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A propos de l'architecture de la voûte cranienne des Boschimans (note préliminaire)
PITTARD, Eugène, HODLER, Daisy
PITTARD, Eugène, HODLER, Daisy. A propos de l'architecture de la voûte cranienne des Boschimans (note préliminaire). Archives suisses d'anthropologie générale , 1936, vol. 7, no. 3, p. 252-258
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106400
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Extrait des Archives suisses d'Anthropologie gënërale Tome VII. n'o 3, r936,
A propos de I'architecture de la voûte cranienne
des Boschimans.
(Note ,prétiminaire.)
par
M, Eugène Prmenn,
professeur d'Anthropologie à l'Université de Genève et
Daisy Hoolnn,
licenciée ès sciences biologiques.
Plusieurs auteurs ont essayé d'établir une parenté entre les squelettes négroïdes dits de Grimaldi, les statuettes découvertes dans I'Aurignacien,
et les Boschimans actuels 1. Pour eux un groupe humain aurait passé
-
à une époque difûcile à déterminer exactement (entre le Chelléen et l'Aurignacien)-
d" l'Afrique en Europe, par un pont qui n'est pas encore précisé. Pour des raisons diverses, inutiles à relater ici, ce groupe a pu être considéré comme appartenant aux Boschimans préhistoriques.Mon éminent ami, R. Verneau 2 s'est toujours opposé à un tel point de
vue. I1 s'appuie, pour repousser cette hypothèse, sur des raisons diverses qui n'ont pas toutes à être rappelées, sauf l'une: les crânes de Boschimans sont tous des crânes platycéphales, tandis que les crânes des deux Négroïdes de Grimaldi sont des crânes nettement hypsicéphales. Après avoir cité les chiffres des indices verticaux des trois crânes féminins figurant dans les Crania Ethnica, Verneau ajoute à cette petite série, dont on comprend le peu d'importance, 9 crânes étudiés par Broom 3, puis z4 aatres crânes de Boschimans examinés par lui-même dans le Musée du Royal College of Surgeons de Londres. L'inventaire devient alors présentable.
1 On trouvera dans l'ouvrage classique de Boule des indications à ce sujet. Voir M. BouLE, Les Hmmes fossi,les. Patis, tgz3,
2 VERNE^U, La ùrétend,ue Parenté d,es Nëgrodes eurobéew eI des Boschimans. I-'Anthropologie, Paris 1925.
3 BRooM, A Contribution to the Crui,ology ol the Yellos-Shi,nned Rqces oI South Alrica. Jour. of the Antb.
Institute 1923.
ARCHITECTURE DE LA VOÛTE CRANIENNE DES BOSCHIMANS 253 Tous ces spécimens considérés sont, dans leur moyenne, des crânes
platycéphales, aussi bien les crânes masculins que les crânes féminins
iirrai."
vertical des hommes 7o,34; des femmes 7r,où'Verneau ajouteque < trois sujets masculins dépassent très légèrenoentrla limite de la platy- céphalie et trois féminins, sur douze, sont dans le même cas >. Et verneau, qo"lqo". lignes plus loin, écrit encore: <En présence de ces résultats, je
À"
"roi, en droit d,'afirrner 1 que les Boschimans sont caractérisés par le surbaissement de leur voûte cranienne >'
On voit, par ces citations, l'importance qu'il
y
a lieu d'attribuer à la construction du crâne chez les Boschimans, en particulier à l'élévation dela
voûte, puisqu'elle touche peut-êtreà un
problème capital pour la connaissance de l'histoire primitive européenne. L'étude de cette construc- tion, nous la poursuivrons, avec tous les détails nécessaires, sur la série des crânes Boschimans déposés par le Musée de Cape Town, au Labo- ratoire d'Anthropologie de l'université de Genève. Pour aujourd'hui, nous voulons simplement nous occpper d'un seul aspect de cette architecture:1e rapport du développement maximum en hauteur de la voûte, lorsque cette hauteur est comparée à la ligne glabelle-inion et à la ligne nasion- inion. ces documents sont ensuite cornparés à ceux fournis, selon Ia même technique, par d'autres populations
-
ayant .naturellement des crânes dolichocéphales, comme ceux des Boschimans dans leur majorité.Le diamètre vertical dont
il
est question dans la présente Note n'a pas été mesuré au bregma, mais au vertex.La série que nous avons eue en mains se compose de 84 crânes, se subdivisant comme
suit:
44 crânes masculins,z7
crànes féminins et13 crânes ayant appartenu à de jeunes individus. Ces crânes ont été rangés (terminologie du Musée de cape Town) selon les lieux de provenance et ces groupes seront examinés individuellement avant de passer à une étude d'ensemble.
Pour trouver Ia position du vertex, nous avons élevé successivement, à partir de la ligne glabelle-inion, une série de parallèles jusqu'à l'endroit oir l,une de celles-ci, la plus éloignée de la base, vient rencontrer tangen- tiellement le sommet de la voûte cranienne. Nous marquons alors ce point.
