DE LA
GASTRO - ENTERITE
DU NOURRISSON
ÉTIOLOGIE — PROPHYLAXIE — TRAITEMENT
THESE
Présentée et publiquement toutenue devant la Faculté de Médecine de Montpellier
Le 30 Novembre 1906
PAR
/#/
'J / i;
Louis LÉOTH/VUD
Né à Uzès (Gard), lo 12 octobre 1879
.CP '«S-
Pour obtenir
legrade de Docteur en Médecine
/ _,
•
t-
V
MONTPELLIER
IMPRIMERIE
Gust.FIRMIN, MONTANE ET
SICAR
DI Rue Ferdinand-Faltre et Quai du Verdanson1906
PERSONNEL ÜE EA KACULTÉ
MM.
MAlItET (* ) PoyenTRUC
AssesseurProiftssen
rsClinique médicale
MM. GRASSET
(#)Clinique chirurgicale
TEDENAT.
thérapeutique et matière médicale. . . . IIAMELIN ($ç)
Clinique médicale
CARRIEU.
Clinique des maladies mentales et nerv.
MAIRET(^)
Physique médicale
IMBERT.
Botanique et liist. nat.
méd GRANEL
Clinique chirurgicale
FORGUE
(ft)Clinique ophtalmologique.
TRUC.
Chimie médicale VILLE.
Physiologie
HEDON.
Histologie
VIALLETON
Pathologie interne
DUCAMP.
Anatomie GILIS.
Opérations et appareils
ESTOR.
Microbiologie
RODET.
Médecine légale et toxicologie
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Clinique des maladies des enfants
.... BAUMEL.
Anatomie pathologique BOSC.
Hygiène
BEBTIN-SANS
Clinique obstétricale A^ALLOIS.
Professeurs adjoints :
MM. RAUZIER,
deROUVILLE
Doyen honoraire : M.
V1ALLETON.
Pi ofesseurs honoraires :
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E.BERTIN-SANS
($0,GRYNFEL'I
TM. H. GOT, Secrétaire honoraire
(Charges de Cours complémentaires
Clinique ann. des mal. syphil. et cutanées
MM. VEDEL,
agrégé.Clinique annexe des mal. des vieillards. .
RAUZIER,
prof, adjointPathologie externe
...
!SOUBEIRAN,
agrégéPathologie générale N...
Clinique gynécologique de
ROUVILLE,
prof. adj.Accouchements PUECH,
agrégé lib.A(|réf|és
en exercice
MM GALA VIELLE MM. JEANBRAU MM GAGNIERE
RAYMOND® POUJOL GRYNFELTT
EnVIRES SOUBEIRAN LAPEYRE
VEDEL GUERIN
M.
IZARD,
secrétaire.\ .! -
examinateurs de
laThèse
MM. BAUMEL,
président.MM. LAPEYRE,
agrégé.DUCAMP,
professeur.SOUBEIRAN,
agrégé.La Faculté deMédecine de Montpellier déclareque les opinions émises dans
les Dissertations qui lui sont présentées doivent être considérées comme
propres à leur auteur; nu’elle n’entend leurdonner ni approbation, ni impro-
bat'on. »
A MA MÈRE, A MON PÈRE
* — X-A
Témoignage, de mon éternelle reconnaissance
el de ma profonde affection
A MONSIEUR LE PROFESSEUR MAIRET
V
DOYEN DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE MONTPELLIER
A
MON
PRÉSIDENT DE THÈSE/
MONSIEUR LE DOCTEUR BAUMEL
' * . i
„ \ , _ V
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE DES MALADIES DES ENFANTS
I L. LÉOTIIAUL).
A MONSIEUR LE DOCTEUR DUCAMP
PROFESSEUR DE PATHOLOGIE INTERNE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE MONTPELLIER
A Monsieur
leProfesseur-Agrégé JEANBRAU
A Monsieur
leProfesseur-Agrégé LAPEYRE
A Monsieur
leProfesseur-Agrégé SOUBEIRAN
A TOUS MES MAITRES DE LA FACULTÉ
L. LÉOTIIAUn.
AVANT-PROPOS
Parvenu au
terme de nos éludep médicales,nous
tenons à remplirun
devoir'quinous
est cher.Durant
notre scolarité, nos maîtres ont bien voulu encou- rager nos efforts, c'est vers
eux que
va notre reconnaissance:M.
le professeurDucamp
, avecune
bienveillanceque nous
ne saurions oublier, a bien voulunous
aider de ses conseilset cle son amitié ; il fut
pour nous un
maîtreaimé
et écouté,
qu'il veuille bien recevoir ici le
témoignage
de notre recon- naissance./
Nous avons
trouvé, auprès deM.
le professeuragrégé
Jeanbrau, celte affabilitéque nous avons
su apprécier durant nos éludes.Nous avons également
profité de ses intéressantes leçonset de sa constante bienveillance,
nous
ne saurions ici oublier sonnom.
