• Aucun résultat trouvé

Une nouvelle station lacustre dans le lac de Genève (Léman) (station de la Vorze): technique des recherches

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Une nouvelle station lacustre dans le lac de Genève (Léman) (station de la Vorze): technique des recherches"

Copied!
16
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Une nouvelle station lacustre dans le lac de Genève (Léman) (station de la Vorze): technique des recherches

PITTARD, Jean-Jacques

PITTARD, Jean-Jacques. Une nouvelle station lacustre dans le lac de Genève (Léman) (station de la Vorze): technique des recherches. Archives suisses d'anthropologie générale , 1938, vol. 8, no. 1, p. 16-30

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:131873

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

Extrait des Archiyes suisses d'Anthropologie générale.

Totne VIII. No 1. 1938.

Une nouvelle station lacustre dans le lac de Genève (Léman) (station de la Vorze)

TECHNIQUE DES RECHERCHES

par

Jean-Jacques PITTARD

D r ès Sciences, privat-docent à l'Université de Genève.

On pouvait croire que, depuis 1854, date où commencèrent les recherches de préhistoire lacustre, toutes les occupations humaines avaient été relevées sur l'étendue de notre lac. Pourtant, il n'en est rien, comme on va le voir.

Peut-être les découvertes que nous avons faites pourraient-elles encore être suivies, en d'autres lieux, d'autres découvertes semblables.

Depuis longtemps déjà, des cartes générales ont été dressées, représentant la répartition des stations lacustres sur les bords du lac de Genève (Léman), qu'elles appartiennent à l'âge de la pierre polie ou à l'âge du bronze. On peut citer particulièrement celles de F.-A. Forel 1 , de Munro 2, de R. Montandon 3. Ce dernier auteur, le plus récent (rgzz), a rassemblé, pour ce qui concerne le canton de Genève et ses abords, tous les documents de préhistoire publiés jusqu'au moment où parut sa carte. L'endroit dont nous allons parler n'est pas inscrit dans cet inventaire.

Il y a, semble-t-il, une. raison péremptoire pour que M. Raoul Montandon ait ignoré cette occupation humaine. La station lacustre que nous avons repérée se trouve en eau profonde et les pilotis qui subsistent, la plupart très usés, ne sont guère visibles. Cette station semble avoir été, petit à petit, submergée par les alluvions apportés principalement par un cours d'eau, la Vorze. Le régime de celui-ci est parfois torrentiel, ce qui explique encore le peu de visibilité des pilotis. Les pêcheurs riverains parlaient bien de ((piquets» dans le lac, mais je crois que jamais aucune recherche systé- matique n'avait été opérée en cet endroit.

t F ,-A. FoRF.L, Le Lt!m~u. monographie limnologi11.uf'. F, Rouge cl (le, édit. Lausanne, 1904. T, III, p. 435.

2 R. MUNRO, Les statio11s lacustres d' E11rope aux âges d~ la Pierre et du B10nze, Sctleichcr frères, édit. Pari:-, 1908.

3 R. l\.IoNTANDON1 Genève, des 01igines aux invasions ba1•bares. Un vol. it1-8°1 Geor~, Genève, I922.

(3)

UNE NOUVELLE STATION LACUSTRE DANS LE LAC DE GENÈVE 17 On sait que, dans les lacs suisses qui ont été habités à la période de la pierre polie et à celle du bronze, les stations de cette dernière période sont situées plus au large que les premières; que ces stations de l'âge du bronze appartiennent exclusivement à cet âge même ou qu'elles aient succédé en un même lieu aux stations de l'âge de la pierre.

