L’ADAPTATION AUX TEMPÉRATURES ÉLEVÉES
CHEZ UN NÉMATODE
CAENORHABDITIS ELEGANS MAUPAS 1900
II. — STABILITÉ ET PHYSIOLOGIE DE L’ADAPTATION
J.-L. BRUN
Section de
Biologie
générale etappliquée,
Faculté des Sciences de
Lyon,
69 - b’illeurbanneSOMMAIRE
Lorsque C.
elegans provient
directement d’une souche maintenuedepuis
des années à 180C,au laboratoire, il ne peut se
reproduire
indéfiniment aux températuressupérieures
à 22°. En aug- mentantprogressivement
et très lentement la températured’élevage,
on peutcependant
obtenirdes
lignées perpétuellement
fécondesjusqu’à
24,5°.La stabilité des mécanismes
adaptatifs
ainsi instaurés croît avec la durée de culture à la tem-pérature
élevée. Finalement, parexemple,
unelignée
élevéependant
453générations
à 23,5° con-servera, malgré i8o
générations
de retour à la température initiale de i8°, une féconditésignificati--
vement différente de celle de la souche maintenue continuellement à cette
température
de base..L’étude
cytologique
de lagamétogenèse
révèle que la stérilité des animaux portés à une tem-pérature
trop élevée résulte d’un déroulement anormal del’ovogenèse analogue
à celui que pro-- duisent des chocsthermiques.
Il en résulte que les animaux acclimatés ont vu seproduire
âne:modification de leur
physiologie
ovariennequi
permet à lagamétogenèse
de se dérouler normale-ment.
INTRODUCTION
Dans la
première partie
del’exposé
de ce travail(BRUN, 19 66 b), j’ai
montréqu’à partir
d’une soucheBergerac
«psychrophile
» de C.elegans,
il étaitexpérimen-
talement
possible
d’obtenir deslignées génétiquement adaptées
à destempératures
élevées
comprises
entre 22 et2 q., 5 o
C. Cette accoutumance semanifeste,
enparti-
culier,
par une féconditéplus
forte. Elle seprésente
comme la résultante d’un effet cumulatif dans l’action du facteurtempérature.
Dans cette deuxième
partie, je
définirai defaçon plus précise
la nature de cetteadaptation :
a)
En considérant la stabilité de l’accoutumance obtenue. Pour cefaire, j’ai
ramené à leurs conditions initiales
d’élevage
lesorganismes adaptés
etj’ai
examinéjusqu’à quel point
le niveaud’adaptation
atteint - et défini par la fécondité des Nématodes ―persiste
au cours desgénérations
successives. Ces observations sontcomplétées
par celles fournieslorsque
lesanimaux, après
avoir été maintenuspendant
un
temps plus
ou moinslong
à bassetempérature,
retrouvent leurtempérature
élevée
d’adaptation.
b)
En examinant le rôle attribuable aux divers mécanismesphysiologiques susceptibles
deprésider
à la naissance et audéveloppement
des formesadaptées.
A ce propos,
je
me suis toutparticulièrement
attaché àanalyser
lesrapports
entre les modificationscytologiques
de lagamétogenèse
et l’accoutumance des Nématodesaux
températures
élevées.Les informations ainsi recueillies viendront
s’ajouter
à celles dont il sera fait état dans la 3epartie
del’exposé
de ce travail(rôle
du milieu nutritif et de la sélec-tion), lorsque
le moment sera venu de conclure sur le déterminisme del’adaptation thermique
de C.elegans.
RÉSULTATS
CHAPITRE I. - LA STABILITÉ DE L’ADAPTATION
L’adaptation
des Nématodes à unetempérature
élevéeapparaît
comme unepropriété
dontl’acquisition
est liéeprécisément
à l’action exercée par latempérature
elle-même. A
partir
delà,
il devenait nécessaire d’estimer ledegré
de stabilité desadaptations obtenues,
une fois que le facteur inducteur adisparu.
L’exploration
de ceproblème
s’effectue tout naturellement en ramenant d’abord à unetempérature
relativement basse des individusadaptés
àtempérature
élevée(il s’agit
alors de ce quej’appellerai,
poursimplifier l’expression,
les «expériences de
descente
»). Ensuite, après
un nombre degénérations plus
ou moinsimportant,
lesanimaux sont
reportés
àtempérature
élevée(« expériences de
retour»)
et leurs pro-priétés
sontcomparées
à celles de la souchequi
a été maintenue à cettetempérature.
