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Survivances de l'organisation dualiste chez les Jicaques de la montaña de la flor (honduras) Author(s): Anne Chapman

Source: L'Homme, T. 2, No. 1 (Jan. - Apr., 1962), pp. 91-101 Published by: EHESS

Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25131022 Accessed: 11-07-2017 15:17 UTC

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SURVIVANCES DE L'ORGANISATION DUALISTE

GHEZ LES JICAQUES DE LA MONTANA DE LA FLOR (HONDURAS)

par

ANNE CHAPMAN

La Montana de la Flor, qui est en fait la derniere des communautes Jicaques subsistantes, est situee dans le Honduras central. La plupart des autres Jicaques

sont assimiies et vivent disperses au sein de la population rurale metisse, plus au nord dans le departement de Yoro.

Cette communaute a ete fondee il y a pres de cent ans par trois families qui s'etaient refugiees dans les montagnes inhabitees pour echapper aux persecutions des autorites locales et, en particulier, du gouverneur du departement de Yoro.

II existait en effet un trafic fructueux qui consistait a recruter des Indiens et a les contraindre a la cueillette de la salsepareille, abondante a Tetat sauvage sur les hauteurs. On designait des soldats pour les escorter tandis qu'ils transportaient

les racines sur leur dos par les sentiers de montagne jusqu'au port cotier ou elles etaient vendues sur le marche international. Nombres d'Indiens se brisaient la colonne vertebrale ou mouraient en route. D'autres contractaient des maladies tropicales auxquelles ils n'avaient jamais ete exposes avant leur arrivee k la cote.

Apres des annees de cette exploitation, particulierement cruelle, certains defierent la loi et s'enfuirent dans Tarriere-pays. Parmi eux se trouvaient les trois families qui fonderent la Montana de la Flor. Elles franchirent a dessein les limites du departement de Yoro pour s'etablir dans le departement voisin, qui est aujourd'hui

celui de Francisco Morazan, hors de la juridiction du gouverneur deteste. Elles se fixerent dans une region isoiee dans la montagne et changerent de nom. Elles n'en furent pas moins recherchees, mais on ne put les faire prisonnieres, car

la milice du gouverneur n'avait pas autorite sur ce departement. Aussi quelques annees apres la mort du gouverneur et le declin du marche de la salsepareille, les refugies furent abandonnes a eux-memes et oublies.

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Durant les quarante ou cinquante ans qui suivirent, ils prospererent. Ils firent pousser en abondance mais, haricots, courges, tubercules et tabac. II y avait pro

fusion de gibier et les rivieres etaient poissonneuses. La foret etait en pleine croissance. Les Ladinos, terme local qui designe les metis, venaient k dos de mule pour se procurer du mais et du tabac en echange d'argent liquide, ou, plus souvent, de machetes, de haches, de vieux fusils, de sel, de tissu et de colifichets. Au cours de ces premieres decennies, chaque chef de maisonnee occupait une grande demeure multifamiliale avec ses enfants, ses fils maries et leurs families. La colonie

etait protegee contre les incursions par des palissades situees a chaque entree. Ces palissades n'avaient que quelques centaines de metres de long, mais elles suffi

saient a decourager toute intrusion. La region environnante etait a peine habitee et seuls des voisins isoies ou, de temps en temps, un marchand d'un village eioigne venaient commercer avec les Jicaques.

L'organisation dualiste etait materialisee sur le terrain par une riviere qui traversait le site et separait les deux moities. Deux des fondateurs de la colonie, Juan et Francisco Martinez s'etablirent sur la rive est ? le troisieme, Pedro Soto, ainsi qu'un jeune homme, Leon Soto, se fixerent a Touest. En changeant de noms, ils n'adopterent que deux pseudonymes, qui servirent a designer les membres de chaque moitie : les Martinez pour la moitie orientale, et les Soto pour la moitie occidentale. Le jeune homme, Leon Soto, avait fait le voyage alors qu'il etait encore un enfant et fut le premier a se marier a Tinterieur de la colonie. Aucun des quatre chefs de famille n'etait parent. Deux des plus vieilles femmes, les epouses de Juan et de Pedro, etaient soeurs. La femme de Leon etait la fille ainee de Pedro.

