut-il limiter les effets du contrat en considérant que s’il s’agit d’un contrat il n’en produit pas tous les effets compte tenu de ses caractéristiques particulières. Si la qualification est réglementaire, comme cela est arrivé à maintes reprises dans le passé, rien n’empêche alors le juge de procéder à une requalification de l’acte, et à considérer qu’il s’agit d’un acte unilatéral, qui peut donc être modifié tout aussi unilatéralement. Qu’en est-il alors pour les contrats de plan ou/et les contrats de projet ?

Il convient précisément de distinguer ces contrats dans le temps. Les contrats prévus par la loi du 29 juillet 1982 étaient expressément qualifiés par la loi de contrats, et les débats parlementaires

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13 ne laissaient aucun doute sur une telle qualification29. Malgré cela, le doute a cependant émis par les commentateurs sur la nature juridique de ces engagements réciproques, compte tenu du caractère plutôt vague des engagements et de l’absence de toute sanction en cas de non-respect des engagements pris par l’une ou l’autre partie. Le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur cette nature juridique et, fort logiquement, compte tenu des termes de la loi, a jugé qu’il s’agissait effectivement de contrats30. Toutefois, il était clair que le juge administratif avait éprouvé quelques réticences à qualifier le contrat de plan de contrat (qui, dès lors qu’il était qualifié de contrat, ne pouvait qu’être un contrat administratif). Et, dans une affaire ultérieure, il a donné une interprétation restrictive du contrat, considérant qu’un contrat de plan « n’emporte, par lui-même, aucune conséquence directe quant à la réalisation effective des actions ou opérations qu’il prévoit », une association ne justifiant pas d’un intérêt suffisant pour intenter un recours pour excès de pouvoir contre la décision de signature du contrat31.

Combien plus le juge serait-il justifié à adopter une appréciation restrictive du contrat, depuis la date de ce dernier arrêt. En effet, les contrats de projet 2007-2013 ont présenté, de ce point de vue, une double évolution : d’une part, en changeant de dénomination – justifiée par ailleurs – pour les raisons indiquées précédemment, les pouvoirs publics ont rompu le lien entre les contrats de projets et la loi du 29 juillet 1982, ces contrats de projets étant apparus comme une nouvelle forme de « contrats » dont rien ne pouvait permettre d’affirmer avec certitude qu’il s’agissait bien de contrats. Ceci d’autant plus que, d’autre part, dans leur contenu ces contrats de projets se sont encore plus éloignés des contrats au sens habituel du terme que les contrats de plan auxquels ils succédaient32.

En ce qui concerne les futurs contrats de plan, et pour autant que l’on puisse argumenter à leur égard, la nature juridique de contrat est encore moins assurée.

D’une part, il ne s’agit pas, parce qu’il ne peut pas s’agir, de la « restauration » des contrats de plan qui existaient avant les contrats de projet : les contrats de plan 2014-2020 ne peuvent être assimilés, du point de vue juridique, aux contrats de plan qui ont donné lieu à l’arrêt du Conseil d’Etat de 1988, pour la simple raison que le plan de la nation, pour l’exécution duquel les contrats de plan avaient été pensés, a définitivement disparu. Cette disparition entraîne nécessairement la disparition du lien juridique entre ces contrats et un plan qui n’existe plus. En d’autres termes, il n’est pas possible de se réclamer de la loi pour affirmer la nature juridique de contrat des contrats de plan à venir. Le juge retrouve donc son entière liberté pour qualifier ces « contrats », il pourrait parfaitement abandonner, sans se contredire, la jurisprudence Ministre chargé du Plan, précitée, et considérer que ces contrats de plan ne sont pas des contrats, avec toutes les conséquences que cela pourrait entraîner.

29 Mais une analyse intéressante et un peu différente est faite par S. Hourson. Il fait valoir que si effectivement le Conseil d’Etat n’avait pas d’autre choix que de respecter la qualification légale, « une interprétation plus exégétique aurait sans doute pu permettre d’analyser, dès l’origine, les contrats de plan comme des actes conventionnels mais non-contractuels » (Les conventions d’administration, LGDJ 2014, p. 153, § 229).

L’évolution que nous connaissons ne peut que conforter l’auteur dans son analyse.

30 CE Ass. 8 janvier 1988, Ministre chargé du Plan et de l’Aménagement du territoire c/ Communauté urbaine de Strasbourg et autres, précité.

31 CE 25 octobre 1996, Association Estuaire-Ecologie, RFDA 1997 p. 339, concl. J.-H. Stahl

32 V. sur ce point J.-M. Pontier, Des CPER aux CPER : les contrats de projet 2007-2013, AJDA 2008, p. 1653.

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14 D’autre part, les prémisses de ces futurs contrats de plan, telles qu’elles découlent des circulaires du Premier ministre, laissent craindre que les contrats ne se dissolvent dans de grandes intentions, généreuses comme toujours, mais dépourvues de toute substance juridique.