Nous
prionségalement M. Paul
Bernis, inspecteur de VAs- sistance publique,que
l'amitié unissait déjà à notre famille, de recevoir iciun témoignage nouveau
de notre attachement.Nous
tenons aussi ci remercierM.
le professeurBaumel du
grand honneur
qu'ilnous
fait en voulant bien accepter laVIII
présidence de noire thèse ;
nous
lui ensommes profondément
reconnaissant.Nous avons
trouvé, durant le cours de nos éludes des amis sincères, dont l’afjectionnous
a été biendouce
;nous
conser-verons dieux,
un
inoubliable souvenir.DE LA
«CASTRO - ENTERITE
DU NOURRISSON
ÉTIOLOGIE - PROPHYLAXIE - TRAITEMENT
INTRODUCTION
Historique
« La gastro-entérite est une maladie évitable ;
» Que dis-je! la plus évitable des maladies ».
Terrier.
«
La
mortalité par gastro-entérite ne cesse cle croître à» Montpellier
; elle atteint plus
du
quart de la mortalité in-» fantile totale
; la
première année
fournit plusde
69pour
» 100,
mais
le nourrisson est plus atteintque
lenouveau-
» né », disait
Mme Cayrol-Blum dans
sa thèse (Montpellier, 1901).Et, depuis 1901, les statistiques faites par
Budin
en 1903, parGœperl
en 1904, etc.,nous montrent que
la majorité des décès de 0 à 1 an sontdus aux
gastro-entérites.Les
affec- tionsdu
tube digestif sont donc, de toutes celles qui attei-gnent le nourrisson, les plus
communes
et les plus graves.i
10
—
Toxines
dérivées degermes
pathogènes, hôtes habituels del’intestin, ou
venant
de l'extérieur, toxines dérivées de fer-mentations
ayant
pris naissancedans
l’intestin, tout concourt à faire apparaîtreau
cours desmois
d’été ces gastro-entéritessi redoutables
dans
lepremier
âge.Que
lesmoyens
de dé- fense dont dispose l’organisme deviennent impuissants à lut- ter contre les poisons plusou moins
virulents apportés parles
germes
(infectionou
intoxication endogène),ou
bien à leprotéger contre
ceux
qui habitent à l’étatnormal
son tube digestif (infectionou
intoxication endogène),devenus
viru- lents à ta suite d’une alimentation défectueuse,nous
voyons aussitôt évoluer la gastro-entérite avec tout son cortège desymptômes.
Nous
tenons, dès le début de ce travail, à mettre en lumière l’importance de l’alimentationdans
la genèse des affectionsde l’enfance : l’alimentation intervient d’une façon constante, tantôt
en
servant de véhiculeaux
agents infectieuxou
aux poisons extérieurs, tantôt en apportantun
trouble dans leprocessus
chimique
de la digestion.Dans
l'un et l'autre casnous avons une
toxi-in$qbtion ;nous
nepouvons
séparer cesdeux
termes, l’intoxication succédantrapidement
à l’infec- tion.Mais,
puisque
l’alimentationnous
paraît être, d’une façonsi constante, le point de départ de toute gastro-entérite, il serait, semble-t-il, facile,
par une
réglementation rigoureuse, d’arriver à conjurerune
affection quidécime
la plupart des nourrissons.Malheureusement
l’ignorance de certains, les conditions sociales de certains autres sont souventun
obsta- clepresque
impossible àsurmonter dans
l’état actuel de nosinstitutions.
Des
difficultés sansnombre
s’élèvent lorsquenous entreprenons
de lutter contre cette affection redoutable qui, tous les jours, enlève à la classepauvre un nombre
si considérable de nourrissons.Mais nous
nedevons
pas nous11
laisser rebuter ;
nous devons
penser, au contraire, d’une fa- çon constante, à conserver cesmalheureux,
victimes d’une alimentation et d’unehygiène
défectueuses.On nous
parle sans cesse de la dépopulation de laFrance
; les statistiques que l’onnous met
sous lesyeux
ont toutespour
but denous
montrerque
lenombre
des naissancesdiminue
d’année enannée, et
immédiatement on
cherche quels sont lesmoyens
capables d’encourager à la repopulation. Mais,
pourquoi
vou-loir
augmenter
lenombre
des naissances sinous
voyons, pa- rallèlement à lui et proportionnellement,augmenter
lenom-
bre des décès ?