Juan Martinez et Pedro Soto, en tant que chefs ou caciques de chaque moitie, avaient de nombreuses responsabilites. Ils surveillaient le travail sur le champ collectif de mais appartenant a leurs moities respectives, champ dont tout le produit etait vendu ou troque. Ils attribuaient des pieces de terre aux hommes adultes au moment de leur mariage. La terre, qui etait ainsi distribuee aux families, n'etait utilisee que pour les cultures de subsistance. Les chefs etaient aussi les seuls a entrer en contact avec les etrangers : marchands, visiteurs de passage et fonctionnaires. De meme, ils repartissaient la monnaie ou les biens obtenus grace au commerce, parmi les chefs de famille de leur moitie. Ils tranchaient les differends, et fixaient des peines pour ceux qui se rendaient coupables d'un delit*.

C'est a eux qu'etaient adressees les demandes particulieres concernant, par exemple, Taide pour la construction d'une maison, la main-d'oeuvre supplemen taire pour les champs familiaux, Tautorisation de faire un voyage hors de la colonie ou meme une visite d'une moitie a l'autre. Ils presidaient les fetes de mariage et reglaient la participation ou la presence aux enterrements.

* La peine, comme aujourd'hui encore, consistait essentiellement en travaux suppl?

mentaires. Le pilori pour les delits graves a etc" supprime" par les autorit6s municipales il y a quelques dizaines d'ann^es.

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Un cimetiere fut etabli sur la limite de la moitie orientale. On entoura un terrain plat d'un mur de pierres circulaires dans lequel deux ouvertures furent pratiquees & Test et a l'ouest, pour les membres des moities correspondantes.

Les morts devaient etre ensevelis dans la moitie du cimetiere assignee a leur moitie.

Dans les annees 1920, les deux caciques etaient morts, et leurs fonctions etaient passees k ceux de leurs fils qu'ils avaient choisis. La culture du cafe avait

commence k remplacer celle du mais comme principale recolte commerciale. Les fils des fondateurs commencerent a se disperser k travers les montagnes environ nantes et a construire des maisons monofamiliales afin de se rapprocher de leurs nouveaux champs de cafe et de choisir plus aisement la terre oti cultiver leur production principale. Du dehors la pression demographique avait augmente au fur et a mesure qu'un plus grand nombre de Ladinos s'etablissaient dans les parages et se mettaient a empieter sur une terre que les Indiens consideraient

comme leur. Les contacts avec le monde exterieur s'intensifierent. Les autorites municipales du village d'Orica, k six heures de marche, s'habituerent k traiter

avec les Indiens. Les voisins tinrent de moins en moins compte des palissades, et bientot un sentier a mule traversait la colonic Quelques families Ladinos s'instal

lerent k un titre qu'elles esperaient definitif a l'interieur de la colonic Les Indiens finirent par s'alarmer. En 1929, grace aux bons offices du maire du siege muni cipal, Don Francisco Mejia, le gouvernement federal octroya aux Jicaques des droits inalienables sur 3 200 hectares de forets, a titre de tenure collective ou Ejido.

Peu de temps apres, la derniere famille Ladino etablie dans la colonie fut expulsee militairement.

En depit de Texpulsion des Ladinos et de la stabilite accrue qui resulta de la concession de la terre, le processus de desintegration se poursuivit en raison, tres probablement, de la dispersion des maisons et des champs, qui etait elle-meme due a Taction de certains facteurs economiques et demographiques. L'introduction de la culture du cafe necessita des champs relativement etendus et un sol approprie, que Ton ne trouve souvent qu'a des distances considerables du meme noyau communautaire. En outre, Tepuisement croissant de la terre exige une plus grande superficie des champs destines aux cultures traditionnelles. Cette evolution fut intensifiee par la croissance de la population indigene. En revanche, Taugmen tation reguliere de la population Ladino de la region environnante limita du dehors la dispersion, ce qui obligea les Indiens a diviser la totalite de leur domaine en parcelles plus petites, car il n'y avait plus assez d'espace pour continuer k cultiver

les grands champs collectifs.

