INFLUENCE DE LA NATURE
DES MATIÈRES AZOTÉES ALIMENTAIRES
SUR L’AMINO-ACIDÉMIE LIBRE DES VACHES LAITIÈRES
C.
CHAMPREDON,
R. PIONM. JOURNET
Madeleine
PELLETIER,
G. BAYLE B.MARQUIS
Stationd’Études
desMétabolismes,
Station de Recherches sur
l’Élevage
desRuminants,
Centre de Recherches de
Clersnont-Fevvand, 63 - Saint- Genès-Champanelle
Institut national de la Recherche
agronomique
Les matières azotées alimentaires subissent sous l’action des
microorganismes, un profond
remaniement dans le rumen et il est difficile de
prévoir
lesquantités
des différents acides aminés et enparticulier
des acides aminésindispensables
quel’organisme
aura à sadisposition
à la suitede
l’ingestion
d’une ration déterminée.Or,
les acides aminés libres du sang sont laprincipale
forme de
transport
descomposés
azotés dansl’organisme,
et leurs concentrations dans ce tissudépendent
àchaque
instant de la différence entre lesapports (endogènes
etexogènes), et
les diverses utilisations. Un certain nombre de travaux effectués sur les ruminants ont mis en
évidence le fait que les concentrations
plasmatiques (Vi R2 nNErr, ig6g)
ousanguine (C HAMPREDON , PioN, FAUCONNEAU, 1970 )
des divers acides aminés librespouvaient
varier de manière sensibleavec le
régime.
Dans laprésente étude,
réalisée sur des vacheslaitières,
nous avons déterminé l’aminoacidémie libre des animauxqui
recevaient del’ensilage
de maïs et un aliment concentréapportant
uncomplément
d’azote sous forme d’urée ou de tourteau d’arachide. Les résultats ont étécomparés
avec ceux obtenus avec les mêmes animaux consommantuniquement
de l’herbe.MÉTHODE EXPERIMENTALE
De
l’ensilage
de maïs était distribué à volonté deux fois parjour
du deuxième aucinquième
mois de lactation à deux lots de neuf vaches de race Frisonne
(J OURNET , 1970 ).
Un aliment concen-tré
composé
de luzernedéshydratée, d’orge
et deminéraux, apportait
uncomplément
d’azotesous forme d’urée ou de tourteau d’arachide selon le
lot,
de tellefaçon
que les rations soient iso-énergétiques
et isoazotées(tabl. i).
A la fin de
l’expérience,
lesrégimes expérimentaux
étaientremplacés, après
unepériode
detransition de
sept jours,
par une distribution d’herbe. Les échantillons de sang ont étéprélevés
à la
seringue
dans la veinejugulaire
sur six vaches dechaque
lot alorsqu’elles
recevaient lesrégimes expérimentaux depuis cinq
semaines et que les concentrés contenant de l’arachide et de l’urée étaient distribuésrespectivement
2et q fois
parjour (CxnMPxEDOrr, PioN,
FAUCONNEAU,19
6 9
), puis
sur les mêmes animauxaprès
trois semaines de consommation d’herbe. Les échan-tillons de sang étaient
mélangés
immédiatementaprès
leprélèvement à volumes
d’éthanol95
° froid. Les acides aminés libres étaient extraits par l’éthanol 82° selon une
technique précé-
demment décrite
(P AWLAK
etPION, 19 68)
et dosés parchromatographie
sur colonneéchangeuse
d’ions au moyen d’un
analyseur automatique (S PACKMAN , S TEIN , M OORE , 195 8).
L’uréesanguine
était dosée par une méthode
colorimétrique
à ladiacétyl
monoxine mise aupoint
au laboratoire(MICHEL, 1970).
RÉSULTATS
La
plupart
des acides aminés « nonindispensables » :
acideaspartique,
sérineplus gluta- mine, glycine
et à un moindredegré proline
et citrulline sont en concentrationsplus
faibles dans le sang des vaches recevant le tourteau que dans celui des animaux consommantl’urée,
alorsque les teneurs en alanine et ornithine sont très voisines dans les deux cas ; seul l’acide
gluta- mique
se trouve en concentrationplus
élevée chez les vaches consommant le tourteau.Parmi les acides aminés «
indispensables
» et «semi-indispensables
» seulel’arginine
est enconcentration nettement
plus
élevée chez les animaux recevant l’urée. Lathréonine,
la méthio-nine et la
tyrosine
y sont en concentrations trèslégèrement supérieures
à celles que l’on observe dans l’autrelot,
alors que les teneurs envaline,
enisoleucine,
en leucine et moins nettement enphénylalanine
et en histidine sontplus importantes
dans le cas du lot « tourteau ». Iln’y a pas de
différence entre les deux groupes en ce
qui
concerne lalysine.
