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Statuts et défis des dictionnaires et des grammaires

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Academic year: 2022

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THEORIESLINGUISTIQUESTERRAIN&EXPERIMENTATION

P

ARCOURS LANGUES EN CONTACT ET TERRAINS

Journées du Séminaire de Master LCT, 17 et 18 mars 2021

Statuts et défis des dictionnaires et des grammaires

PROGRAMME Mercredi 17 mars

9h-9h30 : Ouverture des journées, Présentation de la thématique.

N. Tournadre et M. Gasquet-Cyrus

9h30-10h30 : Pablo Kirtchuk (HDR, Inalco et Paris IV) Dictionnaires et Grammaires : Pourquoi faire ?

10h30-11h30 : Christophe Rey (CY Cergy Paris Université, IUF, LT2D) Le dictionnaire : un outil éminemment sociolinguistique

11h30-12h30 : Cyril Aslanov (AMU, IUF, LPL)

La complémentarité grammaires/dictionnaires chez trois grammairiens juifs du Moyen Âge: Ibn Janāḥ; David Qimḥi; Joseph Kaspi

Pause déjeuner 12h30-14h30

14h30-15h30 : Médéric Gasquet Cyrus (AMU, LPL)

La lexicographie régionale et identitaire ou la difficile définition des langues et des variétés

15h30-16h30 : Sylvie Voisin (AMU, DDL)

Quels enseignements pouvons-nous tirer des grammaires wolof entre 1682-1904?

16h30-17h30 : Edouard Trouillez (Lexicographe, Le Robert)

Mise à jour des dictionnaires monolingues Le Robert : objectifs, méthodes et perspectives.

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2 Jeudi 18 mars

9h-10h : Katia Chirkova (CRLAO),

Les défis des dictionnaires et des grammaires des langues en voie d’extinction 10h-11h : Aimée Lahaussois (HTL),

Vers une approche empirique des pratiques grammaticographiques 11h-12h : Homa Lessan Pezechki (AMU, IREMAM)

Les verbes supports à la croisée du lexique et de la grammaire et leur traitement en lexicographie persane

Pause déjeuner 12h-13h30

13h30-14h30 : Guillaume Jacques (CLRAO)

Une philologie de l'oral : la grammaire du japhug

14h30-15h30 : Eric Mélac (Université Paul-Valéry Montpellier 3, EMMA)

De l'influence de la culture sur le lexique : l'exemple de la construction d'un dictionnaire thématique français-tibétain

15h30-16-30 : Magdalena Lemus Serrano (DDL)

Les problèmes que pose la multifonctionnalité des morphèmes dans l'élaboration des grammaires : le cas du yukuna.

16h30-17h30 : Nicolas Tournadre (AMU, IUF, LACITO)

La diversité typologique et ses conséquences sur l’élaboration des dictionnaires et des grammaires

17h30-18h : Synthèse, débats et conclusions

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Statuts et défis des dictionnaires et des grammaires

A l’heure où la biodiversité est menacée, il faut rappeler que la diversité linguistique est aussi gravement menacée et que la documentation des langues dites « en danger » est fondamentale dans la mesure où plus de la moitié des quelques 7000 langues actuellement parlées risquent de disparaître avant la fin du siècle Certains auteurs (cf. notamment Gorenflo et alii, 2012) considèrent que les domaines de la diversité linguistique et biologique ne sont pas sans rapport dans la mesure où la concentration des langues est particulièrement importante dans des régions du monde comme l’Amazonie, l’Amérique centrale, les forêts de l’Afrique de l’ouest, le Congo, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Mélanésie, le Caucase, l’Himalaya, les montagnes du Sud- ouest de la Chine, régions qui avaient jusqu’à peu su préserver relativement leur diversité biologique.