La partie du lac, aux approches de Genève, a été très habitée pendant les millénaires qui ont précédé l'histoire proprement dite. Sur les deux rives s'échelonnaient les stations. A partir d'une ligne qui, aujourd'hui, rejoindrait Nyon et Nernier, on trouve, en s'approchant de Genève, de nombreux établissements sur les deux rives. Beaucoup des villages actuels, suisses et savoyards, de cette région, peuvent réclamer leur plus grande ancienneté, leur première origine, en ces stations lacustres. Il est donc nécessaire, pour la préhistoire des territoires dont nous parlons, de connaître, avec le plus d'exactitude possible, les établissements humains qui ont précédé ceux d'aujourd'hui.

Il reste bien des problèmes à résoudre au sujet des habitations lacustres.

Il en est un qui ne manque pas d'intérêt: c'est de connaître l'étendue exacte de toutes les stations et la disposition intérieure de celles-ci. Nous n'avons, à cet égard, comme renseignements positifs et détaillés, que les relevés faits, dans les anciennes petites nappes d'eau transformées en tourbières, où les examens scientifiques ont été faciles, comme à Schussenried, à Thayngen, par exemple.

Dans la plupart des lacs étendus, les difficultés matérielles sont grandes.

C'est peut-être la raison pour laquelle nous sommes encore si mal docu- mentés. Hippolyte Gosse, à qui nous devons tant d'initiatives heureuses, afin de mieux connaître l'histoire ancienne de nos régions, avait eu l'idée, le premier, rappelons-le, de recherches dans les palafittes de notre lac. Il a fait, sur ce sujet, de nombreuses communications à la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève. En 1868, il présente à cette Société un plan des stations lacustres de Genève. L'original de ce plan, dit M. Blondel, est conservé à la Chancellerie; il a été reproduit par Galiffe, dans « Genève historique et archéologique)); avec une courte description, dans Mayor,

<c La vieille Genève)), et dans cc Le Rhône)) de Lenthéric. Gosse compléta le plan de 1868, en 1870, puis en l88I. En 1904, les frères Piccioni, géomètres, dressent à leur tour un plan qui fut longtemps exposé au Musée d' Art et d'Histoire.

Il y a quelques années, à la Société suisse d' Anthropologie et d'Ethnologie, on émit le vœu qu'un relevé détaillé, obtenu selon les méthodes modernes,

Arcb, suisses d'anthrop. gén, - T. VIII. - r. - 1938.

..

(4)

I8 JEAN-JACQUES PITTARD

soit établi des stations lacustres suisses et qu'un atlas de ces relevés soit publié. A notre connaissance, seul Alexandre Le Royer, ancien professeur au Collège de Genève, a répondu à cet appel, en établissant d'abord la topographie .de la station néolithique de Greng 1, dans le lac de Morat, puis celle de la rade de Genève 2 .

Aux problèmes à résoudre, dont il vient d'être parlé, on peut en ajouter d'autres enc9re dont la résolution mériterait de nous retenir.

Dans un même lac, les stations palafittiques étaient-elles toutes cons- truites sur un plan déterminé ? identique partout ? La station lacustre était-elle composée d'une masse compacte, établie sur une plate-forme unique, ou était-elle constituée par de petits îlots de maisons, comme on le voit chez certaines populations contemporaines, en Mélanésie, par exemple, composant ce que nous appelons aujourd'hui des quartiers. Et alors, quelles étaient les dimensions, les disposit,ions de ces îlots? Ainsi que des canaux de navigation qui les séparaient ? Les stations palafittiques étaient-elles toutes protégées contre les grosses vagues par des estacades, comme c'était le cas dans le port de Genève ?

Ces questions, et d'autres encore, ne sont pas, on le voit, indifférentes à l'histoire de la vie primitive dans nos régions.

* * *

Au cours de l'été 1936, nous avons repéré une assez grande station lacustre (probablement de l'âge du bronze) dans le lac de Genève, dans les eaux de la commune de Chens, en Haute-Savoie.

Elle est située à une cinquantaine de mètres au large et à environ quarante mètres au sud-est de l'embouchure de la Vorze, petit ruisseau à cours intermittent qui sert de frontière entre les communes de Chens et de Messery 3. Nous avons baptisé cette station du nom même du ruisseau, à cause de sa proximité.