La dispersion augmentant, des groupements se formerent. Ce terme ? groupe ment ? (cluster) designe un ensemble de maisons et de champs proches les uns

des autres, et qui sont d'habitude occupes par une famille etendue et un petit nombre de proches parents. On trouve dans la plupart des groupements un homme qui est particulierement respecte et auquel on obeit en raison de son grand kge

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ou de ses qualites personnelles. Ces chefs de groupement tendent a reprendre les fonctions des caciques des moities, et les groupements eux-memes ont commence k remplacer les moities.

Les quatre demeures multifamiliales des fondateurs de la colonie, qu'occupait une soixantaine d'individus durant les premieres decennies, avaient fait place, au debut de i960, k plus de soixante maisons oil vivaient plus de trois cents

individus. II ne reste aujourd'hui qu'une demeure multifamiliale. Les maisons sont disseminees d'un bout k l'autre de la colonie et forment douze groupements de deux k dix huttes chacun ; les champs collectifs ont disparu. Chaque chef de famille cultive ses propres terres, aide par ses fils et parfois par d'autres personnes, generalement de proches parents qui vivent dans son groupement ou dans des groupements voisins au sein de la meme moitie. S'il a un gendre dans

l'autre moitie il peut aussi lui demander son aide. Les plus anciennes plantations de cafe ont ete partagees par heritage et les plus recentes sont ? possedees ? par plusieurs freres ou un seul chef de famille. Ces plantations sont considers comme des proprietes individuelles ou des coproprietes alors meme que Tacte de conces

sion des terres stipule qu'elles ne peuvent etre vendues. Des differends surviennent a propos des droits d'heritage et des limites des plantations. Les Ladinos recom mencent k empieter.

La tendance des groupements a remplacer les moities se manifeste en ceci que la plupart des ? activites ? exterieures de la famille se deroulent le plus ire quemment au sein du groupement et des groupements voisins. L'assistance aux enterrements, le travail agricole, la chasse, la construction des maisons et les visites tendent a se conformer a ce modele. Quand les membres de deux grou pements, ou davantage, cooperent ou se rendent visite, ils le font d'habitude dans

le cadre de la meme moitie. Dans toutes ces occasions, hormis pour l'assistance aux enterrements, qui peut etre un cas special comme nous le verrons plus loin, les moities jouent done encore un role en limitant le choix des individus ou des

groupes qui collaborent entre eux. Principale exception : lorsque les epoux n'appartiennent pas & la meme moitie, le mari aide neanmoins ses beaux-parents et la femme rend visite k ses parents.

Le commerce suscite des interrelations plus complexes, mais qui relevent cependant d'un modele analogue. Les caciques vivent toujours pres des entrees de leurs moities, et c'est Ik que se trouvent encore, en depit des incursions, les

foyers de la communaute. Comme nous Tavons dit plus haut, les Ladinos du voisinage franchissent a volonte les limites et les commercants se rendent souvent directement j usque dans les groupements interieurs. Cependant, certains de ces derniers sont situes dans des endroits inaccessibles a dos de mulet. Les membres de ces groupements et ceux de certains autres, continuent & commercer par Tentremise de leur chef, bien que quelques-uns traitent de temps en temps avec un groupement voisin frequente par les commercants. Dans la moitie occidentale,

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presque tous les Indiens commercent par Tintermediaire du chef. Les hommes toierent les intrusions des Ladinos, mais en general les femmes et les enfants se cachent k Tapproche d'un etranger. Jusqu'& une epoque recente la plupart des Jicaques evitaient tout contact physique avec les Ladinos ; il est vrai que, pour une part du moins, il s'agissait Ik d'une precaution contre les dangers de

la ? peste ?, nom qu'ils donnent au rhume banal, qui en effet provoque souvent une grave maladie ou meme la mort.

Malgre ce processus continu de desintegration, certains traits de Tancienne organisation resistent et peuvent etre aisement discernes. Meme si les chefs de groupement ont gagne une plus grande autonomie, les chefs de moitie n'ont en aucune maniere perdu toute autorite. Ils jouent toujours un role important et leurs attributions sont multiples. Ils sont les dirigeants du groupe et ils jouissent encore d'un grand prestige au sein de leur moitie. Ils peuvent par exemple rassem bler une equipe de travailleurs pour reparer les chemins ou les clotures. Le chef occidental fabrique des planches de cedre avec Taide de la plupart de ses hommes, les vend aux Ladinos, partage argent et marchandises avec ceux qui Tont assiste.