Les résultats de cette
comparaison
fournissent directement les élémentsqui
per- mettent dejuger
ledegré
de stabilité del’adaptation.
L’inconvénient de cette méthode est, encore une
fois, d’exiger
la considération d’un nombreimportant
degénérations :
desperturbations provenant
soit d’unchangement génétique brutal,
soit d’une transformation dumilieu, peuvent
en effet seproduire
dans l’intervalle. Cequi oblige
à entretenir deslignées
de contrôle :a) lignées
de contrôlegénétique :
auxtempératures
deprélèvement,
deslignées-
soeurs sont maintenues
pendant
toute la durée del’expérience.
b) lignées
de contrôle du milieu : àchaque température d’expérience,
la fécon-dité des
générations
successives « descendues » ou « retournées » estcomparée
àcelle de la souche demeurée constamment à cette
température.
Les conditions de culture de cette souche doivent être lesplus proches possible
de celles deslignées
en
expérience ( 1 ).
A ―
Effets
d’une diminution detempérature
sur la
fécondité
deslignées adaptées
Les
graphiques
de lafigure
2, résument les résultats obtenus dans l’ensemble desexpériences
effectuées. Legraphique
i relate les descentes à1 8°,
àpartir
de 23,5° et de
23 °.
Legraphique
2correspond
à uneexpérience
de descente de23 ,5°
à 22°, le
graphique
3 à une descente de 23,5° à 23°.( 1
) Les techniques de culture sont celles décrites dans la première partie de l’exposé de ce travail (BRUN, 19
66 b).
On
peut
en tirer les conclusions suivantes :a)
la fécondité des Nématodes descendus restetoujours significativement plus
forte
qu’aux températures
deprélèvement,
c’est-à-dire auxtempératures d’adap-
tation - et ceci dès la
première génération.
b)
Avec letemps,
la fécondité des Nématodes tend vers cellequi
caractérise les animaux maintenus constamment à latempérature
àlaquelle
la descente a été effectuée.Dans cette
évolution,
il est certain que latempérature
de descentejoue
unrôle
important. Cependant
l’influence laplus
intéressante à considérercorrespond
à celle exercée par le
degré d’adaptation
auxtempératures
élevées des Nématodes.Comme nous l’avons vu dans la
première partie,
cedegré d’adaptation
se définitde deux
façons :
- par la fécondité des Nématodes à une
température élevée ;
- par la
température
laplus
élevée àlaquelle
ils sontsusceptibles
de se repro- duire.Il est intéressant de constater que les variations de ces deux
caractéristiques
se
répercutent
de la mêmefaçon
dans lecomportement
des animaux descendus àune
température
inférieure.f
.
Influence
de lafécoudité
àtempérature
élevée.La
comparaison portera
entre lapremière
et la dernièreexpérience
de descenteà 18° effectuées à
partir
de 23,5°. Lors de lapremière expérience (lignée 277),
lesNématodes, prélevés
au niveau de la277 e génération
à 23,5°, se trouvaient enfin de
phase
IId’adaptation (BRUN, 19 66 b, fig. i,) ;
leur fécondité moyenne était voisine de 20. Lors de la dernièreexpérience ( 453 e génération
à23 , 5 °),
les versétaient en
pleine phase
III : leur fécondité moyenne était de l’ordre de q.5.Le
comportement
de ces deuxlignées
estreprésenté figure
22.Il ressort
qu’après
unepériode
initiale assez uniformequi
s’étendjusqu’à
lag
e génération
dedescente,
la fécondité des deuxlignées
évolue différemment.La
lignée
277 voit nettement décroître sa fécondité.Celle-ci,
sanségaler
encore,après
18générations,
celle de la souche maintenue constamment à1 8°,
s’enrapproche
fortement : à ce moment, les Nématodes
adaptés
sontsignificativement
moinsféconds
qu’au
début de leurséjour
à 18°. Ceci ne seproduit
pas dans lalignée
453.Bien
plus,
enpoursuivant
le maintien de cettelignée
à 18° bien au-delà du cadre mentionné dans lafigure
2!, on constatequ’après plus
de 180générations
dedescente,
sa fécondité est encoresignificativement
différente de celle de la souche élevée continuellement à 18°(tabl. 2 ,). Toutefois,
à ceniveau,
cette féconditéest aussi
significativement
différente de celle despremières générations
de descente.En
définitive,
la fécondité de lalignée
277 - la moins bienadaptée
à la tem-pérature
élevée - diminue assezrapidement.