La station de la Vorze vient donc se placer entre celles du " Creux-de- Tougues >> et de Messery, signalées et décrites par Forel dans son ouvrage sur le Léman: cc Station dit Creux-de-Tougu.es" devant le village de Chens.

Riche station de l'âge du bronze; dans la partie qui est près de la rive on

1 Alex. LE ROYER, La technique du rcle.vti topographique des st:itions lac1istres. Arch. suisse d'Anthr. g~n., Genève, x9:n. - Eugène PITTARD, Le relevé topographique de la station néoJ.ith·ique de Grcng (lac de Morat) . Arch. suisses d'Anthr. gén., Genève, 1921~192 2 .

I.e plan de la station de G:-eng1 entr~pris par M. Le Royer~ fut continué par M. \Vinkler, géomètre à Morat 2 Voir L. BLON DEL , Relevé des stations lacustres de Genève. Genava. Bull. du Musée d'Art et d'Histoire, Gi:-nève 19z3 . Vol. I, p. 8S·u z.

3 L es auteurs écriven t : Mess<~ri o u Messery .

(5)

UNE NOUVELLE STATION LACUSTRE DANS LE LAC DE GENÈVE r'9 y trouve de la pierre; le musée de Genève possède une hachette-spatule du type des Roseaux de Morges, provenant de cette station.

<'Palafitte de Messery, vers la pointe de Messery, sous 4 m. d'eau. Age du bronze. »

"

' ... ':,,....,.

..

.. ..

.. ..

,, '-..

..

.

,

... •

' I I

Carte de Ja région du lac de Genève entre Hermance et Messery. La croix marque ]'embouchure de !a Vorze en avant de laquelle se trouve Ja nouvelle station lacustre.

Munro 1 parle de ces deux stations avec beaucoup plus de détails que Forel: <<La station du Creux-de-Tougues est la plus importante de tout le groupe. Elle est située à environ rro m. du rivage, sous une profondeur d'eau qui varie del m. 50 à 3 m. On y a récolté 27 haches en pierre, dans la partie touchant le rivage. Quant aux objets en bronze, en voici l'énumération:

4 haches à ailerons; l hache plate; 2 ciseaux à douille ; l épée ; l pointe de lance ; 21 couteaux; 5 faucilles; 14 bracelets; 120 anneaux; 170 épingles à cheveux; 6 objets divers ...

<<A Messery on aperçoit les pieux à .une profondeur de 3 m. 60 d'eau, dépassant le limon de 60 centimètres à lm. 50. L'un de ceux-ci portait des

1 Pages 94 -96.

(6)

11

20 JEAN-JACQUES PITTARlJ

marques faites par un outil en métal. On y a retrouvé un grand nombre de tessons de poterie caractéristique de l'âge du bronze, mais seulement deux objets de ce métal: une hache à ailerons et une faucille."

La station de la Vorze continue ainsi cette chaîne de nombreux villages- palafittes constituant les stations de Tougues:

Station de la Vie-à-1' Ane, située près d'Hermance;

La Fabrique (entre Hermance et Tougues);

3° Station de Beauregard;

4

°

Creux ~de-T ougues ;

50 La Vorze.

A la Vorze, les pilotis sont immergés à une profondeur variable, d'ailleurs assez grande en moyenne. Les moins nombreux, très usés, se trouvent sous

2 m. 50 à 3 mètres d'eau (il s'agit sans doute d'une station de l'âge de la pierre qui, comme on l'a constaté, sont toujours construites à proximité du rivage), tandis que les plus grands, placés plus au large et très nombreux, sont enfoncés sous une profondeur d'eau variant de 4 à 7 mètres.