Le cacique de la moitie orientale, se redamant d'une ancienne prerogative, a recemment obtenu Taide de presque tous ses hommes afin de Mtir sa maison.

L'approbation des caciques reste requise pour les mariages et les changements de residence. La patrilocalite est la regie generale, quoique la matrilocalite tempo

raire soit commune au cours des premieres annees du mariage et qu'il y ait des cas de matrilocalite et de neolocalite, Quand les futurs conjoints appartiennent a des moities differentes, c'est generalement la femme qui change de residence. Mais

lorsqu'un homme veut s'etablir dans la moitie de son epouse, il lui faut obtenir une permission speciale des deux caciques. Un individu qui change de residence n'en continue pas moins d'etre membre de sa moitie d'origine et sera enterre dans la partie du cimetiere qui correspond a cette moitie. Assez souvent encore

les chefs recoivent en hommage une portion symbolique des recoltes, du moins si le cultivateur peut se permettre de faire ce geste. Devenus vieux, ils peuvent recevoir des dons en nourriture tout au long de Tannee, comme c'etait le cas pour un chef oriental recemment decede. Les chefs transmettent aussi les messages officiels aux membres de leurs moities, par exemple un avis ou un ordre du siege municipal. Ils peuvent obliger les responsables de deiits mineurs a travailler pour la collectivite en dehors des heures normales de travail. Quand un de ses adminis tres meurt, le chef est immediatement informe et convoque tous les hommes valides pour Tenterrement, mais il arrive souvent que cet ordre ne soit pas

transmis k temps, ou meme ne le soit pas du tout en raison de la dispersion des groupements. Aussi est-ce le plus souvent la proche famille du defunt et les hommes des groupements voisins qui aujourd'hui assistent aux obseques. En

revanche, k la mort d'un chef, la plupart de ceux qui traditionnellement doivent y assister et fournir leur aide ne manquent pas de le faire.

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La disposition du cimetiere n'a pas ete modifiee. Elle symbolise encore le dualisme interne de la communaute. Aujourd'hui, cette organisation ne se conforme pas au modele classique : elle n'implique en effet ni assistance redproque aux enterrements ni formation d'equipes ad verses pour des jeux collectifs, ni exogamie de moitie. S'y est-elle meme jamais conformee ? On ne le sait. Cepen dant, certaines indications font penser que ces formes de reciprocite ont jadis existe. Les membres d'une moitie assistaient autrefois aux enterrements des defunts de l'autre moitie, alors que cela est rare aujourd'hui, sauf si le defunt ne residait pas dans la meme moitie que les membres de sa proche famille. Aux

fetes de mariage, on pratique un jeu de Mtons opposant deux equipes, ou du moins en etait-il encore ainsi recemment. Toutefois, d'apres les informations dont nous disposons, les deux equipes appartenaient a la meme moitie, meme si quelques membres de l'autre moitie assistaient a la partie. L'analyse du systeme de parente permettra peut-etre de savoir si les moities etaient jadis exogamiques. II semble que ce fut le cas pour la simple raison qu'au debut de la deuxieme generation apres celle des fondateurs de la communaute, on se mariait dans la moitie opposee a la sienne beaucoup plus frequemment qu'on ne le fait aujourd'hui; en general les mariages actuels unissent des membres de la meme moitie. Cependant cet argu ment n'est pas concluant. Aujourd'hui en tout cas les relations reciproques entre moities sont assez laches. Cela ressort du comportement des caciques. Ils se consultent tres frequemment, en particulier dans le cas de dissension entre les membres des moities dont ils ont la responsabilite, et meme si aujourd'hui les

cas graves sont tranches par le juge municipal d'Orica, ce dernier cite invaria blement les deux caciques comme temoins, quand leurs moities sont impliquees.

Le cacique de la moitie orientale a certes, nous le soulignons plus loin, un grand prestige en tant que representant de Tensemble de la communaute, mais Tautre

cacique n'est pas ignore.

