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Journal d Economie, de Management, d Environnement et de Droit (JEMED) ISSN Vol 3. N 2, mai 2020

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Journal d’Economie, de Management, d’Environnement et de Droit (JEMED)

ISSN 2605-6461 Vol 3. N°2, mai 2020

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Espace urbain et économie informelle : perceptions,

caractéristiques et logiques de fonctionnement des petits métiers de rues dans la ville de Ziguinchor (Sénégal)

Urban space and informal economy: perceptions, characteristics and logic of operation of small street trades in the city of

Ziguinchor (Senegal)

Joseph Samba GOMIS

Département de Géographie, U.F.R. Sciences et Technologies, Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ), Chercheur au Laboratoire de Géomatique et d’Environnement,

BP : 523 Ziguinchor (Sénégal).

josephsambagomis@yahoo.fr

ABSTRACT: The strong urbanization of the city of Ziguinchor and the growing impoverishment of the population linked to the socio-economic and political crisis born from the policies of structural adjustment, the devaluation of the CFA franc, the Casamance armed conflict which has lasted for 38 years and the deterioration in the standard of living of rural people caused by the vagaries of the weather (drought in the 1970s) prompted many citizens to learn to manage as best they could to support themselves and their families. This daily battle for survival dice animates the imagination of some people who informally monopolize the surroundings of roads to exercise small trades. This study, based on the literary review, comprehensive observation, qualitative and quantitative surveys, aims to analyze the different perceptions, the various characteristics, as well as the internal working logics of actors in small street trades who occupy informally the access roads in the city of Ziguinchor. The results reveal that 90% of those surveyed consider Small Street trades as a social shock absorber because they allow the population of Ziguinchor to take refuge there or when the so- called conventional economy suffocates. In addition, those involved in small street trades are characterized by a mainly young (68%), mostly female (75%) and unemployed (85%) population. Small street trades are characterized by a set of heterogeneous activities, calling on an unorganized workforce, precarious working methods, and most often unregulated and unregistered and which often take place outside the regulatory framework with a lack of social protection. The study also reveals that the internal functioning logics of small street trades are based on a solid social stratification based on family, customary, cultural and religious ties.

KEYWORDS: Perception; Characteristic; Economy; Informal activities; Ziguinchor.

RÉSUMÉ : La forte urbanisation de la ville de Ziguinchor et l'appauvrissement croissant de la population lié à la crise socioéconomique et politique née des politiques d’ajustement structurel, de la dévaluation du franc CFA, du conflit armé casamançais qui perdure depuis 38 ans et de la détérioration du niveau de vie des ruraux provoquée par les aléas climatiques poussent de nombreux citoyens à apprendre à se débrouiller comme ils le peuvent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Cette bataille journalière pour la survie anime dés fois l'imagination de certaines personnes qui accaparent de façon informelle les abords de voiries pour exercer les petits métiers. Cette étude s'appuyant sur la revue littéraire, l'observation compréhensive, les enquêtes qualitatives et quantitatives vise à analyser les différentes perceptions, les diverses caractéristiques, ainsi que les logiques de fonctionnement interne des acteurs des petits métiers de rues qui occupent de façon informelle les abords de

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101 voiries dans la ville de Ziguinchor. Les résultats révèlent que 90 % des personnes enquêtées considèrent les petits métiers de rues comme un amortisseur social car ils permettent à la population de Ziguinchor de s'y réfugier au moment où l'économie dite conventionnelle suffoque. En outre, les acteurs des petits métiers des rues sont caractérisés par une population principalement jeune (68 %), en majorité féminine (75 %) et en chômage (85 %). Les petits métiers de rues se caractérisent par un ensemble d'activités hétérogènes, faisant appel à une main d'œuvre non organisée, des méthodes de travail précaires, le plus souvent non réglementées et non déclarées et qui se déroulent souvent en dehors du cadre réglementaire avec un manque de protection sociale. L'étude révèle aussi que les logiques de fonctionnement interne des petits métiers de rues reposent sur une solide stratification sociale basée sur des liens familiaux, coutumiers, culturels et religieux.

MOTS-CLEFS: Perception ; Caractéristique ; Économie ; Activités informelles ; Ziguinchor

Introduction

Dans les années 1960, l'Afrique s’est lancée dans une vaste politique de développement. Face à son essor économique, elle va connaître une crise économique dans les années 1980. Le Sénégal, comme la plupart des pays africains traverse depuis son accession à l’indépendance en 1960, une multitude de crises urbaines due en grande partie à l'inadaptation des politiques publiques (Gomis, 2019). En effet, dans les années 1970, l’économie sénégalaise tombe dans un déséquilibre provoqué par la baisse de la production agricole et des prix des produits d’exportation (arachides, cotons et phosphates). Ce déséquilibre économique a eu des impacts sur le Produit Intérieur Brut (PIB) de 2,1 % qui est inférieur au croit démographique qui était de 2,7 % avec un taux d’investissement relativement faible (Badji, 2013). À cela s’ajoute, une balance commerciale déficitaire qui atteint les 125 milliards de francs CFA1 en 19812. Cette situation a rendu le pays très dépendant avec une dette extérieure qui représentait 32 % des exportations dans les années 1980 (Sow, 2005).