Celle de lalignée
453 - la mieuxadaptée
à 23,5° - s’avèrebeaucoup plus
stable.2
) Influence
de latempérature de prélèvement.
On
peut,
pourcela,
comparer,toujours
ài!&dquo;,
lecomportement
d’animauxadaptés prélevés
au niveau d’une mêmephase d’adaptation
mais à deuxtempératures
élevées différentes. En
l’occurrence,
les deuxexpériences
lesplus complètes
corres-pondent
à l’utilisation d’animaux en fin dephase
II :277 e génération
à 23,5! !2 g8 e
génération
à23 ° (la lignée
298 à23 °
a été soumise à l’influence de lachaleur,
au
total,
seulementpendant
3g3générations
alors que lalignée
277 à 23,5° lasupporte depuis 6 24 générations ;
cf. BRUN,ig66 b, fig. i 4 ).
Les résultats se traduisent
graphiquement figure
2,.On constate que le
comportement
des deuxlignées
étudiées devient deplus
en
plus
différent à mesure que seprolonge
leséjour
à 18°. Lalignée
23 -318° subiten effet une diminution de fécondité telle
qu’au
niveau desz8-z 9 e générations
de
descente,
les animaux retrouvent une fertilitécomparable
à celle de la souche maintenue continuellement à 18°.Descendus à des
températures
inférieures à cellesauxquelles
ils se sontadaptés depuis
ungrand
nombre degénérations,
les Nématodes voient donc leur fécondité tendre vers descaractéristiques
propres auxtempératures
de descente utilisées.Cependant
la vitesse àlaquelle
s’effectue cette évolutiondépend
dela température
de descente et du
degré d’adaptation
atteint par les animaux. Plus ceux-ci sont accoutumés à lachaleur, plus
l’évolution est lente.B ― La
fécondité après
retour auxtempératures
élevéesPour caractériser au mieux l’évolution de la fécondité moyenne lors des
expé-
riences de retour, une double
comparaison
est nécessaire. D’unepart,
avec les ani-maux de la même souche
adaptée
mais demeurée continuellement à latempérature
élevée. D’autre
part,
avec les Nématodes non acclimatés et transférés directement à cette mêmetempérature
élevée.Les
figures
24 a, b et crapportent
les résultats relatifs à lapremière
modalité définieci-dessus,
pour l’ensemble desexpériences
de retour à 23,5°.En ce
qui
concerne le deuxièmetype
decomparaison,
unexemple
en est fournipar le tableau 2,. On y compare la fécondité moyenne des
générations
correspon- dantes 18 -!23 , 5 °
d’unepart,
23,5° - 18 -! 23,5° d’autrepart (celles-ci appartenant
à la
lignée
laplus
faiblementadaptée
à 23,5° aveclaquelle
on aitexpérimenté
dansces conditions : 218
génération
de culture à cettetempérature).
De l’ensemble des
données,
deux constatationss’imposent :
a)
Une descenteprolongée
à bassetempérature
suivie de retour à latempérature
élevée
d’ada!tation
conduittoujours
à une diminution defécondité par rapport
auxanimaux maintenus continuellement à cette
température
élevée.Nous avons vu, dans la
première partie
de cetravail,
que le niveau d’accou- tumance auxtempératures
élevées se définit au mieux parl’importance
de la fécon- dité. La baisse de fécondité définie ci-dessuscorrespond
donc à une diminution dudegré d’adaptation
des Nématodes. Il en découle que la baisseprogressive
de fécon-dité observée
également,
lors des descentesprolongées
à latempérature
habituelled’élevage,
révèledéjà
cetteperte
d’accoutumance. Les retours la définissent sansambiguïté.
b)
La diminution defécondité
ainsisignalée
n’acependant jamais
abouti - dumoins pour les conditions
expérimentales employées
- au rétablissement de la sté- rilitéqui
marquetoujours
lestransferts
directs auxtempératures élevées,
des Nématodesnon
adaptés (tabl. 22 ).
Dans toutes mesexpériences,
les animaux ont donc réussi à conserver unepartie
au moins de leur accoutumancethermique.
Ce maintien desmécanismes
adaptatifs dépend
d’un certain nombre de facteurs :r) Influence de la température de
descente.Le]tableau
23 révèle comment diffère la fécondité moyenne de lapremière génération
de retour à23 , 5 °,
selon que les animauxproviennent
d’unséjour
demême durée à 18 ou à 23°
(pour
que les résultatspuissent
êtrecomparés,
les trans-ferts
2 3,5 0
z8° - 23,5° et 23,5° -+ 23° -! 23,5° ont été effectués avec des Nématodesprélevés
au même niveaud’adaptation
à 23,5° :phase
IId’adaptation).