II faut tenir compte egalement des faits d'acculturation pour dresser un tableau plus precis de la communaute k Theure actuelle. Depuis la deuxieme generation, un petit nombre de mariages ont eu lieu entre Indiens et Ladinos. Au debut de i960, environ dix pour cent des couples etaient mixtes. La plupart des Indiens qui ont adopte le mode de vie ladino descendent de tels couples et nombre d'entre eux ont a leur tour epouse des Ladinos. Soixante-dix pour cent environ des ? couples ? sont polygames, mais la proportion est plus forte chez les couples ladinos-indiens que chez les couples indiens. Neanmoins la polygamie est peut-etre une coutume aussi bien indigene que ladino. La population actuelle est approximativement de trois cents individus dont environ cent soixante adultes. Une vingtaine de personnes s'habillent a la mode des Ladinos, qui est celle des paysans pauvres dans toute T Amerique latine. Les autres portent traditionnellement le balan drdn, long vetement qui rappelle le poncho, ouvert sur les cotes et serre a la taille par une espece de ceinture, souvent une bande de tissu d'ecorce. Jadis d'ailleurs,

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le costume entier etait fait d'ecorce ; le coton achete aux Ladinos a remplace le tissu indigene. Les femmes portent presque toutes de grandes jupes de coton et des blouses k manches longues. Peut-etre est-ce Ik le resultat de l'influence des missionnaires, avant meme la fondation de la colonic Quoique la plupart des hommes adultes parlent un peu Tespagnol, tous les Indiens parlent le jicaque entre eux et meme les Indiens metisses de Ladinos le connaissent. Ils sont illettres comme la majorite de leurs voisins Ladinos. Aucun d'entre eux n'est baptise, et aucun des couples n'a ete uni religieusement ou legalement. Dans l'ensemble,

ils preterent la chair du gibier a celle ? d'introdtiction espagnole ? du boeuf et du pore, les boissons tirees du mais au cafe et au lait et ils aiment mieux rotir et bouillir la viande comme ils Tont toujours fait plutot que la faire frire comme

le font les Espagnols. La nourriture quotidienne est & base de tortillas et de tamales confectionnes avec du mais, alors que le pain est considere comme une gourmandise que Ton n'achete que dans les grandes occasions. A l'exception des Indiens metisses de Ladinos, tous les membres de la communaute sont

sobres. Les caciques entendent maintenir cette sobriete, mais les Indiens metisses de Ladinos leur font passer des moments difficiles ! Une telle temperance contraste avec le comportement des Jicaques accultures de Yoro et avec leur propre tradition prehispanique de boire de la chicha. Comme le vetement des femmes, il est possible qu'elle soit le fruit de l'influence missionnaire ante rieurement a la fondation de la colonic Quoi qu'il en soit, depuis sa fondation, la communaute a respecte cette regie de sobriete. On peut aussi supposer que cette temperance a contribue a preserver leur culture, en eiiminant une source de contact avec les Ladinos ainsi qu'un motif pour se procurer de l'argent, cet argent dont la recherche entraine invariablement la destruction des cultures de ce type.

Pour en revenir au theme principal de cet article, nous pouvons dire que malgre la perte d'un grand nombre de leurs fonctions, les moities ne se sont pas

entierement desintegrees. Ces pertes signifient cependant une moindre integration du groupe en tant que tel, car elles ont entraine un bouleversement des rapports, aussi bien internes que redproques, des moities : au fur et k mesure que celles-ci perdent leur caractere fonctionnel, les defenses de la communaute s'affaiblissent.

Plus Tautonomie de la famille et des groupements augmente, plus decroit celle des moities, et par consequent de la communaute elle-meme. L'autorite des chefs de famille augmente au detriment de celle des caciques. On peut en conclure que

le dedin des moities annonce Timminence d'une dislocation culturelle. Dans le meme ordre d'idees, la persistance des moities comme fondement de l'organisation

indique toutefois que le groupe garde toujours son identite de communaute indienne.

L'analyse de l'organisation dualiste serait incomplete si on la limitait a la vie sociale. Peut-etre subsiste-t-elle avec plus de vitalite en tant que representation qu'en tant que systeme social. Son importance comme principe d'organisation

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du groupe explique qu'elle trouve son expression dans la mythologie. On peut d'ailleurs avancer que la conception dualiste augmente la cohesion de la commu naute en etablissant des equivalences entre cette derniere et les communautes de divinites.