En réponse à ses multiples problèmes qui ont secoué l’économie sénégalaise, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) impulsent les réformes de premiere génération à savoir les Politiques d’Ajustement Structurel (PAS) qui visent à réduire les dépenses publiques, à améliorer les recettes, à réduire les salaires de la fonction publique, et à augmenter l’import (Badji, 2013). Mais malgré tout, les résultats obtenus n’ont pas permis de restaurer la capacité financière de l’État sénégalais. Les conséquences directes de tous ces facteurs sont la dévaluation du Franc CFA en 1994 qui solde par une succession d’échecs et qui se traduisent par de profondes conséquences telles que la baisse des indicateurs socio- économiques entraînant un accroissement du taux de chômage (Badji, 2013). Cet état de fait, a entrainé un afflux important de migrants dans les grandes villes sénégalaises.

La ville Ziguinchor cadre géographique de notre zone d'étude n'est pas épargnée de cette situation. Elle est située au sud-ouest du Sénégal et elle est localisée entre les méridiens 16° et 17° et les parallèles 12° et 13° avec une altitude moyenne de 19,30 m. La ville est située sur une cuvette bordée au nord par le fleuve Casamance, au sud par la commune rurale de Niaguis; à l’ouest par le marigot de Djibélor et à l’est par le marigot de Boutoute (Figure 1).

1 Coopération Financière en Afrique

2 Gouvernement du Sénégal, Ministère de l’économie et des finances : Situation économique du Sénégal.

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Figure 1. Carte de localisation de la commune de Ziguinchor

Elle est aussi marquée par une urbanisation d'une forte intensité.

population urbaine de Ziguinchor est passée à 381415 habitants en 2012, avec un taux d’urbanisation de 51,1% qui est su

2012-2017; ANSD, 2014).

l'appauvrissement croissant de la population lié à

des politiques d’ajustement structurel, de la dévaluation du franc CFA, du conflit armé casamançais qui perdure depuis 38 ans et de la détérioration du niveau de

provoquée par les aléas climatiques

débrouiller comme ils le peuvent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Cette bataille quotidienne pour la survie

Journal d’Economie, de Management, d’Environnement et de Droit (JEMED) Vol 3. N°2, mai 2020

Figure 1. Carte de localisation de la commune de Ziguinchor

Source : Auteurs, 2019

Elle est aussi marquée par une urbanisation d'une forte intensité. De 600 habitants en 1888, la population urbaine de Ziguinchor est passée à 381415 habitants en 2012, avec un taux d’urbanisation de 51,1% qui est supérieur à la moyenne nationale qui est de 47

Cette forte urbanisation de la ville de Ziguinchor et ppauvrissement croissant de la population lié à la crise économique, politique et sociale née des politiques d’ajustement structurel, de la dévaluation du franc CFA, du conflit armé casamançais qui perdure depuis 38 ans et de la détérioration du niveau de

provoquée par les aléas climatiques poussent de nombreux citoyens à apprendre à se débrouiller comme ils le peuvent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Cette bataille quotidienne pour la survie anime parfois l'imagination et le génie créateur de certaines 102 Figure 1. Carte de localisation de la commune de Ziguinchor

De 600 habitants en 1888, la population urbaine de Ziguinchor est passée à 381415 habitants en 2012, avec un taux qui est de 47,5 % (PIC, Cette forte urbanisation de la ville de Ziguinchor et la crise économique, politique et sociale née des politiques d’ajustement structurel, de la dévaluation du franc CFA, du conflit armé casamançais qui perdure depuis 38 ans et de la détérioration du niveau de vie des ruraux poussent de nombreux citoyens à apprendre à se débrouiller comme ils le peuvent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Cette parfois l'imagination et le génie créateur de certaines

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103 personnes qui occupent de façon informelle les abords de voiries pour exercer les petits métiers (Gbetanou, 2010). "Si cette débrouillardise, qui est très souvent créatrice d'emplois, a une importance essentielle dans la vie des populations de la ville de Ziguinchor, il n'en est pas moins vrai qu'elle est, par sa quintessence même, informelle pour plusieurs raisons (occupation anarchique des rues et trottoirs, le non-paiement de taxes à la perception municipale, etc.)" (Gbetanou, 2010).

De la sorte, ces lieux qui étaient destinés à faciliter la circulation des piétons deviennent des emplacements idéaux pour l'exercice du commerce informel, des petits boulots, des installations provisoires à des fins lucratives, etc. Ville carrefour et transfrontalière avec la Guinée-Bissau et la Gambie, Ziguinchor polarise la majeure partie des commerces dominés par l’informel (Gomis et al, 2019). Ce commerce observable dans la presque totalité des abords de voiries de la ville offre un cadre répondant aux besoins de cette étude. Localement, se développe un secteur informel atypique aux contours mal définis (Gomis et al, 2019). Le développement de cette forme d’activité économique est en train de « défigurer » les carrefours et voiries dans leur organisation spatiale initiale. De plus, la question de l'occupation des espaces publics implique directement pour ceux qui s'y intéressent un lien entre espaces publics d'une part, et « citadinité » et « urbanité » d'autre part (Gbetanou, 2010).