Est-il utile de rappeler que seule une petite proportion des langues possède une forme écrite ? Le chiffre de 1440 « langues écrites » est avancé par Omniglot1, toutefois, on peut considérer que seulement 200 d’entre elles (soit moins de 3% des langues du monde) disposent d’une véritable tradition écrite bien établie. En effet, dans certaines langues possédant une forme écrite récente, le volume des textes est très limité (Tournadre, 2016) et l’usage de l’écrit est très restreint. La plupart des langues ne sont pas non plus dotées de dictionnaires ou de grammaires de référence et dans de nombreux cas, il n’existe que des glossaires très limités. Signalons au passage que le choix d’un système d’écriture pour rédiger un dictionnaire ou une grammaire n’est pas sans conséquence sur la description linguistique elle-même.

Concernant les dictionnaires et les divers genres lexicographiques qui ont reçu au cours de l’histoire des appellations variés - liste lexicale, glossaire, vocabulaire, lexique, thesaurus, onomasticon, etc. - on peut noter que leurs premières attestations remontent aux premiers textes dans les écritures les plus anciennes, c’est-à-dire dès le 4ème s. AEC (Boisson, Kirtchuk &

Béjoint, 1991, Goody 1986). Toutefois, il faut insister sur le fait qu’encore aujourd’hui les langues bien documentées du point de vue lexical et grammatical sont peu nombreuses

Rares sont les langues dotées de manuels de langue, de dictionnaires historiques ou étymologiques, et encore plus rares sont celles ayant développé des applications basées sur les nouvelles technologies de l’information telles que la traduction automatique, les corpus informatisés ou la synthèse vocale. Même dans les langues les mieux dotées, il n’existe aucune grammaire ni aucun dictionnaire qui puisse se prévaloir d’être complet, ce qui de toute façon serait impossible étant donné la variabilité intrinsèque des langues tant d’un point de vue diachronique que diatopique, sans compter la variation sociale. Quoi qu’il en soit, les inégalités dans la documentation lexicale et grammaticale ainsi que dans le développement technologique des langues sont donc très marquées.

Mais au-delà de ces inégalités, les dictionnaires et les grammaires reflètent toujours une époque donnée un cadre théorique, et dans une certaine mesure, l’axiologie de leurs auteurs. Ainsi par exemple la définition d’obèse proposée par Maurice Lachâtre (1856) dans son Dictionnaire universel : « obèse, fait de obedere « manger » (lat.) qui est atteint d’obésité. Beaucoup de moines étaient obèses, cela tenait à leur fainéantise » est différente des définitions modernes !

1(https://omniglot.com/writing/stats.htm)

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4 Il en va de même plus récemment avec des éditions du Petit Larousse où la femme était définie comme « la compagne de l’homme ».

Dans le cadre du séminaire, nous allons nous intéresser à la question des grammaires et de dictionnaires qui posent de nombreux défis aussi bien du point du linguistique et que sociolinguistique.

Parmi les problèmes linguistiques que posent les grammaires et les dictionnaires figurent le métalangage utilisé ainsi que les catégories grammaticales et lexicales.

Par exemple, les catégories verbales transitif / intransitif ne sont guère pertinentes dans certaines langues comme les langues tibétiques dans la mesure ou l’objet pas plus que le sujet ne sont obligatoires d’un point de vue syntaxique. En revanche, les catégories verbales de contrôlable / incontrôlable sont fondamentales pour comprendre le fonctionnement des auxiliaires et des suffixes verbaux qui dépendent de ces catégories (Tournadre & Suzuki, à paraître). Elles doivent aussi obligatoirement figurer dans les dictionnaires. L’adaptation des catégories grammaticales et lexicales peut avoir des conséquences très importantes. De façon à élaborer des dictionnaires dans les langues polysynthétiques, certains auteurs comme Tersis (2008) ont proposé de diviser le dictionnaire en deux parties, l’une correspondant aux racines lexicales et l’autre aux très nombreux suffixes qui en se combinant forment une partie substantielle du vocabulaire.

De nombreuses langues non-indo-européennes ont été décrites en utilisant les catégories grammaticales et lexicales empruntées aux grandes langues européennes, ce qui est évidemment tout à fait problématique.

