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Présentation : convergence des normes, différenciation des débats ?

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HAL Id: halshs-00105425

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Submitted on 26 Apr 2019

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Présentation : convergence des normes, différenciation des débats ?

Évelyne Ritaine

To cite this version:

Évelyne Ritaine. Présentation : convergence des normes, différenciation des débats ?. Pôle Sud, Éditions Climats, 1999, Enjeux migartoires en Europe du Sud, pp.3-7. �halshs-00105425�

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Pôle Sud

Présentation : convergence des normes,différenciation des débats ?

Mme Evelyne Ritaine

Citer ce document / Cite this document :

Ritaine Evelyne. Présentation : convergence des normes,différenciation des débats ?. In: Pôle Sud, n°11, 1999. Enjeux migratoires en Europe du Sud. pp. 3-7;

https://www.persee.fr/doc/pole_1262-1676_1999_num_11_1_1047 Fichier pdf généré le 23/04/2018

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Présentation

Convergence des normes, différenciation des débats ?

par Evelyne Ritaine Directrice de recherche FNSP CERVL-IEP Bordeaux Pôle Sud№ 11 - novembre 1999 -p. 3à7 Immigration extraœmmunautaire (en

italien, immigrazione extracomunitaria ; en espagnol, inmigracion no comunitaria ; en

portugais, imigraçao extracomunitaria) : comment mieux évoquer que par cette expression, d'usage récent dans les trois langues, la problématique sociopolitique de l'immigration dans ces pays d'Europe du sud ?

Le terme "immigration" y désigne une transformation historique contemporaine : longtemps ces pays ont été des pays d'"émi- gration", et ils en gardent une mémoire collective particulière, entrelacement de récits sur la souffrance de la pauvreté et de l'éloigne- ment. Se découvrir peu à peu, depuis le début des années 80, terres d'immigration est, pour ces sociétés, une confrontation à l'altérité originale, tant celle-ci est déjà inscrite, en image inversée, dans leur propre mémoire. Ce d'autant plus que, dans leur histoire nationale, le vocable immigrés (et la stigmatisation qui l'accompagne souvent) désignait non pas des étrangers venus d'ailleurs mais des

méridionaux autochtones chassés vers le nord par la misère : ce fut le cas en Italie et en Espagne, cependant que la situation était plus ambiguë au Portugal, avec l'accueil des retornados et des ressortissants des territoires d'outremer de langue portugaise. Aujourd'hui le face-à-face avec des étrangers plus étrangers que d'autres, pour paraphraser un jeu de mots célèbre, renvoie au questionnement collectif d'identités

nationales tourmentées. Plus qu'ailleurs peut- être, en raison de l'inversion des trajets

migratoires, le phénomène migratoire tend un miroir aux sociétés d'arrivée.

L'adjectif "extracommunautaire" révèle bien que c'est dans le cadre de l'intégration européenne que, pour ces États, se construit une problématique de l'immigration.

L'installation de ressortissants des pays membres de l'Union européenne, protégés par les normes européennes sur la liberté de circulation et d'installation, dotés d'un statut économique généralement confortable, et manifestant un faible écart culturel avec les sociétés

d'installation, ne fait pas problème. Quand

l'immigration fait question, il s'agit bien de celle que les règles européennes enjoignent de contrôler, l'immigration venue des pays africains et asiatiques et des pays de la seconde Europe, qui se trouve aussi être une immigration de la

précarité économique ou politique et, le plus souvent, une immigration porteuse d'héritages culturels différents. En effet, longtemps les sociétés méridionales ont absorbé

l'immigration à bas bruit, par des "arrangements"

socioéconomiques et administratifs successifs.

Ce n'est que lorsque les normes définies par les accords de Schengen commencent à se dessiner à leur horizon politique que tend à s'opérer une construction de la question migratoire comme problème public (entendu comme question susceptible d'un traitement par

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Pôle Sud № 11 l'action publique), puis, parfois, comme enjeu

politique (entendu comme question prise dans des concurrences politiques).