Des essais tentés pour fouiller cette station au moyen de dragues de fortune se révélèrent inopérants, tant à caùse de la profondeur relativement assez grande que de la pénurie des moyens employés. Alors, devant ces difficultés, en attendant d'avoir mis au point des procédés de dragage appropriés à ce genre de. travaux, nous avons décidé de dresser un relevé topographique de la station.

Un tel relevé pouvant nous donner peut-être une idée de la disposition générale des constructions palafittiques, présente donc un certain intérêt.

Nous ne possédons en effet, nous l'avons rappelé ci-dessus, que peu de documents de ce genre.

Nous avons utilisé, pour effectuer ce relevé, des moyens modernes: le scaphandre, permettant d'explorer et de placer des signaux au pied des pilotis et l'avion pour photographier l'ensemble de ces signaux.

Les travaux furent exécutés pendant les mois d'août et de septembre 1937·

Pour commencer, la station a fait l'objet d'une exploration générale sous-lacustre, grâce à l'appareil scaphandre système ((Le Prieur l>. Cet appareil est composé d'un masque dans lequel arrive de l'air en quantité réglée par un manodétendeur. L'air, comprimé à 150 atmosphères, provient d'une bouteille d'air comprimé que le plongeur emporte avec lui. La bou- teille est tenue par une bride sur une planchette fixée sur la poitrine du

(7)

UNE NOUVELLE STATION LACUSTRE DANS LE LAC DE GENÈVE 21

. ..

plongeur par une bretelle passée autour du cou et par une ceinture. Sur la vanne de la bouteille est vissé un manodétendeur spécial à deux cadrans, dont l'un indique la pression de la bouteille (et permet par suite d'en con- trôler la réserve d'air au cours de la plongée), et l'autre la pression de l'air envoyé dans le masque. On règle l'arrivée de cet air à volonté, au moyen d'un robinet-pointeau, de façon à ce que la pression dans le masque soit légèrement supérieure à celle de l'eau environnante (environ roo grammes d'air par mètre d'immersion). Ce réglage s'opère très facilement sous l'eau, au cours de la plongée. Du manodétendeur un tuyau en caoutchouc renforcé amène l'air dans le masque. Celui-ci recouvre toute la face du plongeur et adhère complètement grâce à des brides qui entourent la nuque. Un large hublot en verre permet une vision parfaite et non déformée. L'air s'échappe entre la peau et le masque sans que l'eau puisse rentrer en aucune façon.

Le scaphandrier n'est pas rattaché à un bateau ou à la rive, il est donc libre de ses mouvements. Cependant, la bouteille d'air qu'il transporte avec lui ne saurait être très grande, car il serait incapable de la porter sans être considérablement gêné. La bouteille employée a une contenance de trois litres environ d'air comprimé à 150 kg. Elle permet de rester de 15 à

20 minutes sous l'eau, suivant la profondeur.

Estimant que, pour certains de nos travaux, cette durée était trop limitée, nous avons apporté une modification à cet appareil.

Nous avons remplacé la bouteille de 3 litres par une bouteille de 20 litres qui, beaucoup plus lourde et beaucoup plus grande ne peut pas être emportée par le plongeur; elle est donc placée sur le bateau; le manodétendeur y est fixé, et de là un long tube en caoutchouc renforcé se rend au masque. Dans ces conditions, la plongée peut dépasser une heure, mais le scaphandrier n'est plus autonome et il est nécessaire qu'un aide, resté sur le bateau surveille constamment le réglage du manodétendeur, lui envoyant plus ou moins d'air selon qu'il va plus ou moins profondément. Une ficelle reliant le bateau au scaphandrier permet à ce dernier de faire connaître ses désirs au moyen de signaux convenus.

Dans le cas du scaphandrier autonome, le poids constitué par la bouteille d'air comprimé lui permet d'évoluer dans l'eau; mais si la bouteille est placée sur le bateau, il est nécessaire de lester le plongeur. Nous avons utilisé comme lest des souliers à grosses semelles de plomb et des petits sacs remplis de grenaille de plomb, suspendus à la ceinture, dont on variait le nombre suivant le poids et la corpulence des expérimentateurs. Une échelle de corde accrochée au bateau permettait de descendre et de remonter facilement.