Eu égard à ces constats, il devient nécessaire de chercher à comprendre les questions suivantes: comment les petits métiers de rues sont perçus dans la ville de Ziguinchor ? Quelles sont les caractéristiques des acteurs de ces petits métiers de rues ? Quelles sont leurs logiques de fonctionnement interne ? D'où l'intérêt de la présente étude qui par une approche sociodémographique se propose d'analyser les perceptions, les caractéristiques ainsi que les logiques de fonctionnement interne des acteurs des petits métiers qui occupent de façon informelle les abords de voiries dans la ville de Ziguinchor. Pour y parvenir, les données d'enquêtes auprès des acteurs de petits métiers de rues réalisées en 2018 ont permis dans un premier temps, d'analyser les différentes perceptions des petits métiers de rues ; puis dans un second temps, de mettre l'accent sur les diverses caractéristiques de ces activités ; avant de terminer par les logiques de fonctionnement interne des petits métiers de rues.

1. Méthodes et matériels

1.1. Méthodes

Cette étude s’est appuyée sur une large revue documentaire et sur des données socioéconomiques et démographiques. Ces données collectées dans le cadre d'enquêtes de ma thèse pour le doctorat réalisées auprès des acteurs qui exercent des petits métiers informels dans les abords de voiries du marché de Saint Maure des Fossés et ceux du marché de Grand Dakar respectivement entre janvier et juin 2018. Les données recherchées ont porté essentiellement sur la perception des petits métiers informels, les caractéristiques sociodémographiques des acteurs de petites activités économiques informelles, sur les logiques de fonctionnement interne (liens familiaux, culturels, religieux etc.), sur le lien entre informalité et vulnérabilité des petites activités au niveau des abords de voiries et sur le rôle de ces activités dans la vie des populations. Compte-tenu de l'absence de données statistiques fiables et à jour pour procéder à un sondage par choix résonné, la méthode de sondage aléatoire a été choisie. De fait, nous avons interviewé dans chaque zone 75 personnes qui occupent de façon informelle les abords de voiries pour exercer les petites activités économiques informelles (Tableau 1).

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104 Tableau 1 : Échantillonnage des marchands enquêtés aux abords de voieries Ziguinchor

Zones enquêtées Effectifs enquêtés

Abords du marché Boucotte 75

Abords du marché Grand Dakar 75

TOTAL 150

Source : Enquêtes de terrain, auteur, 2018

La phase de collecte de données par enquête est complétée par une série d’entretiens avec des personnes ressources, des responsables d'Unités de Production Informelles (UPI), le responsable de la chambre des métiers, le responsable de la chambre de commerce.

1.2. Matériels

Les différentes données recueillies, notamment celles quantitatives sont traitées à l’aide des logiciels Sphinx et Excel. Ces logiciels ont servi au calcul des fréquences, à la confection des tableaux et à la réalisation des graphiques (graphiques à secteurs, histogrammes, etc.). Le traitement des données s'est également fait à l’aide d’outils cartographiques. Nous avons aussi utilisé Google Earth et Quantum GIS pour réaliser les cartes.

2. Résultats de l'étude

2.1. Perceptions et rôles des petites activités économiques dans les abords de voiries Les petits métiers informels sont les principaux pourvoyeurs d'emplois dans la ville de Ziguinchor (Basse, 2007 ; Mbaye, 2012). Ils jouent un rôle essentiel dans l'économie régionale en général et communale en particulier. Plusieurs milliers de Ziguinchorois s'y activent au moment où l'économie conventionnelle suffoque. Ils donnent l'opportunité à plusieurs travailleurs non qualifiés d'opérer dans ce secteur. Face au chômage endémique et aux difficultés de trouver un travail, les petits métiers de rues servent "d'amortisseur social" et permettent aux populations pas ou peu qualifiées de s'y réfugier. Une portion importante de la population tire ses revenus de ce que l'on pourrait appeler "les petits métiers". Le nouveau rapport de la Banque Mondiale (BM) montre que l'économie informelle dans les villes sénégalaises est à l’origine de 90 % des créations d’emplois (Banque Mondiale, 2017).

Les petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor pourraient être corrélés à la théorie de Hart (1972) c'est à dire des activités de survie. Ils sont perçus par la population comme un remède au chômage car ils constituent une issue pour sortir de la crise économique. Cette débrouillardise est née de la défaillance des autorités à garantir l'accès aux services de base, en particulier ceux nécessaires à la survie. Elle joue un rôle positif dans la société, car elle fournit des emplois et des prestations financières et représente un régulateur social (Marchand, 2005 ; Gomis, 2014). C'est ainsi, que le directeur de la chambre des métiers de Ziguinchor affirme "qu'en 2010, plus d’un quart de la population n’était pas capable de satisfaire correctement ses besoins primaires" (Enquêtes personnelles, 2018).

Ainsi, en l’absence d’initiatives des autorités étatiques et de politiques de développement, la force de travail constitue l’un des principaux facteurs dont disposent les ménages les plus pauvres pour assurer leur survie. Cette informalité se caractérise par une très grande précarité des conditions d'activités. (ANSD, 2014 ; Steck, 2006). Le recrutement au sein des petits métiers informels repose essentiellement sur des liens de parenté ou des relations sociales plutôt que sur des relations contractuelles. Dans une ville comme Ziguinchor, où la jeunesse est majoritaire, l'économie informelle joue donc un rôle social déterminant, et apporte de manière non officielle un soutien fondamental aux pouvoirs publics qui n’ont véritablement jamais réussi à trouver une solution au chômage des jeunes. C'est pourquoi les pouvoirs publics les tolèrent, parce qu’ils correspondent à une vision particulière des rapports humains.