L'impératif européen est ici le facteur déterminant de la mise sur agenda ; ce qui ne signifie pas pour autant qu'il soit un facteur fortement

structurant du débat.

Aussi nous proposons-nous de considérer que la question migratoire, parce qu'elle est confrontation à cette double altérité, et donc mise en crise(s), est un "analyseur" pertinent des transformations contemporaines des processus sociopolitiques des pays d'Europe du sud. Nous posons donc que cette double

altérité, celle de la présence migratoire et celle de la norme européenne, dote la question

migratoire d'une valeur catalytique bien supérieure à la dimension quantitative du phénomène migratoire, qui demeure dans ces pays somme toute limitée. Certes une vision simpliste pourrait conduire à penser que, en toute logique, ces États finissent par s'aligner sur les

normes européennes et par produire des réglementations assez semblables. Nous posons, de façon plus dialectique, que les cheminements par lesquels ils y parviennent, les débats enclenchés, les prises de positions provoquées, les mobilisations mises en branle, constituent

des processus de traduction et de réappropriation fondamentalement spécifiques et révélateurs. Loin d'écraser les différences

sociopolitiques, la construction de la question migratoire comme enjeu politique se fait selon le "mode" politique particulier à chaque système (national ou infranational) et dessine des configurations d'acteurs (institutions publiques, partis politiques, syndicats, associations, experts) originales. En cherchant à comprendre comment se construit un

problème public, puis des enjeux politiques, il s'agit d'interpréter l'ensemble des "références"

sociopolitiques activées autour de la question

migratoire, et l'ensemble des "concurrences"

entre médiateurs déclenchées dans le système de l'échange politique.

Nous considérons ici les trois pays méridionaux intégrés à l'espace de libre-circulation

tel que l'a défini l'accord de Schengen1. Dans une première approche comparatiste, l'intérêt heuristique de les étudier ensemble tient au fait qu'ils ont eu à se mettre en conformité avec les normes européennes alors que tous trois étaient récemment passés du statut de sociétés de départ migratoire à celui de sociétés d'arrivée migratoire. Ces trois systèmes sociopolitiques ont eu à débattre, dans des enceintes variables, de la question migratoire lors de la signature, de la ratification puis de l'entrée en vigueur des accords de Schengen.

C'est la procédure européenne qui y met cette question en débat, et qui parfois contribue à rendre celui-ci aigu. Il en est ainsi, par exemple, lorsque les partenaires européens excluent l'Italie de l'entrée en vigueur de l'accord de Schengen en 1995 : ce jugement négatif sur la capacité légale-rationnelle de l'État italien, dans un contexte national de grand désarroi politique, renforce la tendance à la politisation du thème migratoire. Mais ensuite, lorsque de nombreux acteurs politiques s'approprient le thème, l'échange politique qui se déploie est révélateur des grandes questions qui agitent ces sociétés : on y entend l'écho de l'appréciation de la puissance étatique et de l'intégration nationale ; le souci des conséquences sociales des mutations

économiques (il est question de précarité de l'emploi, d'économie souterraine, de

transformation du Welfare state, etc.) ; la

manifestation de capacités politiques différentielles selon les territoires infranationaux.

Cette fonction d'analyseur que la réflexion peut attribuer à la question migratoire implique, cependant, d'approfondir la 4

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Convergence des normes, différenciation des débats dimension comparatiste. Le double fait de la

transformation de pays d'émigration en pays d'immigration et de l'appartenance à l'espace Schengen, dont ils constituent ensemble la frontière face aux suds, ne représentent qu'une pertinence comparatiste superficielle. Plus pertinente encore sera l'analyse de la variation de leurs réactions politiques par rapport à leurs traits sociopolitiques homologues. Il nous semble en effet, que, au-delà d'une situation contemporaine comparable en termes d'immigration, c'est par rapport aux traits homologues de leurs trajectoires historiques qu'il est intéressant d'analyser ces trois systèmes sociopolitiques dans une approche comparatiste, de décrypter les processus de différenciation de leurs réactions, voire plus tard de les considérer en regard de ce qui se passe dans d'autres parties de l'Europe. Notre propos est donc de faire émerger le principe des variations, en partant des caractéristiques homologues, que celles-ci soient de situation contemporaine ou de trajectoire sociopoli- tique. On voit alors se construire

