FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX.A.ÏSriSrÉE 1901- 1902 No 94
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU REDRESSEMENT PROGRESSIF
DE
LA GIBBOSITfi POTTIOLE
par l'exposé de quelques résultats
TIIKSE POUR JE DOCTORAT M MEDECINE
présentée
et soutenuepuliiiquement le 25 Juillet 1902
Charles-François BAROTTE
Né àTroyes(Aube), le 4 octobre 1877.
Examinateurs de laThèse
Rlftl. P1ÉCHAUD, professeur... Président.
MASSE, professeur..
DENUCÉ, agrégé }Jtujes.
BÉGOUIN, agrégé
Le Candidatrépondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
AlBRIME 11 IE Y. GADOUE 17 — KUK rOQUELlN-iUOLJÈRE 17
1902
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PIIAliMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES.... Doyenhonoraire.
PROFESSEURS MM. MICE
DUPIJY j
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Professeurshonoraires.MoUSSOUS MM.
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FIEUX.
PACHON.
PRINCETEAU.
LAGRANGE.
CARLES.
LeSecrétaire dela Faculté: LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août 1S"9, laFacuitéaarrêté quelesopinions émisesdans les Thèsesqui
sont présentées doivent être considéréescomme propres à leursauteurs, et qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
A Monsieur le Docteur
GOURDON
Directeurduservice demassothérapie et degymnastique
médicale à l'Hôpital
desenfantsdeBordeaux, Professeur libre
d'orthopédie,
Officierd'académie,
Membre correspondantdela Société de
chirurgie orthopédique allemande.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur
T. PIÉCHAUD
Professeurdecliniquechirurgicaleinfantile, à
la Faculté de Médecine
deBordeaux, Chirurgien deshôpitaux, Officier del'Instructionpublique.
AVANT-PROPOS
Au moment de
terminer
nosétudes médicales,
cenous est un
devoir bien doux à
remplir,
quecelui de remercier les maîtres
qui ont bien voulu s'intéresser à nous.
Nous avons
commencé notre stage hospitalier à l'Hôtel-Dieu
de
Limoges, dans le service de MM. les professeurs Lemaistre
et
Raymondaud. Ils ont guidé nos premiers pas dans l'art de
soigner et de guérir cette enfance souffreteuse que d'autres, plus
tard, ont continué à
nousapprendre à aimer.
Qu'ils
nouspermettent de leur dire que nous aurons toujours
à
l'esprit leurs doctes enseigncmenls et leurs sages conseils.
Ces
premières études, nous les avons complétées à la Faculté
de médecine de Bordeaux.
Nous
avonssuivi renseignement de
plusieurs des maîtres éminents dont elle s'honore. La dette de
reconnaissance que nous avons
contractée envers eux est de
celles
qui
nes'oublient
pas.Nous remercierons
spécialement M. le professeur Piéchaud
de la bienveillance
qu'il
a eue pournous et de l'intérêt qu'il a
bien voulu
toujours
nousporter.
Notre reconnaissance
ira surtout à notre cher maître, M. le
Dr Gourdon,
directeur du service orthopédique à l'hôpital des
Enfants de Bordeaux.
Il a bien voulu nous
fournir le sujet de notre thèse et nous permettre de publier
sesobservations qui servent de base à
notre travail
inaugural.
Nous ne pourrons
jamais assez le remercier de tout ce qu'il
a fait pour nous.
C'est sous ses
auspices, c'est grâce à son enseignement de
chaque jour
que nousavons pu nous initier à ces méthodes
nouvelles et
apprendre cette technique du redressement qui,
dans ces derniers temps, a
produit tant de merveilles.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU REDRESSEMENT PROGRESSIF
DE
LA GIBBOSITÉ POTTIQDE
PAR
L'EXPOSÉ
DEQUELQUES RÉSULTATS
INTRODUCTION
Au fur et à mesure que
l'on fouille davantage l'histoire des
peuples, l'humanité des temps les plus reculés nous apparaît, à
travers la multitude des
siècles qui
nousséparent, semblable,
sous bien cles
rapports, à l'humanité d'aujourd'hui. Même
cortège de
maux,mêmes souffrances physiques, mêmes infor¬
tunes morales.
La tuberculose était connue
dès la plus haute antiquité, et,
sanslui reconnaître sa
véritable étiologie, l'on s'essayait déjà à guérir l'une de
sesplus redoutables localisations : la tuberculose
vertébrale.
L'on
s'attaquait à l'effet,
sansen soigner la cause, et l'on
s'efforçait,
pardes
moyensviolents, de réduire la bosse, sans
essayer
de maintenir cette réduction.
Ilippocrate et Gallien nous ont conservé, chacun en ce qui le
concerne,
le récit de leurs stériles efforts.
Lessavants ne se
découragèrent pourtant
pas, etnous voyous, entre autres,Albucasis
au x°siècle, Delacliamps, Ambroise
Paré et Fabrice
d'Aquapendente,
au xive,s'occuper, dans leurs écrits, de la gibbosité pottique.
Avec
Aurran,
en1771,
nous voyonsapparaître
unenouvelle
méthode de
guérison.
«
J'appliquai, écrit il dans
le Journal de médecine de la même année, unappareil
propreà redresser le
tronc, à gêner lesmouvements, etj'ordonnai le
reposcontinuel jusqu'à
ce que lessignes de l'ankylose des vertèbres
altérées annonçassentleur
réunion ».
Aurran
inaugurait ainsi les deux grandes méthodes qui
separtagent
encoreaujourd'hui le
traitement desgibbosités pottiques.