On constate ainsi
qu’après
une descente de 17générations
à1 8°,
la diminution de fécondité parrapport
à la souche maintenue continuellement à 23,5°, est nette-ment
significative
alorsqu’elle
est loin de l’être encore au bout de 18générations
de descente à 23°.
Ainsi la descente des Nématodes à une
température proche
de celle àlaquelle
ils se sont
accoutumés,
lesdésadapte
moins - en tous les cas moinsrapidement
-qu’une
descente à latempérature
habituelled’élevage :
18°.2
) Influence
du niveau d’accoutumancethermique
des Nématodes.Au
chapitre précédent, j’ai montré,
à propos de la descente à1 8°,
que la dimi- nution de fécondité est d’autantplus importante
que les animaux sont moinsadaptés
à
23 ,5°,
c’est-à-dire sont maintenusdepuis
moinslongtemps
à cettetempérature.
Pour ce
faire, j’avais comparé
lecomportement
à 18o desgénérations
successives issues de la277 e génération
à23 , 5 °
d’unepart,
de la453 e génération
à23 ,5°
d’autrepart.
Lalignée
obtenue dans ce derniercas
se caractérisait par une fortestabilité,
même
après
18générations
de descente.Qu’advient-il
lors du retour de ces deuxlignées
à latempérature d’adaptation
de23 , 5 °?
Commel’indique
legraphique
dela
figure
25 :a)
Leurcomportement
est nettement différent. Les courbescorrespondantes
sont en effet nettement
distinctes, quelle
que soit la modalitéd’analyse,
àl’exception
toutefois des
points
fournisaprès
les deuxpremières générations
de descente à i8o : à ce niveaul’expression
de la fécondité de lalignée
453 enpourcentage
de celle de la souche de contrôle maintenue à 23,5° est affectée par uneaugmentation
anormaleet
fugace
de la fécondité de cette dernière. Si on en fait abstraction et que l’on com- pare, par le test de t, la fécondité moyenne desgénérations correspondantes
deretour à
23 , 5 °
deslignées
277 et 453(tabl. 24 ),
dans tous les cas, la différence de fécondité estsignificative.
b)
En fonction dutemps
deséjour
ài8 o ,
la fécondité de lalignée
277 diminuebeaucoup plus
vite que celle de lalignée 453,
la mieuxadaptée
initialement à latempérature
de23 , 5 °.
Eneffet,
alors que cette diminution de fécondité est sensible dès la 2egénération
deséjour
à 18° dans le cas de la souche 277 etqu’elle
ne faitque s’accroître avec le
temps,
cette diminution n’est bien évidentequ’à partir
dela 8e
génération
pour lalignée
453.En
définitive,
nous en arrivons à une conclusionidentique
à celleexprimée
au
chapitre précédent,
à savoir que lalignée
453 estplus
stable que lalignée
277.Il est en outre très intéressant de remarquer que les
lignées
moinsadaptées
que lalignée
q53mais plus adaptées
que lalignée
277 semblent montrer une stabilité inter- médiaire.3
) Influence de
la durée du retour.On arrive à la même conclusion que
précédemment ―
à savoir que lalignée
453 est
plus
stable que lalignée
277 - si l’on considère le nombre degénérations
de retour à
23 ,5°
nécessaires pour que les Nématodes retrouvent la fécondité des témoins.On
constate,
toutd’abord,
que, si la durée duséjour
àtempérature
inférieureest
faible,
larécupération exige
un nombre degénérations
de retour moinsimportant lorsque l’adaptation thermique
initiale estplus importante.
En outre, comme le montre le
graphique
de lafigure
2!, cette restauration s’exerce encoreaprès
seulementcinq générations
de retour à 23,5° à la suite d’unstage
de 18générations
ài8 o ,
dans le cas de lalignée 453,
tandisqu’un
retour deplus longue
durée s’avère nécessaire dans le cas de lalignée
277.C ― Conclusions
Entre les conclusions fournies par les
expériences
de retour et celles résultant desexpériences
de descenteseule,
il n’existe aucun désaccord. Cette constatationse trouve renforcée par le fait que, dans l’une et l’autre des
modalités,
on observeune bonne
reproductibilité
desexpériences. Ainsi,
parexemple,
les deuxlignées
A’ et Y descendues de 23,50 à 22°
(BRUN, iq66 b, fig.
y3 et117 )
ont été ramenées à23 ,5° après
avoirséjourné
à 220, d’unepart pendant générations,
d’autrepart pendant
15générations.
