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et les enfants d abord! Projet pédagogique de l IPE de Marterey.

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Academic year: 2022

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…et les enfants d’abord !

Projet pédagogique de l’IPE de Marterey.

1. En guise d’introduction

Le projet pilote IPE de Marterey

Le projet pilote IPE de Marterey a pris une forme concrète dès l’automne 2016, il s’agit à priori d’un lieu d’accueil de jour comme les autres, si ce n’est le fait que la situation de précarité d’une partie des familles accueillies, ainsi que la contrainte de placement de l’enfant (liée à la loi sur l’insertion socioprofessionnelle), obligent à penser l’inclusion et l’accueil de la diversité avec une attention singulière. Entre août 2016 et juillet 2019, nous étions situés à la rue du Valentin 12 et portions le nom d’IPE du Valentin. En août 2019, nous avons intégré des locaux plus grands à la rue Marterey 23 à Lausanne.

L’institution pour l’enfance de Marterey est un service du Centre vaudois d’aide à la jeunesse (CVAJ). Elle est subventionnée par le Réseau-L de la ville de Lausanne et le Canton de Vaud.

Elle est un lieu d’accueil de jour d’une capacité de 41 places, pour des enfants âgés de 4 mois à 5 ans. Vingt-cinq places sont réservées aux enfants dont les parents habitent le quartier ou travaillent dans des entreprises partenaires situées dans le quartier. Quinze places sont offertes aux enfants dont les parents sont bénéficiaires du revenu d’insertion (RI), provenant de Lausanne et d’autres communes du Canton de Vaud et suivant des mesures d’insertion sociale (MIS). Une de ces places permet d’accueillir les enfants dont les parents, domiciliés à Lausanne, suivent les cours dispensés par la communauté d’intérêt pour la formation des adultes, (CIFEA).

Ecrire un projet pédagogique

Devant la page blanche du projet pédagogique à écrire, nous nous sommes confrontées aux valeurs « bateaux », aux thèmes incontournables et aux mots « valises » figurant à la base des écrits pédagogiques qui nous ont inspirés durant les 2 premières années de vie de ce projet. Que pouvions- nous écrire de plus ? Tous ces concepts et ces valeurs étaient déjà écrits quelque part ! Comment innover, se démarquer ? Comment représenter les spécificités de l’IPE du Valentin qui devient l’IPE de Marterey ?

Au fil de la discussion au sein de l’équipe, le souhait a été évoqué de ne pas écrire un projet pédagogique « bateau ». Pourtant, c’est l’idée du bateau qui est restée, mais pas n’importe lequel, un navire ! L’une de nous a donc esquissé un "bateau-navire" que nous avons ensuite

« tagué » à l’aide de mots et de symboles, valeurs et concepts qui nous tiennent à cœur et qui définissent le travail à l’IPE de Marterey (voir la page de couverture où nous avons concocté une version très ordonnée de ce navire « tagué », afin de rendre cette image plus lisible).

Nous invitons donc la lectrice ou le lecteur à se laisser lui/elle-aussi embarquer dans cette métaphore du navire ! Cet écrit s’adresse à des professionnel-le-s du domaine de l’enfance ou à des parents désirant entrer dans plus de détails du fonctionnement de ce lieu d’accueil.

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Des textes pour réfléchir à la pratique

Durant les deux premières années d’exploitation, l’équipe éducative de l’IPE du Valentin a écrit des textes à chaque fois que le besoin s’en faisait sentir. Ces textes spontanés avaient pour fonction de mettre en avant une problématique rencontrée, de questionner des fonctionnements peu satisfaisants, ou de coucher sur papier nos pratiques quotidiennes afin d’en élaborer le sens pédagogique. Ces derniers nous ont beaucoup aidées à réfléchir et à construire, étape par étape, en ajustant nos pratiques aux besoins identifiés. En août 2018, nous avons décidé que le moment était venu d’écrire un projet pédagogique en reprenant l’essentiel de ces textes fondateurs. Par ailleurs, chaque éducatrice titulaire a écrit un bref texte autour d’un auteur ou d’une approche qui lui tient à cœur.

2. Le navire et sa structure

Notre imaginaire s’est laissé nourrir par le symbole du navire. Il y a des grands et des petits navires, tous sont des "maisons-usines" flottantes, conçues pour une mission bien précise : un navire marchand, un navire de pêche, un navire de guerre ou de croisière. A chacun sa coque avec son contenant, où cales, salle des machines, cabines et autres recoins sont équipés et utilisés savamment afin d’assurer la rentabilité du vaisseau. A bord, un équipage avec une mission et cap à tenir. Notre navire embarque avec des familles du 21ème siècle pour une traversée de quelques mois ou années.

2.1 La coque

La coque est l’enveloppe extérieure du navire. Elle est le contenant et aussi la surface lisse et élaborée avec le plus grand soin, permettant au navire de glisser sur l’eau tout en assurant l’étanchéité. C’est au creux de la coque du navire que nous avons installé nos valeurs et les comportements liés à ces dernières. Nous ne prétendons pas que notre pédagogie soit accomplie, tout comme à Pistoia en Italie1, nous expérimentons qu’ « elle se développe et se structure au fur et à mesure qu’elle se vérifie dans le concret des expériences, dans une confrontation d’échanges et de rencontres » (Galardini, 2009). Dès le début de l’aventure, nous avons adopté ensemble la posture de « praticiennes chercheuses ».

2.1.1 Donner du pouvoir d’agir (empowerment)

S'inspirer de la capacité d'empowerment de chacun, c’est-à-dire de la capacité d'agir par soi- même et pour soi-même dans la collaboration autour de l’intégration de l’enfant et du relais quotidien famille- institution, c’est donner une attention authentique à chaque rencontre.

Donner du pouvoir d’agir, c’est reconnaitre en l'autre sa propre réalité et montrer qu'elle a une valeur dans ce que nous vivons dans le présent, lui donner un espace pour exister. A l’IPE de Marterey, il nous importe que la réalité familiale n’aille pas à l'encontre de celle d'une institution mais plutôt qu’elle soit accueillie comme un enrichissement mutuel.

1 Sous l’influence de Loris Malaguzzi (1920-1994), penseur pédagogue italien, les villes de Reggio et Pistoia sont devenues un pôle de la pratique pédagogique et de la transmission des valeurs culturelles.

Dans ses nombreux centres de vie (nidi et scuole dell’infanzia), l’enfant est considéré à l’égal de l’adulte comme un « constructeur actif de connaissances », encouragé dans sa relation démocratique aux autres.