Cette cohesion tient en partie au caractere asymetrique du dualisme. Actuel lement plus des deux tiers de la population appartiennent k la moitie orientale, dont le cacique, porte-parole de la communaute entiere, a plus de prestige que celui de la moitie occidentale. On pourrait croire qu'il existe tres typiquement un lien entre cette disproportion quantitative des moities et Tinegal prestige de leurs caciques ; en fait, nos informations nous donnent k penser qu'il s'agit Ik de variables independantes. L'analyse de la mythologie et certains commentairas

faits par les informateurs montrent en effet que Tinegalite de prestige des deux caciques caracterise per se les moities et ne reflete pas simplement la repartition actuelle de la population.

Les Jicaques appellent la moitie orientale avec son ? ciel ? : Tzikin moo, et la moitie occidentale avec son ? ciel ? : Tea moo. En outre, la divinite de Test (Tzikin

Tomam ou Tomam Pones, Pones signifiant Taine ou le plus grand) a plus d'auto rite et de prestige que celle de Touest {Tea Tomam, ou Tomam Chikwai, ou encore Tomam Wowai, Chikwai et Wowai signifiant le cadet ou le plus petit). Un de nos

informateurs exprime comme suit le rapport des Tomam aux caciques des moities : ? De plus, de meme que Tomam Pones est plus grand que Tomam Chikwai, de meme exactement le cacique de ceux d'entre nous qui sont ici

(la moitie orientale) est, et a toujours etldnotre connaissance, plus important que le cacique de li-bas (la moitie occidentale). ?

L'identification de la divinite orientale avec le cacique de la moitie est et de la divinite occidentale avec le cacique correspondant, est bien soulignee par le nom du cacique oriental, Koikoi Pones, et par celui du cacique occidental, Koikoi Wowai. D'ailleurs, en espagnol, on appelle Jefe Mayor la divinite et le cacique

orientaux et Jefe Segundo la divinite et le cacique occidentaux.

Cette association des divinites et des caciques suffit done pour expliquer que le cacique de la moitie orientale ait toujours eu, comme Taflirme la citation prece dente, plus de prestige que l'autre. D'ailleurs, nous a-t-on dit aussi :

? Cipriano (Chef actuel de la moitie orientale) est le Jefe Mayor. Avant lui, Juan Martinez (le premier cacique de la: moitie orientale dans cette communaute) etait le Mayor ?.

Ajoutons qu'autrefois la population etait egalement repartie entre les moities, et que neanmoins le cacique oriental etait considere comme superieur a son collegue de Touest, ce qui eiimine Thypothese expliquant cette superiorite par une repar

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tition inegale de la population, et montre bien que cette asymetrie caracterise l'organisation dualiste en tant que telle.

Cette disproportion ou asymetrie trouve encore une autre representation dans le monde surnaturel. Le Tomam oriental regne sur les vivants et le Tomam occi dental sur les morts. II est vrai qu'en elle-meme cette distinction n'est pas obli gatoirement asymetrique. Ici cependant, elle est apparemment concue comme telle : c'est k la suite d'un refus du Tomam principal ? il s'est decharge de cette t&che sur le Tomam secondaire ? que celui-ci gouverne les morts. Le ciel occidental est par consequent le lieu de Tau-del& Jicaque. Mais, en reconnaissance de la superiorite du Tomam principal, on dit que ceux dont la mort est recente

font spedalement le voyage dans le ciel oriental pour prendre conge de lui avant de s'etablir definitivement dans le ciel occidental. L'association de la vie avec Test et de la mort avec l'ouest se retrouve aussi dans la coutume de dormir la tete vers Test et dans celle de disposer les mourants la tete vers l'ouest. Au cimetiere, d'ailleurs, les adultes sont enterres la tete vers l'ouest. Les enfants, neanmoins,

sont enterres dans l'autre sens. L'explication en est que les adultes se rendent d'abord dans le ciel occidental et ne vont qu'ensuite saluer le Tomam principal a Test, alors que les enfants partent directement presenter leurs hommages dans