Commel’indique
lafigure
27, les courbes traduisant l’évolution de leur fécondité moyennependant
les 5premières générations
de retourse montrent, dans
chaque
cas, très voisines : ici encore lecomportement
des deuxlignées
est similaire.On remarquera toutefois que les résultats de retours sont
plus
révélateurs de l’état des Nématodes que lesimple
examen de leurcomportement
lors du transfertà basse
température. Ainsi,
tandisqu’une
descente à 18° des Nématodes lesplus
adaptés
à latempérature
élevée de 23,5°(lignée 453),
bien quepoursuivie pendant
1
8
générations,
estimpuissante
à entraîner des modifications defécondité,
celles-cise révèlent incontestablement
lorsque
de tels animaux sont ramenés à 23,5°. Le tableau 25 montre en effet que la différence de fécondité moyenne observée lors du retour à 23,5! entre, d’unepart,
la classe des troispremières générations
de des-cente à 18o et, d’autre
part,
la classe des 13 à i5egénérations
de descente à cettetempérature,
esttoujours significative.
Le retour à23 , 5 °
rend donc évidente unetransformation
qui,
à1 8 o ,
restait encorelatente, exigeant,
à cettetempérature,
une durée
plus longue
pours’exprimer.
Compte
tenu de cette remarque, les conclusions suivantess’imposent :
1
0 Les mécanismes
adaptifs
mis enplace
par unlong séjour
à la chaleur et l’élévationprogressive
de latempérature d’élevage
font preuve d’une certaine sta- bilité.2
° Cette stabilité se manifeste :
a)
parl’impossibilité
- pour unelignée
suffisammentadaptée
à la chaleur - de retrouver, lors de sa descente à unetempérature
inférieureprolongée pendant
1
8
générations,
la féconditécaractéristique
de la souche maintenue à cettetempé-
rature.
b)
parl’impossibilité, toujours
pour unelignée
suffisammentadaptée
à lachaleur,
lors des retours à la
température d’adaptation,
d’avoir une fertilité aussi basse que celle des Nématodes transférés directement à cettetempérature.
c)
par unerapide
«récupération
» lors du retour des animaux à latempérature d’adaptation.
3
° Cette stabilité est fonction :
a)
del’ampleur
des modificationsapportées
aux conditionsd’adaptation (tem- pérature
dedescente,
durée deséjour
à cettetempérature
dedescente).
b)
dudegré d’adaptation
des Nématodes auxtempératures
élevées. Elledépend,
en
effet,
d’unepart
de latempérature
élevéesupportée,
d’autrepart
de la durée du maintien des animaux à latempérature d’adaptation.
De toutes ces
caractéristiques,
laplus remarquable correspond
sans doute àla liaison existant entre la stabilité des mécanismes
adaptatifs
et ledegré d’adapta-
tion des Nématodes. C’est
qu’une
telle relation n’ajamais
étérelevée,
dans le cadre de lathermo-adaptation génétique,
même à propos desMicroorganismes.
SiJoi<i<os
( 1921
) distingue,
en cequi
concerne Yarameciumcaudatum,
troistypes d’adaptation d’après
leurpersistance
lors du retour aux conditions initiales :modifications,
modificationsdurables, mutations,
il lesconçoit
comme des modalitésd’adaptation
différentes et ne les relie pas directement au niveau
thermique supporté
par les Paramécies. Notonscependant
que la liaison ainsi constatée entre stabilité etdegré d’adaptation
se trouve assezfréquemment décrite,
chez lesPluricellulaires,
sous l’influence de facteurschimiques (BOC H NIG,
Ig57 ;Bo!TTG!R, Ig56 ;
COLE etal.,
195
6 ;
DAVID,I g6 2 ; D!RB!N!VA-UKHOVA, Ig62 ;
EDDY etC LL.,
1955 ; EMERSON etC
USHING
, I g 4 6 ; G ASS E R ,
1059 ; I,UCHNIKOVA,Ig6q ;
PIMENTEE etal.,
1953 ; SMIR- NOV,1961).