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La démarche de placement peut parfois être vécue comme une aide contrainte, particulièrement lorsque le placement de l’enfant est décidé par un-e professionnel-le de l'attribution de l'aide sociale. Dans ce genre de situation, il importe donc pour la famille d’être accueillie avec une place pour son histoire personnelle. Il est primordial qu’elle ait son mot à dire concernant la phase d'adaptation de son enfant dans l’institution, qu’elle puisse être actrice dans cette nouvelle étape en prenant le temps de développer des liens avec des personnes jusqu’ici inconnues. Ce qui peut paraître facile pour certains parents ne l'est pas forcément pour d’autres. « L'enfant peut être une source de force et de potentialité pour sa famille et son environnement. Souvent grâce à un petit enfant, les parents entrent dans un "agir"

nouveau » (ATD quart monde, 2003, p. 73).

Lorsque nous accueillons un nouvel enfant, nous accueillons également une famille. A nos yeux, il est impossible de considérer l’enfant comme dissocié de sa famille, chaque enfant est certes unique, mais il fait partie de son système familial. « […] Le modèle systémique affiche une croyance forte : les personnes auxquelles nous nous adressons ne sont pas fragmentées, mais elles sont un tout qui a sa propre cohérence. Elles sont en lien, interdépendantes et elles s’influencent réciproquement. Je ne peux isoler une personne […] du reste de son contexte » (Amiguet, 2010/1, pp. 41- 42). Ce regard systémique mobilise chaque membre de l’équipe dans les processus souvent complexes et toujours uniques que nous vivons. L’accueil d’une famille, quelle que soit sa provenance, vise à inclure cette dernière dans un espace de vie où ses membres trouveront suffisamment de sécurité et de liberté pour évoluer vers leurs propres projets.

2.1.2 Respecter la diversité

Notre mission principale est d’offrir un accueil de jour de qualité aux enfants et aux familles fréquentant l’IPE de Marterey, l’accès aux places offertes étant prédéfini comme énoncé ci- dessus.

Le motif de notre rencontre est toujours le besoin de trouver une solution de garde pour un enfant, afin que son ou ses parent-s puissent accéder à une formation et/ou aller au travail.

Toutefois, les étapes de vie traversées par les familles ne sont pas les mêmes, qu’il s’agisse d’un couple bien formé, dans la trentaine, avec deux emplois stables et une famille élargie à proximité ou d’un jeune couple de migrants ne parlant pas français ou encore d’une jeune femme sans formation suite à une adolescence chaotique. Des états de survie et des situations plus fluides cohabitent dans cette petite communauté. La posture « d’écoute centrée sur la personne » élaborée par Carl Rogers est un repère pour l’équipe. Cette dernière met en œuvre l’écoute, le respect, l’authenticité, l’empathie, la congruence et le regard positif inconditionnel (Rogers, 1996). Nous en avons fait une bannière sur ce navire : l’important c’est le lien, sous-entendu : tout le reste s’élabore autour de cette construction du lien (voir image de couverture). Dès notre arrivée à l’IPE de Marterey, au travers de la collaboration avec les entreprises, nous accueillons également des familles d’expatriés vivant un changement de langue, de région ou de pays pour des raisons professionnelles.

Comme le relève Mony (2011), « le respect de la diversité permet de passer de la différence comme déficit à corriger (registre de l’égalité et de l’inégalité) à la différence comme ressource à amplifier (registre de la singularité et de la complexité)». Accueillir chaque famille avec simplicité et humanité dans ce moment où son enfant passe d’un monde à l’autre (de celui de la famille à celui de la collectivité), nous évite d’entrer dans de grands débats sur

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l’interculturalité ou les normes, et nous engage vers ce que Métraux (2015) appelle :

« l’intégration créatrice, couplage d’une loyauté nourrie au monde d’origine de la famille, quelle qu’elle soit, et d’un investissement positif au monde de l’accueil de jour », choisi ou imposé.

2.1.3 Vivre le moment présent

Cette valeur est essentielle, vous la trouverez tout naturellement accrochée à l’ancre du navire.

Relevée, l’ancre permet de naviguer, accrochée dans les fonds marins, elle préserve de la dérive.

Nous constatons chaque jour à quel point la structure même du projet pilote IPE de Marterey nous amène dans un paradoxe pédagogique : la discontinuité. Le flux important des arrivées et départs des enfants dont les parents suivent des mesures d’insertion (MIS) des cours de français génère des déséquilibres répétés dans le collectif : intégrations et départs d’enfants tout au long de l’année, fréquentation d’un demi- jour par semaine pour certains enfants, situations d’enfants n’ayant pas bénéficié d’une famille élargie pour tester de petites séparations, etc. Ces situations génèrent bon nombre de périodes d’intégration difficiles.

Ces discontinuités sont un grand défi dans un contexte d’accueil de jour aspirant à la continuité et la stabilité comme repères pour les enfants et la famille.

Il nous est apparu assez rapidement qu’un antidote pourrait être de vivre intensément le moment présent. Nous avons construit nos journées autour de l’idée de « placer l’enfant au centre » et de se situer, en tant que professionnelles, dans une présence significative pour l’enfant. Le repère premier pour l’enfant est : l’adulte en lien, aujourd’hui, maintenant. Nous travaillons avec une approche de « pleine conscience »2 selon laquelle nous portons pleinement notre attention à l’enfant / aux enfants dans le moment présent afin d’être en mesure de répondre à leurs besoins affectifs et développementaux, même si nous ne sommes pas dans un contexte très stable. Nous avons instauré une stratégie de travail flexible et solidaire impliquant chacune, de l’intendante à la directrice, en passant par la remplaçante et l’éducatrice. Cette qualité de présence à l’enfant et à la famille demande de se relayer dans une interdépendance où chacune valide l’engagement de l’autre dans les interactions et s’y adapte. L’objectif commun est d’accompagner les enfants et les familles en prenant en compte leur-s individualité-s et besoin-s dans le moment présent. Cette exigence dans la collaboration est une marque de fabrique de l’IPE de Marterey. C’est également un objet de régulation constante, tant nous avons naturellement envie de reproduire à l’identique ce qui s e m b l e fonctionner, de le consigner, voire d’en faire une norme. L’expérience d é m o n t r e régulièrement que sitôt après, la réalité vient mettre en échec ce qui semblait acquis. Nous sommes convaincues que cette notion de travail flexible et solidaire est un antidote à la discontinuité, et de plus, elle préserve de la routine ainsi que du risque de coller des étiquettes sur les enfants et les familles.