A
quoibon
créer sinous
nesavons
pas con- server ceque nous avons
? C’est dans ce but de conservation quenous
entreprenons de lutter contre la principale cause de mortalité infantile : contre la gastro-entéritedu
nourris- son.Trouver
leremède
n’est pas chose facile,mais nous
de- vons, par tous lesmoyens
possibles, essayer decombattre
une affection qui sévit si cruellement et avecune prédomi-
nance simarquée
sur les enfants pauvres. Il serait sans doute intéressant de poursuivre celte étude jusqu’à l’époquedu
se-vrage et
dans
les premièresannées
de la vie;
mais
lamor-
talité par gastro-entérite est surtout fréquente
dans
les quel- ques premiersmois
de la vie, etnous
limitant à l’étudede
la gastro-entérite chez le nourrisson,nous pourrons
endonner
un aperçu plus complet et,par
ce faitmême,
plus utile.De
touttemps
les affectionsdu
tube digestif de l’enfant ontpréoccupé
les auteurs,mais pendant longtemps
elles ontété
méconnues. Au commencement du
siècle dernier tous les troubles gastro-intestinauxdu
nourrisson se trouvaient con-I
tondus
dans une
seule description.Ce
n’estque peu
àpeu
quenous voyons
sedégager
les différents typesmorbides que
nous connaissons aujourd’hui. Certaines maladiesprennent
un caractère bien défini, et occupent une place à partdans
la pathologie infantile.
La
confusion persiste encore assezlongtemps
sur la nature de ces diarrhées, si fréquentes pen- dant lesmois
d’élé, lorsque, en 1826, Parrish isole le cho- | léra infantile,dont Trousseau
donnait plus tardune
sima-
gistrale description
; et à
peu
près à lamême époque Dewers
décrit
une
gastro-entérite fébrile.Les
idées continuent à évo- luer et à se préciser. Rilliet et Barthez étudient d’une façoncomplète
la gastro-entérite fébrile;
Parrot nous
décrit l’a-threpsie, vers laquelle tendent les différentes affections di-
gestives
du
nourrisson, et enfinBaginsky nous montre
que •dans
toutes ces diarrhées infantiles, qui avaientsemblé
sui-vre
un double
courant, il y a toujours lésion de gastro-enté-rite. Sevestre, Lesage, Marfan, Thiercelin
démontrent
de plus qu’elles sont uniespar
lemême
lienpathogénique
; ce
qui le prouve, c’est
que
l’injection de loxines peut déterminerla
forme
algide (choléra infantile)ou
laforme
pyrétique (gas- tro-entérite fébrile). «Avec une
dose faible,on
produit la»
forme
fébrile ; si l’onaugmente
la dose, laforme
algide»
succède
à la première. Siau
contraireon
injecte d’emblée»
une
forte dose, on détermineimmédiatement
laforme
ah» gide. » (Thiercelin, thèse de Paris, 1894.)
Nous
arrivons ainsi à la conceptionque nous nous
faisons aujourd’hui de la gastro-entérite infantile. Ilnous
reste main- tenant à préciserun peu mieux
l’idéeque nous nous
en fai- sons, etpour
arriver àune
définition exacte,un aperçu
cli-nique des différentes
formes que
peut revêtir cette affection,nous
paraît indispensable.13
-
APERÇU CLINIQUE. — DEFINITION
Sans nous
attarder à décrirelonguement
ceque Lesage
appelle les différents « états digestifs », qui
peuvent
con- duire le nourrissonaux
termes ultimes de la gastro-entérite, nouscroyons bon de
tracer des « toxi-infections » gastro-in- testinalesdu
nourrisson,deux
tableaux qui sontabsolument
(classiques, ce qui
nous
permettra de lesrésumer
rapidement.IDans le
premier nous
décrirons laforme
pyrétique de lama-
iladie,
dans
le second laforme
algide.Le premier
est celui'jui s’observe le plus
fréquemment
chez l’enfant nourriau
-sein
1
; l'autre se rencontre le plus souvent chez le nourrisson
iélevé
au
biberon.Voici
un
petitmalade
qui présente depuispeu
detemps
des
vomissements
de lait coagulé etune
diarrhée intense, lei»|: plus souvent verdâtre ; l'appétit
diminue
rapidement, et mal- iLgréune
soif ardente l’enfantabandonne
le sein après avoir«
avalé quelquesgorgées
de lait, etimmédiatement
après ap- u paraissent des régurgitations acides etun hoquet
violent,fit
Le
ventre estdur
et ballonné; en proie à des coliques atro-
Bces,
notremalade pousse
des cris violents.U
pâlit,, perd le-sommeil, diminue rapidement
de poids.Sa
langue trèsrouge
®-se couvre
fréquemment
demuguet
et diverses éruptions peu-[j|
vent apparaître sur sa
peau
: urticaire, prurigo,eczéma
sé-1 borrhéique.