..

'ii

(8)

22 JEAN-JACQUES PITTARD

Une première exploration nous a révélé l'état des pilotis et nous a égale- ment montré que le sot était formé par une vase :ugilense générn lement grise, mais présentant par places une coloration noirâtre. Cette vase, remplie de test de petits coquillages, est recouverte par endroits d'un grand nombre de galets assez gros. Cette vase rend les recherches difficiles, car elle gêne considérablement la visibilité en se soulevant et en formant d'épais nuages dans l'eau dès que l'on marche où que l'on essaie de fouiller le sol.

Elle a dû être amenée en grande partie par la Vorze, au moment des crues de ce ruisseau.

La plupart des pilotis sont très usés et se terminent en pointe. Plusieurs d'entre eux sont cassés et sont couchés parmi les autres. Ils sont sans doute d'une autre essence que les plus résistants. Leur bois est alors assez spon- gieux. Beaucoup de ceux qui sont très usés ne dépassent le sol que de quelques centimètres et sont, de ce fait, complètement invisibles du bateau.

Cette exploration préliminaire terminée, nous avons commencé notre levé.

Nous avons débuté par la pose de quelques repères au centre et aux extré- mités de la station. Ces repères étaient constitués par de grandes perches lestées à leur base d'un bloc de pierre et pourvues à leur sommet d'un fanion triangulaire.

Ensuite nous avons décidé d'indiquer la présence des pilotis par des signaux disposés de manière à pouvoir être facilement repérés depuis la surface du lac. Des photos prises d'un avion survolant la station devaient nous donner ainsi la situation générale des pilotis, les signaux étant visibles de très loin, tandis que les pieux ne le sont pas.

Les signaux devaient être descendus au pied des pilotis depuis le bateau qu'un rameur maintenait en place au-dessus du point intéressant.

Ce système de repérage a été appliqué à l'ensemble de la station, aussi bien pour les grands pilotis que pour les pointes émergeant juste de la vase.

En ce qui concerne ces dernières, nous avons dû commencer par établir une première signalisation en allant déposer à leur pied des fragments de tuiles rouges au moyen du scaphandre. Ces tuiles étaient alors suffisamment visibles du bateau pour que l'on puisse immerger au-dessus d'elles les signaux définitifs.

Comme signaux, nous avons choisi des planchettes en 'sapin ayant trente centimètres de côté (cette dimension est assez visible d'une distance de 200 à 300 mètres). Ces planchettes ont été vernies en blanc (couleur qui fait bien opposition avec le vert sombre de l'eau) et fixées à des corps-morts en pierre au moyen de grosse ficelle préalablement imprégnée de sulfate de

(9)

PLANCHE 1

Préparation des signaux. Les plaques de bois destinées â être fixées aux corps morts sont vernies en blanc pour en augmenter la visibilité.

L...

Une partie des signaux prêts à l'embarquement, Chaque signal est placé sur son corps mort.

(10)

'~

111.:

'

...

'

24 JEAN-JACQUES PITTARD

cuivre destiné à en augmenter la durée en retardant la putréfaction. Les corps-morts, blocs de pierre ou de béton, ont été profondément entaillés afin que l'attache ne puisse glisser, soit au moment de l'immersion, soit plus tard sous l'effet des vagues pendant les périodes de gros temps.

280 planchettes, corps-morts et ficelles ont été ainsi préparés. Ce travail, qui a nécessité un temps assez considérable, a été exécuté par des élèves du Collège de Genève qui s'étaient offerts bénévolement et qui ont passé à Chens une partie de leurs vacances. Ce sont Yves et Jean-Louis Petit- pierre, Roger Aellig, Jean Tiercy, Yves et Claude Domenjoz, Alfred Mauris, Marcel Hornung et Jean-Jacques Baezner. Ces jeunes gens ont également contribué aux travaux d'exploration et à l'immersion des signaux. Quelques- uns assuraient, au moyen d'un bateau à moteur, le ravitaillement du camp.