2 Définition de la pleine conscience selon Jon Kabat Zinn (1994, p. 22) : « Le concept fondamental est simple. Son pouvoir réside dans sa pratique et ses applications. La pleine conscience signifie « faire attention » d’une manière particulière : délibérément, au moment présent et sans jugement de valeur

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La philosophie sociale développée par Laurent Ott a été une source d’inspiration dès les premiers accueils, nous ne pouvons ici que le citer : « tout est dans le moment et dans la qualité des moments que nous saurons créer et mettre en œuvre, dans tout environnement, même le pire. […], nous avons besoin de " constructeurs de moments ". Ces moments sont bien entendu également des moments relationnels, et en particulier de grande sécurité affective, sociale et matérielle ». (Ott, 2016, p. 64) L’IPE de Marterey n’est pas un milieu ouvert similaire aux accueils de rue dont parle Ott dans son ouvrage, toutefois notre mission d’accueil et d’intégration dans un flux important d’arrivées et de départs nous amène vers les mêmes nécessités pédagogiques. Ott poursuit « Toutes les actions […] sont centrées sur cette notion de « moments pédagogiques " également théorisés par Korczak. Ce qui compte, en effet, ce ne sont pas les modèles, ce sont les moments. Le moment est partout : Korczak structurait sa pédagogie pour qu’elle donne lieu à des moments éducatifs particuliers ; des instants d’une qualité et d’une authenticité si notoires qu’ils faisaient date, qu’ils faisaient charnière […]. Le "

Moment philosophique ", c’est du " temps qui fait sens ", qui ne s’enfuit pas, qui ne s’oublie pas. ». Nous reviendrons sur la mise en pratique de ces moments lorsque nous décrirons la « vie sur le pont » de notre navire.

2.2 Les machines et les cales

A cet étage du navire, nous découvrons ce qui fait exister et fonctionner l’IPE de Marterey ; éléments à première vue cachés à l’observateur qui débarquerait sur le pont, mais absolument primordiaux :

 Les ressources financières ainsi que les missions pédagogiques et sociales émanant des organes mandants, subventionneurs.

 L’« équipage » constitué de l’équipe de Marterey et des parents.

 La « maintenance » en quelque sorte, toute cette organisation interne permettant la vie sur le pont : les colloques, les outils de transmission, les entretiens, la supervision, la formation continue, la veille pédagogique et le travail en réseaux pluriprofessionnels.

 Les « valises » : ces bagages tout humains et personnels influençant notre vision du monde, nos comportements, nos relations, notre confiance en la vie et nos difficultés de vivre, nos rêves.

Ces divers éléments sont décrits en détail ci-après.

2.2.1 Les ressources et les missions

Nos piliers financiers sont la Ville de Lausanne pour une grande partie et le canton de Vaud dans une moindre mesure. Par ailleurs, notre appartenance au Réseau-L nous engage à tendre au maximum vers les missions ci-dessous, élaborées par un groupe de professionnel-le-s de l’enfance. Le Canton de Vaud adhère entièrement à ces missions, citées dans son mandat.

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Mission générale

 Offrir, à la journée, des prestations d’accueil d’enfants qui s’inscrivent dans un cadre de vie collectif, structuré et stable, pensé et organisé par les professionnel-le-s du champ d’activité ;

 Mettre à disposition des enfants des conditions d’accueil qui favorisent et prennent en compte leur état d’enfance ;

 Accueillir chaque enfant sans discrimination familiale, culturelle ou sociale ;

 Garantir l’efficience du rapport coût/qualité de la prestation.

Mission pédagogique

 Permettre aux enfants de découvrir et de développer leurs compétences personnelles et relationnelles ;

 Proposer un accompagnement respectueux des aspects relationnels, physiques, psychiques et sociaux des enfants confiés ;

 Soutenir les enfants dans le développement de l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes, des autres et de leur environnement ;

 Consolider, favoriser le lien familial et accompagner l’exercice de la parentalité ;

 Adapter le travail en tenant compte de la variété des constellations familiales.

Mission sociale

 Stimuler l’intégration des enfants et de leurs familles dans l’institution et l’environnement (quartier, cité, nature, etc.) ;

 Accompagner les familles en contribuant à relever les défis sociaux et éducatifs qui se présentent ;

 Œuvrer à la cohésion sociale et favoriser l’égalité des chances ;

 Encourager l’égalité entre les hommes et les femmes.

Mission préventive

 Observer et dépister les éventuels troubles liés au développement des enfants ;

 Proposer des orientations adaptées aux situations rencontrées et collaborer avec les autres professionnelles ;

 Contribuer à lutter contre la pauvreté et les exclusions sociales ;

 Travailler dans un esprit de respect de l’environnement et de développement durable.

Mission politique

 Collaborer avec les instances politiques et économiques ;

 S’appuyer sur les valeurs de la démocratie et de la laïcité ;

 Collaborer à la formation pratique, notamment pour les métiers liés à l’action pédagogique (HES, ES, CFC ASE) ;

 Accorder aux enfants une place de « petit citoyen » dans la cité.

Collaborer à la formation pratique, notamment pour les métiers liés à l’action pédagogique

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(HES, ES, CFC ASE) ;

Accorder aux enfants une place de « petit citoyen » dans la cité.

Objectifs principaux au niveau du Canton de Vaud, MIS :

 Permettre aux bénéficiaires du RI, habitant Lausanne ou un autre lieu du Canton de Vaud, ne disposant pas de solution de garde, de participer à une mesure (MIS) ou à un programme d’insertion visant le retour à l’emploi ou l’entrée en formation.

 Offrir des places d’accueil transitoires, adaptées aux besoins des parents et au rythme de la mesure (en termes de taux et de fréquence de l’accueil) dans une structure de la ville de Lausanne accueillant également des enfants du quartier.

 Soutenir les familles dans la recherche d’une solution de garde stable et pérenne à l’issue de la MIS ou du programme d’insertion.3

2.2.2 L’équipage

Sur un navire, la notion d’équipage désigne l’ensemble du personnel assurant le service et la manœuvre du navire.

L’équipe de Marterey est composée de 13 éducateurs - éducatrices au bénéfice de formations à un niveau tertiaire, d’une ASE, d’une auxiliaire pour 8.5 EPT ; d’une directrice à 80% ; d’une collaboratrice administrative à 35%, de deux intendantes et d’un pool de remplaçantes.