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105 Contrairement à certains auteurs qui qualifient les petits métiers de rues uniquement comme un refuge pour les personnes non qualifiées ou analphabètes (Gomis et al, 2020), nous notons que les faits sont différents dans la ville de Ziguinchor, car les acteurs qui interviennent dans le secteur informel ne se limitent pas seulement aux analphabètes et aux personnes mal formées. En revanche, il inclut un nombre important de diplômés de l’enseignement supérieur qui ont été touchés par le chômage chronique sur un marché du travail fragile et temporaire. A ce propos, on peut prendre l'exemple des chauffeurs de motos-Dajkartas, plusieurs d'entre eux sont titulaires d'une licence voire d'un master à l'UASZ (15%) (Enquêtes de terrain, 2018).

Cependant, à cause de leur non sélection pour le master beaucoup se retrouvent dans le secteur informel (Encadré 1).

Encadré 1: Chauffeur de moto-Djakatas

M. D., je fus étudiant à l'université Assane seck de Ziguinchor de 2010 à 2014. J'ai eu mon bac en 2009 et on m'a orienté au département de Tourisme. J'ai eu ma licence en 2014 et j'étais tellement heureux croyant avoir fait le plus dur, mais c'était peine perdue, car sur les 90 étudiants qui ont eu la licence, le département a sélectionné que 12, estimant que les professeurs ne peuvent pas encadrer au delà de ce nombre. J'ai commencé à chercher du travail et à déposer mes dossiers un peu partout mais en vain, car l'insertion dans le monde professionnel est tellement compliquée à Ziguinchor du fait de la rareté des entreprises, ONG et PME capables de recruter en masse. J'ai décidé alors de me lancer dans les petits boulots tels que le docker3, mais vu la difficulté du travail car cela nécessite de la force et il n'y a aucune protection sociale et les patrons ne respectent pas les droits du travail alors j'ai décidé d'arrêter. Je me suis lancé dans la maçonnerie ou les contrats étaient verbaux, sans aucune garantie et parfois on faisait l'objet d'escroqueries et on n'avait pas où se plaindre.

Vu le niveau de vie de ma famille pour assurer correctement les trois repas quotidiens et voulant les aider, je me suis lancé dans la conduite des motos-Djakarta. Je travaille tous les jours puis je verse 3000 f cfa/jour et à la fin du mois on me paye 35000 cfa. Nous sommes nombreux les titulaires d'une licence et voire d'un master à s'adonner à cette activité informelle.

Source : Enquêtes de terrain, auteur, 2018

2.2. Caractéristiques des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor 2.2.1. Une population principalement jeune, féminine et en chômage

Au niveau des petits métiers informels de la ville de Ziguinchor, nous constatons que les femmes sont plus nombreuses. Elles constituent 75 % de la catégorie dominante contre 25 % d’hommes (figure 1). Majorité des mariés (près de 50 % contre 27 % célibataire, 14 % veuf et 9 % divorcé), ils ont un niveau scolaire plutôt faible, voire inexistant. C'est en ce sens que Jacqueline Oble-Lohoues (1948) affirme que "lorsque le revenu familial est trop faible, les femmes peuvent travailler tout en s’occupant des enfants, ce que l’économie moderne ne leur permet habituellement pas". Les jeunes aussi sont fortement représentés. L’analyse de la figure 2 démontre que les moins de 18 ans représentent 18 % de l'effectif enquêté. Cela peut s'expliquer, par la situation économique de la ville de Ziguinchor, qui fait que ses derniers sont obligés de quitter très tôt l'école pour aider leurs parents dans le but d’arrondir les fins du mois. Par ailleurs, les jeunes âgés de 18 à 35 ans représentent la catégorie dominante avec 50% de l'effectif enquêté. Cela peut s'expliquer, du fait que cette tranche d'âge représente la

3 Docker: au Sénégal ce mot signifie une personne qui charge et décharge des cargaisons de marchandises au profit des boutiquiers, des magasins ou autres. Les personnes sont payées par nombre de cargaisons déchargées et peuvent gagner entre 1500 et 2500f/jour.

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population qui se retrouve à la quête d'empl

chômage et à la pauvreté. Par contre, les adultes qui sont dans la tranche d'âge comprise entre 36 et 60 ans représentent 25 % de l'effectif enquêté

somme, dans la ville de Ziguinchor on

forte majorité d'individus n'ayant reçu aucune formation formelle.

Figure 2. Répartition par sexe

Source: Enquêtes de terrain,

2.2.2. L'hétérogénéité des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor Les petits métiers informels au niveau des abords de voiries de

caractérisent par une grande hétérogénéité

seraient donc constitués d’activités très différentes, de petits

des services variant au gré de l’imagination des travailleurs ainsi qu’au gré des occasions, et fonctionnant de façon très distincte.

façon très hétérogène et se caractérise

diverses que le petit commerce fixe ou ambulant, l’artisanat de production (meubles, outils, confection, bâtiment...), les services personnels (réparation, prêteurs sur gages, soin des vêtements, domesticité qui est la première forme d’emploi fémini

monde...) ; les services collectifs (transport, tontines, microcrédit, mutuelles de santé, coopératives...) ; des activités illicites (narcotrafic, vol, contrebande, voire tueurs à gages...).