Ces résultats sont en accord avec ceux
qui
avaient été obtenusprécédemment
avec 6 vacheslaitières recevant
depuis
12 semaines les mêmesrégimes expérimentaux (C HAMPR , EDO --;, Pior r
FAUCONNEAU, ig6g)
pour certains acides aminés tels que la thréonine et l’histidine. Ils en diffèrent notamment pour lavaline, l’isoleucine, l’ornithine,
lalysine
etl’arginine
dont les concentrationssanguines
étaientplus
élevées.Les acides aminés libres sont
généralement
en concentrationssanguines plus
élevéeslorsque
les animaux
reçoivent
de l’herbe quelorsqu’ils
consomment les deuxrégimes expérimentaux.
Cesont
l’alanine,
lavaline,
l’isoleucine laleucine,
latyrosine, l’ornithine,
lalysine
et l’histidine dont les teneursaugmentent
leplus
dans le sang des animaux des deux lots à la suite duchangement
de
régime.
Il faut yajouter
la thréonine et laphénylalanine
chez les animauxayant
reçul’urée,
et l’acide
aspartique
ainsi que la méthionine pour l’autre lot.Quelques
acides aminés ont cepen- dant des teneursplus
basses avec l’herbequ’avec
lesrégimes
étudiés. Ils’agit,
pour les deux groupesd’animaux,
d’acides aminés nonindispensables :
sérineplus glutamine,
citrulline chez les animauxayant
reçu letourteau,
acideaspartique
etglycine
pour l’autre lot.L’arginine
reste àun taux relativement bas dans les deux cas. De
plus,
àl’exception
de la thréonine et surtout del’ornithine,
les teneurs en acides aminés libres du sang des deux groupes sont très voisinesaprès
trois semaines de consommation d’herbe.
Les teneurs en urée
sanguine
des différentsprélèvements
sont voisines et ne sontjamais
trèsélevées.
DISCUSSION
Les concentrations des acides aminés «
indispensables
» dans le sang des animaux des deux lots étaient assez peudifférentes,
cequi
nesignifie
pas que lesapports
d’acides aminés par leur tractusdigestif
étaient les mêmes dans les deux cas. Eneffet,
lesquantités ingérées
par les ani-maux consommant l’urée étaient
plus
faibles au début del’expérience,
cequi
a limité enpartie
eur
production
laitière à un niveau inférieur deplus
de 10p. ioo à celle des autresvaches,
et aentraîné une baisse de la teneur en matières azotées de leur
lait ;
les besoins en acides aminéscorrespondant
à lasynthèse
desprotéines
du lait et parconséquent
lesquantités prélevées par la glande
mammaire étaient doncplus
faibles chez les animaux dupremier
lot.Les
quantités
d’acides aminés fournis par leur tubedigestif
sont doncprobablement plus
faibles et il doit y avoir chez les animaux un certain
gaspillage
d’azotequi
estpeut-être
en rela-tion avec la
cinétique
del’ammoniogenèse
dans le rumen ; une libérationrapide d’ammoniac,
supérieure
auxpossibilités
desynthèse protéique
desbactéries,
entraîne un passage dans le sang d’ammoniacqui
ne reviendra quepartiellement
dans le rumen sous formed’urée,
d’où une pro- ductionplus
faible d’acides aminés. L’étudecinétique
effectuéeprécédemment,
a montréqu’il
y avait donc une certaine discontinuité des
apports
d’acides aminés dans le sang par le tractusdigestif.
