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La gastro-entérite aiguë des nourrissons vue par leurs mères

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La gastro-entérite aiguë

des nourrissons vue par leurs mères *

Acute gastroenteritis in babies seen by their mothers

Marina Juillard Josette Vallée

Service universitaire de médecine générale

Faculté de médecine de Saint Étienne Campus Santé-Innovation

42270 Saint-Priest en Jarez

<josette.vallee@univ-st-etienne.fr>

Résumé.Le traitement de la gastro-entérite aiguë (GEA), une affection fréquente chez les nour- rissons, repose sur l’administration de solutés de réhydratation orale (SRO) et la réalimentation précoce. Cette étude cherche à mettre en évidence les connaissances et la vision des mères de nourrissons sur la GEA. Les mères connaissaient bien la GEA et son risque de déshydra- tation. Elles s’inquiétaient des vomissements et de la perte de poids, pas toujours surveillée.

Elles attendaient du médecin généraliste un traitement symptomatique, des conseils et d’être rassurées. Le traitement prescrit ne répondait pas à leurs attentes en l’absence d’antiémétiques.

Les SRO étaient connus et utilisés, toutefois certaines mères ne leur donnaient pas l’avantage pour éviter une aggravation de la GEA. La difficulté à les faire boire a été soulignée. Pour les mères de nourrissons, la GEA est une maladie courante, potentiellement grave. Les symp- tômes qui les inquiétaient guidaient leur souhait de traitement et reléguaient souvent au second plan l’importance des SRO. Poursuivre l’information des mères, améliorer le goût des SRO et prescrire le strictement utile pourraient améliorer la prise en charge de la GEA des nourrissons.

Mots clés :gastro-entérite, nourrisson, médecine générale

Abstract.Acute gastroenteritis (AGE) is a frequent disease in infants. Management is based on oral rehydration solution (ORS) and early feeding. This paper investigates the knowledge and vision of infants’ mothers about AGE. Mothers knew well the AGE and the related risk of dehydration. They worried facing vomiting and loss of weight, with no systematic monitoring.

They saw the GP to get a symptomatic treatment, some advice about management and to be reassured. The medical prescription didn’t meet their expectations because of the lack of antiemetic drugs. The preventive action of ORS’ was well-known, however some mothers didn’t give its benefit to avoid worsening of the disease. They pointed out the difficulties of use.

Mothers also perceived AGE as a benign disease but with severe potential. The symptoms they worried about guided their expectations of treatment, and pushed ORS into the background.

Keeping mothers informed, improving the ORS’ flavor and prescribing only what’s necessary could improve the management of infants’ AGE.

Key words:gastroenteritides, infant, general practice

Introduction

La gastro-entérite aiguë (GEA) est une affection très fréquente chez les nourrissons de moins de deux ans.

Selon l’OMS, elle associe des vomis- sements et de la fièvre à une diarrhée aiguë, définie par au moins 3 selles molles ou liquides par jour depuis moins de 14 jours. D’origine virale dans la moitié des cas, le rotavirus est responsable des formes les plus sévères (60 %) [1]. La déshydrata- tion aiguë peut survenir en quelques

heures. La transmission de la mala- die s’effectue par voie oro-fécale, aérienne et les surfaces contami- nées [2]. Elle survient sous forme d’épidémies surtout hivernales.

En 2001, en France, l’infection à rotavirus aurait été responsable de 300 000 épisodes de diarrhée aiguë chez les moins de 5 ans dont 160 000 sévères et de 9 décès annuels. Ces infections seraient à l’origine chaque année de 138 000 consultations en ville, dont 112 000 chez un médecin généraliste (MG),

Le présent article a fait l’objet d’une première publication dans la revueMédecine, vol.

13, n9, novembre 2017. Nous remercions ses auteurs et la rédaction de la revue de nous permettre de le reproduire dansMédecine Thérapeutique Pédiatrie.

doi:10.1684/mtp.2018.0672

m t p

Tirés à part : J. Vallée

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et de 18 000 hospitalisations. Le coût annuel de l’infection a été estimé à 28 millions d’euros, majoritairement lié aux hospitalisations [3]. Pour les nourrissons, la diarrhée repré- sente 30 % des motifs de consultations urgentes ou non programmées en médecine générale [4].