Cette liste, non exhaustive, pose problèm

informels. De ce fait, la seule chose que ces activités ont en commun est justement, de ne pas être formelle (Castel, 2007).

caractérisent par une forte hétérogénéité, notamment des relations qui se nouent en son sein.

Certes, la solidarité s’y déploie sans doute plus fortement qu’au sein des activités formelles:

solidarité familiale, religieuse,

métiers informels dans la ville de Ziguinchor (pas seulement dans le commerce),

disponibilité (particulièrement des apprentis et des domestiques)

0% 50%

Homme Femme

Journal d’Economie, de Management, d’Environnement et de Droit (JEMED) Vol 3. N°2, mai 2020

population qui se retrouve à la quête d'emploi et à la recherche d'une porte de sortie au Par contre, les adultes qui sont dans la tranche d'âge comprise entre

% de l'effectif enquêté et les plus de 60 ans représentent 7

lle de Ziguinchor on note une forte présence de femmes, de jeunes et une forte majorité d'individus n'ayant reçu aucune formation formelle.

. Répartition par sexe Figure 3. Répartition par âge

Source: Enquêtes de terrain, auteur, 2018 des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor

es petits métiers informels au niveau des abords de voiries de la ville de Ziguinchor par une grande hétérogénéité (Sall, 2010 ; Castel, 2007 ; M

d’activités très différentes, de petits "boulots" produisant des biens et des services variant au gré de l’imagination des travailleurs ainsi qu’au gré des occasions, et fonctionnant de façon très distincte. Ils sont complexes et trop variés. Ils

caractérisent par leur diversité. Ils regroupent

diverses que le petit commerce fixe ou ambulant, l’artisanat de production (meubles, outils, confection, bâtiment...), les services personnels (réparation, prêteurs sur gages, soin des vêtements, domesticité qui est la première forme d’emploi féminin non agricole dans le

; les services collectifs (transport, tontines, microcrédit, mutuelles de santé,

; des activités illicites (narcotrafic, vol, contrebande, voire tueurs à gages...).

Cette liste, non exhaustive, pose problème à la notion d’homogénéité de

. De ce fait, la seule chose que ces activités ont en commun est justement, de ne pas . Les petits métiers informels de la ville de Ziguinchor forte hétérogénéité, notamment des relations qui se nouent en son sein.

Certes, la solidarité s’y déploie sans doute plus fortement qu’au sein des activités formelles:

solidarité familiale, religieuse, ethnique. Mais cela n’empêche qu’une grande partie de

dans la ville de Ziguinchor qui est marquée par une extrême concurrence (pas seulement dans le commerce), l’exploitation sauvage sans limites d’horaires et de disponibilité (particulièrement des apprentis et des domestiques) (Ibid.).

100%

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7%

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106 oi et à la recherche d'une porte de sortie au Par contre, les adultes qui sont dans la tranche d'âge comprise entre les plus de 60 ans représentent 7 %. En note une forte présence de femmes, de jeunes et une

Répartition par âge

des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor

la ville de Ziguinchor, se Marchand 2005). Ils produisant des biens et des services variant au gré de l’imagination des travailleurs ainsi qu’au gré des occasions, et Ils se présentent de nt des activités aussi diverses que le petit commerce fixe ou ambulant, l’artisanat de production (meubles, outils, confection, bâtiment...), les services personnels (réparation, prêteurs sur gages, soin des n non agricole dans le

; les services collectifs (transport, tontines, microcrédit, mutuelles de santé,

; des activités illicites (narcotrafic, vol, contrebande, voire tueurs à gages...).

e à la notion d’homogénéité des petits métiers . De ce fait, la seule chose que ces activités ont en commun est justement, de ne pas de la ville de Ziguinchor se forte hétérogénéité, notamment des relations qui se nouent en son sein.

Certes, la solidarité s’y déploie sans doute plus fortement qu’au sein des activités formelles:

Mais cela n’empêche qu’une grande partie des petits est marquée par une extrême concurrence exploitation sauvage sans limites d’horaires et de

18%

50%

18 à 35 ans Plus de 60ans

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107 2.2.3. La vulnérabilité des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor

La proportion des populations qui se consacre aux petits métiers informels, est en pleine croissance. Toutefois, ce secteur dont dépendent plusieurs familles reste frêle et fragile et les personnes qui s'y activent sont confrontées de plus en plus à des difficultés qui rendent ses activités vulnérables. Cette forme d'informalité ne respecte pas les articles 23, 24 et 25 de la

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948, qui stipulent que :

" l'homme à droit à une sécurité sociale, à l'accès aux soins médicaux, à une limitation de la durée du travail et droit à la santé".

Encadré 2. Vulnérabilité des acteurs de l'informel

F. D.; je suis mécanicien âgé de 15 ans. Je travaille dans cet atelier depuis l'âge de 12 ans.

Ici, les apprentis (5) travaillent tous les jours de 8h à 19h excepté les jours de fêtes. Le patron nous donne de l'argent trois fois dans l'année (à l'approche des fêtes de Korité, de Tabaski et de Tamkharite). Dés fois, nous profitons de l'absence du patron pour faire des bricolages afin de gagner un peu d'argent pour subvenir à nos besoins. Depuis que je suis dans cet atelier, je ne me suis jamais fait consulter par un médecin. Lorsque je tombe malade, mon patron me donne quelques jours de repos et c'est tout. Je n'ai aucun droit, car je suis venu pour apprendre le métier. J'ignore actuellement mon état sanitaire. Lorsque je me blesse je ne suis pas soigné par le patron, c'est moi même qui me débrouille pour me soigner. Il faut souligner que la mécanique est un métier risqué. A cela s'ajoute, qu'on est souvent en contact permanent avec des produits toxiques comme l'huile, la graisse et l'essence sans aucune protection.