Les concentrations en certains acides aminés «
indispensables
» tels que lavaline, l’iso- leucine,
lalysine
etl’arginine,
sontplus
faibles que cellesqui
avaient été observéesprécédem-
ment avec d’autres vaches consommant les mêmes
régimes expérimentaux depuis
12semaines aulieu de 5. Cette différence
peut
avoirplusieurs
causes ; les animaux avaient uneproduction
laitière
plus
faibleaprès
12semainesqu’après
5 semainesd’expérience,
et parconséquent
les propor- tions d’azote distribuées sous forme d’urée ou de tourteau d’arachide étaient alors moinsimpor-
tantes. De
plus,
ils consommaient lesrégimes expérimentaux depuis plus longtemps,
etpouvaient
avoir une flore mieux
adaptée
à leur utilisation etplus apte
à satisfaire leurs besoins en acidesaminés,
et cela d’autantplus
que lesapports énergétiques
étaient alorslégèrement
excédentaires.Les différences de teneurs en acides aminés libres liées à la nature du
complément
azoté sontdans l’ensemble en accord avec les données de la littérature. VIRTANEN
(ig6g)
a constaté chez les vaches laitières que l’utilisation d’urée comme seulapport
azoté se traduisait par des teneursplasmatiques
en de nombreux acides aminés ccindispensables
» tels que lavaline, l’isoleucine, la leucine,
lalysine,
et surtout l’histidineplus
faibles que dans le cas d’une alimentation normale.Les différences que nous avons observées
portent généralement
sur les mêmes acidesaminés,
maisla faiblesse des teneurs liées à
l’ingestion
d’urée est naturellement moins accusée que cellequi
avait été mise en évidence par cet auteur
puisque
l’azoteuréique
nereprésentait
que 29p. loo de l’azote totalingéré
par nosanimaux,
au moment duprélèvement.
D’autres auteurs(O LTJEN
et PUTNAM,
19 66)
ont montré que les différences entre les teneurs en acides aminés libres duplasma
de bovins en croissance recevant de l’urée ou du tourteau de
soja portaient principalement
surles acides aminés à chaîne ramifiée et sur la
phénylalanine.
Le fait que nous observions des diffé-rences pour un
plus grand
nombre d’acides aminés avec toutefois des écarts relativement peuimportants peut
être dû à la nature des tourteaux utilisés.Les
augmentations
des teneurs en acides aminés «indispensables
» observées lors du passage à l’herbe traduisent un certain excédent desapports
en acides aminés parrapport
auxbesoins,
ce
qui peut
être dû enpartie
àl’ingestion
d’unrégime plus
favorable auxsynthèses
des corpsmicrobiens,
et au fait que lesquantités
d’azoteingéré
étaientsupérieures
aux besoins des animauxcompte
tenu de leurproduction
laitière. Lesaugmentations
de teneurs en acides aminés libres du sang des animaux liées à la modification de leursrégimes
alimentaires sontgénéralement
simi-laires à celles que nous avions observées chez la Chèvre en lactation
(C HAMPREDON , PION,
FAU-CONNEAU,
1970 ) ;
chez des animaux à besoinsélevés,
les concentrations en acides aminés du sangaugmentaient
de manièreimportante lorsqu’une
rationcomposée
de concentré et d’herbe était substituée à unrégime
constitué de foin et du même concentré.Toutefois,
les teneurs enlysine
eten histidine ne se trouvaient pas
augmentées
ou étaient mêmediminuées,
cequi peut
être dû au fait que les chèvres étudiées étaient enpleine production
laitière et avaient des besoins azotésproportionnellement plus
élevés que ceux des vaches de laprésente expérience.
Reçu pour publieation
eu avril 1970.REMERCIEMENTS
Nous remercions M. M.-C. MICHEL
qui
a bien voulu effectuer lesdosages
d’uréesanguine.
SUMMARY
EFFECT OF THE ORIGIN OF DIETARY NITROGEN ON FREE AMINOACID BLOOD RATE IN THE COW
Two groups of 9
lactating
cows weregiven
a cornsilage
diet added with a concentrate ofbarley,
alfafameal, minerals,
and either urea orpeanut
meal. At the end of theexperimental period,
all animals weregiven
orchard grass for three weeks. In order to determine free-aminoacidrates,
bloodsamples
were taken from thejugular
veins of 6 animals from each group atweek
5 of theexperimental
diet and week 3 of the grass diet.The rates of most essential aminoacids were lower in the urea group blood than in the
peanut
meal one. There was a consistent increase in the essential free-aminoacid blood rates after the three-week grass diet.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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HAMPREDON C., PION R., FAUCONNEAU G., 1969. L’aminoacidémie libre des bovins. Variations au cours de la
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C
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C.,
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N