14
—
L
état général de l’enfant se traduit de pluspar une
élé-vation de
température
(38°, 38°5,rarement
39°), cette ascen- sion est d’autant,moins
forteque
l’enfant est plus jeune. Lesvomissements
deviennent bilieux.Les
selles toujours verdâ- tres et cPune fétidité atrocemontrent
aumicroscope
denom- breux micro-organismes. A
cemoment-là
apparaissent sou- vent des convulsions et desphénomènes
pseudo-méningiti- ques.La
respiration s’accélère, le pouls devient fréquent etirrégulier
; les urines sont rares, souvent albumineuses.
C’est alors
que
le petitmalade
peut êtreemporté
parune
de ces graves complications, si fréquentesdans
la gastro-enté- rite(broncho-pneumonie,
méningite, etc.).Dans
d’autres casnous
assistons à la chute de latempérature
etnous voyons
apparaître laforme
algide de la gastro-entéritedu
nourris- son.Voici alors
un
tableau tout différent : Plus d’agitation, plus de cris, plus de convulsions ; l’enfant est abattu,immobile dans son
lit, souventcouché
en chien de fusil; la
peau
estplombée,
cireuse ; les extrémités cyanosées, les traits tirés, lesyeux
excavés, le nez pincé.La langue
estrouge
et sèche ;le ventre, d’abord météorisé, ne tarde pas à s’excaver.
La température
périphériquedescend
à 36°, 35°, quelquefois 34°, tandisque
latempérature
centrale dépasse lanormale
(38° en
moyenne). Le
pouls se ralentit, devient petit, filiforme
; la respiration est irrégulière; l’anurie
presque
absolue, etdans
les quelques gouttes d’urine émisesnous
trouvons de l’albumine. C’est ainsi qu’aprèsdeux ou
trois joursnous
pou-vons
assister à la terminaison fatale de la gastro-entérite :le petit
malade meurt dans
l’algidité avec dilatation pupil-laire, raideur de la
nuque
et desmembres.
Dans
d’autres cas, avant d’arriver à cettemort
rapide, no- tre petitmalade
présente des alternatives d’amélioration et de recrudescence.—
15—
C’est à la suite de ces
formes
longues et traînantesque nous voyons
souvent apparaître l’athrepsie, cette cachexieinfantile caractérisée par de la diarrhée, des
vomissements, du muguet,
des ulcérations buccales, desérythèmes
cutanés, des papules post-érosives (Jaccoud), de l’adénopathie, des ab-cès, etc...
Le
petitmalade
maigrit, dépérit, les fontanelles se rétrécissent, il y adu chevauchement
des osdu
crâne, lesmaxillaires deviennent saillants, les
yeux
excavés. «Les ma-
lades ont l'air de petit vieillards », dit
Gaston Lyon
; ils sont plongésdans une
torpeur dont ils ne sortentque pour
pous- ser des cris plaintifs.Leur
température est de 36°, 35°5.Leur
pouls ne bat qu'à 80, 85,
au
lieu de 130ou
135.Mais
l atbrepsie n’est pas le seul aboutissant de la gastro- entérite.D’une
façonpresque
généraleon
la voit apparaître chez le nourrisson demoins
de troismois
;
mais
chez lesenfants de plus de trois mois, le rachitisme est très souvent l’aboutissant de la gastro-entérite : les déformations crânien- nes avec exagération des bosses frontales et
amincissement
rie la voûte, la saillie
du
maxillaire, les déformations de lacolonne vertébrale, le thorax en carène, le rétrécissement
du
bassin, la
courbure
des os desmembres
apparaissentpeu
à peu.Le
ventre s’étale, devient saillant, et à la suite de trou- bles respiratoiresnous
assistons à quelques désordresdans
la circulation
du cœur
droit.Laissant de côté
pour
lemoment
les terminaisons auxquel-les peut aboutir la gastro-entérite
du
nourrisson (athrepsie, rachitisme, mort),nous
pouvons,nous devons même
essayer de rechercherpourquoi une même
affection peut se manifes-ter sous des aspects différents. Tantôt
une
évolution fébrilerappelant en tous points l’embarras gastrique fébrile de
l’adulte,
accompagné
d’état saburral de la langue, de ren- vois, de hoquet, dephénomènes
nerveux, de gastralgie, d’en- léralgieprovoquant une
indigestion etune
modification des—
16selles à la suite d’une alimentation
abondante
; tantôt au contraire, algiditié, torpeur, refroidissement,adynamie,
enun mot
tous les signes d’une intoxicationprofonde
de l’orga-nisme
; d’autres fois enfin la coexistenceou
plutôt la succes- sion desdeux formes
fébriles et algides, tels sont les diffé-rents aspects
que
revêt la gastro-entérite infantile.Il
nous semble au premier abord
et à la suite d’unexamen
tout superficiel,
que nous sommes
plongésdans un
dédale inextricable d’où ilnous
sera impossible de sortir.Et
cepen- dant, à la suite d’une étude plus approfondie,nous pouvons
arriver àramener
ces diversesformes
cliniques àun
typeunique
etfondamental
: le faitmême
de l'alimentation du nourrisson estpour nous
le guide qui vanous
permettre de retrouver notrechemin
en présence d’unproblème
si diffi- cile.Trois
modes
d’alimentation,en
effet, se pratiquent de nos jours :1° L’allaitement naturel, c’est-à-dire pratiqué avec
du
lait defemme
(mèreou
nourrice);
2° L’allaitement artificiel, c’est-à-dire
au
biberon ;3° L’allaitement mixte, c’est-à-dire à la fois naturel et arti- ficiel.