le ciel oriental avant de s'etablir comme les adultes dans le ciel occidental. Parmi les quelques pratiques magiques qui subsistent, la divination a Taide de corde lettes fournit un autre exemple de l'opposition asymetrique entre ? Est-Vie ? et ? Ouest-Mort. Le voyant tient dans chaque main les extremites de quatre cordelettes distinguees et en quelque sorte numerotees de un k quatre grkce aux un, deux, trois ou quatre nceuds que Ton peut compter a chaque bout. Ensuite, le devin les tord, les etire (il ne peut, a cette fin, faire n'importe quels mouvements) et finalement une des cordelettes se boucle. II examine alors soigneusement le dessin ainsi produit afin de le ? lire ?. Un des elements significatifs du ? code ? est la position de la boucle par rapport a Taxe est-ouest. Le devin s'assied, la main droite vers Test et la gauche vers l'ouest, position que notre inf ormateur expliquait en se referant aux sejours des deux Tomam. Si, par exemple, la question soumise k la divination est celle de la survie ou de la mort proche de quelqu'un, la boucle sera ? lue ? : mort ? boucle vers l'ouest, vie ? boucle vers Test. Ceci confirme ce que Robert Hertz a montre, documents k Tappui, il y a plusieurs dizaines d'annees de]k : la distinction asymetrique de la droite et de la gauche se retrouve

sur toute la surface du globe.

Cependant l'organisation dualiste ne comporte cette asymetrie que parce qu'elle est d'abord symetrique. Elle fondait traditionnellement la cooperation des moities au sein d'une unite plus large. Les caciques organisaient jadis le travail

agricole communautaire sur une base de stricte reciprocite. Chacun partageait au meme titre le labeur et ses resultats. II nous est done permis de supposer que d'une certaine facon la mythologie exprime la notion de reciprocite (relations

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entre egaux) aussi bien que celle de hierarchie (relations entre inegaux). En d'autres termes, nous pouvons penser la dualite mythologique et l'organisation dualiste comme symetriques aussi bien qu'asymetriques. La dualite des divinites,

fondamentale sur le plan de la representation, combine ces deux types de relation.

Les deux Tomam sont freres ? reciprocite, symetrie ?, mais Tun est Taine, l'autre le cadet ? hierarchie, asymetrie. Le meme modele se retrouve quand on considere les acolytes des Tomam, Tzikin Guatecast, Taine, et Tea Guatecast, le frere cadet, qui habitent respectivement, comme leur nom Tindique, le ciel oriental et le ciel occidental.

Entre Test et Touest se trouvent ainsi repartis les representants de diverses autres divinites, comme le fils, les filles et les messagers des Tomam, ainsi que cer tains esprits de la nature, tels ceux qui personnifient le tonnerre, les nuages, les vents et les tremblements de terre. II faudra les etudier plus a fond avant de pouvoir predser si a leur egard egalement Topposition est-ouest est pertinente.

Pour le moment, nous savons deja que le fils aine du Tomam oriental joue le role capital de heros culturel, alors que son double occidental, le fils du Tomam secondaire, n'est que rarement mentionne et jamais en tout cas dans un role de ce genre. Un modele analogue existe en ce qui concerne les acolytes des Tomam, mais avec cette difference que cette fois le personnage le plus important releve

du ciel occidental. Cette inversion de Topposition entre freres quand on passe du niveau des Tomam et de leurs fils a celui des acolytes semble curieuse, bien qu'elle puisse avoir une signification implicite. De toute maniere, le fils du Tomam principal, nomme Topinpu, et Tacolyte du Tomam secondaire, Tea Guatecast,

collaborent a la creation des etres humains : alors que Topinpu s'unit a diverses divinites du ciel oriental, y compris la lune, afin d'obtenir les organes sexuels

feminins, Tea Guatecast fabrique lui-meme Torgane masculin. Dans ce contexte, done, les femmes sont associees a Test et les hommes a Touest.