Encore faudrait-il qu’il y ait un contentieux sur ce point, l’expérience passée montrant que les régions ne sont guère portées à intenter des recours sur ce point contre l’Etat, de crainte sans doute de « représailles » qui ne diraient évidemment pas leur nom, dont le terme serait récusé d’un ton scandalisé, mais qui seraient parfaitement possibles, de manière détournée, sous une forme ou une autre.

B – Les CPER, un instrument de plus en plus conditionné

Le conditionnement ne provient pas de la définition des compétences des régions c’est-à-dire d’une limitation de ces dernières puisque, d’une part, les régions ont retrouvé – pour l’instant – une compétence générale qu’elles n’ont jamais perdue33, d’autre part, en tout état de cause l’expérience des contrats précédents montre clairement qu’il a été passé outre, d’un commun et implicite accord, aux limitations de compétences dans ces contrats.

Les CPER sont conditionnés d’abord, comme les autres politiques, par un environnement représenté par des contraintes budgétaires fortes qui ne disparaîtront pas d’un coup. Le Premier ministre le déclare lui-même : « Dans un contexte exigeant de redressement des comptes publics, l’investissement public doit être particulièrement ciblé, efficace et utile ». L’éventail des choix possibles dans le cadre d’une contractualisation n’est probablement pas très ouvert. Les intérêts d’une région et de l’Etat peuvent ne pas correspondre (c’est peut-être un euphémisme) et l’on doute fort que dans ce cas il puisse y avoir discussion entre égaux pour la conclusion du contrat. On objectera que cela n’est pas propre aux contrats de plan, ce qui est exact, mais n’enlève rien aux conditionnements auxquels vont être soumis ces contrats de plan. Par ailleurs, peut-être échaudés par les différentes crises que nous avons connues dans un passé récent et que nous continuons de vivre, les pouvoirs publics seront sans doute prudents dans les objectifs qu’ils fixeront, et qui seront sans doute très généraux, suffisamment pour ne pas être mis en défaut trop vite et de manière trop voyante.

Le conditionnement est celui de préoccupations, ou d’objectifs, qui dépassent le cadre régional : cela est particulièrement évident avec les cinq thématiques retenues par le Premier ministre34 et qui sont toutes des thématiques d’envergure nationale, pour lesquelles on peut même dire que, pour être mises en œuvre avec quelque chance de succès, elles impliquent un « Etat fort », définissant ses priorités, les imposant si nécessaire aux autres collectivités territoriales, ce qui n’est d’ailleurs pas garanti.

33 Rappelons simplement que la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, décidée par la loi du 16 décembre 2010, n’était pas encore entrée en vigueur au moment où il a été décidé par le législateur de la rétablir par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

34 Ces cinq thématiques sont : l’enseignement supérieur (dont la vie étudiante), la recherche et l’innovation ; les filières d’avenir et l’usine du futur ; la mobilité multimodale ; la couverture du territoire par le très haut débit et le développement des usages du numérique ; la transition écologique et énergétique.

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15 Ces contrats vont être conditionnés encore par les autres engagements et programmes des politiques publiques. Si le gouvernement respecte ce qu’il dit, les investissements d’avenir évoqués précédemment seront choisis non pas à l’avance mais en fonction des appréciations du CGI sur les projets qui lui seront soumis, et qui sont eux-mêmes conditionnés par cette exigence, à la fois vague mais contraignante, d’ « éco-conditionnalité » qui peut être interprétée de différentes manières.

Mais l’on voit mal le gouvernement aller, dans les CPER, à l’encontre des choix ainsi opérés, comme on n’imagine pas qu’il puisse contredire les 34 plans de la « nouvelle France industrielle ». Mais s’il en est ainsi, si les pouvoirs publics sont cohérents avec eux-mêmes, les choix ainsi effectués s’imposeront dans les CPER35. Le champ de discussion risque donc d’être très réduit, et la dimension contractuelle risque fort de n’être qu’une apparence.

Par ailleurs, et cela ressort de certaines des thématiques retenues par le Premier ministre, les engagements nationaux visent à établir une certaine égalité entre les territoires. C’est là une exigence non seulement compréhensible de la part de l’Etat (c’est bien son rôle que de chercher à établir l’égalité) mais légitime. Cependant, cette volonté d’égalité – ou plus exactement de lutter contre les inégalités (ce n’est pas tout à fait la même chose) – est susceptible d’aller à l’encontre du souci affirmé de contractualisation, laquelle implique, par définition, la différenciation.

Ainsi, les contradictions potentielles ne manquent pas, elles sont même si voyantes que l’on ne voit pas très bien comment les pouvoirs publics pourront les surmonter. Cela jette un doute sur la possibilité de faire des CPER ce que les dirigeants prétendent qu’ils seront. Le risque est que, une fois de plus, il y ait un grand écart entre les déclarations et les réalités. Les dirigeants manquent de modestie ou de lucidité, ou des deux à la fois, contribuant à cette sorte de schizophrénie qui, selon plusieurs observateurs étrangers, caractérise la France.

Mots clés : compétences, contrat, décentralisation, investissements, participation, territoires

35 A condition naturellement que tous ces choix soient connus au moment de la discussion des CPER, ce qui est loin d’être acquis.

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