Tant que
les auteurs ontadmis que
la gastro-entérite était ni plus nimoins
l’effetdu
gavage, ces troismodes
d’alimen- tation ontpu
paraître aussibons
lesuns que
les autres pourle nourrisson.
Pour
les auteurs qui ontdéfendu
cette opi- nion, il y avait gavage, à la suiteduquel
se produisaient des fermentations intestinales, qui par production de poisons, fa- vorisaient l’apparition des maladies.A peu
près enmême temps que
cette théorie, en évoluaitune seconde
qui faisait de la gastro-entériteune
maladie pu-rement
infectieuse d’origine, soitexogène
(microbe provenant du lait,du
biberon), soitendogène
(microbe séjournant dans17
l'intestin et devenant
pathogène dans
certaines circonstan-ces).
La
notion d’épidémicité et de contagiositésemble
bien plaideren
faveur de la naturepurement
infectieuse de la gastro-entéritedu
nourrisson.Nous
discuterons ce point de pathogénie plus loin après avoir tracé lesgrandes
lignes del’étiologie de celte affection,
mais
ceque nous pouvons
dire dès maintenant], c'estque
s’il y a des gastro-entérites à évo- lutionpurement
fébrile,nous
devons, ainsique nous
le di-sions tout à l'heure, les
rapprocher
desembarras
gastriques de l'adulte, lasurcharge
alimentaire mettant le tube digestifdans
un
état de faiblesse relative vis-à-vis de la flore micro- bienne qui 1 habite et favorisant ainsi l’infection, etque
s’il y a des gastro-entérites àforme adynamique,
àforme
algide,nous
devons,comme
le pense Thiercelin, faire intervenirun
degré de plus d’infection. Il y a ici infection intestinale, ily a lait
contaminé ou
biberon contaminé, eten
plus de cela aussi il y aun
lait qui, n’étant pas du lait defemme,
est plusdifficile à supporter
pour
le nourrisson.Tout
cela concourt audéveloppement
desmicrobes
: les uns préparent le terrainaux
autres, et ceux-ci, trouvant devanteux un champ
libre à leur envahissement, prolifèrent et déterminent les graves accidentsdu
choléra infantile.Eh
bien ! nevoyons-nous
par réalisées les conditions né- cessaires audéveloppement
de cesmicrobes dans
les différen- tes façons d’alimenter le nourrisson ? Celui qui est nourri au seinéchappe
à toutes les causes d’infection extérieure etne présente des troubles de gastro-entérite
que
si l’alimenta- tion devientsurabondante ou
sison organisme même
ren- ferme quelque cause demauvaise
digestion lactée ; ces der- niers sontceux que Lesage
appelle des déséquilibrés hépati- ques, des enfants présentant de l’acholie pigmentaire idiopa- thique,du spasme
pylorique congénital, etc. C’est le cas (pienous rapprochons
de l’embarras gastrique fébrile de l’adulte.2
l
*
Chez
ceux, au contraire, qui sont nourris au biberon, toutes les causes decontamination semblent
concourir à déterminerles désordres les plus graves ils
nous
présenteront les désor- dresdu
choléra infantile, si rare chez l’enfant nourriau
sein.Marfan
vamême
plus loin et soutient n’avoir jamais observé de cholérachez un
enfant exclusivement nourriau
sein. Sinous examinons maintenant
les enfants dont l’alimentation est mixte,nous
constaterons chezeux
des troubles variables.Il est très fréquent de voir débuter leur affection par la for-
me
fébrile,pour
la voir se terminerpar
laforme
algide,com-
me
aussi ilspeuvent nous
présenter l’une desdeux formes
précédentes.L’aperçu
cliniqueque nous venons
de tracer de la gastro- entéritedu
nourrissonnous
paraît suffisantpour
endonner une
idée exacte;
pouvons-nous maintenant donner une
défi-nition exacte de cette affection ?