L’équipe tient à former un équipage avec les familles tant elle est convaincue que c’est dans le

« faire ensemble » qu’elle peut au mieux être au service de l’enfance et d’une prévention précoce.

Nous ne prenons pas une posture d’expertes, mais préférons nous positionner aux côtés de la famille. Tous les moments informels que nous pouvons partager avec les parents sont d’une importance fondamentale. Pour ce faire, au début mais également tout au long de la permanence, nous invitons les parents à passer des petits moments avec l’équipe et le groupe d’enfants.

Quand par exemple, nous remarquons que l’enfant nécessite un temps majeur pour s’adapter à l’IPE, nous impliquons les parents dans cette démarche, nous leur demandons de participer à des repas, à des goûters, à des moments de jeux pour que l’enfant puisse se sentir en confiance en présence de son parent dans son nouvel environnement.

Quotidiennement nous profitons d’échanger calmement avec les parents quand ils amènent ou viennent rechercher leur enfant. Toutes ces plages sont à nos yeux des pierres angulaires de la construction d’un lien porteur qui nous permet de répondre de façon adéquate aux besoins spécifiques de chaque enfant, de chaque famille et « cela implique donc que nous sommes invités à penser solidarité, entraide, partage de responsabilités. Non pas exclusion mais inclusion » (Amiguet, 2010/1, p.44).

3Département de la santé et de l’action sociale, service de prévoyance et d’aide sociale. Catalogue mesures s’insertion sociales 2018 p 124 et 125.

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En arrivant à l’IPE de Marterey, toutes les familles sont dans une démarche de changement, celle de reprendre des études, de suivre un stage ou des cours de français, de reprendre son travail, de trouver un nouveau travail, etc. Dans cette étape qui peut être déstabilisante, nous cherchons à accueillir l'enfant et son parent dans leurs émotions vis-à-vis des changements en cours. « …aucun enfant (ou adulte) ne peut être en dessous de lui-même, et encore moins être en retard par rapport à lui-même ». (Ott, 2016, p. 25). Ce postulat de Laurent Ott porte notre pratique quotidienne. Nous mettons notre énergie à vivre chaque journée comme unique et plaisante pour tous, partant de la volonté de « permettre à l'enfant de déployer toutes ses potentialités d'agir, dans l'ordre, le rythme et la priorité de ce qui lui conviendra » (Ott, 2016, p.32). Cette posture demande de chacune une ouverture, une écoute et une capacité créative, tout comme de la rigueur, élément essentiel à la construction des repères et de cohérence.

En tant qu’institution formatrice, nous initions les étudiant-e-s à notre manière de travailler et nous cherchons à les accompagner dans le développement de leur propre potentiel. Ils-elles font partie de l’équipage à part entière, le fait d’"embarquer sur le navire" pour quelques mois ou années invite au cœur de l’expérience professionnelle qui se veut sans cesse réflexive.

Nous mettons à profit les ressources et intérêts singuliers de chaque éducatrice, comme à Pistoia : « nous avons constamment puisé aux savoirs originaux et créatifs des personnes en tant que telles : qui aime l’art, qui aime la nature, qui a une prédilection pour la lecture… a été encouragé dans ses intérêts, considérés comme des précieuses ressources » (Galardini, 2015, p. 4-9).

2.2.4 Les valises

A l’étage des machines, se trouvent également les cales du navire ; ces endroits où l’on peut stocker des victuailles, des bagages, des cargaisons de toutes sortes. Dans notre navire, nous avons dessiné des valises, elles appartiennent tant aux familles qu’aux membres de l’équipe de Marterey. Elles représentent nos histoires de vie, nos appartenances, nos cultures diverses, nos rêves, nos espoirs et nos souffrances. En résumé, notre humanité. Nous partons du principe qu’au-delà des rôles et fonctions ce sont des êtres humains qui se rencontrent autour de l’enfant. Les forces et les faiblesses des uns et des autres se tissent dans la relation, lorsque nous prenons le temps de nous écouter, de comprendre la langue de l’autre, au propre et au figuré. Pour grandir, tout enfant a besoin d’adultes capables de créer des « espaces entre deux » offrant de la sécurité et de la liberté. Les membres d’équipage, parent- s et professionnelle-s, sont coresponsables de créer ces précieux espaces où l’enfant se sent confortable.

L’IPE de Marterey n’est pas le lieu pour traiter le contenu des valises lorsqu’il est lourd ; par contre, elle est une plateforme d’orientation vers d’autres services spécialisés, capables de prendre soin de ce qui a été identifié comme un frein. La conscience de l’existence de ces valises sur le navire nous aide à accueillir le moment présent dans ses dimensions réelles et émotionnelles en toute simplicité.

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2.2.5 La maintenance

Vu le nombre et la complexité des appareillages sur un navire, il est utile de tenir à jour un carnet de maintenance et d’effectuer régulièrement des mises à jour, des réparations, des contrôles et de s’assurer que le moteur, le système électrique, le système d’étanchéité, la boussole, sont bien opérationnels. Voici les principaux éléments de notre « programme de maintenance » :

Les transmissions d’informations quotidiennes à l’intérieur de l’équipe et avec les parents. Ces temps d’échange sont à la base d’une clarté, d’une réciprocité et d’une bienveillance dans le fonctionnement quotidien. La confiance se construit dans un dialogue accueillant les émotions, les désirs, les incompréhensions, les frustrations, les élans créatifs, l’humour et les déceptions.

Les outils internes. L’accueil flexible et solidaire4 des enfants et des familles repose sur des repères de communication et de fonctionnement finement pensés. Chaque éducateur.trice est co-responsable de s’y référer, de les améliorer et de les tenir à jour. Les étudiant-e-s et remplaçant-e-s sont invité-e-s à les consulter et à s’y référer dans un dialogue avec l’équipe.

Il s’agit de l’agenda rassemblant tous les événements qui concernent toute l’institution, du cahier de communication institutionnel recueillant les informations et anecdotes utiles à toutes. Dans chaque secteur un déroulement de journée décrivant qui fait quoi et à quel moment permet de structurer le temps sans le rigidifier. Chaque secteur à mis en place ses propres outils pour que la communication soit la plus fluide possible. Parallèlement des repères sont tenus à jour et affichés dans les endroits stratégiques : liste des spécificités aux repas, planning des organisations de sieste (afin que chaque enfant retrouve sa couchette, sa place avec sa photo, son doudou), planning des étapes dans l’apprentissage de la propreté, etc. Enfin chaque éducatrice titulaire tient à jour les dossiers des enfants dont elle a la référence.