Les solutés de réhydratation orale (SRO) constituent le traitement de première ligne de la GEA [5-8]. Ils per- mettent de remédier à 90 % des déshydratations [9]. En France, depuis leur remboursement par la Sécurité sociale en 2003 [10], leur prescription s’est largement répandue [11-14]. En complément des SRO, l’allaitement maternel doit être maintenu et la réalimentation la plus précoce possible permettrait un meilleur gain de poids qu’une diète stricte, tout en raccourcissant la durée de la diar- rhée [15, 16]. Les médicaments proposés chez les enfants ont peu de place : le racécadotril et le diosmectite rédui- raient le volume des selles sans problème de tolérance [5, 7, 8, 17]. Le niveau de preuve des études concernant les probiotiques reste faible. Ils ne sont pas recommandés en France, tout comme les antiémétiques [18, 19].

Une enquête auprès de parents d’enfants souffrant de GEA a révélé qu’elle était source d’inquiétude et avait un impact négatif sur l’organisation des foyers [20]. Selon Anstett, l’information aux parents était primordiale ; déli- vrée sous forme écrite et orale, elle permettrait d’améliorer la qualité des soins [21].

Cette étude a pour but d’explorer les connaissances et la vision des mères de nourrissons ayant eu un épisode de GEA et de connaître leur ressenti au cours de la prise en charge médicale.

Matériel et méthode

Une enquête qualitative par entretiens semi-dirigés a été conduite auprès de mères de nourrissons de moins de 24 mois, au décours d’un épisode de GEA, indépen- damment de la gravité de l’épisode. Les mères ont été recrutées dans quatre cabinets de médecine générale de la Loire, Haute-Loire et Haute-Savoie, hors astreinte ou garde. Un appel à participer a été affiché dans les quatre salles d’attente.

Un échantillonnage raisonné a été réalisé selon l’âge du nourrisson, son rang dans la fratrie, l’âge des mères et leur catégorie socioprofessionnelle (CSP), le lieu de vie et la proximité d’un service d’urgences(tableau 1).

Un guide d’entretien a exploré l’ordonnance prescrite lors de l’épisode de GEA, les connaissances des mères sur la GEA des nourrissons, les raisons de la consultation, leurs attentes vis-à-vis du médecin (conseil ou information) et du traitement, leurs ressentis et leurs craintes, leurs dif- ficultés et leur point de vue sur la prise en charge. Les entretiens individuels ont été réalisés dans un délai maxi- mum de 3 mois après l’épisode de GEA, au domicile des mères ou au cabinet suivant leur choix, enregistrés sous

couvert d’anonymat après accord des participantes. Ils ont été intégralement retranscrits.

Une analyse manuelle thématique a été effectuée par l’enquêtrice et le deuxième auteur séparément, puis dis- cutée et mise en commun, permettant un codage.

Une déclaration à la CNIL a été enregistrée le 03 mars 2015 auprès du correspondant à l’Université Jean-Monnet.

Cette enquête rétrospective, de type observationnel, sans modification des soins courants, n’a pas fait l’objet d’une demande d’avis du comité d’éthique.

Résultats

Neuf mères ont été rencontrées, âgées en moyenne de 32 ans (23 à 37). Les nourrissons étaient âgés en moyenne de 12 mois (2 à 24), à proportion égale de premier, deuxième ou troisième enfant de la fratrie. Les familles étaient issues de fac¸on proportionnée d’un milieu rural ou urbain, un service d’urgences se situait en moyenne à 14 minutes du domicile (de 5 à 30). Le délai moyen entre l’épisode de GEA et l’entretien était de 28 jours (7 à 90).

La durée moyenne des entretiens a été de 27 min (13 à 39), huit se sont déroulés au domicile des mères et un au cabinet du MG remplacé par l’enquêtrice(tableau 1).

Définition et connaissances de la GEA

Toutes les mères nommaient la maladie de leur nour- risson sous le terme de«gastro». Pour elles, il s’agissait d’une maladie courante, de courte durée, plutôt bénigne :

« deux à trois jours comme la plupart des petites mala- dies». Toutes s’accordaient pour la définir par l’apparition de diarrhée associée ou non à des vomissements. Cer- taines y ajoutaient la fièvre, des douleurs abdominales, une anorexie et une asthénie.

L’origine infectieuse était majoritairement connue :

« des virus» ont été le plus souvent mis en cause,« le rotavirus » une fois. Certaines mères ont évoqué « des bactéries », « un microbe ». Parfois, elles l’ignoraient, invoquant une cause environnementale :«c’est les chan- gements de climats»;«c’est dans l’air».