D’un point de vue sociolinguistique, les dictionnaires sont également des objets dont la construction, l’hétérogénéité et les effets méritent d’être interrogés. Avant tout ce, sont des artefacts produits par des agents (parfois un seul auteur ou une seule autrice) ou des groupes inscrits dans des contextes socio-historiques spécifiques et visant des objectifs particuliers (la mission d’évangélisation de la SIL n’est pas la mission prescriptive du Dictionnaire de l’Académie ni la mission descriptive du Trésor de la langue française ou du Wiktionnaire). En outre, ils sont porteurs des idéologies de leur temps et de leurs auteurs/autrices. Ils ne sont donc pas ces objets neutres ou porteurs d’une norme intrinsèque, rôle qu’on leur fait parfois jouer en les convoquant comme les arbitres des règles et des usages. On va chercher dans « LE » dictionnaire, comme si le genre textuel garantissait en lui-même une légitimité et une autorité suffisantes pour déterminer ce qu’il convient de dire ou d’écrire. De fait, les dictionnaires oscillent entre description (d’une [variété de] langue) et prescription, à des degrés plus ou moins explicites. Le Dictionnaire de l’Académie française est lui-même ambigu depuis sa création car s’il souhaite consacrer les usages, il demeure un objet (fantasmé) de prescription très marqué.

Même les Robert ou les Larousse, destinés à des publics larges, sont utilisés au-delà de ce qu’ils décrivent.

Par ailleurs, les dictionnaires contribuent à la normalisation des langues, que ce soit en stabilisant certaines formes (orthographe, constructions) ou certains sèmes ou en délimitant les frontières des langues en les caractérisant par une nomenclature qui, on le sait, est par essence

« incomplète » et fruit de variations selon les auteurs et les époques. L’émergence des vernaculaires européens doit beaucoup aux grammaires et aux dictionnaires qui, à travers

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5 l’émancipation du modèle gréco-latin, ont contribué à la grammatisation2 des langues, partant à leur stabilisation et leur fondement légitime.

Les langues qui sont décrites dans les grammaires et les dictionnaires passent nécessairement par divers filtres sociolinguistiques plus ou moins explicites (dialecte, niveaux de langue, âge, sexe des locuteurs). Une autre dimension que nous souhaitons aborder dans le cadre du séminaire est celle du statut des dictionnaires et des grammaires qui sont souvent utilisés comme arguments d’autorité.

C’est donc une réflexion croisée, linguistique et sociolinguistique, que nous invitons à partager sur le statut des dictionnaires et des grammaires et les multiples défis qu’ils posent.

Références

Auroux S. 1992. « Introduction : le processus de grammatisation et ses enjeux », in S.

Auroux, Histoire des idées linguistiques, Liège, Mardaga, tome II, 11-64.

Auroux S. 1994. La Révolution technologique de la grammatisation, Liège, Mardaga.

Boisson, C. Kirtchuk, P. Béjoint, H. 1991. Aux origines de la lexicographie : les premiers dictionnaires monolingues et bilingues. International Journal of Lexicography 4/4, 261- 315.

Goody, J. (1986). La Logique de I'ecriture. Aux origines des societes humaines. Paris:

Armand Colin.

Gorenflo L. J., S. Romaine, R. A. Mittermeier, and K. Walker-Painemilla. 2012 “Co- occurrence of linguistic and biological diversity in biodiversity hotspots and high biodiversity wilderness areas.” PNAS.

Tersis N. 2008. Forme et Sens des mots du Tunumiisut, Lexique inuit du Groenland oriental, Louvain-Paris, 590p.

Tournadre, N. 2014 (réed 2016). Le Prisme des langues. Asiathèque.

Tournadre N. & Suzuki H. (à paraître en 2021). The Tibetic Languages, an introduction to the family of languages derived from Old Tibetan. CNRS Lacito Publications. Linguistic diversity series.

2 « Par grammatisation, on doit entendre le processus qui conduit à décrire et à outiller une langue sur la base des deux technologies qui sont aujourd’hui les piliers de notre savoir métalinguistique : la grammaire et le dictionnaire » (Auroux 1992, 28) ; voir aussi Auroux (1994).

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