Du point de vue cosmographique, les divinites se situent par rapport a Taxe est-ouest, les etres humains, sur la terre, sont reputes etre au milieu. Les ? maitres ? des animaux vivent pour la plupart a des niveaux souterrains. Tata Dios, le dieu affecte aux Ladinos par Taine des Tomam, habite le septieme niveau au-dessus de la terre, et ainsi de suite. Des poles de Tespace, le plus eleve est celui de Test et le plus bas, celui de Touest; de meme, on Ta vu, pour les moities.

Nous pouvons done conclure qu'a la fois la representation mythologique du dualisme opere dans les cieux une dichotomie, dresse la carte du cosmos et situe

la communaute humaine dans Tespace. On peut aussi considerer Taxe est-ouest dans les cieux comme une representation de la riviere qui s6pare les moities.

L'integration de la communaute est assume par l'organisation dualiste, dont le double caractere symetrique et asymetrique se reflete egalement dans la mytho

logie : Tasymetrie s'exprime par Timportance plus grande du ciel oriental, par le lien entre la vie et le Tomam principal de Test, la mort etant rattachee au

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Tomam secondaire de l'ouest, enfin par l'inegalite de ces deux divinites en pou voir et en prestige. A l'opposition entre l'autorite du Tomam principal et Tobeis sance du Tomam secondaire, correspond au sein de la communaute redle l'inegalite des caciques de chaque moitie, tres manifeste aujourd'hui en ce qui concerne le prestige et les rapports avec le monde exterieur. Inversement la symetrie se traduit dans la mythologie par Tinterdependance des cieux orientaux et occidentaux et par la parente qui existe entre les deux Tomam et entre les autres divinites. Au sein de la communaute, la symetrie est tres apparente dans

la cooperation qui, jusqu'a une epoque recente, a ete une des fonctions importantes des moities. Le dedin de l'autorite des caciques, auquel est venue s'ajouter la desintegration des moities, a eu pour resultat de restreindre de plus en plus cette

cooperation : aujourd'hui, seuls les petits groupes collaborent et encore ne le fonts-ils guere que pour des besoins occasionnels. Cependant, les caciques des moities restent les dirigeants du groupe, la distinction de la rive est et de la rive

ouest du cours d'eau fournit toujours le modele d'implantation, et Taffiliation a une moitie identifie encore Tindividu au sein du groupe. Le jeu combine des contrastes et des accords entre les principaux dieux, superieurs et inferieurs et cependant freres, manifeste encore la dichotomie qui existe sur terre dans une communaute qui est tout ensemble divisee et unifiee par son propre dualisme.

NOTES

i. Les informations dont il est fait etat sont threes du journal ethnographique tenu par l'auteur au cours de cinq periodes de travail sur le terrain, soit au total plus de seize mois, entre novembre 1955 et Janvier i960. Cette 6tude a 6t6 presentee au XXXIVe Congres international des Am6ricanistes (Vienne, i960). Ce travail a pu ?tre mene* a bien grace a Taide des Gouvernements du Honduras et des ?tats-Unis, qui nous ont accorde" un ? Buenos Aires Convention Pact Fellowship ?, du Ministere de l'education Nationale du Honduras, qui nous a accord^ une subvention supptementaire, du D6partement d'Anthropologie de TUni versite Columbia, du Research Institute for the Study of Man et de la Fondation Bollingen.

Qu'ils en soient tous ici remercies.

2. Sur le concept des moities en tant que principe d'organisation, voir Claude L?vi Strauss, Les Structures ilimentaires de la parenti, Paris, P.U.F., 1949, pp. 95-107.

3. Robert Hertz, ? La preeminence de la main droite : ?tude sur la polarity religieuse ?, Milanges de sociologie religieuse et folklore, Paris, 1928, pp. 58-129.

4. Claude Levi-Strauss, ? Reciprocity and Hierarchy ?, American Anthropologist, 1944, pi. 46, No. 2, Brief Communications, pp. 266-268. ? Dans cet article, Tauteur remarque que la subordination d'une moitie* a l'autre semble 6tre au coeur de l'organisation dualiste en Amerique du Sud. Nous pouvons noter ici que la culture des Jicaques semble avoir des rapports g6n6tiques avec celle de la r6gion de la for6t tropicale d'Amerique du Sud, et que, dans ce contexte, son organisation dualiste peut 6tre assimilee au type sud-am6ricain decrit par LeVi-Strauss.

Références

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