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Remarques pédagogiques relatives au concept d’extensivité

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Academic year: 2021

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Remarques pédagogiques relatives au concept d’extensivité

par L. COUTURE et R. ZITOUN Professeurs à l’Université Pierre et Marie Curie 75005 Paris

1. PREMIER CONTACT AVEC L’EXTENSIVITÉ

Dès que l’on définit une grandeur physique dans l’enseignement secondaire, on attire l’attention des élèves sur ses dimensions et ses unités : mètre, mètre par seconde, kilogramme par mètre cube, ... Il serait souhaitable d’introduire également son caractère d’extensivité.

Prenons l’exemple de la masse volumique, grandeur physique rencontrée relativement tôt dans l’enseignement. En considérant des échantillons de substance homogène (du cuivre par exemple) de masses et de formes diverses et en rangeant les résultats des mesures dans un tableau, on constate que la masse est proportionnelle au volume ; on trouve donc que le quotient de la masse par le volume est constant. La masse m et le volume V des échantillons dépendent de la quantité de substance : ce sont des grandeurs extensives. Leur quotient mV est indépendant de cette quantité : c’est une grandeur intensive qui est une propriété physique caractéristique de la substance cuivre appelée masse

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volumique du cuivre ; elle se mesure en kg/m3 (et si possible en kg m3).

La définition de la masse volumique est donc la suivante : La masse volumique d’une substance homogène est égale au quotient de la masse de cette substance par son volume. Le nom même de la grandeur découle de sa définition (l’adjectif volumique signifiant divisé par le volume) et permet de retrouver ses dimensions. On construit de la même façon la masse molaire M (quotient de la masse m par le nombre de moles n), le volume molaire v (quotient du volume V par le nombre de moles n), ...

On trouve encore, dans certains ouvrages, la définition suivante de la masse volumique : «on appelle masse volumique d’une substance homogène la masse d’une unité de volume de cette substance». Cette définition est incorrecte car une masse volumique (mesurée en kg m3) ne peut être définie comme étant une masse (mesurée en kg) ; la masse volumique s’exprime avec le même nombre que la masse d’une unité de volume mais elle a d’autres dimensions et un caractère d’extensivité différent. Une telle définition introduit dès le début une confusion regrettable dans l’esprit des élèves.

2. INTRODUCTION DU CONCEPT EN THERMODYNAMIQUE

Le concept d’extensivité est particulièrement important en thermo- dynamique [1]. En effet, si le système étudié est un fluide homogène en équilibre, les grandeurs le décrivant ont des valeurs bien détermi- nées : la pression p, la température T, le volume V, la masse m, le nombre de moles n, l’énergie interne U, l’entropie S, ... Si l’on considère une partie ’ de , certaines grandeurs ont dans ’ les mêmes valeurs que dans , d’autres varient proportionnellement à la taille de ’. Les premières, au nombre desquelles p et T, sont dites intensives, les secondes extensives.

Comme le rapport de deux grandeurs extensives est une grandeur intensive, il suffit de considérer une seule grandeur extensive pour définir l’extension du fluide, le nombre de moles n par exemple, et d’utiliser alors les grandeurs intensives définies comme étant le quotient des autres grandeurs extensives par la variable extensive choisie. On obtient ainsi :

– le volume molaire v Vn mesuré en m3 mol– 1,

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– l’énergie interne molaire u Un mesurée en J mol– 1, – l’enthalpie molaire h Hn mesurée en J mol– 1, – l’entropie molaire s Sn mesurée en J K– 1mol– 1,

– les capacités thermiques molaires c Cn mesurées en J K– 1mol– 1, – les chaleurs latentes molaires de changement de phase l Ln mesurées en J mol– 1, ...

Ces grandeurs intensives sont des propriétés caractéristiques du fluide constituant le système et sont tabulées dans les bases de données, en fonction de la température et de la pression pour les systèmes divariants.

Enfin, on peut considérer aussi les grandeurs intensives correspon- dant aux transferts d’énergie à un système (travail W et chaleur Q) ; par exemple le travail molaire w Wn et la chaleur molaire q Qn, exprimés en J mol– 1 (ou les grandeurs massiques en J kg– 1).

Le choix de la grandeur d’extension dépend en fait des problèmes considérés. Ainsi, on utilise les grandeurs molaires dans les études où le point de vue moléculaire est important : transformations de gaz, réactions chimiques, interprétation de résultats de la thermodynamique statistique [2]. Dans les problèmes de machines thermiques, et plus généralement en hydrodynamique, on considère la masse comme variable d’extension et les grandeurs intensives massiques. Dans le cas de champs électriques ou magnétiques, on choisit le volume et les grandeurs intensives volumiques [1 - 4].

L’usage des grandeurs intensives est extrêmement commode. De plus, il est indispensable dans les cas suivants :

– Systèmes composés de parties homogènes ou, plus généralement, systèmes inhomogènes en équilibre local. Les lois de la thermodynami- que sont alors valables entre les grandeurs intensives locales, et les fonctions d’état du système s’expriment comme une somme (ou une intégrale) de grandeurs molaires pondérées par les nombres de mole.