Et c',est de ce point tangent que nous traçons une perpendiculaire qui vient rencontrer
la
ligne glabelle-inion. Nous possédons alors une verticale représentantla
plus grande hauteur cranienne, celle-ci étant considéréepar rapport à la ligne de base.
1 C,est Vern€au qui souligne. Toutefois on pourra remarquer que chez les crânes féminins, l'exception <1ont parle Vern€au représilte 7e z5lo, C'est déjà quelque chose.
254 EUGÈNE PITTARD ET DAISY HODLER
Le fait de posséder cette verticale qui sépare dans sa hauteur re crâne en deux parties, nous permet déjà, au seul examen des tracés, de constater que l'architecture du crâne des Boschimans (considérée selon cette vue) n'est pas la même chez tous les indiviclus. chez certains la verticale laisse en arrière d'elle, sur le plan dessiné, une large surTace pariéto-occipitale;
chez d'autres, cette surface est moins développée, et c'est alors la portion fronto-pariétale du crâne qui est particulièrement grande.
on
pourlait presque, par ce moyen, diviser, grosso-mod.o, les crânes qui ont été mis sous nos yeux, en frontaux et en occipitaux.En plus de cette construction, nous en avons fait une autre, oir c'est la distance nasion-inion qui devient la ligne de base. Le vertex a été trouvé
de la même façon que ci-dessus. Disons tout de suite que ce point n'occupe pas exactement celui précédemment obtenu.
Nous comparerons les unes aux autres les <1eux régions craniennes ainsi obtenues.
Tous les contours craniens nécessaires pour cette étude ont été dessinés
au stéréographe.
Examen d,+t, rapport hawtewr vertex à la ligne glabello-inion.
Le premier des rapports que nous avons étudiés ne se montre pas égal
à lui-même chez les deux sexes, non plus que chez les indivirlus jeunes.
Voici les moyennes, les maxima et les minima, que nous avons obtenus sur les quatre groupes humains considérés:
Rapports.
Dnnes d.e sable
Minimum Maximum Moyenne
Désert d,ot, Kalahari Minimum Maximum Moyenne
45,56 55,78 52,46
50,60 67,ss 6t,56
49,r5 6o,67 53,79
55,r2 57,86 56,3r
51,r2 59,o9 53,93
52,23 57,ss 55,o7
Rapports Crânes Crânes
masculins féminins
Crânes de jeunes individus
Crânes féminins
Crânes de jeunes individus Rapports masculinsCrânes
ARCHITECTURE DE LA VOÛTE CRANTENNE DES BOSCHIMANS 255
Abris sows roches
Minimum Maximum Moyenne Colonie d.w Cap:
Minimum Maximum Moyenne
Ensernble des Boschimans
Minimum Maxfutrutu Moyenne
54,o7 59,o4 56,75
46,70
6t36
56,r4
5r,rB 6rsg
57,74
57,49 59,75 58,62
49,r5 6r,ss
57,92
62,5o 63,o9 62,7q
50,58
6s,gr
57,o7
50,58 6s,gT 57,87 56
36 8z 45,
6r;
54,
On remarquera que partout, sauf un cas
-
etil
est à peine apparent (crâne féminin du Désert de Kalahari)-
les crânes des femmes et ceuxdes jeunes individus ont des indices moyens plus élevés que les crânes masculins. C'est dire que chez ceè deux premiers groupes, la hauteur du crâne, mesurée à l'endroit otr la voûte est la plus proéminente, est relâti- vement plus développée que chez les crânes masculins. C'est là une indi- cation à retenir. Jusqu'à présent, chez les crânes d'Européens, la voûte cranienne féminine nous appafaissait comme habituellement moins élevée,
par rapport à certains diamètres horizontaux, comme le D.A'P. et le D'T', que celle des crânes masculins. Si, par exemple, nous reprenons la grande série de crânes suisses proVenant de
la
Vallée du Rhône, étudiée par Pittard 1, nous constatons que la hauteur absolue du crâne, représentée par le diamètre basio-bregmatique, est de r33mm,I chez les crânes mascrrlini et de rz7mm,7 chez les crânes féminins.Il
est bien entendu que ce sont làdes valeurs absolues et elles n'ont rien qui nous surprenne. Mais les indices verticaux de longueur et de largeur donnent aussi, aux crânes masculins,
1 Eugène PtrrARD,.Cretuia hzl.aetlca, Les uânes aaladsaw de laYqUée d'u Rhône, Paris et Genève, r9o9-r9ro
256 EUGÈNE PITTARD ET DAISY HoDLER
des chiffres supérieurs à ceux des crânes féminins. Ainsi respectivement:
pour le premier de ces indices, 74,59 et 74,o; pour le second, BB,4z et 87,64.