Les successeurs
d'Aurran, David (1779), Pott (1783), Paletta (1788), Delpech (1816), Nichet
etDupuytren
secontentèrent uniquement,
pourleurs sujets, de l'immobilisation prolongée
dans le décubitus
horizontal,
avec révulsion sur lapartie
malade.
Yenel essaya
de réunir, dans
un mêmetraitement, le port
d'un corset avec l'immobilisation.
Le litimmobilisateur fut
apporté de Wûrtzbourg
parMilly et
modifié par
Maisonabe. Puis
il yeut celui de Gilbert
d'Her-court
(1858) combattu
parGosselin, Boyer et Nélaton; l'appareil
de Maas
(de Fribourg); le lit de Ficher (de Londres).
Un peu
plus tard,
nous voyons encoredes hommes distingués
continuer à défendre les méthodes d'immobilisation. C'est dans cet ordre d'idées
qu'ont
parules appareils de Bampfield, d'Har- risson, de Pravaz, de Behrend, la gouttière de Bonnet, la caisse
de
Nebel, le lit de Phelps. Enfin,
nousconnaissons, de
nosjours,
le lit
plâtré de Lorenz, le lit de Lannelongue, le lit portatif de
Piéchaud.
Mais à côté
d'eux, d'autres
auteursse sontingéniés
àchercher
une méthode par
laquelle le gibbeux pût espérer voir,
en mêmetemps,
salésion guérir
et sagibbosité diminuer.
De là toute la série des méthodesde redressementdontnous neretien-drons que
les plus importantes : celles de Sayre, de Calot, de
Chipault, de Wolff, etc.
La méthode de redressementen un
seul temps, lancée
avecgrand éclat
parM. Calot, dans
sacommunication à l'Académie de
médecine en
juin 1897, rencontra
unevive opposition de la part
des adversaires du redressement de la
gibbosité pottique. La
suite leur donna
raison,
etdes
reversdouloureux forcèrent Calot
lui-même à modifier saméthode.
Cette méthode est, en
effet, trop brutale et l'on s'expose aux
accidents que
M. Ménard avait
suprévoir.
Aussi tous les
orthopédistes qui ont persisté dans l'étude du
redressementdes
gibbosités, préconisent, tous, les méthodes de
douceur et les traitements par
étapes.
Notre maître,
M. le D1' Gourdon, s'est inspiré,
pourtraiter les
différents cas
qui
sesont présentés à lui, de la méthode préco¬
nisée par
le professeur Julius Wolff, de Berlin, de celle de Re¬
dard et de
Ducroquet, mais
enles modifiant et en précisant la
technique simplifiée.
Cette méthode découle d'un
principe
quele docteur Wolff,
professeur d'orthopédie à Berlin,
aplusieurs fois appliqué aux
déformations du
squelette, et toujours
avecun égal succès : je
veux
parler du redressement
parétapes. Appliquée au traite¬
ment de la
gibbosité pottique, elle
adonné, entre les mains du
Maître
allemand, quelques bons résultats.
M. le D1' Gourdon
agit donc
pardes redressements lents et
espacés, et suivant des indications spéciales dans le choix des
malades à
opérer. Sa technique
aété exposée tout au long, dans
une thèse
précédente,
parnotre camarade, le docteur Pelletier.
Employée depuis plusieurs années, elle a donné des résultats
que
je viens
exposerici. Les
unssont définitifs, les autres le
sont presque
et l'on est autorisé à
enprévoir le succès final.
Notre travail apour
but d'exposer simplement des faits obser¬
vés montrant que,
dans des
casdélimités, on peut espérer plus
que
la guérison du foyer tuberculeux lui-même, le redressement,
tout au moins
partiel, de certaines gibbosités. Après chacune
des observations nous avons cherché à
expliquer le mécanisme
du redressement obtenu.
CHAPITRE PREMIER
Pourquoi devons-nous tendre à redresser les gibbosités pottiques?
Ail sein de la
grande famille des bossus, le pottique figure
pour une
bonne part. 11
y a untiers de bossus pottiques
sur l'ensemble des déformations du rachis.L'histoire de ces effondrements vertébraux est
toujours la
même :
Voiciun
jeune enfant de 5, 6, 9,
10 ans.Jusqu'ici il s'était bien porté, il était gai,
ouvert,jouait
avec sescamarades
avec toute l'ardeur et toute l'insouciance de sonâge. Mais, depuis quel¬
que
temps, le voilà devenu triste, maussade, il
seretire
dans lescoins, il fuit
sesjeunes amis, il
soulfre dudos, il
ades
sortes decoliques sèches. Lui, autrefois
sisouple, il tourne
sacolonne
vertébrale tout d'une
pièce, et,
pour sebaisser, il est obligé de
fléchir lesgenoux, et
d'arc-bouter
ses bras sur les cuisses pour s'éviter le moindre mouvement du rachis.C'est que
la tuberculose
acommencé lentement son œuvre.Qu'elle ait
rongé d'abord le
corpsvertébral
oufait
sonpremier point d'apparition dans
une autrepartie de la vertèbre, qu'elle
soit
enkystée
ouinfiltrée, humide
ousèche, elle s'étend
peuà
peu
et
gagnetoute
unesérie
de vertèbres voisines.« La destruction de la substance
spongieuse
auniveau du foyer tuberculeux,
adit M. Denucé, dans
sonlivre surlemal dePott, l'ostéite raréfiante
dont ellepeut être le siège à l'entour,
diminuent la résistance des corps
vertébraux
àla surcharge
que leur transmet lepoids des parties sus-jacentes. Un affaisse¬
ment de la
partie antérieure malade
desvertèbres,
en est laconséquence, et produit la gibbosité
».— 17 —
Cet affaissement
peut
seproduire lentement,
parsurcharge
fonctionnelle,
ou sefaire brusquement
parsuite d'un trauma¬
tisme
quelconque, d'une chute
parexemple.