politiquement un (des) enjeu(x) migratoire(s) selon l'ensemble des références disponibles,

constituées par l'histoire, et selon l'ensemble des concurrences entre acteurs, qui dessinent des combinatoires spécifiques et variables dans le temps : "pour comprendre l'état d'univers socialement construit à un moment donné, ou sa transformation dans le temps, on doit comprendre l'organisation sociale qui permet aux définisseurs d'établir leur définition"

(Berger, Luckmann, 1986, p. 110).

Ces pays d'Europe du sud ont connu des trajectoires socioéconomiques marquées par le développement "tardif" et semipériphé- rique". De ces trajets, ils ont hérité un marché du travail segmenté, marqué par la précarité de l'emploi et l'économie souterraine : les possibilités d'intégration d'une main-d'œuvre

immigrée, alors que les taux de chômage sont parfois élevés et caractérisés par d'importants écarts régionaux, ont inspiré de nombreux travaux d'économistes et de démographes (note). Nous en retrouvons l'expression dans le souci manifesté par toutes les législations migratoires examinées de réguler les flux de main-d'œuvre. Plus importante pour une analyse de sociologie politique, une seconde caractéristique est héritée de ces trajectoires : une segmentation sociale et territoriale aiguë, qui induit le mélange de règles de réciprocité et de règles du marché. Les fortes

différenciations territoriales, en termes de

développement économique et en termes de logique sociale, contribuent à produire non seulement un phénomène migratoire différencié selon les zones, mais surtout une construction sociale et politique de la question migratoire variable. Ni la nature des trajectoires

migratoires (plus incertaine dans les zones d'entrée au sud de ces territoires, plus stabilisée dans les métropoles du nord), ni les réactions

sociopolitiques (parfois plutôt laissées aux initiatives de la société civile, parfois plutôt encadrées par des politiques publiques locales) ne sont homogènes : pour tous les groupes concernés, la situation n'est pas vécue de la même façon en Andalousie et en Catalogne, dans les Pouilles et en Lombardie, en Algarve et à Lisbonne. Certains auteurs ont pu aller jusqu'à dire que ces processus engendraient de

l'inégalité et de l'arbitraire pour les populations migrantes (Zincone, 1994) : l'évaluation des politiques locales d'immigration en est d'autant plus délicate.

La trajectoire politique moderne de ces systèmes sociopolitiques, la marque du passage, plus ou moins récent, du fascisme à la

démocratie pluraliste, est encore plus révélatrice pour notre problématique. L'exigence

démocratique, souvent appuyée sur la volonté

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Pôle Sud №11 d'intégration à la construction européenne,

est une référence très vive et fréquemment activée sur ces thèmes. En bruit de fond, et la mémoire de l'émigration, et l'importance des valeurs démocratiques font résonner des

cultures politiques soucieuses des droits des migrants. Chaque société l'interprète

cependant selon la nature de ses propres enjeux.

L'Espagne, dont la Constitution est bâtie sur la reconnaissance démocratiques des

différences culturelles et politiques, se doit de maintenir, sauf à se renier elle-même, ce principe différentialiste vis-à-vis de l'étranger. Le Portugal, engagé dans un grand élan

d'intégration aux valeurs européennes, est obligé de traiter les effets de son héritage colonial, et de réaménager les liens privilégiés qu'il entend conserver avec les territoires de langue

portugaise. L'Italie, quant à elle, vivant depuis plus longtemps les heurs et malheurs de la

démocratie pluraliste, est le seul cas méridional où a disparu le tabou du discours xénophobe2, emporté par l'affirmation de partis de la droite extrême et de partis populistes : le débat en est d'autant plus virulent, entre rejet sécuritaire et solidarité.