CHAPITRE II. - PHYSIOI,OGI! DE I,’ADAPTATION : 1 MODIFICATIONS DE LA GAMÉTOGENÈSE
ET ACCOUTUMANCE AUX TEMPÉRATURES
ÉLEVÉES
A ― Données
préliminaires
Avant
d’entreprendre l’analyse
des modifications de lagamétogenèse
sous l’in-fluence de
températures élevées, je rappellerai
brièvement certainspoints
examinés defaçon
détaillée dans despublications
antérieures.1
.
Techniques cytologiques.
Les
techniques cytologiques employées
sont celles décrites par NiGON(z949) !
NiGON et BRUN
( 1955 ).
Lagonade,
étalée enfrottis,
est colorée auFeulgen-vert lumière ;
dans cesconditions,
les observations se bornent aux chromosomes et auxlimites nucléaires et cellulaires.
2
)
Lagamétogenèse
normale.Chez cet
hermaphrodite autogame,
lagonade
est formée de deux tubes iden-tiques
serejoignant
à leur extrémité distale. Danschaque
tube(fig. 2 ,),
les pre- miersgamètes
formés évoluent enspermatozoïdes.
Ceux-ci s’accumulent à la fin du tube où ils féconderont les ovocytesqui apparaissent ensuite, l’ovogenèse
rem-plaçant
defaçon
définitive laspermatogenèse
initiale.L’ovogènese (fig.
28a).
- Dès que le Nématode a atteint la maturitésexuelle,
on voit se succéder
régulièrement,
du cul-de-sac terminal à l’utérus où s’accumu- lent les oeufs avant d’êtrepondus : germigène, synapsis, pachytène
et diacinèse.Au début de la diacinèse s’effectuent
conjointement
l’accroissementcytoplasmique
et l’individualisation cellulaire. En fin de
diacinèse,
la fécondation déclenche les divisions de maturation d’où résulte l’oeuftypique.
La
spermatogenèse
- Sespremiers
stades se réalisent chez l’animaljeune
cequi
en rend l’étude délicate.Cependant,
chez des Nématodesproches
de l’étatadulte,
on
peut
encore observer(fig.
28b)
la diacinèse et les divisions dematuration,
ainsique la
spermiogenèse.
3
)
LesPrincipaux types
demodifications
des structuresgamétogéuétiques (fig. 2 ,).
D’une
façon générale,
les altérations de lagamétogenèse,
constatées chez les Nématodesportés
àtempératures élevées,
ressemblent à cellesqui
résultent des chocsthermiques (BRUN, zg 55 ).
Onpeut
les résumer ainsi :a) Modifications
nucléaires(fig.
29a aà 2 , /).
Outre la pycnose
(fig.
29h)
et ladispersion
des éléments chromatiniens due à unedésagrégation
du noyau, onpeut
rencontrer les anomalies suivantes :Déconjugaison
ouDésynapsis.
- Peut-être parce que la chaleurrompt
les chiasmes(H!rrD!RSO:V, 19 6 3 ),
dès lepachytène,
les chromosomeshomologues,
étroitement
appariés
dans unovocyte normal, peuvent
seséparer.
A ladiacinèse,
du fait de la condensation des
chromosomes,
onpeut
facilement observer tous les intermédiaires entre les 6 bivalents habituels(fig.
29a)
et 12univalents(fig.
29c).
Polyploïdie (fig.
2,d).
Enfait,
lapolysomie (fig.
29e)
sembleplus
fré-quente
que lapolyploïdie.
Onpeut,
eneffet, compter
au niveau dugermigène jusqu’à
29
chromosomes ;
au niveau de la diacinèsejusqu’à
73.Noyaux géants (fig.
29f -
Ils sont caractérisés à la fois par des dimensions considérables(jusqu’à
io fois le diamètre d’un noyaunormal)
et par une structuredense et
complexe qui
interdit touteanalyse précise
de leur constitution.b) Modifications de la
structure cellulaire(fig.
29 g eth).
Dans l’examen d’une
gonade!
normale(fig. 2 ,)
on estfrappé,
dèsl’abord,
par la distribution sensiblement
régulière
des noyaux à l’intérieur d’une même zone.Au
contraire,
dans certaines conditionsd’élevage,
onaperçoit,
desuite,
des grou- Annales de Biologie animale. - i966.pements irréguliers
de noyaux, resserrés entre eux etséparés
des autres.Ainsi,
l’ensemble des noyauxgermigènes peut
se grouper, d’unefaçon plus
ou moinsdense,
dans l’axe de cette zone. Le
plus
souvent,l’agglomération porte
sur une fraction seulement des noyauxqui,
au nombre de 3 à 30, se rassemblent enpetits
amas dansune zone
cytoplasmique
limitée : ainsiapparaissent
de véritables cellulespluvinucléées (fig.
