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LES CONSEILLERS GENERAUX ET LES ELECTIONS CANTONALES

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(1860-1870)

Henri COURRIERE, ATER en histoire contemporaine, Université de Nice Sophia- Antipolis, Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC).

Structure intermédiaire entre les communes et l’État, le canton représente un échelon privilégié pour appréhender au plus près l’évolution des pratiques et des cultures politiques à la fin du Second Empire. Il constitue en effet un enjeu important pour les notables locaux, qui cherchent à s’en emparer ou à le conserver, comme pour les agents de l’État, pour lesquels les élus cantonaux doivent, à l’image des maires, constituer des relais et des soutiens du régime1. Élections cantonales et conseillers généraux participent ainsi pleinement à la structuration et à l’évolution des pratiques politiques à l’échelle locale.

Les années 1860-1870 constituent en outre une période particulièrement importante du point du vue politique. À l’échelle nationale, cette décennie se caractérise en effet par la libéralisation du régime et l’essor concomitant des oppositions2. Il s’agit donc d’une période de « réveil » de l’activité politique, à laquelle participent également les cantons. Ces dix années constituent en outre la première décennie d’existence du nouveau département des Alpes-Maritimes, créé en 1860 par la réunion du comté de Nice, annexé au détriment du royaume de Piémont-Sardaigne, et de l’arrondissement de Grasse, détaché du département du Var3. Il s’agit donc d’une période décisive pour la mise en place de structures, d’acteurs et de pratiques politiques nouvelles4. En ce sens, les années 1860-1870 constituent une décennie fondatrice et déterminante pour l’histoire politique de ce département.

1 Pour les maires, cf. AGULHON Maurice (dir.), Les maires en France du Consulat à nos jours, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986, 458 p. ; FOUGERE Louis, MACHELON Jean-Pierre, MONNIER François (dir.), Les communes et le pouvoir. Histoire politique des communes françaises de 1789 à nos jours, Paris, PUF, 2002, 661 p.

2 Cf. YON Jean-Claude, Le Second Empire. Politique, société, culture, Paris, Armand Colin, 2004, 255 p.

3 La province de Nice, nom officiel et administratif du « comté de Nice », est divisée à la suite de l’annexion de 1860 en deux arrondissements : Nice et Puget-Théniers. Depuis 1818, date d’une importante réforme administrative, Nice était le chef-lieu d’une division qui comprenait trois provinces : Nice, Oneglia et San Remo.

La province de Nice était elle-même divisée en deux préfectures, Nice et Sospel et en 15 mandements, équivalents des cantons, qui élisaient des conseillers provinciaux. Cf. BORDES Maurice (dir.), Histoire de Nice et du pays niçois, Toulouse, Privat, 1976, p. 249. et RUGGIERO Alain (dir.), Nouvelle histoire de Nice, Toulouse, Privat, 2006, p. 159. Les élections avaient lieu au suffrage censitaire, mais le niveau de cens nécessaire pour voter était assez faible. Sur l’annexion proprement dite, cf. GONNET Paul, La réunion de Nice à la France, Breil- sur-Roya, Éditions du Cabri, 2003, 343 p. Pour les aspects juridiques et administratifs, voir CENTRE DHISTOIRE DU DROIT (dir.), Nice au XIXe siècle. Mutations institutionnelles et changements de souveraineté, Nice, Centre d’histoire du droit, 1985, 370 p.

4 Pour les conséquences des annexions sur les notables locaux, cf. TURREL Denise (dir.), Villes rattachées, villes reconfigurées (XVIe-XXe siècle), Tours, Presses Universitaires François-Rabelais de Tours, 2003, 433 p.

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2 L’étude des élus et des scrutins cantonaux au cours de cette période permet dès lors de mieux saisir en quoi le canton a pu constituer une source d’opposition et de renouvellement ou, au contraire, un facteur de stabilité et de continuité politique pour le Second Empire lors de sa dernière décennie d’existence. Une étude prosopographique des conseillers généraux nous permettra de nous pencher ensuite sur leur rôle au sein du système politique départemental, pour essayer enfin de caractériser la place des élections cantonales dans le fonctionnement de la vie politique locale.

Les conseillers généraux : portrait de groupe

De 1860 à 1870, 44 conseillers généraux sont élus ou exercent leur mandat dans les 25 cantons des Alpes-Maritimes5. Une approche prosopographique permet de mieux déterminer à quel type de notabilité appartiennent ces élus. L’étude menée par Louis Girard sur les conseillers généraux en 1870 permet, en outre, d’établir d’utiles points de comparaison avec le reste de la France6.