G. D.; je suis le patron de cet atelier de vulganisateur et de tôlerie. J'ai trois employés que je rémunère tous les mois. Je ne peux pas vous dire leur salaire, car au Sénégal c'est une chose sensible et très privée. Il n'y a aucun contrat qui a été signé de façon officielle, la seule règle c'est l'arrangement qui aboutit à une "embauche". Le reste c'est des apprentis qui sont venus apprendre le métier. Je leur donne quelques fois de l'argent surtout à l'approche des fêtes.

Par compte, aucun de mes apprentis y compris les trois que je rémunère ne sont inscrits dans une mutuelle de santé et dans les agences d'assurance car je n'ai pas les moyens. Ils ne sont pas aussi inscrits à la caisse de sécurité sociale, ni à l'IPRES4. C'est à eux de trouver des astuces et d'économiser pour assurer leur retraite ou d'ouvrir leur propre atelier. Moi ma garantie pour ma retraite est l'atelier que je possède car je serai toujours le propriétaire jusqu'à ma mort.

Source: Enquêtes personnelles, auteur, 2018

Les petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor font appel à une main d’œuvre non organisée, des méthodes de travail précaires, le plus souvent non réglementées et non déclarées et qui se déroulent souvent en dehors du cadre réglementaire avec un manque de protection sociale, de droits au travail et de conditions de travail décentes. Cette situation expose les travailleurs dans une vulnérabilité totale, car les accidents du travail et les maladies professionnelles ne sont pas prises en compte. C'est dans ce sens que l'OIT (2018) affirme que: " La vulnérabilité aux maladies et la mauvaise santé sont donc la résultante d’un ensemble de conditions de vie et de travail déplorables ".

Les petits métiers informels dans l'agglomération urbaine de Ziguinchor impliquent un manque de protection sociale. Ils s'accompagnent d'une faible productivité et de difficultés d'accès au crédit: "j'ai essayé à plusieurs reprises de faire des démarches au niveau de

4 IPRES: Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal

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108 l'ANPJ5 et du PAPEJ6 pour avoir un financement, mais à chaque fois on me demande des documents de garantie que je ne peux apporter" (un vendeur de légumes), et un autre d'ajouter "On est totalement ignoré par les personnes et les structures qui se disent être des financeurs de projets, c'est pourquoi je ne songe même pas à aller demander des financements à ces derniers. Je me contente de l'argent de la tontine pour accroitre mon commerce à chaque fois que je le prends" (un artisan) (Enquêtes de terrain auteur, 2018).

Les petits métiers dans les abords de voiries de la ville de Ziguinchor présente les mêmes caractéristiques que celles qui sont décrites par le BIT dans son rapport publié en 1972 : " une facilité d’accès, une utilisation par les entreprises des ressources locales, des technologies à forte intensité de main-d’œuvre, une propriété familiale des entreprises, une petite échelle de production, des marchés de concurrence non réglementés, des qualifications acquises hors du système scolaire officiel ".

2.3. Logiques de fonctionnement interne des acteurs de petits métiers informels : des activités basées sur des liens familiaux, coutumiers, culturels et religieux

Dans la ville de Ziguinchor une solide stratification sociale existe au sein des petits métiers informels. Au sommet de la hiérarchie se trouvent les entrepreneurs, propriétaires de leurs moyens de production (Marchand, 2005). À la base, on trouve des travailleurs relativement stables, comprenant les aides familiales, ceux qui sont rémunérés et les apprentis (Fall et Mboup, 2016). Les apprentis, nombreux, constituent une catégorie très importante car ils sont habituellement faiblement ou pas rémunérés. Leur recrutement se fait généralement dans une famille ayant un lien avec l’employeur. Le tiers des employés des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor sont des membres de la famille de leur employeur (Enquêtes de terrain, 2018). Cette solide stratification sociale au sein des petits métiers informels est beaucoup plus visible dans certains types d'activités artisanales informelles telles que : les forgerons, la menuiserie, la mécanique, les soudeurs métalliques, les tailleurs, etc. (Ibid.).

Dans ce type d'activités, on y retrouve parfois le 1/3 de la famille et des fois, ce sont des activités qui se transmettent de génération en génération. Les apprentis se recrutent dans le cercle de personnes connues du maître artisan. Il est rare que l'apprenti se présente sans intermédiaire à un patron pour solliciter son encadrement. "L'apprentissage a une double fonction sociale : d'une part, faire connaître un métier, et d'autre part, former le caractère de l'apprenti, c'est à dire prendre en charge son éducation" (Fall etMboup, 2016).