Quoi qu'il
ensoit, la formation de la gibbosité entraîne la
modification descourburesdu rachiset
l'apparition des lordoses
de
compensation.
D'autres
parties du squelette sont modifiées, le bassin devient cvphotique; la tête paraît s'allonger, et prend cet aspect que
Witzel et Lorenz ont si bien décrit et
qui
marquecette face de pottique d'une empreinte indélébile qui Je désigne, par avance,
aux remarques
de la foule.
A mesure que sa
colonne vertébrale
seplie, s'effondre,
le thorax de l'infortuné
pottique
sedéforme de plus
enplus :
lescôtes
s'allongent, leurs courbures tendent à s'effacer, le ster¬
num se
projette
enavant, et voilà le
pauvrehère doté, en dehors
de sabosse
postérieure, d'une saillie antérieure.
Les organes
vont
setrouver bien à l'étroit dans cette cage thoracique resserrée transversalement, et, par malheur, ceux qui sont là, sont des
organesessentiels.
Les poumons,
le
cœur,l'aorte vont être comprimés, changés
de
place. L'hémostase
sefera moins facilement, le sang sera
moins riche en
oxygène, la combustion
seramoins active, les
différents territoires de
l'organisme seront moins bien irrigués
et,
étant moins bien nourris, seront exposés à tous les acci¬
dents.
Le
pottique
aurabeau prendre des précautions, se nourrir
convenablement,
éviter les trop grandes fatigues,
sebien vêtir,
la moindre chose
agira
sur ses poumonsdélicats, il sera sujet
aux rhumes, aux
bronchites,
auxpneumonies, à la phtisie. Et
s'il ala chance de 11e pas
voir
ses poumonspris, ni d'autres
localisations tuberculeuses dans son corps,
il est
presquesûr
(pie soncœur
présentera des symptômes d'insuffisance, lot habi¬
tuel de ces déformés : une
dilatation, puis
unehypertrophie du
cœur droit et,
parfois,
uneinsuffisance des orifices pulmonaire
et
tricuspidien, qui seront suivis, pour le cœur fatigué, de la
dégénérescence graisseuse.
Barotte 2
Cette inflexion du rachis entraîne
également
une courbure en avant de l'artèreaorte, dont le
calibre se trouve diminué. Les membres inférieurs en sontmoins bienirrigués
et sontatteints
d'une
parésie
vague.Ces
phénomènes
sontbien
souventaggravés
par unevéritable paralysie due
àla compression de la moelle. Il
est vrai que par¬fois cette
compression n'est point due exclusivement
àl'écroule¬
ment maisàune
pachyméningite
parpropagation tuberculeuse.
Gibbosité
postérieure, poitrine
en carène en avant,compli¬
cations graves
du
côté dusystème respiratoire et circulatoire, aggravées parfois de désordres du
côté dusystème
nerveux,abcès par
congestion
:voilà donc,
aupoint de
vuephysique, le
triste apanage
du gibbeux pottique. Voilà
cequi fait de lui,
comme nous le disions au commencement de ce
chapitre,
un être souffreteuxqui traînera
unevie lamentable, exposée à tous
les heurtset à toutes les
catastrophes.
A côtéde cette souffrance
physique, il
y a pourle malheu¬
reux
pottique de véritables
torturesmorales
à endurer. Il se sent surtout dominé parcette idée
que sataille diminue sensi¬
blement,
qu'il s'écroule,
quedéjà les regards sont tournés
vers lui etqu'il est
enbutte
aux risées.11 a connu tous les charmes de la
vie,
ce pauvreinfirme, il
en a
goûté les jouissances. Jeune homme, il était
destinéauplus
brillant
avenir; jeune fille,
sa grâce et sabeauté
lafaisaient
radieuse
partout où elle passait, et voilà
que,petit à petit, cette
riante
perspective
vas'assombrir.
Les
parents, éperdus,
sedésespèrent devant leurs enfants
devenus difformes et cette tristesse des
parents vient
encore aggraverl'état
moraldes
malades.Aussi, de
quelle émotion n'avons-nous
pas vu ces pauvres parentssaisis
envoyant leurs enfants reprendre des formes plus normales; quelles lueurs
rayonnantesd'espoir n'avons-
nous pas vues
éclairer
cesvisages tristes de bossus,
en consta¬tant ce que
des redressements
successifs leur avaientgagné et
ce
qu'ils leur permettaient d'espérer
encore!
Ce serait
déjà
unfardeau d'amertume
bien assez lourd si ladifformitén'étaitpour
le pottique qu'une
causede misères physi¬
ques
et morales, mais il faut
encorequ'elle soit
une caused'in¬
fériorité sociale. La société ne lui
pardonne point la difformité
dont il est atteint et il passe
à travers les âges, raillé, bafoué, moqué, jouet des grands, amusement des foules.
Dès les
temps les plus reculés,
onle voit, Pendj
sousles Per¬
ses,
Maccus
sous les Romains,servir de
personnagegrotesque
aux divertissements du théâtre.