Je tiens à les remercier pour tout ce qu'ils ont fait.

Les signaux ont été construits de manière à se trouver immergés sous

I m. 50 à 2 m. d'eau; il fallait en effet les protéger contre l'action de vagues trop fortes qui auraient pu déplacer les corps-morts si les planchettes avaient H.otté à la surface. D'autre part, il était nécessaire également d'éviter aux navigateurs qui passeraient dans cette région la tentation de s'emparer ou de déplacer ces nombreuses bouées.

Les signaux complets étaient amenés sur un quai d'embarquement et, de là, chargés sur le bateau. Une trentaine de ces engins étaient embarqués à la fois. Il était impossible d'en prendre plus à cause du poids et de l'en- combrement. Le canot les amenaient alors vers la station où un rameur expérimenté immobilisait l'embarcation à l'endroit voulu. Là, les signaux étaient immergés les uns après les autres au-dessus des pilotis visibles ou au-dessus des fragments de tuiles rouges placés précédemment sur l'empla- cement des piquets affleurant juste hors des alluvions et parfaitement invisibles du bateau.

La pose de ces signaux n'a pas offert de difficultés par temps calme et clair, mais il fallait y renoncer aussitôt que Je lac s'agitait un peu, la visi- bilité devenant immédiatement nulle.

Si l'on constatait le déplacement d'un corps-mort dû à une dérive d'un signal pendant l'immersion ou à une fausse manœuvre, une plongée était effectuée par Je scaphandrier qui pouvait ainsi facilement rectifier la position du signal.

En de nombreux points oil les pilotis étaient très abondants, un seul signal était immergé au milieu d'un groupe de trois ou quatre pieux. En effet, plusieurs planchettes, placées les unes à côté des autres, se seraient confondues à distance.

(11)

PLA~ C HE 2

Le scaphandrier autonome va descendre. Il vérifie la pression d'air sur les manomètres du manodétendeur.

Le scaphandrier, relié au bateau, est en plongée; il reçoit l'air de bouteilles d' acier dont on surveHle soigneusement le débit.

Il

(12)

26 . JEAN-JACQUES PITTARD

C'est ainsi que nous avons placé 42 signaux représentant chacun 3 pilotis;

zr signaux parmi des groupes de '1 piquets et zrn signaux an piecl de pilotis isolés, soit au total 273 repères sur les 280 qui avaient été confectionnés.

Nous avons donc repéré dans la station de la Vorze 420 pilotis qui se répartissent comme suit:

Pilotis isolés

21 groupes de 4 pilotis 42 groupes de 3 pilotis

soit au total

210 84 126

420 pilotis.

La station renferme vraisemblablement un nombre plus grand de pilotis, car il est certain que plusieurs de ceux-ci nous ont échappé, notamment ceux qui, très usés, n!affieuraient le sol que de quelques centimètres. En plusieurs régions de la station nous avons constaté la présence de végétations assez abondantes, disposées en vastes nappes, qui ont très bien pu nous cacher de nombreux piquets tronçonnés. D'autre part, nous n'avons pas retrouvé la base des pilotis cassés gisant au fond du lac; cette partie du pieu a été probablement recouverte de limon, ce qui la rend invisible. Or nous avons aperçu une assez grande quantité de ces pilotis brisés.

La première partie de notre travail était terminée. Il ne restait plus qu'à obtenir une vue d'ensemble de la station en la photographiant de haut par un temps aussi calme que possible.