2,g).
Celles-ci se constituent à tous les niveaux de lagonade.
Mais c’est dans la zone terminale de l’ovairequ’elles prennent
leurplus grande
extension. On y rencontre, eneffet,
tous les intermédiaires entrel’ovocyte typique, uninucléé,
et l’étenduecytoplasmique
indiviseoccupant
la totalité de la zone danslaquelle
denombreux noyaux
d’aspect analogue
ou detypes divers,
sontgroupés
ourépartis
sans ordre
(fig.
29h). Parfois,
le rassemblement des noyauxpeut
être si dense que lafigure formée, impossible
àanalyser, rappelle
l’amasgéant hyperchromatinien.
Ainsi la
perte
d’individualité nucléaire s’associerait à laperte
d’individualité cellu- laire.B ― Les
modifications
de lagamétogenèse
au cours du vieillissement des Nématodes
Dans toutes les conditions
expérimentales employées (sauf
pour les animaux soumis à destempératures
immédiatementstérilisantes),
on constate que les animauxjeunes
sont fertiles : la stérilité s’installeensuite, plus
ou moins vite selon les condi- tions. Ilparaissait
donc nécessaire d’examiner l’évolution de lagamétogenèse
chezl’animal adulte à mesure de son vieillissement afin de saisir l’avènement de la sté- rilité sur le
plan
de lacytologie.
Pour
cela,
on a examiné un certain nombre d’individus danschaque type d’expé-
riences. Ces individus ont été
prélevés
à des moments définis de lapériode
de repro- ductioncaractéristique
del’expérience
étudiée. Engénéral,
on a étudié d’abord des individus en début deproduction ovogénétique, puis
au milieu et à la fin de leurphase
de fertilité.Enfin,
on aprélevé
des individus devenus stériles. A ces diversstades,
les anomaliescytologiques
ont étérépertoriées
et dénombrées. Ainsi l’évolution del’ovogenèse,
chez les individus maintenus ài8 o ,
a été résumée dans le tableau 26.La même
opération
a étérépétée
dans six autressituations,
soit :-
lignée
acclimatée à23 ,5° depuis 40 6 générations :
tableau 2,.- Ire
génération
à23 ,5° après
transfert direct de 18 à23 ,5° :
tableau 2,.-
lignée adaptée
à 23,5°depuis 40 6 générations
mais descendue à latempé-
rature de
1 8°,
soitpendant
igénération (tabl. 2 ,),
soitpendant
20générations (tabl. 2 10 ) .
- ire
génération
de retour à 23,5°,après
cette descente à 18° d’unegénération
seulement
(tabl. 211 )
ou de 20générations (tabl. 2,,).
Pour
chaque stade,
le nombre degonades
observées avarié,
selon lesexpériences,
entre 4et 42, avoisinant le
plus
souvent lavingtaine.
Dans cesconditions,
il ne faut accorder aux chiffres etproportions
mentionnés dans les tableauxqu’une
valeurindicative.
i.
Évolution
de lagamétogenèse
dans les souchesadaptées
à 180et23,,io (tabl.
26et2 ,).
De la
comparaison
des tableaux 26 et 27, il ressort nettement que l’évolution de lagamétogenèse
chez les animaux acclimatés à23 ,5°
estapproximativement
la même
qu’à
i8o. Tout auplus
doit-on remarquer quesi,
ài8 o ,
les modificationsdiacinétiques
lesplus caractéristiques
sont lesovocytes plurinucléés
et les noyauxgéants,
dans la soucheadaptée
à 23,5°, les noyauxgéants
sont peufréquents :
l’ano-malie la
plus typique
s’avère être ladéconjugaison.
2
.
Évolution
de lagamétogenèse
chez les Nématodestransportés
directement de 18° à23,5
0 (tabl. 2 ,).
Dans ces
conditions,
lecomportement
de lagamétogenèse
diffère considéra- blement de celui décrit dans leparagraphe précédent.
Les altérationsapparaissent
en effet très
précocement, puisqu’on
les décèle dès la fin de laspermatogenèse.
Ellessemblent,
en outre,porter
enpremier
lieu sur lamultiplication
desgonies
dans lazone
germigène.