Au
moyen-âge, il devient,
avecles rachitiques rabougris,
l'hôte des maisons
seigneuriales,mais quel hôte! Un
peumoins
considéré que
les hauts lévriers qui jouent
auxpieds de la
noble
châtelaine, c'est
un êtrequi sert à l'amusement de la
cour,
c'est le fou.
Les siècles ont
passé, le tiers
aremplacé les autres ordres,
les
places sont ouvertes à tous
;le bossu croit avoir le droit de
vivreau
grand air, il croit pouvoir
passerinaperçu, et, impitoya¬
ble, 1'
âmepopulaire le cloue
aupilori
sousles traits caricaturés
de Jean
Mayeux, c'est à dire du garde national libertin,
mau¬vais et sectaire.
Et de nos
jours,
ne voyons-nous pasle bossu rester
presqueétranger
ausein de cette société qui le rejette malgré tout de
son sein? A
peine toléré dans les milieux riches, dans
cessalons
où il
peut à peine
serisquer,
parcequ'il est accueilli
pardes
sourires
équivoques de raillerie
oudé pitié, il reste, dans la
classe pauvre, ce
qu'il
yétait jadis,
unêtre d'infortune,
enproie
à toutesles humiliations et à toutes les injures.
Et
cependant, les bossus ont fourni à l'histoire nombre de
noms illustres!
Depuis Esope, le plus célèbre d'entre
eux,jusqu'à
cecélèbre
maréchal de
Luxembourg,
que «l'on n'avait jamais cependant
pu
voir de dos
», enpassant
parAmelunghi, Richard III, le premier Gondé, Liehtenberg, Guillaume d'Orange et tant d'au¬
tres,
combien de
cesgens-là ont illustré la grande famille des
bossus !
Mais,
quevoulez-vous, la difformité reste, le peuple ne voit
qu'elle, le romancier s'en souvient, et si
nous ouvronsl'un
— 20 —
des
premiers livres qu'ait écrits le génie de l'homme, Y Iliade,
nous voyons
déjà apparaître
unbossu, Thersite, et
sousquels
traits le
peint-on?Sous les traits
«du plus lâche et du plus laid
de tous les Grecs
qui vinrent
ausiège de Troie
».Dans notrelittérature
contemporaine, le bossu reste
encoreet toujours le type ridicule; si l'homme de lettres
veutproduire
une forte
antithèse,
ilprend le type de
cebossu, de
ceQuasi- modo,
etlui
metau cœur un amour comme en auraient puavoir
d'autres
hommes, Ruy-Blas, Don Carlos,
ouSaint-Prix.
Aussi, quelle amertume déborde dans
cette pauvreâme ulcé¬
rée ! Comme cet infortuné souffre de son état
physique, de
son avilissement social!Entendez-le se
plaindre dans
«le Roi s'amuse
».Quels
accents
douloureux, quelles paroles tristes! Comme il lui vient
au cœurde la rancune contre cettesociété maudite dans
laquelle
il ne vit que pour
souffrir !
0 rage,être bouffon !ô rage, êtredifforme !
Moi,cefou, cebouffon,moi cette moitiéd'homme, Cetanimal douteuxà qui ludisais:chien!
Le
grand poète avait bien compris toute l'amertume contenue
dans cette âme endolorie du déformé!
En résumé le
gihbeux souffre de
son étatphysique et moral,
et trouve rarement chez ses semblables le
regard, la parole qui
réconfortent. L'idée du
redressement,
toutens'adressant d'abord
à la santé du malade et à sa difformité
physique, trouve donc
son
application morale et sociale puisqu'elle console et rend
uneplace
aumilieu de la société
àdes malheureux qui s'en croyaient
à tout
jamais bannis.
CHAPITRE II
De la méthode qui semble la
plus favorable
pourle
redressement.
Vous voici en face
d'un pot tique. Quelle conduite allez-vous
tenir?Essaierez-yous
de le redresser? Comment le redresserez-
vous? Comment
maintiendrez-vous le redressement ?
Questions complexes, qui demandent à être bien mûries, bien
pesées, et desquelles dépendent la réussite ou l'insuccès du
redressement.
11 est des cas où la
plus élémentaire prudence interdit de
tenter le redressement.
Si l'enfant jouit d'une mauvaise santé,
s'il a. une autre
localisation tuberculeuse, et surtout s'il est
porteur d'un abcès par congestion, le traitement tout indiqué
est l'immobilisation avec
extension dont
nousparlerons dans
un
chapitre suivant. L'on pourra cependant, une fois l'abcès
résorbé,
le bon état général
revenu,tenter le redressement.
Si la
gibbosité est consolidée, la règle à suivre sera l'absten¬
tion
complète et définitive.
L'interrogatoire du malade et de son entourage nous appren¬
dra, de
suite, si la gibbosité augmente encore; dans ce dernier
cas, on
peut affirmer qu'il n'y a pas consolidation.
Onseraconfirmé,
du reste, dans
cepronostic par l'examen de
l'enfant étiré
légèrement et prudemment à la suspension de
Sayre, si l'on constate qu'il se fait non seulement dans les
courbures de
compensation, mais dans la gibbosité elle-même,
une modification
apparente. Quand cette modification n'est pas
visible, le rachis est fixé.
En dehors de ces cas
bien définis
011pourra tenter toujours
de redresser la
gibbosité.
Ce sera même un devoir de le faire si l'on se trouve en
présence de parésie
oude paraplégie des
membres inférieurs.Les observations
publiées
montrent, eneffet,
queles malades
en retirent le
plus grand bien.
Voilà donc résumées les indications et contre-indications du redressementtel que nous
le
comprenons et que nousallons le
décrire.