La visibilité des signaux s'est révélée très bonne et nous avons pu, sans trop de peines, en prendre une série de photographies d'un avion piloté par M. Marcel Devaud, président de la Section genevoise du Club suisse d'aviation, qui, très aimablement, avait mis son appareil à notre disposition, ce dont nous tenons à le remercier beaucoup.

A trois reprises et à des altitudes différentes, l'avion survola la station de la Vorze, nous permettant ainsi de prendre un grand nombre de photo- graphies. Nous avons pu constater que, si les planchettes blanches étaient bien visibles, nous n'avons, par contre, pu apercevoir un seul piquet: ceux-ci se confondaient avec la teinte sombre des alluvions où seules les taches noirâtres formées par les végétations tapissant par endroit le fond du lac étaient apparentes.

Sur les photos, très agrcmdies, nous avons pu voir nettement les signaux qui nous donnent, de cette façon, une vue générale sur la disposition de la station.

~

(13)

PLANCHE S

Photographies directes prises par aviOn de deux emplacements de la station (les points représentant les signaux ont été teintés en noir pour les rendre plus visibles).

(14)

,_

~

28 JEAN-JACQUES PITTARD

La station lacustre de la Vorze a une forme très allongée et assez étroite, construite parallèlement au rivCJgr.. Ellr. prf.sr.nte, en son milieu, nne sorte de golfe, dû, probablement, au fait que le lac est plus profond à cet endroit-là.

Le plan que nous figurons (p. 29) donne ~'image générale de cette disposition.

Nous n'avons pas trouvé trace de constructions conduisant directement vers la côte, tels que pont ou digue. Il est probable que les pilotis soutenant ces constructions, placés plus près du rivage et par conséquent soumis à une plus grande action érosive des vagues, ont disparu, complètement usés.

Cependant, la photo nous montre une série de pilotis disposés en une bande étroite dirigée _du côté du rivage. Avons-nous à faire à un reste de pont dont une partie des piliers aurait disparu sous des matériaux provenant de la grève? ou, peut-être, à une estacade d'embarquement? Nous n'en savons rien, car l'extrémité de ce reste de construction est assez éloignée de la rive. Nous ne pensons pas qu'il s'agisse là d'un système de protection contre les vagues, car cette construction est assez large, beaucoup plus, en tout cas, qu'un simple dispositif de palissades servant de brise-lames. Toute- fois, de tels travaux pourraient se justifier à cet endroit, pour protéger une partie du village contre la bise et le joran.

Peut-être aussi que la station n'était pas du tout reliée à la rive et que ses habitants se rendaient à terre uniquement au moyen de leurs bateaux ? Nous avons pu constater qu'en certains points le plancher était soutenu d'une manière beaucoup plus puissante qu'en d'autres endroits: en effet, alors que dans une grande partie de ce village on trouve des piquets enfoncés ça et là comme au hasard, en d'autres régions on trouve des groupes de deux, trois ou même quatre piquets placés les uns à côté des autres. Il est possible que ces groupes correspondent à des constructions plus importantes, plus lourdes ou plus exposées aux vagues.

Cependant cette interprétation n'est pas absolument sûre, car il s'agit peut-être simplement de réparations apportées à quelques parties du plan- cher, réparations nécessitant l'enfoncement de quelques nouveaux piquets.

Ou ces nombreux pilotis sont-ils le fait d'accidents survenus au cours de l'enfoncement ? Il arrive fréquemment, en effet, que des pieux se brisent sous l'action des chocs répétés destinés à les faire pénétrer dans le sol.

Dans ce cas-là il est donc naturel d'enfoncer un second piquet à proximité du premier. Et avec le temps et les agents de destruction, le piquet solide s'abîmera, diminuera de hauteur jusqu'au point où l'érosion ne se fera plus sentir, et il est possible que ce point corresponde à la hauteur de la

(15)

...

. . .

. . . .

. . . ··.··: :

:,.

.. ,•.

. .. .

:

. .

.. . . . . . . . .