Presque toutes les mères ont cité la transmission interhumaine et la majorité a incriminé les surfaces conta- minées : « c’est par contact avec les autres » ; « elle joue par terre, peut-être quelque chose qui traînait » ;

«éviter de toucher dans les lieux publics, tout ce qui est rampes (les choses comme c¸a). Pour lui qui ne touche rien, c’est moi le transporteur». Une autre a évoqué une intolérance alimentaire ou un contact avec un animal.

Si la plupart avaient recours à des mesures d’hygiène et d’éviction pour prévenir la contagion, certaines doutaient de leur efficacité et étaient plutôt fatalistes : «j’ai beau nettoyer, désinfecter les poignées, laver les mains, malheu- reusement on y échappe rarement»;«je ne sais pas si on

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Tableau1.Caractéristiquesdesmèresetdesnourrissons,traitement,conseilsrec¸us,duréedesentretiens. Âgedes mères (année)

Statut conjugalCSP(1)Âgedu nourrissonRangdans lafratrieLieu devieProximité service d’urgence (min) Traitementprescrit enconsultation (DCI)

Fiche-conseilDuréedes entretiensAncienneté del’épisode GEAen jours 131Couple410mois2/2Ville10SRO Racécadotril Paracétamol

Non25min.42 223Couple51mois15j2/2Ville10SRO Racécadotril Paracétamol Trimébutine

Oui13min.38 333Couple522mois3/3Semi- rural5SRO MétopimazineNon28min.90 436Couple423mois2/2Ville10Diosmectite Métopimazine Racécadotril

Non34min.7 532Couple824mois3/3Ville50Non19min.11 636Couple42mois16j1Rural15RacécadotrilNon20min.10 735Couple513mois1Rural15SRO Racécadotril Métopimazine Trimébutine

Oui (hospitalisation)39min.15 828Couple36mois19j1Rural25SRO Racécadotril Fractionnerrepas

Non30min.15 937Couple48mois17j3/3Rural30SRO Racécadotril Fractionnerrepas Non36min.25 Catégoriessocioprofessionnelles:1)Agriculteursexploitants,2)Artisans,commerc¸antsetchefsd’entreprise,3)Cadresetprofessionsintellectuellessupérieures,4)Professionsintermé- diaires,5)Employés,6)Ouvriers,7)Retraités,8)Autrespersonnessansactivitéprofessionnelle.

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peut éviter de l’attraper ! Je pense que si on le savait, on le ferait ! Il n’y a pas de vaccins pour c¸a, on ne peut pas y échapper !». Une susceptibilité personnelle individuelle a aussi été évoquée.

Symptômes inquiétants et gravité de la GEA Malgré l’impression initiale de bénignité, la survenue d’une GEA chez leur nourrisson inquiétait la majorité des participantes. Des peurs ont été exprimées :«c’est qu’ils se déshydratent ; j’ai peur qu’ils meurent quoi»! Il existait une relation entre l’âge de l’enfant et la perception de la gravité :«quand ils sont petits, c’est plus dangereux, ils se remettent moins vite»;«avant trois mois c’est beaucoup plus grave, une gastro»! Elles ont évoqué la crainte de ne pas bien interpréter les symptômes et la souffrance de leur enfant :«elle ne parle pas donc déjà pour savoir au niveau de sa douleur, si elle a soif ou faim c’était compliqué».

La réalimentation et l’hydratation préoccupaient :

«j’aurais préféré qu’elle mange, on voyait que c¸a ne pas- sait pas». Plusieurs restaient dans l’incertitude :«les doses pour les enfants, on ne les connaît pas». Les vomissements contribuaient largement à élever l’inquiétude et le senti- ment d’impuissance :«le fait que c¸a parte en jet»;«ce qui me faisait peur c’est qu’elle s’étouffe en vomissant dans son lit»,«le risque de se vider»;«plus il réclamait, plus il vomissait et même le biberon il le vomissait, par voie orale, j’avais plus de moyens d’agir».

L’association vomissements-diarrhée était reliée à la gravité ainsi que le changement de comportement, l’anorexie et la durée :«il bougeait moins c¸a alarme un peu » ; « la gastro, c’est deux-trois jours, ce n’est pas grave, mais dix-quinze jours, c’est grave pour moi » ! L’intolérance alimentaire, la fièvre, la persistance des symptômes, l’inefficacité des traitements prescrits, les troubles de vigilance auraient alerté.