Admettons que
le sujet soit dans
les conditions que nousvenons
d'énumérer,
comment allons-nous le redresser?On a
préconisé
pour cesredressements
divers moyens :la
traction horizontalemanuelle avec
pression
auniveau
de lagib-
bosité et réduction en un seul
temps, de Calot;.la
traction hori¬zontale avec
poulies,
surtable spéciale de Ducroquet et H. de Rotschild; la suspension verticale,
la tête enbas, de Chipault;
la traction avec vis de
Lorenz,
deVulpius; la table de Bilhaut- Mathieu; la
machinespéciale de Schœde,
etc.Notre maître, M. le Dr
Gourdon,
aadopté
unprocédé fort simple et largement suffisant
: l'extensionse fait parla
suspen¬sion de
Sayre,
aveclégère
contre-extension d'un aide sur lebassin,
etpression manuelle
autour de lagibbosité
et non sur lagibbosité elle-même.
Latechnique
àlaquelle il s'est
rattachéa été décrite tout au
long dans
une thèseprécédente de
notre camarade le docteur Pelletier. Nous enrappellerons tout
à l'heure lespoints principaux
avantde
décrireles résultats obte¬nus.
11 est une
question qui
se posetout d'abord, c'est de
savoir si le redressement doit se faire en une seule fois ou enplusieurs séances, s'il
doit êtrebrusque
ouprogressif.
La
question
estjugée aujourd'hui. Malgré la série heureuse qu'il put présenter
enjuin
1898 à l'Académie demédecine, Calot
a vu sa méthode par
trop brutale échouer
entre les mains deschirurgiens qui ont voulu
laprendre trop à la lettre. Les
caspubliés
parVincent, Malherbe, Bilhaut, Jonnesco, Brun, Cavel, Vulpius, Lorenz, Phocas,
Piéchaud, Villemin en font foi.D'ailleurs, Calot, lui-même,
a eu de grosinsuccès,
nous pour¬rions dire des
désastres,
et aucongrès de Moscou
il dut recoin-— 23 —
mander la lenteur et
la prudence, c'est-à-dire les deux qualités
fondamentales du
redressement progressif.
Ce redressement
progressif
aété employé, comme nous l'avons
dit
précédemment, par le professeur Julius Wolff (de Berlin),
d'après
sonprincipe général du redressement par étapes qu'il
avait
appliqué
avecsuccès à d'autres déformations osseuses.
« Il
appliquait d'abord un corset plâtré en extension, puis il fai¬
saitau corsetune
ouverture
auniveau de la gibbosité, la pressait
etbourrait avec de la
charpie plâtrée
»(Conférences sur le trai¬
tement
orthopédique du mal de Pott, du l)r Gourdon).
Il y
eut quelques beaux résultats, mais l'inconvénient de cette
méthode est
d'agir trop directement
surle sommet de la gibbo¬
sité, et
de
ne pasmaintenir le sujet en extension suffisante,
puisqu'on emploie le simple corset de Sayre.
Redard a
repris cette idée du redressement progressif qu'il
pratique
engraduant la traction avec une machine spéciale per¬
mettant l'extension
horizontale. Il complète le redressement
par une
pression mécanique au niveau de la gibbosité, pendant
que
l'appareil plâtré sèche.
Le Dr
Ducroquet préconise
pour ceredressement progressif
la
suspension verticale. C'est aussi en suspension verticale que
le Dr Gourdon
pratique, à l'hôpital des enfants de Bordeaux, le
plus grand nombre des redressements des difformités rachi-
diennes, et
il
a pourles
mauxde Pott une technique particu¬
lière, suivant le siège de la gibbosité, que nous allons résumer.
Les mauxde Pott
sous-occipitaux sont les plus délicats à trai¬
ter.Unefois lacontracture
diminuée
parl'application d'un appa¬
reil
placé
sanstraction et porté deux mois environ, l'enfant sera
soumis à
l'extension
parl'appareil de Sayre. Cette extension
devra
toujours être très modérée : on cherchera à obtenir une légère tension du
couet
cesera tout.
L'opérateur guidera seulement la tête du malade dans une
bonne
direction, mais
nedevra
pasfaire d'effort pour le re¬
dresser. Le
degré de réduction obtenu dans ce premier temps
sera fixé par un
appareil complet de contention (corset et
minerve). Au bout
de troismois, deuxième
séance semblable à lapremière,
etdans laquelle
onaidera
seulement lepetit
ma¬lade à
s'améliorer, lui-même, davantage.
En
général,
mêmedans
les maux de Pottoccipitaux
avec flexion et rotation trèsmarquées, trois
séances sont suffisantes pourobtenir le redressement
à peuprès complet.
Ceredressement définitivement
obtenu,
sera maintenu par ungrand appareil plâtré durant six
mois. Au bout de cetemps,
011le
remplacera
par unsecond appareil semblable, puis
parun troisième
qu'on laissera le
mêmelaps de temps.
Après l'enlèvement de
ce dernierappareil, il
ne faudra pas abandonner le malade libre de tout soutien. Jour et nuit il devraporter, pendant quelque temps
encore, un moisenviron,
un collier de carton
qui empêchera
tout traumatisme ou mouve¬ment
brusque qui pourrait faire perdre
au malade le bénéfice d'une fixation si lentementacquise.
Le collier sera ensuite enlevé la nuit
seulement, puis
on en débarrassera définitivement le maladependant le jour.