Les colloques de secteurs et colloques institutionnels.

Ces rencontres rythmant la semaine et le mois sont les espaces de régulation, d’informations, d’élaboration, de réflexion et de décision pour les membres de l’équipe. Ils sont parfois transformés en temps de formation continue commune ou en supervision d’équipe avec des intervenants extérieurs.

Chaque secteur à son colloque hebdomadaire sur le temps de sieste. Un colloque institutionnel a lieu mensuellement après la fermeture. Les étudiant.e.s sont invités à participer aux colloques.

La formation continue et la supervision individuelle. Ces démarches sont personnelles et doivent être validées par la direction générale du CVAJ. Nous considérons qu’il est essentiel dans ce métier de pouvoir se ressourcer au travers de démarches de formation et/ou de supervision ajustées aux défis rencontrés sur le lieu de travail.

4 Cette notion d’accueil flexible et solidaire est décrite particulièrement au point 2.1.3.

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La veille pédagogique.5

Nous pensons que cet état de veille nourrit l’intérêt pour le travail quotidien et qu’il enrichit l’équipe.

Les partages autour des découvertes faites par les unes et les autres sont un véritable levain de la réflexion pédagogique et de la qualité des prestations offertes aux enfants et aux familles.

Cette veille pédagogique est ouverte et spontanée, chacune apporte dans les colloques des informations de domaines qui lui tiennent à cœur. L’alimentation régulière de cette source est un signe de la santé de l’équipage ! D’ailleurs, les parents nous font également des propositions, c’est toujours une richesse.

Les entretiens avec les familles.

Nous fonctionnons avec un système de référence dans le suivi des familles. Toutes les éducatrices sont amenées à s’occuper de tous les enfants, cependant, l’éducatrice de référence de chacun-e a pour mission de s’en préoccuper et de veiller à construire un lien de confiance avec l’enfant et sa famille, de prendre le temps de consigner les informations et observations importantes. C’est elle qui propose des temps d’échanges privilégiés aux familles ou qui répond à leurs demandes d’entretiens. Ces derniers s’organisent en fonction des besoins, lors des arrivées et départs de l’institution, et autant que nécessaire, afin de coopérer au mieux dans l’accompagnement de la croissance de l’enfant et des éventuelles difficultés observées. Parler des difficultés observées est un processus dans lequel l’éducatrice de référence et l’équipe s’engagent avec détermination et empathie, tant nous savons que tout ce qui peut être entrepris avant l’entrée à l’école pour accompagner une difficulté est précieux. Un enfant compris et accueilli dans ses difficultés va progresser, il ne demande que cela ! Nous faisons appel à des interprètes lorsque cela est nécessaire.

L’orientation des familles et la collaboration dans des réseaux pluriprofessionnels. Au-delà de l’écoute accueillante et bienveillante vis-à-vis des préoccupations des familles et des difficultés observées dans l’évolution de l’enfant, nous mettons du soin à orienter le-s parent-s vers des espaces et/ou vers des professionnels pouvant leur apporter le soutien approprié : pédiatres, pédopsychiatres, logopédistes, consultations conjugales, etc. Chaque éducatrice se rend disponible pour une collaboration élargie sous forme de réseau. Ces collaborations peuvent être importantes à différentes périodes de l’année.

2.3 Le pont

La vie quotidienne s’organise sur le pont du navire, l’énergie se dégageant des verbes tagués sur cet espace donne un aperçu de la réalité de tous les jours (voir image en couverture).

Accrochées aux barrières du pont se trouvent la santé et la sécurité. Par ailleurs, le pont est rehaussé par le " fun " : en effet le jeu, la joie et la découverte sont essentiels à l’enfance ! Enfin, l’hélicoptère représente les possibilités d’exploration à l’extérieur des murs de l’IPE de Marterey.

5 Nous entendons par veille pédagogique, l’attention à tout apport au niveau de la recherche en éducation et en développement de l’enfant, les nouveautés en matière de pratiques pédagogiques et sociales, l’évolution du métier, la politique sociale, etc.

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2.3.1 La sécurité et la santé

En écoutant attentivement les parents nous constatons qu’ils sont tous préoccupés par la sécurité offerte à leur-s enfant-s ainsi qu’à la préservation de la santé. La pertinence de la pyramide des besoins de Maslow est encore une fois démontrée (Maslow, 1943). Tant qu’ils n’ont pas vérifié par eux-mêmes que notre dispositif est sécure, ils vont surveiller, confronter, tester. Pour certain-s parent-s, il faut des mois et un nombre important d’échanges et d’entretiens avec la directrice, avec l’équipe, peut-être avec l’assistant-e social-e pour entrer dans un début de confiance. Nous donnons du temps à ce processus et ne forçons rien.

2.3.2 La vie quotidienne

« Accueillir signifie permettre des expériences à partager entre tout-petits, ou bien avec les éducateurs- trices et les parents, le tout dans une atmosphère accueillante et raisonnée, qui ne soit ni anonyme ni institutionnelle, mais personnalisée et familière ». (Galardini, 2009, p. 19- 21). Nous prenons chaque enfant en photo et proposons à la famille d’apporter une photo précieuse pour l’enfant, ou nous en prenons une à l’IPE si la famille n’en a pas. Ces photos sont affichées, aux côtés de celles de notre quotidien, de nos fêtes, car « les lieux doivent parler de chaque enfant et à chaque enfant d’affection et d’amitié ». (Galardini, 2009, p. 19- 21).

Nous mettons tout en œuvre pour nous assurer du confort et de l’individualité de chaque enfant dans les moments de vie quotidienne ; nous partons des habitudes de l’enfant à la maison, qu’elles concernent l’alimentation ou le sommeil, nous demandons aux parents de nous montrer leurs habitudes et leurs stratégies afin d’offrir des repères sécurisants et de guider l’enfant petit à petit vers le rythme de la collectivité. « Accueillir signifie encore attribuer une valeur à ces moments de la vie quotidienne, à la routine comme le déjeuner, la sieste, l’hygiène personnelle, qui scandent le déroulement de la journée. C’est justement dans le déroulement de ces actions de la vie quotidienne que se structurent les expériences des enfants dans les premières années de leur vie et que se consolide à la crèche et à la maternelle la vie de groupe. La capacité et le plaisir de grandir ensemble s’alimentent de toutes ces situations journellement répétées […] » (Galardini, 2009, p. 19-21)

Particulièrement dans le groupe nurserie, nous veillons à offrir aux enfants qui nous sont confiés une qualité de relation individuelle lors des moments de soins (changes, repas et accompagnement au sommeil). Ces pratiques rejoignent les principes pédagogiques d'Emmi Pikler6: « …le souci de toujours préserver ou susciter le plaisir que l'enfant éprouve à l'égard de l'acte proposé et de favoriser toutes les possibilités d'autonomie… au travers de chaque soin on cherche à stimuler le plaisir qu'a l'enfant à manipuler, maîtriser, faire seul, être grand ».