La
diversité desformes
qu’el- le peut revêtir évoluant tantôt, avec des manifestations fébri- lesou
algidesrend
difficile àcondenser dans une
définition précise les caractères de cette maladie. Aussi en terminant l’étude clinique, allons-nous plutôtdonner une
conclusionqu’une
véritable définition.Nous entendons par
gastro-enté-rite
du
nourrisson toute manifestation, fébrileou
non, appa- raissantdu
côtédu
tube digestif et liée àune
alimentation vicieuse quidétermine une
toxi-infection ; ces troubles ap- paraissent à la suite d’absorption de lait gâtéou
fermenté, à l’occasion de lamalpropreté du
biberon et de toute causediminuant
la résistance de l’organismedu
petitmalade
: érup- tion dentaire,changement brusque
de température, indispo- sition de la nourrice.Mais
les troubles digestifs liés à ces dernières causes ne sontque
légers et passagers siune
ali-mentation vicieuse ne vient pas en
aggraver
le pronostic. Si au contraire lerégime auquel
estsoumis
le nourrisson est défectueux, ce son! lessombres
tableaux de l’athrepsie, du«
rachitisme et souvent,
même
de lamort
qui vont être l’abou-tissant d’une affection si redoutable
dans
lespremiers mois
de la vie.
Nous avons
crubon
d’insister,dans
le cours de ce chapi-tre, sur les terminaisons si redoutables de la gastro-entérite
du
nourrisson. Il est incontestable que,par
des soins appor-tés à temps,
nous
ni’assistons pas, soit à l’issue fatale de lamaladie, soit à sa terminaison par Lathrepsie
ou
le rachitis-me. Malheureusement
lorsque lemédecin
est appeléauprès
de ces enfants, il est trop tard ; lamaladie
est déjà tellement avancéedans
son évolution,que
nos soins,quoique
énergi- ques, restent infructueux ; certaines familles,par
le fait de leur pauvreté, ne peuventdonner
des soins suffisants à leurs enfants, quisuccombent par
suitemême
de leur misère. C’estdans
ce but!que nous
allons entreprendre ce travail, ayant envue
de lutter à la fois contre l’incurie et la pauvreté des parents, en recherchant lesmoyens
prophylactiques et cura-tifs qui
nous
permettront d’arriver à sauver le plusgrand nombre
possible de ces enfants ainsicondamnés. Tandis que
lé
nombre
des décès reste àpeu
près lemême,
celui des nais- sances décroît,La France
est le seulpays du monde où
s’ob- serveun
pareil fait.En
présence d’une mortalité sigrande nous devons
entreprendre, à la suite de plusieurs de nos maî-tres, et en particulier de
M.
le professeurBaumel,
la lutte contreune
affection qui dépeuple notrepays
d’une façon sirapide. Mais, avant d’entreprendre l’étude
du
traitement, ilnous
paraît indispensable de tracer l’étiologie de la gastro- entérite, toute prophylaxie découlant de la causemême
d’uneaffection.
— 20 —
ETIOLOGIE
Quoique
la vraie science soit celle des causes, le cadre trop restreint de ce travail nenous
permettra pas d’insister sur l’étiologie de la gastro-entérite des nourrissons autant quele
demanderait
peut-être l’importancedu
sujet.Ou'on nous pardonne donc
si, tandisque nous nous
serons attaché à dé- crireminutieusement
certains points de cemême
sujet,nous
donnons
de certains autresune sommaire
description, nous contentantmême
parfois d’une simple énumération.Le
seul point devue
pratiqueauquel nous
voulonsnous
placer et le souci d’uneprophylaxie
et d’une thérapeutique devant en découler,nous
guiderontdans
notre choix.Et
pour
celle étiologiecomme pour
les autres parties de ce travail,nous garderons
lamême
division, c’est-à-dire quenous
étudierons les causes de la gastro-entérite chez le nour- rissonsoumis
:1°
A
l’allaiternenl naturel;
2°
A
l'allaitement artificiel;
3°
A
l’allaitement mixte.Mais
tout d’abordnous
allons étudier les conditions étiolo-giques
communes aux
troismodes
d’allaitement, l'étiologiegénérale de la gastro-entérite des nourrissons.
A
--Étiologie générale
Deux
principales causes semblent. Je 1res hautdominer
cet- te étiologie,deux
influences semblent prépondérantes, c’est l’influence de l’été, c'est l’influence de lamauvaise
alimenta-tion.
Ce
sont, en effet, cesdeux
causes réunies qui contri- buent à créer cet état digestif particulier et qui font se déve- lopper la floremicrobienne
diverse et variéeque
l’on trouve dans les gastro-entérites. Mais, à côté de cela, ilnous
faut signaler l'influence des causes prédisposantes, des causes préparantes,comme on
les anommées,
qui viennent prépa- rer le terrain et qui font des petitsune
proie facile à lamala-
die qui les décime.