Maux de Polt cervicaux. Sans se
départir d'une
trèsgrande prudence, le chirurgien peut agir ici
avec un peuplus,
nous ne dirons pasd'énergie, mais d'insistance. Après l'appareil prélimi¬
naire, appareil décontracturant, l'enfant
serasuspendu
àl'appa¬
reil de
Sayre jusqu'à
ce quela traction
au niveau du cou soit suffisante pouramener une améliorationappréciable bien qu'in¬
complète. Le malade
ne souffrantplus,
parsuite
ne contractantplus
sesmuscles cervicaux, n'offre
aucune résistance à cette manœuvre. Dans cetteposition, le malade
sera fixé par unappareil (corset
etminerve), qu'il gardera quatre mois.
Au bout de ce
temps, et dans les
mêmesconditions,
nouveauredressement, complet cette fois,
et nouvelappareil. Celui-ci
restera encore
quatre mois
enplace
et seraremplacé
par un autrequ'on laissera le
mêmetemps et ainsi de
suite.En
général, après vingt
àvingt-deux
mois d'immobilisation sévère,l'enfant peut être maintenu
dans unsimple collier de
carton,
commeprécédemment.
Maux de Pott
dorsaux supérieurs au-dessus de la 7e vertèbre
dorsale. Ces
gibbosités sont très difficiles à fixer en raison de la
mobilité de la
région, du
peude largeur des assises posté¬
rieures
(apophyses articulaires, pédicules, lames, etc.) et de la
pression exercée sur ce point par le poids de la tête et de la
ceinture
scapulo-humérale.
Au sortirdu
premier appareil de fixation, le sujet sera soumis
à l'extension
verticale, et suspendu de façon que les extré¬
mités des orteils
touchent seules le sol. Un aide fixe le bassin
et exerce une
contre-extension
partraction en bas ; un autre
attire en arrière
les épaules qu'il tient par leur partie externe
(cette position des épaules joue un rôle très important). On doit
faire en sorte que
la position donnée au malade détermine dans
les
parties saines du racbis des courbures opposées à celles
existant :
cyphose
enplace de lordose et vice verset.
Pendant ce
temps, le chirurgien, appuyant les pouces sur les
parties latérales de la gibbosité (pas au niveau des apophyses
épineuses, mais
auniveau de la cyphose para-spinale) repousse
celles-cienavant,
effaçant,
sansemployer une force trop grande,
la
cyphose costale exagérée par l'écroulement vertébral. A cha¬
que
changement d'appareil, une pression plus énergique sera
faite à ce niveau.
La contention
doit durer longtemps. Un appareil complet,
renouvelé tous
les quatre mois,
seragardé trente mois. Ensuite,
un corset de
Sayre, d'abord inamovible, puis amovible, consti¬
tuera le soutien
nécessaire.
On netentera
plus d'augmenter le degré du redressement dès
que
l'on
auraremarqué que la position du tronc s'est améliorée
et que
la gibbosité a perdu son caractère d'angle aigu; à ce mo¬
ment elle est assez
diminuée. On
nedoit jamais chercher, dans
les cas où la
gibbosité dorsale supérieure est très apparente, à
arriver à la
rectitude parfaite.
Maux de Pott dorsaux
inférieurs et lombaires.
—Ce sont ceux
sur
lesquels
onpeut agir avec le plus de force et le plus d'effi¬
cacité. Aceniveau, en
effet, les
arcspostérieurs vertébraux sont
— 26 —
très résistants et
plus larges,
ontrouve
en eux unpoint d'appui
très solide.
Ici on
peut faire la réduction soit
parla suspension verticale,
soit par
la traction horizontale.
L'extension à
l'appareil de Sayre
seraaugmentée dès le
deuxième redressement par une
contre-extension
en fixant lemalade, soit
parle bassin à l'aide d'une ceinture, soit
parles pieds à l'aide de guêtres auxquelles sont fixées des
courroies per¬mettant d'obtenir une traction assez forte. Le
chirurgien agira
sur la
région de la gibbosité, de manière
àobtenir progressive¬
ment une lordose très
marquée et constante.
Les
appareils de traction horizontale,
surtoutcelui
de Bilhaut-Mathieu, rendront dans
ces cas degrands services,
car il estfacile,
avec eux,d'obtenir
une « lordosisation » trèsgrande. Ce
dernier
appareil possède
eneffet,
unevis de pression qui
sera très utile pouraccentuer cette position.
Les moyens
de contention
serontles suivants
:Appareil
avecminerve préliminaire;
/ Grand
appareil
avecminerve pendant quatre mois;
Un autre
grand appareil pendant le
mêmetemps;
Un corset de
Sayre pendant quatre mois;
Un
appareil amovible, pendant dix mois.
Le dernier
point de technique à préciser
atrait
àla
confec¬tion de
l'appareil de soutien. Entre chaque séance de redresse¬
ment, comment
maintenir
l'immobilisation et l'extension suffi¬santes?
Tout d'abord il faut donner une bonne
position à l'ensemble
du
rachis,
etceci,
audouble point de
vuestatique et esthétique.
Le centre de
gravité déplacé
parsuite de la projection de la gibbosité
enarrière
serapproche de la normale
parle redres¬
sement.
Il faut
tendre,
enfixant le tronc,
àmaintenir l'équilibre de la
moitié
supérieure du
corps, endonnant
unebonne
direction auxcourbures saines de la colonne
vertébrale, il
faut leur donnerune direction telle que
le centre de gravité
passe, enpartant du
lobe de
l'oreille,
enavant, de la colonne vertébrale, dans sa région dorsale,
pourvenir tomber ensuite au niveau du grand
trochanter.