Enfin, la généalogie de leur construction étatique et de leur construction nationale a doté ces États-nations de styles politiques d'action publique, où s'entremêlent des modalités légales-rationnelles et des

médiations sociopolitiques diversifiées : la fonction de définition et de défense de l'intérêt général y est toujours problématique et les politiques publiques produites par des

compromis particulièrement complexes. Les processus de la production des politiques migratoires et des politiques d'immigration3 montrent bien à quel point une grande partie de la production de sens et la plus grande part de la mise en pratique des politiques relèvent du secteur associatif. En effet, si les

appareils d'État ont du aligner leur

législation sur les normes Schengen, la dynamique des engagements d'acteurs sociaux atteste à quel point la question migratoire est prise dans les processus de recomposition

politique à l'œuvre dans ces sociétés. C'est ainsi que dans ces pays où la mouvance

catholique, et ses prolongements démocrates- chrétiens, ont été si fondateurs, les

mouvements catholiques se révèlent particulièrement actifs sur ces questions : peut-être peut-on y voir une des voies de renouvellement de l'engagement catholique, après de longues années de crise. De même, dans ces pays où les courants communiste et socialiste, et leurs traductions syndicales, ont été si importants, les groupes de la gauche progressiste (liés aux syndicats mais aussi à la nouvelle gauche) ont peu à peu inventé des modes d'intervention sur ces problèmes : peut-être peut-on y déceler une forme de recomposition des fronts de lutte et des acteurs de la gauche. Ces engagements se déploient cependant selon la configuration nationale (ou locale) des rapports entre ces différents courants. Dans toutes les actions entreprises enfin, on perçoit, et il restera à peser, l'influence de la socialisation

européenne des différents acteurs, publics et privés, par l'entremise des réseaux européens d'échange entre experts des politiques sociales ou de la sécurité (Liebfried, Pierson,

1998 ; Bigo, 1996, 1998).

Sur cette base de réflexion, nous présentons et mettons en débat ici les premiers acquis d'une recherche en cours, faits de pistes d'interprétation et de bien des questions.

Cette recherche est soutenue par le CERVL- Pouvoir, Action publique, Territoire- à

l'Institut d'études politiques de Bordeaux, et

financée par le Programme "L'identité européenne en questions" du CNRS.

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Convergence des normes, différenciation des débats

Notes

1. L'accord intergouvernemental de Schengen a été signé le 14 juin 1985 entre l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France. L'Italie y a adhéré en 1 990, l'Espagne et le Portugal en 1 99 1 , la Grèce en 1992. Il est entré en vigueur le 26 mars 1995, en excluant l'Italie et la Grèce. L'Italie y a été admise en 1997. Les obligations liées à Schengen sont désormais intégrées dans le traité d'Amsterdam (2 octobre 1997) qui en prévoit la communautarisation progressive.

2. On entend bien que des incidents xénophobes existent dans ces trois sociétés. Ce n'est qu'en Italie en revanche que se déploie dans l'espace public un discours politique de rejet xénophobe, porté comme un élément de leur programme par des organisations partisanes.

3. Quelques précisions terminologiques s'imposent. Suivant en cela la plupart des travaux sur les politiques publiques traitant de l'immigration, nous distinguons politiques migratoires, entendue comme politiques de régulation des flux migratoires par les États et par l'Union européenne, et politiques d'immigration, entendues comme politiques gérant les conditions d'insertion sociale des immigrés. Cf. West European Politics,

1994, 2, "The Politics of Immigration". De même nous avons adopté l'adjectif migratoire dans son sens littéral de "relatif aux migrations".

Références

Berger P., Luckmann T., La construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens Klincksieck, 1986.

Leibfried S., Pierson P., (eds.), Politiques sociales européennes. Entre intégration et fragmentation, Paris,

L'Harmattan (MIRE), 1998. Bigo D., Polices en réseaux, l'expérience européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 1996. Bigo D., "Europe passoire et Europe forteresse : la sécurisation/humanitarisation de l'immigration", in Rea A. (dir.), Immigration et racisme en Europe, Bruxelles, Éditions Complexe, 1998.

Zincone G., Uno schermo contre ilrazzismo, Rome, Donzelli, 1994.

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