Selon les entretiens effectués au sein des acteurs des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor, nous nous sommes rendu compte que 75 % des apprentis travaillent au sein des ateliers de leur père, de leur oncle ou d'un parent proche. Concernant les patrons, 30 % ont eu leurs ateliers ou leurs métiers par legs. Les UPI étudiées dans la ville de Ziguinchor s'apparentent à celles qui lient le père, chef de famille, et les membres de sa famille. "Elles sont considérées comme un prolongement de la famille" (Fall etMboup, 2016).

Les acteurs des petits métiers de rues dans la ville de Ziguinchor recrutent le plus souvent dans la famille élargie, le clan, le lignage, le groupe ethnique ou les réseaux d’affinités :

« tous mes apprentis viennent de mon village qui se nomme Etommé…, c’est la famille » (un dirigeant), et un autre d'ajouter (dans le métier de la mécanique) : « je recrute parce que les parents où les amis me confient leurs enfants pour que je leur enseigne un métier…, j’aime leur dire d’où je suis parti afin de leur montrer qu’il ne faut pas se décourager et que demain s'ils maîtrisent le métier ils peuvent travailler à leur propre compte». Pour un dirigeant propriétaire d'un salon de coiffure, « je travaille avec les enfants de mes frères, cousins et cousines qui ne veulent pas continuer l'école et je les aide à avoir un métier » (Enquêtes de

5 ANPJ: Agence Nationale de la Promotion des Jeunes

6 PAPEJ: Projet d'Appui à la Promotion de l'Emploi des Jeunes

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109 terrain, 2018). Pour expliquer leurs responsabilités auprès de leurs employés, la presque totalité des dirigeants affirme « agir comme des pères, des grands frères ou des chefs de familles » (Enquêtes de terrain, 2018). Le plus souvent, le dirigeant le plus âgé est considéré comme le leader naturel (c'est le sage ; on l'écoute et on exécute ses directives) (Encadré 3).

Encadré 3 : Logiques de fonctionnement interne

A.B., 30 ans, marié et père de deux enfants, de père menuisier. « J'ai appris la menuiserie dans l'atelier même où je bosse présentement. J'avais été recommandé par mon père auprès de mon patron qui est son cousin. D'ailleurs tous les apprentis sont recrutés ici sur recommandation d'une personne plus ou moins proche du chef de l'atelier. Le temps de la formation varie environ 6 ou 7 ans. Actuellement, on m'a délégué toutes les responsabilités de l'atelier et je rémunère deux personnes à la fin du mois la somme varie en fonction du chiffre d'affaires, les apprentis ne sont pas payés et le reste je le partage avec le propriétaire. Je pense dans un futur proche ouvrir mon propre atelier ».

F. S., 28 ans, originaire du village de Mlomp qui se trouve dans le département d'Oussouye. Il est actuellement tailleur. Il a obtenu cet atelier qui appartenait à son père par legs. « Lorsque pour la première fois, je fréquentais l'atelier, je devais avoir 14 ou 15 ans. Mon père y travaillait avec ses apprentis mais je n'aimais pas le métier. Après mes études primaires qui se sont soldées par un échec, mon père profita de cette opportunité pour m'obliger à fréquenter régulièrement l'atelier. Je commençais à effectuer de petits travaux qui pouvaient me prendre trois semaines. Par exemple, je fabriquais des morceaux de jaxass de 1,50 m que je vendais après le travail dans le voisinage au prix de 500f cfa ou 700f cfa. A 22 s ans déjà, mon père, comme il prenait de l'âge, a commencé à me responsabiliser. Je faisais la plupart du travail à sa place. Depuis maintenant 3 ans, il ne vient plus et je suis le patron et toutes les responsabilités me sont confiées ».

Source : Enquêtes personnelles, J.S. Gomis, 2018

3. Discussion

Le fil conducteur de cette recherche est une interrogation sur l'occupation informelle des abords de voiries dans la ville de Ziguinchor par les acteurs des petits métiers de rues.

L'objectif est d'analyser les perceptions, les caractéristiques et les logiques de fonctionnement interne des acteurs des petits métiers qui occupent de façon informelle les abords de voiries dans la ville de Ziguinchor. Les résultats permettent de répondre à ces préoccupations de départ. Le phénomène de l'occupation des abords de voiries n'est pas un phénomène nouveau dans les villes africaines en général et plus précisément dans la ville de Ziguinchor (Gomis, 2014 ; Badji, 2014 et Nyassogbo, 2011). Cette occupation a pris un volume croissant avec la crise économique née des politiques d'ajustement structurel, de la dévaluation du franc CFA, du conflit armé casamançais et dans un contexte de mauvaise gestion des espaces publics ou de passe droit. Ceci est confirmé par Khouma (2017) qui affirme que la mauvaise gestion et l’inapplication des lois sont à l'origine de l'occupation de l'espace public à Dakar. Dans cette mouvance Gomis et al. (2020) affirment que le passe-droit et la mauvaise gouvernance urbaine sont les principaux facteurs de l'occupation informelle des abords de voiries dans la ville de Ziguinchor. Ainsi, la perception et le rôle des petits métiers de rues comme un remède au chômage dans les grandes villes en général et celle de Ziguinchor en particulier a fait l'objet de plusieurs études. A titre d'exemple : Maldonado (2001) atteste que l'économie informelle est la seule alternative pour les chômeurs et les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Elle pourvoie à l’essentiel des emplois urbains et assure elle-même la formation.