Aussi,
nous avonstoujours remarqué
avecquelle
grande attention M. le D1' Gourdon place ses aides de façon qu'ils
maintiennent les malades en
position telle
queles courbures
des
parties saines de leur rachis compensent parfaitement la
cyphose pottique.
La
position des courbures du rachis complète donc le redres¬
sement obtenu eten fait ressortir
les bons résultats esthétiques.
Voilà l'enfant redressé et mis en
bonne position. Comment le
fixer?
Le corset de
Sayre est insuffisant comme soutien, car il ne
soutient
qu'une partie delà colonne vertébrale,la moins mobile,
la
partie inférieure; de plus il
nesert pas à maintenir l'extension.
On ne
peut l'utiliser,
commetraitement, que pour desgibbo-
sités situées à la
partie dorsale inférieure, ou plutôt lombaire
et sacrée du rachis. Dans tous
les autres
cas,il
nousfaut un appareil maintenant la colonne vertébrale dans son entier, et
qui, prenant
unpoint d'appui fixe sur le bassin, aille prendre
comme second
point d'appui le sommet du rachis, la tête elle-
même. Calot a eu le
grand mérite de trouver cet appareil.
Fait de bandes
plâtrées, il
secompose d'un corset de Sayre,
surmonté d'une minerve et
il
esttrop
connuaujourd'hui pour
que nous ayons
besoin de le décrire.
Avantde
l'appliquer,
onplace au niveau des épines iliaques ;
de la
gibbosité; de la tête et du cou, un feutrage épais de lainage
des
Pyrénées (quatre épaisseurs).
L'appareil
queM. le Dr Gourdon applique de trois en trois
mois à ses
pottiques est donc le grand appareil de Calot. Quand
il
juge le rachis
assezconsolidé, il remplace le grand appareil
de Calot par un
corset de Sayre, puis par un corset amovible.
Que
l'on
necroie
pas quecet appareil de Calot soit un sup¬
plice
pourl'enfant. Au contraire, peu de jours après la pose de
l'appareil, l'enfant voit sa douleur rachidienne diminuer et
s'éteindre;
àpartir de
cemoment, il va et vient, comme tout le
inonde,
etreprend appélit et santé.
— 28 —
Mis enbonne
position, bien maintenu, le rachis
seconsolide
par
le tassement des parties postérieures et latérales des
arcsvertébraux,
etla production des cals très solides, arcs-boutants
osseux,
issus des lambeaux périostiques environnant le foyer
tuberculeux.
Telle est, en
résumé, la technique employée dans les
casde
redressement
pottique
parM. le Dr Gourdon et dont
nousallons
présenter quelques résultats.
CHAPITRE III
Observations
( I ).
'Observation I
Mal de Pottsous-occipital.
IrmaC..., 8 ans.
Son père
jouit d'une bonne santé. Sa mère appartient à une de
ces familles de gitanes,
chez lesquelles de fréquents mariages consan¬
guinsont
appauvri le
sang.Elle
aune sœur, plus jeune qu'elle, qui
se portebien.
Elle est née à terme; sa mère
l'a nourrie et elle
amarché vers
l'âge de onzemois. Elle
a euplusieurs bronchites à deux, trois et
cinqans;
la deuxième
aété particulièrement sérieuse.
Depuis cette
époque, elle est restée souffreteuse et chétive. Il y a
un an, en
septembre,
sesgrands parents maternels l'emmènent avec
eux pour
travailler
auxvendanges. Dès son arrivée à la campagne,
l'enfant se plaint
de douleurs dans le
couet incline sa tête de côté.
On la fait travailler
quand même.
Pendant un repos, un
homme de l'équipe la prend par la cein¬
ture et la soulève brusquement,
mais
sansla laisser retomber. Le
lendemain et le surlendemain,
elle
seplaint davantage du cou et
porte sa têteencore
plus de côté. On va chercher une rebouteuse qui
lui fait certaines passes
mystérieuses, mais sans obtenir, naturelle¬
ment, aucun
résultat.
En octobre,la têtes'était
penchée
presquejusqu'à toucher l'épaule.
(1) Les observations contenuesclans
celte thèse
nousont été communiquées par
M. le D1'Gourdon.
— 30 —
On la conduit à
l'hôpital;
elle entre dansle
service deM. le
pro¬fesseur Piéchaud, le 5 novembre 1901, et celui-ci l'adresse à M. le
Dr Gourdon.
L'enfant marche avec difficulté. Son thorax et sa tête sont violem¬
ment contractés, car elle cherche à éviter tout choc douloureux que
produirait la marche Sa tète est fortement
inclinée
àgauche,
avec,en plus, un mouvement de rotation très accentué, si
bien
que, pourregarder son
épaule
droite,l'enfant
estobligée de
tourner fout àfait ses yeux.
Les muscles de la région
latérale
du cou neparaissent
pastrès
tendus. En arrière de larégion
cervicale f
on remarque un grosbour¬
relet dévié à gauche, avec saillie sur ce côté; ce
bourrelet
est cons¬titué par l'écroulement de la colonne vertébrale, qui
s'est déviée de
ce côté, et est accentué par les
muscles
dela
nuque,qui
sonttrès
contractés.
La douleursiège au niveau des apophyses mastoïdes, surtout
de
l'apophyse mastoïde droite; elle est particulièrementirradiée dans
tontela région occipitale; elle va en s'atténuant, à mesure que
l'on
descend dans la région cervicale et, à partir de la deuxième et
de la
troisième cervicale, on ne la décèle pluspar le palper.