– Systèmes ouverts. Prenons l’exemple d’une bouteille de gaz compri- mé que l’on ouvre momentanément. Bien que la transformation soit irréversible, le gaz restant dans la bouteille subit une détente approxi- mativement isentropique. Cependant, on ne peut pas appliquer la loi pVCte qui n’est démontrée que dans le cas d’un nombre de moles

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constant (pour un gaz parfait à capacité thermique constante). Par contre, la relation :

pv Cte (1)

s’applique. En particulier, lorsque la bouteille de gaz de volume V Cte se vide, la relation (1) conduit à :

p

n Cte (2)

qui détermine le nombre de moles restant dans la bouteille en fonction de la pression.

3. CONFUSIONS RÉSULTANT DU NON-EMPLOI DU CONCEPT

Le fait de ne pas considérer le caractère d’extensivité des grandeurs peut entraîner des confusions regrettables et parfois des erreurs comme nous allons le voir sur l’exemple des équations d’état.

Considérons une certaine quantité d’un fluide homogène. Ce système est divariant, c’est-à-dire que son état est défini par la connaissance de deux variables intensives, par exemple p et T, en plus d’une variable définissant son extension : nombre de moles n, masse m ou volume V.

Les grandeurs intensives sont alors fonction uniquement de p et T, et les grandeurs extensives de p, T et de la grandeur d’extension choisie.

Le volume molaire v est donc fonction de p et T. La relation v vp,T constitue l’équation d’état qui est une propriété intrinsèque du fluide, indépendante de son extension. On peut aussi l’écrire sous la forme fp, v,T 0. Citons l’équation d’état d’un gaz parfait, celle de van der Waals et le développement en 1/v de l’équation du viriel :

pv RT, (3)

p

a v2

v – b RT, (4)

pv RT

1B’T v C’T

v2

, (5) R étant la constante universelle des gaz parfaits valant 8,3145 J K1mol– 1. Les constantes a, b et les fonctions B’(T) et C’(T) sont des propriétés caractéristiques du fluide considéré ; ce sont des

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grandeurs intensives se mesurant respectivement en J m3mol– 2, m3 mol– 1, m3 mol– 1 et m6 mol– 2.

On trouve cependant parfois dans les cours que «l’équation d’état d’un fluide de masse donnée lie sa pression p, son volume V et sa température T, soit : fp, V, T 0». Cette proposition est incorrecte, car elle entraînerait V Vp, T et une grandeur extensive ne peut être fonction uniquement de grandeurs intensives. En effet, dans la relation fp, V, T 0, la valeur de la masse du fluide a disparu et cette «équation d’état» n’est plus une propriété générale du fluide, mais une propriété restreinte à une certaine extension de celui-ci. Ainsi, on rencontre souvent les «équations d’état relatives à une mole» de gaz parfait ou de van der Waals :

pV RT (faux)

p a V2

V – b RT (faux)

qui sont fausses du point de vue des dimensions, car, V étant un volume, pV est homogène à une énergie et se mesure en J alors que RT est exprimé en J mol– 1.

Pour éviter cette erreur, on écrit parfois l’équation d’état sous la forme p, V, T, n 0 qui, du fait des propriétés d’extensivité de V et de n, peut toujours se mettre sous la forme fp, Vn, T 0. Ainsi, pour un gaz parfait, on trouve souvent l’équation :

pV nRT. (6)

Cette expression est correcte, mais il est préférable de l’éviter car, outre qu’elle dissimule le fait que l’équation d’état ne fait intervenir que la variable v Vn, elle peut conduire à écrire, par généralisation hâtive, l’équation de van der Waals sous la forme :

p

a V2

V –b nRT (critiquable) qui est critiquable car a et b dépendent ici de l’extension du fluide de façon cachée et ne sont plus caractéristiques du fluide.

Analysons en détail le mode de raisonnement conduisant à la relation fausse pV RT. Tout d’abord on considère une mole de gaz. Puis on introduit la valeur n 1 mol dans l’équation (6), soit pV1 mol RT,

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ce qui est incommode mais encore correct. Après avoir effectué le produit par 1, la faute est commise en négligeant l’unité mol et en continuant d’appeler V volume au lieu de volume molaire. Il faut bien comprendre qu’en introduisant dans une équation littérale une valeur numérique, la lettre représentant cette grandeur disparaît et, comme on omet les dimensions, on aboutit à une incohérence dimensionnelle dans l’équation. C’est d’ailleurs une recommandation pédagogique bien connue de ne jamais introduire les valeurs numériques progressivement, mais seulement toutes ensemble dans le résultat final.

4. RECOMMANDATIONS PÉDAGOGIQUES

Dans un grand nombre de textes d’enseignement français, tout se passe comme si le concept d’extensivité n’existait pas. Par exemple, on confond volume molaire et volume d’une mole en utilisant la même notation V. Évidemment, il n’y a pas d’erreur véritable dans l’esprit du physicien, mais les élèves, qui n’ont pas la même formation, éprouvent des difficultés. Dans un but pédagogique, nous faisons donc les recommandations suivantes :

Avoir présent à l’esprit le caractère d’extensivité ou d’intensivité de chaque grandeur.