La déshydratation et la perte de poids associée ont été citées par la quasi-totalité des mères comme cri- tères d’hospitalisation, tout comme une modification de comportement. Ces connaissances étaient issues d’un épi- sode antérieur : autre enfant de la fratrie ou de l’entourage proche. Une mère ignorait comment reconnaître la déshy- dratation.

Toutefois, si dans l’ensemble, les mères avaient cons- cience de l’importance de la pesée du nourrisson en consultation : « on était déjà à 5 % de perte de poids, il faut aller aux urgences après 10 % », la moitié avait contrôlé le poids. Les modalités de suivi étaient variables :

«j’allais à la pharmacie pour le faire peser»;«ils m’ont donné une feuille à l’hôpital sur le suivi de son poids»;

«j’avais pris le pèse-bébé en location pour la peser trois fois par jour». Une mère avait refusé cette prescription :

«si je devais la peser tous les jours pour moi, c¸a génère du stress, je préférais retourner voir le médecin plutôt que d’être là avec ma balance toute seule à regarder le chiffre».

Pour la majorité, la prise en charge hospitalière repo- sait sur la réhydratation intraveineuse, ou entérale par sonde gastrique pour deux dont les nourrissons avaient été concernés.

Actions avant la consultation

Aucune mère n’avait pesé son nourrisson à ce stade de la maladie. Un tiers a surveillé la température. Presque toutes ont jugé important d’hydrater leur nourrisson. Les SRO ont été cités spontanément par la moitié d’entre elles :

«j’ai privilégié l’eau en petite quantité»;«je lui ai préparé une solution de réhydratation». Certaines ont cité«l’eau de riz»; d’autres trouvaient important le«lait délactosé», le lactose étant accusé « d’entretenir » la diarrhée. Un régime antidiarrhéique a parfois été mis en route :«purée de riz et carottes, banane». Quelques mères avaient uti- lisé d’elles-mêmes un médicament :«j’essaie toujours de donner un suppo de Vogalène®».

Elles cherchaient des conseils auprès du corps médi- cal et l’entourage proche, si possible dans le « milieu médical ». Une mère a utilisé Internet, une autre s’en méfiait.

La plupart ont évoqué leur responsabilité dans la sur- veillance, les soins et le réconfort de leur nourrisson.

«Faire tout pour qu’ils puissent se nourrir et se réhydrater le plus rapidement possible »;«je ne l’aurais pas laissé une journée en garde pendant sa période de diarrhées».

Attentes de la consultation médicale

La majorité pensait qu’un avis médical était nécessaire dans les 48 heures qui suivent le début des symptômes.

La consultation permettait de poser un diagnostic pré- cis, d’évaluer la gravité et notamment l’état d’hydratation du nourrisson, d’obtenir la conduite à tenir et la guéri- son. Plusieurs mères ont apprécié le déroulement de la consultation et l’attention portée à leur nourrisson. Une surveillance rapprochée a été préconisée. La plupart ont été«rassurées»par leur MG et semblaient tranquillisées par l’obtention d’un traitement. Une mère a évoqué son soulagement de voir son nourrisson hospitalisé « entre de bonnes mains ». Pourtant, des craintes et angoisses concernant le poids ou la durée des symptômes per- sistaient chez beaucoup d’entre elles, liés au sentiment d’impuissance : « faut attendre. . . on n’a pratiquement rien à faire».

L’ensemble des mères a trouvé le traitement banal et souvent il ne répondait pas à leurs attentes par l’absence d’antiémétique :«du Motilium®, c’est ce que j’attendais le plus ». Une mère qui n’en avait pas eu avait « peur que c¸a continue ». Toutefois, leur intérêt semblait plus attendu que réel«au début j’essaie toujours de donner du Vogalène®en suppo». Deux mères ont évoqué une restric- tion récente d’utilisation de la dompéridone. Par ailleurs,

«il n’y avait pas grand-chose, juste le soluté d’hydratation

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et le Tiorfan®, si on peut appeler c¸a des médicaments parce que finalement, c’est juste de l’eau salée »; «on ne m’a rien donné pour les vomissements, je n’ai pas eu non plus le lait délactosé». Cependant pour une mère, le fractionnement de l’alimentation représentait un moyen antiémétique.