1°
Causes
prédisposantes.—
Si l’influencedu
sexe est nulle, celle de l’âge est à considérer; plus l’enfant est jeune, en effet,
moins
il peut résister à la gastro-entérite, qui fait à certainsmoments
de véritables épidémies. Différentes sta- tistiquesque nous
nepouvons
reproduiremontrent que
lenombre
des décès par gastro-entérite estbeaucoup
plus con- sidérabledans
les premiersmois
de la vieque dans
les moiis suivants; et celle influence sensible de l’âge
nous
conduit na- turellement à parler de la mortalité chez les prématurés.On
comprend
avec quelle facilité sont fauchés cespauvres
en-fants, qui
semblent
ne tenir à la vieque
parun
fil ; le cho- léra infantile et i'allirepsie sontmême
leurmort
habituelle.Il en est de
même
aussipour ceux
qui viennent à la vie avec quelque tare originelle, la tuberculose, la faiblesse congéni-tale, la syphilis
; les
malformations
diverses rendent leur ali-mentation défectueuse.
Mais
à côté de celle misère physiolo-gique, il est
une
autre misère, la misère vraie. Il est tristede penser
que beaucoup
d’enfants,admirablement
conformés, bien tailléspour
la vie, sontcondamnés presque
fatalementà la gastro-entérite et à la
mort
par la situation sociale de leurs parents. 11 faut avoir pénétrédans
ces taudis, privés d’air et de lumière,où
règne l’étéune
chaleur suffocante, el voir ces enfants croupir pêle-mêle, laissés,pendant que
leurmère
est.au
travail, à la surveillance etaux
soins d’un, àpeine plus aîné, pas encore capable de se surveiller lui-même.
L’on
comprendra
alorsque
si la gastro-entérite fait déjàbeaucoup
de victimesdans
la classe aisée, c’est sur la classepauvre, sur la classe ouvrière, quelle s’abat, le plus lourde- ment.
Sur
ce terrain,on
le sait, déjà bien préparé, sur ces enfants affaiblis, vont surtout agir les causes déterminantesque nous
allonsmaintenant
étudier.2°
Causes
déterminantes.—
Influence de l’été, influence de lamauvaise
alimentation, auxquelles vont souvent se join-dre l’influence de l’évolution dentaire, telles sont nos causes déterminantes.
a) Influence de l'élé.
— Le nom
demaladie
estivale, de.
maladie
d’été(summer’s
disease des Anglais)montre
assez l’importance de celte cause. Si les épidémiescommencent
enmai,
pour
ne finir qu’en octobre, c’est surtout d'ans les mois de juin, juillet, août, alorsque
les chaleurscommencent
déjàà se faire sentir depuis
quelque
temps, quelles sont le plus meurtrières.Les
statistiquesdu département
de l’Hérault,citées
par
MlleVinsonneau dans
sa thèse,donnent pour
lesdifférentes
années une
mortalité d’enfant de 0 à 1 an égaleà 50 à 65 décès en
décembre
et de 120 à 130 en: juillet, cecipour
les populations urbaines ;pour
les populations rurales,c’est 30 en
décembre
et 60environ
en juillet, c’est-à-dire quel’influence
de
l’été estbeaucoup
plus pénible à supporter àla ville qu’à la
campagne.
C’est aussi en consultant les sta- tistiques des différentesannées
qu’au simpleexamen
de la mortalitéon
peut aisément deviner celleoù
les chaleurs ontété
modérées
et cellesoù
elles ont été excessives.La
gastro- entéritecommence donc
avec les chaleurs,augmente
avecelles et suit en force et en intensité les variations de ces cha- leurs elles-mêmes.
On comprend que
nos climats soientmeur-
triers et
que
lamaladie
d’été y fasse denombreuses
victimes : oncomprend
aussique
chez ces enfants anémiés, sidérés parla chaleur, le
moindre
écart de régime, le moind're vice d’ali-mentation ait
beau
jeupour amener
la gastro-entérite.-
. : .
/
. : - K.b) Inllüence de l'alimentation délictueuse.
— La
qualité, la quantité et le réglementation des tétées sontégalement
à considérer ; l’influence de la quantité et des différents laitssera étudiée
dans
l’étiologie particulière.Occupons-nous
simplement de la quantité de laitdonnée
et de lamauvaise
réglementation des repas.1°
Mauvaise
réglementation des repas.— Auditeur
assidu des consultations des enfants à l’Hôpital-Général,nous avons
pu,
un nombre
incalculable de fois,nous
assurer de l’influen- ce de lamauvaise
réglementation des tétées,ou
plutôt de l'absence de toute réglementation. L’observation, suivante, quenous résumons
et qui estdue
à l’obligeance deM.
le docteur Bousquet, vadonner une
idée de l’ignorance, de l’in-conscience
même
de certainesmères ou
nourrices.— n —
Observation Première
Choléra infantile et athrepsic
Due à l’obligeance de M. le Dr Bousquet, chef de clinique à la Faculté
M.