Il faut tout d’abord caractériser la grandeur considérée : est-elle extensive ou intensive ?

Veiller à une dénomination complète, non ambiguë et correcte de la grandeur.

Si elle est extensive, elle a son nom traditionnel : volume, énergie, ... Si elle est intensive, il faut attacher au nom de la grandeur extensive l’adjectif la rendant intensive : molaire, massique ou volumi- que. Ainsi, la grandeur relative à la fusion de la glace et valant 335 kJ kg1 doit être appelée chaleur latente massique et non chaleur latente comme on le trouve souvent.

Il ne faut pas utiliser des expressions telles que «masse de l’unité de volume» (§ 1.) ou «énergie d’une mole», ... pour désigner des grandeurs intensives. On doit éviter de même les expressions ambiguës telles que «énergie relative à une mole».

Par ailleurs, on doit absolument proscrire l’expression «chaleur massique» encore employée au lieu de l’expression recommandée

«capacité thermique massique» [5] pour désigner le quotient d’une capacité thermique par la masse. En effet, logiquement, l’expression

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«chaleur massique» désigne une grandeur se mesurant en J kg 1, alors que l’on veut désigner une grandeur se mesurant en J K– 1 kg1. Notons qu’à l’inverse de la démarche habituelle, cette dénomination défec- tueuse conduit la plupart des auteurs à définir d’abord la grandeur intensive capacité thermique massique (qu’ils appellent «chaleur mas- sique»), puis la grandeur extensive qu’ils appellent alors bien capacité thermique !

Ne jamais considérer une mole de substance.

Il faut s’interdire les démonstrations dans lesquelles on considère dès l’abord une mole (ou un gramme) de substance, car il y a ensuite risque de confusion entre grandeurs extensives relatives à cette mole et grandeurs intensives molaires (voir § 3.).

Utiliser deux symboles différents pour les grandeurs extensives et intensives.

Pour différencier une grandeur intensive de la grandeur extensive correspondante, il est indispensable de les représenter par deux symboles différents. On utilise souvent la lettre minuscule correspon- dant à la lettre majuscule représentant la grandeur extensive : v pour V, u pour U, l pour L... L’Union Internationale de Physique Pure et Appliquée (IUPAP) [5] reconnaît cet usage et, pour les grandeurs molaires, recommande d’affecter la lettre représentant la grandeur extensive d’un indice m : Vm, Um, ... Par exemple, nous déconseillons l’emploi traditionnel du symbole u pour désigner le volume molaire dans la formule de Clapeyron, car en général la lettre U est réservée à l’énergie interne. Notons que la même lettre minuscule peut représenter sans inconvénient les différentes grandeurs intensives molaires, massi- ques ou volumiques ; en effet, dans une même étude, on utilise rarement deux d’entre elles à la fois.

Utiliser les unités correspondant à la grandeur considérée.

Par exemple, la masse molaire se mesure en kg mol 1 (ou g mol– 1) et non en kg (ou g). De même, le nombre d’Avogadro a pour unité mol– 1.

Placer en dernier dans les unités le symbole rendant la grandeur intensive.

Pour faire apparaître clairement le caractère intensif d’une grandeur, il est souhaitable de placer en dernier dans les unités le symbole rendant la grandeur intensive : par exemple, J K– 1 mol– 1et non J mol 1 K– 1.

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Ces recommandations, qui d’ailleurs ne sont pas indépendantes, peuvent sembler évidentes, mais elles ne sont pas toujours appliquées simultanément. On peut, par ailleurs les trouver trop contraignantes, mais, si on les respecte, les exposés deviennent beaucoup plus clairs.

L’application rigoureuse de ces règles assure la cohérence entre dénomination, symbole et unités relatifs à une grandeur ; par exemple : entropie molaire, s et J K– 1 mol– 1. De plus, à chaque pas d’un calcul, elle permet de vérifier l’homogénéité des équations tant du point de vue dimensionnel que du point de vue de l’extensivité.

5. CONCLUSION

Notre expérience pédagogique nous a montré que, contrairement à ce que l’on semble penser, le concept d’extensivité, s’il est appliqué strictement par les enseignants, est très facile à assimiler et à utiliser par les élèves. En suivant les recommandations ci-dessus, toute confusion disparaît alors et l’assimilation de la thermodynamique en est grandement facilitée.

BIBLIOGRAPHIE

[1] L. COUTURE, Ch. CHAHINE et R. ZITOUN : «Thermodynamique», Dunod 1989.

[2] L. COUTURE et R. ZITOUN : «Physique Statistique», Ellipses 1992.

[3] E.-A. GUGGENHEIM : «Thermodynamique», Dunod 1965.

[4] L. LANDAU et E.-M. LIFSCHITZ : «Électrodynamique des milieux continus», Mir 1969.

[5] R. COHEN and P. GIACOMO : «Physica 146A», 1-68 (1987).

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