Tout mouvement de la tête, soit provoqué, soit spontané, est impossible. L'enfant souffre constamment et n'est pas
soulagée
par la position étendue.L'examen
du pharynxpar ledoigt décèle la
pré¬sence d'une saillie un peu latérale, placée assez haut. L'enfant n'a
ni dysphagie, ni dyspnée; l'on ne trouve rien du côté des viscères, mais son état général est mauvais.
L'on commence par appliquer, comme soutien, pendant quelques jours, un simple collier de carton rembourré de lainage, puis, pour faire disparaître
la
contracture musculaire, l'on met à l'enfant, le5 décembre, et sans essayer de faire le redressement, un
grand
appareil de Calot. Quinze jours après, l'enfant ne souffre plus,recommence à manger, etl'on est frappé de la rapidité avec
laquelle
elle aété soulagée.
Le 30 janvier, l'on enlève l'appareil. La zone postérieure des
muscles n'est plus contracturée. On laisse la malade redresser d'elle-
même sa tète, puis on la fixe, au moyen d'un grand appareil, dans
— 31 —
la
position la meilleure obtenue ainsi. A la suite de cette interven¬
tion, l'on ne constate aucune
douleur. Après un repos au lit de
vingt-quatre
heures, l'enfant reprend sa vie habituelle et s'amuse
avec sespetites compagnes.
Deux moisaprès,
l'on enlève de
nouveaul'appareil; en aidant la
malade, l'on complète
le redressement et l'on arrive à mettre facile¬
ment la tète en excellente
position.
Depuis
lors,
ons'est contenté de maintenir le résultat acquis, ce
qui aété
fait
trèsfacilement. L'enfant n'a plus souffert, et ce n'est
que par
prudence,
pourarriver à une consolidation parfaite, que
l'on maintiendra
l'appareil de soutien jusqu'à la fin de l'année.
Il est à considérer avec
quelle facilité l'on est arrivé à redresser
cette tête qui
était très déviée, après avoir lutté contre la contrac¬
ture musculaire, ce qui.prouve
le grand rôle que joue cetle contrac¬
ture pour
la fixation des déviations dans les maux de Pott sous-occi¬
pitaux et
cervicaux.
Observation 11
Mal de Pottcervical,torticolisgauchetrès
accentué.
S. M..., 10 ans, est
présentée
audocteur Gourdon au commence¬
ment de novembre 1898 par un
de
sesconfrères du Médoc, parce
que, depuis
trois mois, elle avait
untrès fort torticolis gauche dou¬
loureux. Le père a une
bronchite chronique; la mère jouit d'une
bonne santé. Elle a deux sœursse portant
très bien.
Cetle enfant, très grande pour son
âge,
atoujours eu une santé
précaire.
Dans sonjeune âge,
entérite
grave.Depuis,
l'enfant
atoujours été souffreteuse, elle mange peu. Depuis
l'âge de o ans
elle s'enrhume facilement, et, tous les hivers, elle
doit s'aliter pour
des bronchites.
Il y a
trois mois environ, cette enfant a commencé à se plaindre
du cou, un matin, en se
réveillant. Depuis, les mouvements du cou
ont été limités et douloureux.
Depuis
unmois, la flexion sur le côté gauche s'est accentuée ;
— 32 —
l'enfant ne s'amuse
plus,
esttriste. Ces jours derniers,
endescen¬
dantles escaliers, elle aressenti une
douleur plus vive, et la dévia¬
tion est devenue
plus complète. L'enfant
adû s'aliter. Le docteur L...,
qui la soigne,
lui
afait des applications de Uniment opiacé, avec des
enveloppements
d'ouaté de la région douloureuse
:amélioration
nulle.
Le docteurGourdon voit l'enfant le 10 novembre 1898. Son aspect
estmauvais, son faciès pâle,
amaigri. Elle
ne peut setenir debout
sansqu'on
la soutienne,
et estobligée de maintenir
satête
avec sesdeux mains. La flexion sur le côté gauche est, en
effet, très
pro¬noncée, ets'accompagne
de rotation.
Larégion
postérieure du
couesttuméfiée du côté gauche du racliis,
etl'on sentlà un épaississement
musculaire dû certainement à la
contracture des muscles de la région
postérieure du
cou.La
palpation de la colonne vertébrale est successivement doulou¬
reuse de la troisième à la septième
cervicale, mais c'est surtout
au niveau des troisième etquatrième vertèbres qu'elle est plus doulou¬
reuse.
En avant, rien de
particulier
àsignaler. Le palper du pharynx
par ledoigt démontrela présence d'un éperon très marqué. Il est impos¬
sible de voir quels sont
les
mouvementsquela malade peut exécuter,
tellementelle sedébat.
Application, le 11 novembre 1898, d'une minerve
avecappareil
complet
maintenant seulement la tète,
sans essayerde faire
unredressement.
L'amélioration se fait sentir presque
immédiatement,
cardeux
jours aprèsl'enfant
revient,
etelle
nesouffre plus.
On la revoitdeux moisaprès,
elle
nesouffre plus du tout,
mangetrès bien, dort de même, et a
repris
sescouleurs.
L'appareil
estenlevé. On
constate quela contraction des muscles
n'existeplus, et
la malade,
enétant aidée, redresse
son coupresque
complètement.Elle
estfixée dans cette position là, et elle revient
encore trois mois après.
L'améliorations'est maintenue, la fillette a
repris
dupoids, enfin
elle est aussi bien que
possible
aupoint c4e
vuegénéral.
On fait un redressement