6 En 1946, Emmi Pikler, pédiatre et psychopédagogue crée, à la demande du gouvernement hongrois, une pouponnière pour accueillir les enfants orphelins et abandonnés. Ce sera l’Institut Lóczy du nom de la rue où il est installé à Budapest. L’équipe va y mettre en place des conditions d’accueil particulièrement innovantes pour l’époque, basées sur le respect de l’enfant, de son rythme de développement et de ses envies. Emmi Pikler sera l’une des rares à observer les nourrissons. Forte de son expérience auprès des familles, elle constate que les tout-petits peuvent développer des compétences innées, sans aucun enseignement ni apprentissage extérieur, sous le regard attentif des parents ou des éducateurs qui les observent, les accompagnent, les soutiennent et veillent à leur apporter un cadre stimulant et sécurisant, sans pour autant intervenir dans leurs apprentissages.

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« Enfin les soins doivent permettre à l'enfant de connaitre et différencier les t adultes qui s'occupent de lui tout en construisant avec eux une relation affective réelle et significative, ils doivent également contribuer à sa prise de conscience de lui-même » (David & Appell, 2008).

Ci-dessous est présenté un exemple tiré de la pratique quotidienne à l’IPE de Marterey : Lors des moments de changes (comme dans toute autre situation où nous sommes amenées à poser un geste qui implique l'enfant corporellement ou émotionnellement) nous prévenons l'enfant de ce que nous avons l'intention de faire. Nous veillons, avant de déposer l'enfant sur la table à langer, à préparer le lieu pour lui. Le reste du matériel dont nous avons besoin, nous le sortons en présence de l'enfant en cherchant toujours, au fur et à mesure de l'évolution de ses compétences, sa participation optimale. Ainsi, durant les mois qui passent, l'enfant va progressivement être plus actif. Dès qu'il en est capable, il prend lui-même la lingette imprégnée pour nettoyer son entrejambe (sauf lors de selles). Progressivement il va apprendre tous les gestes de soin de son corps pour arriver à s'approcher le plus possible de la pratique des changes debout, comme appliqué dans le groupe des trotteurs.

Ce moment est non seulement une nécessité dictée par l'hygiène mais un réel moment d'échange. Quand l'enfant prononce des sons, nous prenons soins de les répéter avec le sérieux d'un réel dialogue.

C'est une occasion rare de tête à tête que nous protégeons, autant que possible, des interférences et interruptions extérieures. Ainsi chaque enfant est assuré de bénéficier de l'attention entière de l'adulte, lorsque vient son tour.

Selon la pédagogie de Pistoia, « l’expérience vécue par l’enfant dans un service éducatif doit conserver un rapport de continuité avec l’expérience familiale » (Galardini, 2009, p. 19-21). A l’IPE de Marterey, nous portons de l’intérêt à la singularité de chaque famille et la prenons en compte dans notre manière d’accueillir l’enfant et de l’accompagner au quotidien. Nous valorisons sa culture familiale, sa langue, ses compétences et la richesse d’échanger cela avec les autres membres de l’institution. Nous invitons les parents à entrer dans les salles de vie, à y rester s’ils en ont envie ou si leur enfant en a besoin. Nous échangeons avec les parents au quotidien, de manière informelle et chaleureuse, ainsi que lors d’entretiens individuels réguliers avec une ou deux membres de l’équipe éducative. « Le travail des éducateurs doit partir de la connaissance de la réalité particulière de chaque famille. Leur action éducative sera d’autant plus efficace qu’ils sauront mieux lire le comportement de l’enfant à l’intérieur du système familial auquel il appartient. [… ]

7C’est à partir de 1975 que le Prof. Dr. Raimundo Dinello (Uruguay) a commencé à formuler la pédagogie d’expression ludocréative et son outil d’application méthodologique. La pédagogie d’expression ludocréative assure l’évolution de la globalité de chaque sujet pour grandir et devenir autonome, se développer dans le respect mutuel, accéder à la connaissance en tenant compte de son rythme biologique et de son contexte culturel.

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Nous sommes convaincus que les familles, toutes ces familles, avec leur histoire et leur identité, ont beaucoup à nous communiquer, si nous savons écouter, et des ressources à offrir si nous savons créer un espace authentique d’attention et de confrontation.

Les services éducatifs peuvent beaucoup pour les familles et les familles peuvent beaucoup pour les services ; il s’agit de trouver ensemble les meilleures solutions pour la vie des enfants. » (Galardini, 2015, p. 10-14) Nous nous laissons aussi inspirer, entre autres, par la méthodologie d’expression ludocréative7.

Cette approche mériterait d’être explicitée plus longuement, nous nous limiterons ici à en donner les principes fondamentaux : le jeu (le ludique), l’expression et la créativité.

Concrètement, cinq aires d’expression sont préconisées par son auteur Raimundo Dinello pour engager l’enfant dans les découvertes nécessaires à une croissance saine. Elles sont bien entendu adaptées à l’âge et au développement des enfants, il s’agit :

 du jeu (sous ses multiples formes),

 de l’expression plastique (graphisme au sens large avec de multiples outils ; collages, assemblages à plat ou en 3 dimensions, constructions),

 de l’expression scénographique (déguisements, marionnettes, théâtre, développement de l’imaginaire),

 de l’expression musicale (chant, instruments, bruitages)

 et de l’initiation culturelle (découverte de-des environnement-s et richesses culturelles multiples).

Jusqu’ici rien de très nouveau dans le milieu de l’enfance ! La posture pédagogique de la ludocréativité est celle de placer l’enfant et l’adulte dans une démarche créative ou chacun d’eux est acteur et auteur de ce qui est en train de se vivre. Les professionnelles sont invitées à animer ces différentes aires d’expression en mettant à disposition des enfants des éléments à découvrir, dans une posture de facilitatrices de l’expérience autonome de l’enfant tout en créant avec eux. Elles veillent à ce que chacun d’entre eux soit mobilisé dans son intérêt singulier et stimulé dans sa zone proximale de développement. Cet apport théorique vient conforter ce que nous avons appris de Freinet, de Montessori, tout comme de Pikler ou de Pistoia.