P..,âgée
de 3 mois.Entre
à l'hôpital en août 1900pour vomissements
et diar-rhée verte.
Antécédents héréditaires.
—
Néant.Antécédents
personnels.— Nourrie au
sein.Aucune
régle-mentation
alimentaire.Pas
de maladies.Maladie
actuelle.— Depuis
trois jours,vomit
sans cessedu
lait caillé, ne peut dormir.A
eu de légères convulsions.Selles verdâtres et liquides,
presque
continuelles.Pousse
depetits cris plaintifs.
Examen
objectif.— Ventre
ballonné, hors de proportion avec le corps.Température,
36°6.Avant que
l’on ait eu letemps
d’appliquer le traitement prescrit, Tentant meurt.N.
-B.— Pendant
l’examen, l'enfant poussait des cris plain-tifs, la
mère
luidonne
le sein, soi-disantpour
lacalmer
! i«
Chaque
lois qu’elle pleure, disait la mère; je luidonne
» le sein, elle se
calme un moment.
»Un
pourrait multiplier les observationspour
se rendrecompte
de l’extrême fantaisie qui préside à l’alimentation debeaucoup
d’enfants.La
plupart tètent, en effet, par jour,un
nombre
considérable de foisque
leursmères
11epeuvent
ni ne cherchent à évaluer.— 25 -
Et l’on
tombe dans un
cercle vicieux d’où il est impossible de sedégager
; l'enfant pleurepour une
causequelconque
:pour
le consoleron
lemet
au sein ; il pleurera plus tard, à cause de lamauvaise
digestion qui se fait; et fa
mère
ne trou- vera rien demieux que
de luiredonner
le sein !Les
pleurs redoubleront enmême temps que
toute nouvelle absorption*1 fera croître la gastralgie.
Ce
sontdonc
des enfants qui ont, toujours l’estomac sur- chargé ;une
digestion n’est pas terminée,que
dis-je, à peinecommencée,
qu’unnouveau
repas estimposé
!Avee un
telrégime,
comment
ne veut-on pasque
la floremicrobienne
nese développe et ne s’enrichisse,
comment
ne veut-on pasque
Iss toxines issues de l’activité de ces
microbes ou
des fermen-tations qu’ils produisent
n’empoisonnent
pas petit à petitun organisme
déjà sipeu armé pour
la résistance.Le manque
de réglementation a,
en
outre, l’inconvénient deprovoquer
fà surcharge alimentaire dont
nous
allonsmaintenant
parler.2°
Surcharge
alimentaire.— Dans
l’alimentation des en- fants, c’est plus souventpar
excèsque
l’onpèche
plutôtque
par défaut.La surcharge
alimentaire vient parfois de la tropgrande
fréquence des repas;
mais
il est des casoù
la régle- mentation se fait parfaitement,où
rien ne vient,nous
mettre sur la voie etnous
faire deviner la cause de lamaladie
: c’est qu’alors les repas,quoique
assez espacés lesuns
dès autres, sont trop copieux. Il n’est pas besoin de répéterque
cettegrande
quantité de lait stagnante estun
excellent bouillon de cultureou
se développent des fermentations plusou moins
intenses, point de départ de l’intoxication.
Avant
de faireun
court
résumé
de la bactériologie d'ans les gastro-entérites, avantmême d’examiner
l’étiologie particulière, ilnous
pa-raît de première
importance
d étudier l’influence de révolu-tion dentaire.
3° Evolution dentaire.
— Trop souvent
des enfants dont!l’alimentation est parfaitement réglée, trop souvent des en- fants
que
lemédecin
a suivispendant
plusieurs mois, présen- tent des troubles gastro-intestinaux aupremier abord
inex-*plicables.
Que
d’hésitations,que
de fauxpas
souventcommis par
desmédecins
inexpérimentés.Que
demédicaments
sou- vent inutiles prescrits :un
simple trouble physiologique est en cause. L’évolution dentaire seule est à cemoment-
là le pointde départ de la gastro-entérite.
Par un examen
systématique de labouche
de l’enfant,nous
serons à l’abri de ces alertes.Nious ne pouvons, en effet,
nous
dispenser de parler del’influence considérable de l’évolution dentaire
dans
la pa-thologie infantile.
M.
le professeurBaumel,
plusque
tout au- tre pédiatre, s’efforce demontrer
tous les jours à ses élèves!rimporlance.de
cet acte physiologique.Comment
ne veut-on pas, en effet,que
des troubles profonds résultant, soit de lamastication incomplète, soit de l’irritation locale, soit enfin cle l’excitation
nerveuse ne
retentissent sur l’organisme en- tier ?Du
côté de lapeau
les accidents sont fréquents. Il n’estpas un
seul enfant qui, àun moment
donné, nenous
ait pré-senté quelques troubles sécrétoires