Cependant, chez ces mêmes crânes suisses, le rapport du diamètre B.B. à
la base du crâne, c'est à dire à la longueur naso-basilaire, est en faveur des crânes féminins. On voit combien l'architecture du crâne nous réserve de surprises selon les éléments de construction clue nous utilisons. Nous comparerons plus tard les chiffres ci-dessus à d'autres encore.
Ajoutons que les crânes des jeunes individus Boschimans, sans spécifi- cation précise du sexe auquel ils appartiennent, nous offrerrt un chifire presque égal à celui des crânes fémitrins.
Et disons enfin que les indices verticaux des crânes de Boschimans nous
ont donné les indices que voici:
Crânes masculins Crânes féminins .
6g,zs 6g,96
94,r9 9r,4r
Si, pour le premier de ces indices, les deux sexes se présentent sans une différence appréciable entre eux,
il
n'en est plus de même du seccnd. Par rapport à la largeur du crâne, les femmes Boschimanes ont un diamètre B.B. relativement faible. Un tel résultat peut, a priori, s'imaginer, à cause, dans un groupe racial relativement homogène, dela
moindre dolichocé- phalie habituelle des crânes féminins, laquelle présuppose un diamètre transverse relativement bien développé.On voit que les interprétations que nous cherchons ne sont pas si simples qu'on pourrait le croire. Dans l'étude que nous faisons dans ce moment-ci, les crânes féminins, avons-nous vu, ont un rapport nettement plus élevé que celui des crânes masculins. Nous considérons ce
fait
cornme très intéressant pour la connaissance cle l'architecture cranienne comparative-Examen dw rapport hauteow ueytex à ligne naso-inion.
Nous avons ajouté cette seconde recherche à la première, pensant qu'elle donnerait quelques renseignements intéressants. En effet, la construction du crâne dans la partie inférieure de l'écaille frontale n'est pas tout à fait
fndice vertical
de longueur Indice vertical de largeur
ARCHTTECTURE DE LA VOÛTE CRANIENNE DES BOSCHTMANS 257 la même dans les deux sexes. on sait, par exemple, que le diamètre méto- pique est, en moyenne, plus grand chqz les crânes féminins. voici les résultats qo" ,roo, avons obtenus pour l'ensemble des crânes Boschimans:
Rapports
Dunes de sable:
Minimum Maximum Moyenne
Dâseû d,u, Kal,a'hnli : Minimum
Maximum Moyenne Abris sows roches
Minimum Maximum Moyenne Col'onie d'u Cap
Minimum Maximum Moyenne
Ensernble d,es Boschimans
Minimum Maximum Moyenne
46,59 52,t2 s6,g6
53,I8 63,t6 58,og
s6,47 6t,73 59,63
5r,r2
65,o9 60,zt
53,63 68,4o 6o,62
52,AO 65,o7 59,ro
55,05 66,89 62,2t
6r,35 6s,s6 63,45
52,oo 68,4o
6r84
59,63
6t,94
6o,53
55,56 6t,22 5B,zo
68,r2 68,53 68,33
54,7r 7r,53 6z,z$
54,71 7r,53 6z,zt
46,59 65,o9 58,72
La remarque générale qui s'impose, c'est d'abord que ce résultat est semblable à celui précédemment obtenu; les crânes féminins ont les valeurs des rapports (les trois valeurs inscrites dans ce tableau) plus grandes que
crânes lo,.*,r. l.:',1""n"
mascurins
I re'"i"i".
| ï.fi.i,i
Rapports
258 EUGENE PITTARD ET DAISY HODLI'R
celles des crânes masculins.
Et
les crânes'de jeunes individus marquent encore plus nettement cette différence puisque leurs valeurs dépassent celles des crânes féminins.La hauteur du crâne, dans
la
région comprise entre l'horizontale quel'on sait et le vertex, est donc relativement plus grande chez les crânes féminins.
Ainsi, selon les deux procédés que nous avons employés,
il
résulte denos recherches que
le
crâne des femmes boschimanes possèdela
partie supérieure de sa votrte placée à une plus grande distance des deux lignes horizontales considérées, que les crânes masculins.Une telle constatation semble être en désaccord avec ce qui a été constaté chez certains crânes d'Européens auxquels nous les avons comparés.
Nous avons dit que la ligne velticale que nous utilisons ne nous donne pas la hauteur totale du crâne telle qu'on la mesure habituellement (basio- bregmatique) mais nous pouvons remarquer toutefois que les lignes hori- zontales nasion-inion et glabelle-inion ne passent pas beaucoup au-dessus
du point otr l'on place le compas pou.r mesurer la hauteur totale du crâne.
Il
est très probable que si nous âvions utilisé cette dernière mesure, le résultat aurait élé-
avec des valeurs numériques naturellement cliffé- rentes-
à peu près le même, sinon le même.Nous comptons reprendre ce travail avec tous les détails désirables et nous le prolongerons par l'examen des crânes des Hottentots et des Griquas auxquels nous avons l'habitude de comparer les crânes des Boschimans.