La plupart ont rec¸u des conseils sur les modalités de réalimentation et sur l’utilisation des SRO dont elles connaissaient l’effet préventif sur la déshydratation. Plu- sieurs ont évoqué des difficultés à les donner en raison de leur goût :«on le met au frais pour que ce soit moins pire au niveau du goût». Une mère s’interrogeait sur l’éventualité de le mélanger à une autre boisson pour pallier à ces diffi- cultés :«j’ai eu deux informations différentes sur le soluté : un médecin m’a dit s’il ne veut pas le prendre du tout : de le mélanger au lait, un autre m’a dit que si on le mélange il n’est plus efficace». La prescription anticipée de SRO a été jugée utile.

Celles ayant rec¸u une prescription de racécadotril connaissaient son action antidiarrhéique, mais quelques- unes doutaient de son efficacité. L’allaitement concernait une seule mère : le médecin l’avait encouragée à le pour- suivre. Certaines avaient consulté une nouvelle fois pour réévaluer leur nourrisson et faire modifier le traitement jugé inefficace.

Difficultés éprouvées

Les actions pour prévenir l’aggravation de la GEA ont fait l’objet d’une hiérarchisation : un tiers des mères prio- risait la prise de SRO, quelques-unes pensaient que les mesures d’hygiène et de désinfection étaient primordiales, d’autres évoquaient une modification de régime alimen- taire, une seule a donné l’avantage aux médicaments.

Quelques mères trouvaient qu’il existait un décalage entre les conseils rec¸us et leur application pratique :«il y a des conseils qui sont vraiment durs pour mon fils. Il faut chan- ger la nourriture, il faut lui donner quelque chose, mais mon fils il ne veut rien manger du tout»!

La GEA impactait négativement la vie familiale : temps, perturbations professionnelles et contraintes matérielles.

Elle retentissait sur l’état de santé de la mère.«Quand ils sont malades, c’est toute une organisation. C’est sûr qu’on n’a pas tous les mêmes moyens, moi j’ai de la famille qui est là pour garder les enfants quand ils tombent malades, j’ai droit à des jours d’enfants malades, j’ai aussi des heures de récupération».

Discussion

Comme dans notre étude, Haas et al. ont montré que les mères de nourrissons avaient plutôt une bonne connaissance de la GEA et de la prévention du risque de

déshydratation par SRO, avec des difficultés d’utilisation dans un cas sur deux [22]. Cependant, malgré la connais- sance de la gravité de la perte de poids, elles ne seraient qu’un tiers à surveiller le poids de leur enfant. Par ailleurs, les parents considérant que le traitement principal de la GEA aurait pour objectif l’arrêt des diarrhées et des vomis- sements, ils consulteraient surtout devant la persistance de ces symptômes.

Si nos participantes s’accordaient pour donner un SRO à leur nourrisson en cas de GEA, la plupart rapportaient des difficultés lors de la prise liées à«leur goût salé». En France, il n’existe pas de SRO aromatisé pour les nourris- sons à l’inverse de la solution de réhydratation orale prête à l’emploi au goût neutre ou aromatisé à la pêche pour adultes ou enfants à partir de 3 ans.

En 2004, une étude hollandaise a mesuré les effets de l’adjonction de jus de pomme, jus d’orange et oran- geade dans un SRO. Ces ajouts altéraient la composition du SRO et en diminuaient l’efficacité. De plus, en propor- tions acceptables sur le plan de l’osmolarité, ces solutés n’étaient pas mieux appréciés sur le plan gustatif [23].

Les recommandations éditées par les sociétés de pédiatrie ne mentionnent pas le risque d’altération de composition des SRO en cas de mélange avec une autre boisson [5- 8]. En 2016, une étude canadienne a conclu que chez des enfants en bonne santé de six mois à cinq ans pré- sentant une GEA sans signe de déshydratation ou avec une déshydratation légère, le jus de pomme dilué de moi- tié constituait une bonne alternative au SRO en termes d’hydratation [24].