. .

..

• 1

. .

.. . .

. . . . .

.. ..

• 11• ...

. ..

.. . . . ... . ..

: . ·.

,.

. . . .

. . .

. . . . . .

.

'

. . . . . . .

. . . . . . . .... .. ... .

. . .. . . ..

'

..

Plan obtenu après raccord des photographies prises par avion. La rive du lac est situÉe raral1è1emn;t à la IrÜEnte Ugenèf'.

..

1

. . .. .

. .

·· ..

. .

(16)

30 JEAN-JACQUES PITTARD

cassure du piquet accidenté, si bien qu'il nous est impossible de savoir ce qu'il en est !

Toutefois, en ce qui concerne la station de la Vorze, nous avons remarqué que les groupes de pilotis se trouvaient généralement du côté du large, côté plus profond et plus exposé au vent, où il était donc naturel de construire d'une manière plus solide.

* * *

Au cours de nos explorations sous-lacustres, nous n'avons pas, malheu- reusement, recueilli d'objets, à part une pierre à filet. Il y a quelques années, un aiguisoir avait été trouvé sur la grève près de l'embouchure de la Vorze, pièce qui provient évidemment de la même station.

Nous avons ramassé de nombreux fragments de charbon de bois enfoncés dans une dizaine de centimètres de vase. Nous avons également remonté quelques piquets que nous avons trouvé brisés, gisant au fond de l'eau.

Ils sont très fortement érodés et leur extrémité supérieure se termine en pointe.

Nous n'avons recueilli aucun objet en bronze. Il est possible que ces derniers se trouvent enfouis dans la vase à une certaine profondeur à cause de leur poids, tandis que le charbon de bois, bien plus léger, ne s'est pas enfoncé autant.

Il est probable également que la Vorze, pendant les périodes de crues, a amené suffisamment d'alluvions pour recouvrir, sur une certaine épaisseur, les restes de l'industrie des habitants de cette station. Ce ruisseau coule en effet dans un terrain argileux (moraine glaciaire de fond) et pendant les périodes de pluies, il a beaucoup d'eau et roule ainsi de grandes masses d'alluvions. Il a entaillé profondément ses rives; par endroits, il coule au pied de petites falaises ayant une douzaine de mètres de hauteur, ce qui explique comment il a pu étaler dans le lac, près de son embouchure, une grande quantité de matériaux.

Il serait donc nécessaire, à notre avis, d'effectuer au niilieu des pilotis des fouilles assez profondes pour tenter de découvrir des objets. Nous comptons les entreprendre.

Références

Documents relatifs

En tant que nouvelle station terminus, la gare Limebank offrira un accès direct aux services d’autobus au nord du tracé... 2019-2020 Work Schedule / Échéancier des

Ainsi, Gaz’up se lance dans une nouvelle étape de son challenge pour permettre aux transporteurs de sortir totalement des énergies fossiles en faisant passer le taux de gaz

Vérification graphique : Utilisation de GeoGebra Il faut trouver la valeur du rayon du cylindre qui donne comme volume

Bousculé, apostrophé, harcelé, l'auditeur ne sait plus si le bulletin météorologique qui annonce la neige a trait à la journée d'hier ou à celle de demain ; et il se retrouve en

- Lorsque le niveau de remplissage maximum du mélangeur est atteint on arrête la pompe P et on ferme la vanne V1 - Lorsque les opérations précédentes sont achevées on met le moteur M

Pour repérer la thèse défendue, il convient tout d'abord de trouver le thème du texte.. On peut ensuite chercher le jugement ou le sentiment du locuteur à propos de

Cette phrase montre que Solvay prend appui sur son référentiel de compétences dans son nouvel accord de GPEC pour saisir les différentes sources de compétences : lors de la

Je présente dans ce travail la création en ligne d’une production d’un conte réalisé par des apprenants lors d’une séance de Travaux Dirigés en situation de français