Nous limitons au maximum les moments de transitions dans la journée afin que les enfants puissent donner libre court au jeu d’imitation, au jeu de découverte motrice, au jeu symbolique. Grâce aux apports de nos ressources pédagogiques qui se nourrissent les unes les autres, à l’attention que nous portons au matériel proposé ainsi qu’à l’affection que chaque membre de l’équipe porte au lieu ; nous proposons aux enfants « des lieux généreux, où la générosité ne consiste pas seulement en la richesse et la variété du matériel auquel les enfants accèdent, mais aussi en l’attitude de l’enseignant, c’est-à-dire la manière dont le matériel est sélectionné et offert. […] Quand un lieu est beau, on s’y sent bien, on y trouve des conditions de bien-être et d’aise qui permettent une plus grande disponibilité envers les relations et le désir d’exploration. L’attention envers les qualités esthétiques traduit le soin, crée un climat agréable qui encourage des comportements et des actions positifs, influe même sur le climat social en encourageant des formes d’affection et de respect pour les choses et aussi pour les personnes » (Galardini, 2015, pp. 10-14).

Finalement, l’hélicoptère pouvant atterrir et décoller depuis le pont, illustre tout ce qu’il est profitable de vivre avec les enfants en dehors des murs de l’IPE de Marterey, une fois qu’ils ont confiance dans cette deuxième maison. Le monde est bien plus vaste que le navire

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et cette exploration de l’environnement permet de répondre à un besoin profond des enfants de découvrir et comprendre le monde mais aussi à initier certaines familles à d’autres possibles avec leurs enfants.

2.3.3 Une place pour chacun sur le pont

Certains enfants ont plus de difficultés à s’intégrer, et nous avons plus de mal à les accompagner, c’est une réalité sur ce navire ! Les ressources pédagogiques nommées ci-dessus nous invitent à aller à la rencontre du potentiel de chaque enfant. Un accompagnement de l’équipe par le pédagogue Yves Loetscher, enseignant spécialisé et formateur en ludocréativité8, nous a ouvert de nouvelles voies. Par exemple, aller chercher, par l’animation d’aires d’expressions, le potentiel et l’énergie créatrice d’un enfant ne parvenant pas encore à l’exprimer spontanément. Ou alors développer, en tant qu’éducatrice, sa capacité à signifier les limites sécurisantes dans lesquelles l’enfant peut explorer au travers de l’activité ; entraîner l’enfant dans son élan ludique plutôt que critiquer ses comportements dérangeants.

Ces démarches nous ont appris à habiter cette posture pédagogique d’être acteur et auteur avec l’enfant.

Plusieurs enfants nous ont poussés à innover. Grâce à eux, nous avons par exemple appris à travailler avec des pictogrammes, nous nous sommes initiées au soutien gestuel, nous avons travaillé autour de la régulation émotionnelle, et appris à moduler nos pratiques.

2.3.4 Un lieu de rencontre

Un autre de nos objectifs est de créer du lien également entre les familles. Cela se fait en les présentant l’une à l’autre lorsqu’elles se croisent à l’IPE, en conviant tout le monde à plusieurs fêtes chaque année. « Les services éducatifs sont des points forts de référence concrète et culturelle pour consolider le tissu social de toute ville, pour l’inclusion dans ce tissu de nouveaux sujets, de nouvelles habitudes, de nouvelles identités culturelles. Trouver des lieux où construire un réseau élargi de rapports et de soutien est une garantie de bien-être et de tutelle que l’on pouvait trouver auparavant dans le voisinage et la famille élargie, mais qui parfois manquent dans la société actuelle » (Galardini, 2015, p. 10-14).

8http://www.anim.ch/pxo305/pxo_content/medias/pedagogie_d_expression_ludocreative_25.4.201 4.pdf consulté le 29.10.2018.

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2.4 Le poste de Pilotage

Les missions et les ressources décrites plus haut donnent le cap. En ce qui concerne le management de cette petite équipe d’une vingtaine de personnes, un mode participatif impliquant chacun-e dans une coopération a été instauré. Chaque membre de l’équipe, y compris la directrice, a été engagé dans ce projet pilote avec un mandat d’innover.

La gouvernance exercée par la direction de site se réfère, entre autres, à la Stratégie de la bienveillance (Tournand, 2014). Cette approche s’adosse à 3 forces que sont la clarté, la réciprocité et la bienveillance. La liberté d’innover, qui est à la base du projet pilote, a influencé ce choix.

Lorsque tout est à créer, il faut de la clarté, savoir quelles sont les ressources et comment les utiliser, connaître les marges de manœuvre et les limites, fixer des étapes, les évaluer, savoir dire oui, savoir dire non, savoir dire « oui si… », savoir demander de l’aide. Il est intéressant de relever que nous avons aménagé l’IPE du Valentin dans un vieil immeuble voué à la démolition ayant servi d’accueil de jour à la demi-journée. Ces conditions architecturales particulières ont joué un rôle positif et décisif dans l’engagement créatif des unes et des autres et dans les choix pédagogiques. Dans les nouveaux locaux de la rue Marterey, ce travail a été repris dans un nouveau contexte, il a fallu la même énergie créative pour rendre ce lieu accueillant et adapté aux besoins des enfants.

La réciprocité engage avec l’autre une boucle de rétroaction : c’est « faire avec » ou alors renoncer « à faire avec… », lorsqu’il n’y a pas de réciprocité. La bienveillance c’est, « bien vouloir », « vouloir du bien », il s’agit d’une attitude délibérément positive. Tournand affirme que la bienveillance n’est constructive que lorsqu’elle est en interaction avec la clarté et à la réciprocité. Ces trois forces misent en œuvre ensembles, permettent une « liberté d’innover ». (Tournand, 2014).

La gouvernance exercée par la direction vise à accompagner l’équipe avec une directivité restant ouverte à la réalité, aux besoins émergents, aux contraintes, « Il n’y a pas d’opposition, comme on se l’imagine entre ce qui est contraint et ce qui est libre, mais entre ce qui dépend de l’arbitraire et ce qui dépend de la réalité » (Ott, 2016, p. 150). Une direction de site est un intermédiaire entre les mandants allouant des ressources et définissant une mission et une équipe qui s’efforce de prendre à bras le corps les situations telles qu’elles se présentent. Le poste de pilotage est surtout l’endroit où l’on réfléchit en prenant un peu de recul, en équipe, avec le directeur général du CVAJ, les mandants, des collègues, des spécialistes. Ces élaborations communes permettent de piloter dans le respect des rôles et fonctions de chacun.