Puis elles touchent laphase diacinétique
de croissance desovocytes qui
est alors très faiblementreprésentée,
tandis que segénéralisent
les structuresnucléaires anormales.
Enfin, conséquence probable
dublocage
des divisionsgoniales,
l’ovaire se vide.
3.
Évolution
de lagamétogenèse
dans leslignées adaptées
à23,.5°
maisayant
subi unpassage
à 18°(tabl.
2-m et2 - 12 ).
En
comparant
les tableaux 211 et 212 entre eux et avec les tableauxprécé-
demment
cités,
deux constatationspeuvent
être faites :a)
le passage des Nématodes acclimatésdepuis q.o6 générations
à 2305,pendant
une seule
génération
à i8o(tableau 211 )
s’avère sansconséquences
notables surles processus
méiotiques.
Il est intéressant de noter que la fécondité des Nématodes n’est passignificativement
différente dans les deux cas : 40,0 ± 7,1 et36,4
±4,6.
b) lorsque
les animaux ontséjourné
20générations
àz8°,
le retour à 23,5°(tabl. 212 )
entraîne de nettesanalogies
avecl’ovogenèse
de lapremière génération
i8
o -! 23,5°
(tabl. 2 ,). Cependant,
cettegamétogenèse
conserve au moins une desparticularités
de lalignée
maintenue à23 , 5 ° :
dans les deux cas, ladéconjugaison
des bivalents est un
aspect caractéristique.
Ce caractère intermédiaire des altérations cellulaires s’accorde avec les chiffres que fournit l’étude de la fécondité.4
.
Évolution
de lagamétogenèse
dans leslignées adaptées
à23,5 0
maistransplantées
ensuite à 18°
(tabl.
2.et2 10 ).
Aussi bien dans le cas de la Ire
génération
effective à 18°(tabl. 29 )
que danscelui de la 20e
génération passée
à cettetempérature (tabl. 2 ,,),
les anomaliesapparaissent plus
tardivement que chez les Nématodes maintenus constamment à 18°(tabl. 26 ).
Cettequestion
de délais mise àpart,
l’évolution de lagamétogenèse
semble se réaliser de
façon analogue
à ce que l’on voit dans la souche à 18°. Ainsi lesdéconjugaisons diacinétiques qui
caractérisaient la soucheadaptée
à23 ,5° ne se produisent plus.
Signalons
encore, car elle est iciparticulièrement manifeste,
la liaison entre lemoment où
apparaissent
les transformationsovogénétiques
et les modifications de la fécondité. Les altérations sont lesplus
tardives dans le cas de la Iregénération
à 18° : le taux de
reproduction
des Nématodes y est alors leplus
élevé :235 ,8
±1 6,8
au lieu des
14 6,8
± 15,4caractéristiques
de la souche maintenue à 18°.Après
20générations
ài8 o ,
la fécondité s’abaisse à 190,1 ±i8,i
et lesperturbations
de l’ovo-genèse
sontplus précoces.
C. - Conclusions
L’analyse cytologique
fournit donc des indications sur les processusqui
comman-dent ou limitent la fécondité des Nématodes. Elle nous conduira
également
à deshypothèses
sur le déterminismephysiologique
del’adaptation.
I
. Les variations de la
fécondité.
Trois mécanismes
pouvaient
êtreresponsables
d’une diminution ou d’un arrêt de lareproduction :
- altération du
développement embryonnaire
oularvaire ;
-
désorganisation
de laspermatogenèse ;
-
perturbation
del’ovogenèse.
Tout concourt à incriminer ce dernier processus.
Un certain nombre
d’arguments
ressortent clairement del’analyse précédente : a)
Dans toutes les conditionsexaminées,
leparallélisme
entre laproduction d’ovocytes
anormaux et l’instauration de la stérilité esttrop
évident pourqu’on puisse
le considérer comme fortuit. Il n’est pour s’enconvaincre,
que de suivre l’évo- lution de la fécondité lors du vieillissement des Nématodes élevés continuellement à 18° ou descendus de 23,50 à cettetempérature :
on constate alors(tabl. 213 )
que la fécondité diminue surtout
lorsque
les animauxdépassent jours 1/2 , âge critique
àpartir duquel
les anomaliesovogénétiques
semultiplient.
b)
Aucune anomaliemorphologique
n’a été constatée au cours de la sperma-togenèse. ,
.c)
Les modificationsovogénétiques précèdent
constamment les transformations visibles des oeufs : elles sont donc incontestablement à leurorigine.
D’autres données que, pour