Dans cette même logique d'idée, Coquery-Vidrovitch (1991) affirme que face à un État incapable de redresser la situation, l’économie informelle répond pour la population à une

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110 stratégie de survie. Dans la même lancée, Lauchaud (1988) révèle que les petits métiers au niveau des abords de voiries ont des conséquences positives en termes d'intégration économique, de cohésion et de régulation sociale. A l'échelle de la ville de Ziguinchor, les auteurs cités précédemment confortent nos données d'enquêtes de terrain qui révèlent que les petits métiers de rues à Ziguinchor donnent l'opportunité à plusieurs travailleurs non qualifiés d'opérer dans le secteur. Ils servent "d'amortisseur social" et permettent aux populations pas ou peu qualifiées de s'y réfugier. Ces propos sont largement partagés par la Banque Mondiale (2017) qui confirme que l'économie informelle dans les villes sénégalaises est à l’origine de 90% des créations d’emplois. La plupart des auteurs affirment que les petits métiers de rues sont caractérisés par une population jeune avec une structuration en faveur des femmes. A cet effet, Lachaud (1988) affirme qu'en Côte d'Ivoire seulement 10 % de la main d'œuvre a plus de 30 ans. Bellache (2010) affirme qu'en Algérie plus de la moitié de la population enquêtée (56,2 %) a moins de 30 ans. De plus Gomis et al. (2020), affirme que les acteurs du commerce informel dans la ville de Ziguinchor sont constitués en majeure partie de jeunes avec une proportion de 70 %. En fait, Maldonado (2001) résume l'emploi informel au Bénin par la prépondérance des jeunes et des femmes, et une forte majorité d'individus n'ayant aucune qualification formelle ou presque. Nos données d'enquêtes de terrain entre dans cette mouvance, d'autant plus qu'elles révèlent que les personnes qui occupent de façon informelle les abords de voiries pour l'exercice des petits métiers sont constituées par une population principalement jeune (68 %) avec une prédominance des femmes (75 %), et dont la plupart a un niveau scolaire plutôt faible voire inexistant. Ces petits métiers sont constitués par un ensemble d'activités hétérogènes, des petits métiers produisant des biens et des services variant au gré de l’imagination des travailleurs ainsi qu’au gré des occasions, et fonctionnant de façon très distincte (Geneviève marchand, 2005 ; Castel, 2007 ; Steck 2007). En dehors de cette hétérogénéité une caractéristique prédomine et fonde les petits métiers de rues : une grande vulnérabilité. Ainsi au niveau de la chambre de commerce et de métiers de la ville de Ziguinchor, d'une manière générale la même situation est observée. Le directeur de la chambre des métiers affirme que : "L'emploi informel dans la ville de Ziguinchor se caractérise par une grande vulnérabilité avec une absence de protection sociale, d'assurance toute sorte, de la limitation d'heures de travail..." Dans cette même logique d'idée les travaux de BIT (2002) "affirme que les travailleurs du secteur informel sont privés de sept sécurités essentielles : la sécurité du marché du travail, la sécurité de l’emploi, la sécurité professionnelle, la sécurité au travail, la sécurité du maintien des qualifications, la sécurité du revenu et la sécurité de la représentation". Cette situation s'explique par le fait que les petits métiers de rues reposent en grande partie sur une solide stratification sociale basée sur des liens familiaux et culturels. Les recrutements se font généralement dans une famille ayant un lien avec l’employeur. Le tiers des employés des petits métiers informels dans la ville de Ziguinchor sont des membres de la famille de leur employeur. A cet effet, Coquery- Vidrovitch (1991) affirme « […] le travail est toujours organisé de façon paternaliste reposant sur des relations de parentèle ou de clientèle ». Toutefois, il faut noter que cette étude menée sur les perceptions, les caractéristiques et les logiques de fonctionnement des petits métiers de rues dans les abords de voiries de la ville de Ziguinchor apporte une contribution à l'amélioration des connaissances dans le domaine de la géographie économique et urbaine.

Elle peut également servir d'aide à la décision aux décideurs à s'attaquer aux éléments fondamentaux pour un meilleur cadrage des activités informelles ou pour une organisation rationnelle de l'espace urbain. Si l'on considère que la presque totalité des abords de voiries de la ville de Ziguinchor sont occupées de façon informelle par les acteurs de petits métiers de rues une attention particulière devrait être accordée à ces résultats.

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Conclusion

La ville de Ziguinchor est caractérisée par une rapide urbanisation et une croissance démographique soutenues. Ce phénomène induit une demande importante en termes d’emploi, mais aussi de moyens de subsistance pour la population (Gomis et al., 2020). Dès lors, se développent des petits métiers aux abords des voiries. Du point de vue économique, les petits métiers de rues occupent une place fondamentale dans les activités économiques de la ville. Ils sont partagés entre le formel et l’informel. Au sortir de notre étude, l’informel aux abords de voiries est une réalité socio-économique et sociodémographique dominante.

L’étude démontre que les acteurs de petits métiers de rues sont constitués par une population féminine, jeune et en majorité en chômage. En somme, diverses activités commerciales sont pratiquées aux abords des voiries et elles fonctionnent comme un amortisseur social, c'est pourquoi les pouvoirs publics les tolèrent. L'étude révèle aussi que les logiques de fonctionnement interne des petits métiers de rues sont basées sur une solide stratification sociale basée sur des liens familiaux, culturels et ethniques.

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