Nos participantes ont parfois eu recours à un lait sans lactose ou attendaient sa prescription pour dimi- nuer la diarrhée. L’intolérance au lactose secondaire à une GEA est rare, moins de 5 % des cas. Avant quatre mois, il existe peu de données. Elle serait observée après un épisode de GEA à rotavirus, plutôt chez le nourris- son de moins de six mois, ou s’il existe une malnutrition ou une déshydratation sévère [6-9]. Après quatre mois, la réalimentation avec le lait habituel est possible. La réapparition d’une diarrhée profuse après cette réintroduc- tion, constituant le syndrome post-entéritique, témoigne d’une intolérance au lactose secondaire qui justifierait la prescription d’un lait sans lactose pendant une à deux semaines. Chez un nourrisson ayant une alimentation diversifiée, aucun régime restrictif ne doit être prescrit pour favoriser la prise de poids. Les aliments aux propriétés antidiarrhéiques reconnues sont conseillés (carottes, riz, compotes de pommes-coings, bananes) sans exclure le lait et les laitages [19].

Malgré les inquiétudes et attentes des mères, les anti- émétiques n’ont pas de place dans la prise en charge de la GEA [17]. La dompéridone citée au cours des entre- tiens a une balance-bénéfices-risques défavorable chez les nourrissons compte tenu de son absence d’efficacité pour

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prévenir la déshydratation. Des recommandations ont été émises en 2014 par l’ANSM pour minimiser les risques cardiaques liés à ces médicaments. La Revue Prescrire a aussi alerté sur les risques cardiaques et les troubles extrapyramidaux liés à la dompéridone qui n’est plus rem- boursée pour les nausées et vomissements des enfants, depuis le 17 mars 2017 [25-27].

Concernant les antidiarrhéiques, le racécadotril et le diosmectite ainsi que certains probiotiques semblent réduire la durée de la diarrhée ; ils pourraient être envisagés en complément de la réhydratation par SRO [17]. En 2014, l’étude d’Aleksanian-Emirzian A. et al menée auprès de MG et pédiatres libéraux, a montré la persistance de la prescription de médicaments asso- ciés aux SRO. Notre étude lui fait écho en révélant le besoin pour les mères d’obtenir un traitement médicamen- teux symptomatique, minimisant l’importance des SRO, non considérés comme des médicaments en tant que tels [12].

Les mères attendaient des informations au cours de la GEA. Anstett a montré le bénéfice sur la qualité des soins et la prévention de la déshydratation d’une information écrite remise aux parents, en complément de l’information orale délivrée par le MG [21]. Pour s’informer, nos parti- cipantes n’ont jamais cité le carnet de santé alors qu’il comprend des conseils en cas de diarrhée (p. 22-3) et une présentation des signes d’alerte. Une recherche effectuée par l’enquêtrice avec les mots clés«diarrhée nourrisson» dans le moteur de recherche Google® a conduit à des informations de qualité variable, de prime abord sur des forums médicaux ou des blogs parentaux. Les auteurs y privilégient le régime sans lactose et antidiarrhéique. Pour la réhydratation, les SRO sont cités parmi une multitude d’autres boissons et leur importance n’est pas mise en avant.

Il pourrait exister un meilleur référencement de sites de santé publique (OMS, UNICEF) permettant aux parents d’accéder à des informations validées sur la GEA. Par ailleurs dans le dépliant destiné aux parents :«Diarrhée du jeune enfant, éviter la déshydratation» (2017, Santé publique France) il n’est pas fait mention de la nécessité de réalimentation précoce associée au SRO.

Notre étude comporte des limites, notamment la faible taille de l’échantillon et un possible biais de recrutement au profit d’épisodes de GEA plus sévères, qui ont proba- blement plus incité les mères à participer. La vaccination contre le rotavirus n’était pas connue des participantes, et n’a pas été évoquée par l’enquêtrice, car le but était d’explorer le ressenti des mères face à une GEA. De plus, le service médical rendu de ce vaccin a été jugé insuffisant par la HAS en 2015, et la recommandation de vaccination des nourrissons suspendue par le HCSP.

Liens d’intérêts :les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

Points à retenir

Les mères de nourrissons connaissaient bien la GEA et son risque de déshydratation.

Les vomissements, l’intolérance alimentaire et la perte de poids étaient source d’inquiétude.

Les mères souhaitaient avant tout un traitement médicamenteux, notamment antiémétique.

Les SRO étaient connus, utilisés avec difficultés, et pas toujours prioritaires à leurs yeux.

La discordance entre les attentes médicamenteuses et l’absence d’intérêt des substances habituellement propo- sées oblige le MG à renouveler ses habiletés relationnelles et impose une information de qualité délivrée aux mères de nourrissons.

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