Vous avez certainement remarqué l’hélice, assez discrète, dépassant de la coque ; elle représente la synergie nécessaire pour mettre en œuvre ce projet sur la longueur. La définition du mot synergie par le dictionnaire éducalingo9 explique bien les valeurs managériales ayant présidé à ce projet à tous les échelons : Ville, Canton, CVAJ, IPE du Valentin et cela est à poursuivre à Marterey. « La synergie reflète communément un phénomène par lequel plusieurs acteurs, facteurs ou influences agissant ensemble créent un effet plus grand que la somme des effets attendus s'ils avaient opéré indépendamment, ou créent un effet que chacun d'entre eux n'aurait pas pu obtenir en agissant isolément ».

9https://educalingo.com/fr/dic-fr Le dictionnaire pour les personnes curieuses.

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2.5 Le fun

Grandir, se séparer de son enfant, se séparer de son-ses parent-s, cohabiter à 41 enfants et 12-15 adultes sur le même navire des heures durant, voir arriver de nouveaux enfants en pleurs parce qu’ils ne connaissent rien de la vie du navire, c’est parfois accablant et désolant.

Ces sentiments ont leur place sur le navire.

Nous percevons cependant qu’il y a surtout du FUN sur le pont de ce navire ! Il est observable lorsqu’un enfant joue de manière créative et concentrée, développe une-des amitié-s, apprend de nouveaux mots, de nouveaux comportements ; lorsque plusieurs enfants élaborent des jeux ensembles, font des farces aux éducateurs - éducatrices ou à la directrice.

Il y a du FUN lorsque parents et éducatrices parviennent ensemble à trouver des astuces avec l’enfant pour rendre la vie plus agréable. Il y en a aussi lorsque des parents se rencontrent, se retrouvent à l’extérieur pour vivre des moments avec leurs enfants le week- end.

A l’IPE de Marterey, nous aimons faire la fête, célébrer les grands, comme les "grands- petits" événements : La maman de Quentin10 et Mirco a trouvé un travail, une éducatrice a 30 ans, une apprentie célèbre ses 20 ans ou une remplaçante ses 50 ans, Léa devient grande sœur, le papa de Jérémy a réussi un examen, c’est la fête de l’été ou de l’hiver, etc. Chaque occasion ou événement peut être générateur de fun, de joie, de fête et de partage !

2.6 Les optimistes

Un jour, toutes les conditions sont réunies pour quitter le navire : l’enfant et sa famille partent vers de nouveaux horizons à bord d’autres embarcations (sur notre dessin, les optimistes).

Les enfants du quartier et des entreprises partenaires peuvent fréquenter l’IPE de Marterey au maximum pendant 4-5 ans ; par contre les enfants dont les parents suivent des mesures d’insertion vont quitter l’IPE de Marterey dès que la situation du parent s’est stabilisée ou qu’une place de garde proche du domicile a été trouvée. Pour ces derniers, les fréquentations peuvent durer entre 3 et 18 mois. Nous veillons à mettre du soin, autant que faire se peut, autour des départs. L’éducatrice de référence prépare un livret rassemblant les photos de l’enfant depuis son arrivée, ses dessins ou tout autre symbole significatif. Une petite fête est organisée avec le-s parent-s. Nous aimons l’idée de laisser une trace du passage à l’IPE de Marterey à la famille. Les multiples échos positifs nous encouragent à poursuivre dans ce sens.

3. En guise de conclusion

Deux bannières flottent sur le navire : "l’important, c’est le lien" et "ouvrir à chacun le monde des possibles" ! Vous l’aurez compris, l’une représente notre principal outil de travail et l’autre donne le sens de chaque journée dans cette recherche de faire un bout de chemin avec chacun en partant du réel et du présent. Les enfants accueillis aujourd’hui seront les adultes de demain, les défis qu’ils auront à relever ne sont pas encore connus. Notre ambition est que le passage par l’IPE de Marterey permette à l’enfant d’expérimenter des liens de qualité avec des adultes et des pairs hors du milieu familial. Qu’il ait un maximum d’opportunités pour jouer, s’exprimer en toute liberté, transformer des objets, développer son imaginaire, découvrir son environnement.

10 Prénoms d’emprunts

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Par ailleurs, l’accueil de jour offre à l’enfant un espace pour apprendre le français, souvent à côté d’une autre langue parlée dans la famille. Nous souhaitons que chaque enfant puisse avoir confiance en lui, confiance en l’autre et confiance en la vie. Au bout de l’expérience, nous espérons que le-s parent-s quittent l’IPE de Marterey avec l’impression d’avoir été entendus, respectés, épaulés et encouragés dans leur-s projet-s. Nous sommes convaincues que l’accueil de jour participe de manière importante à promouvoir une égalité des chances entre les enfants.

Le dessin du navire a été esquissé et « tagué » en 30 minutes environ dans une joyeuse ambiance créative. La métaphore du navire nous a permis de nommer notre pratique en la rattachant à des symboles ; peut-être qu’elle a également imposé quelques limites à notre expression… Si c’est le cas, vous nous le direz, car écrire a pour but d’ouvrir un dialogue plus vaste et de continuer d’apprendre au travers du regard des autres.

Si l’idée du navire et son « tag » n’ont pris qu’une trentaine de minutes, il aura fallu bien plus de temps pour les mettre en mots dans ce document. Nous sommes fières de cette co-création que nous avons plaisir à co-signer.

Personnes ayant participé à la rédaction : Kate Bilverstone, Marie Ducommun, Marie Delacrétaz, Estel Hellen, Linda Richter et Marie Suon sont les autrices d’un ou de plusieurs petits textes. Ces textes ont été assemblés et complétés par Claire-Lise Paccaud.

…et le voyage continue à l’IPE de Marerey dès le 19 août 2019 avec Aline Matthey, Lise- Dominique Grosjean, Saida Hamroun, Maud Eggenberger, Jonas Brandt-dit-Grieurin, Nilda Tenorio, Caroline Bogoyavlenski et Marie Rosselet, ce projet va continuer à évoluer et à se transformer en lien avec le réel et de nouveaux regards.

Lausanne, novembre 2018, relu et adapté à la nouvelle situation IPE de Marterey, le 30 septembre 2021.

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Références

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