Des notables

La composition sociale du Conseil général reflète les spécificités historiques et économiques du département. Les hommes de loi dominent ainsi nettement l’assemblée départementale : 40,9% des conseillers sont en effet avocats, avoués, notaires ou greffiers, contre 30% à l’échelle nationale7. Les juristes sont donc nettement surreprésentés et, surtout dans l’ancien comté de Nice, continuent à dominer la vie politique locale malgré le changement de souveraineté, alors même qu’ils se sont montrés dans leur ensemble réticents, voire hostiles, envers l’annexion à la France, qui lésait leurs intérêts. Les négociants et les industriels arrivent en seconde position avec 15,9%, contre 15,5% à l’échelle nationale. Ce groupe, qui a pourtant soutenu massivement l’annexion, ne parvient donc pas à investir le Conseil général, sans doute parce qu’il ne bénéficie pas du même prestige ni du même pouvoir d’influence que les hommes de loi, notamment dans les cantons de l’arrière-pays

5 L’arrondissement de Nice comptait 16 cantons, ou mandements, en février 1860. Leurs limites avaient été fixées lors de la première annexion à la France, de 1792 à 1814 et ont été peu modifiées lors du retour au royaume de Piémont-Sardaigne. L’annexion de 1860 apporte quelques changements sur le plan administratif. Le canton de St-Sauveur est créé à partir de communes détachées du canton de St-Etienne. Le canton de Sospel, qui élisait deux conseillers, n’en élit plus qu’un. La ville de Nice, auparavant divisée en deux cantons, intra-muros (4 conseillers) et extra-muros (2conseillers), est redécoupée en Nice-Est et Nice-Ouest. Elle passe donc de 6 à 2 conseillers. De 1860 à 1870, 28 conseillers sont élus dans l’ancien comté de Nice et 16 dans l’arrondissement de Grasse. L’arrondissement de Grasse compte 8 cantons, l’ancien comté de Nice 17 (6 pour l’arrondissement de Puget-Théniers, 11 pour celui de Nice). En moyenne, chaque canton de l’arrondissement de Grasse a donc eu 2 conseillers au cours de la période contre 1,65 pour l’ancien comté. Le renouvellement est donc plus important dans la partie occidentale du département.

6 GIRARD Louis, PROST Antoine, GOSSEZ Rémi, Les conseillers généraux en 1870. Étude statistique d’un personnel politique, Paris, PUF, 1967, 211 p.

7 GIRARD Louis, PROST Antoine, GOSSEZ Rémi, op. cit., p. 45-46. Ces proportions sont de 42,9% pour l’ancien comté de Nice et de 37,5% pour l’arrondissement de Grasse.

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3 montagneux. La présence importante des anciens militaires, 13,6% contre 3,9% à l’échelle nationale, s’explique par la position frontalière du département. Les propriétaires-rentiers, en revanche, n’arrivent qu’en quatrième position avec 11,4%, soit nettement en dessous de la moyenne nationale de 33,6%, en raison de la faiblesse de la grande propriété dans les Alpes- Maritimes. Enfin, le Conseil général compte 20,5% de nobles, contre 27,6% à l’échelle nationale8. La majorité des aristocrates a en effet quitté Nice pour s’installer en Italie après 1860, par fidélité envers le roi de Piémont-Sardaigne9. Certains, cependant, ont donc préféré rester et continuer à jouer un rôle politique malgré le changement de régime et de souveraineté, assurant ainsi une certaine continuité.

Les élus cantonaux du département sont donc, dans l’ensemble, des notables d’une envergure sociale assez modeste, ce qui correspond au profil des élites locales, notamment niçoises10. L’étude des cursus et des mandats permet cependant de préciser l’analyse.

Cursus et mandats

Les cursus politiques des élus cantonaux reflètent les conditions particulières de la situation locale dues à l’annexion. 43,2% d’entre eux étaient ainsi en fonction avant 1860, mais ce taux est de 35,7% seulement pour l’ancien comté de Nice contre 56,3% pour l’arrondissement de Grasse. Le changement de souveraineté a donc entraîné un renouvellement du personnel politique cantonal plus important dans la partie annexée du département.

La durée moyenne du mandat est sensiblement plus élevée dans l’ancien comté (6,46 années en moyenne) que dans l’arrondissement de Grasse (5,13 années), signe d’une vie politique plus active à l’ouest qu’à l’est du département. Les mandats se finissent généralement par le décès du conseiller, sa non-représentation ou sa démission pour raisons de santé. Autant de signes d’une assemblée de notables peu politisée.

Les élus cantonaux cumulent par ailleurs peu de mandats, ce qui est conforme aux tendances observées par Louis Girard11. La moitié d’entre eux seulement occupent ainsi une autre charge politique : 27,3% sont maires, 22,7% conseillers municipaux et 4,5% députés. Le siège de conseiller général est donc, comme dans le reste de la France, un poste que les notables occupent plutôt en fin de carrière politique12. On compte ainsi parmi eux deux anciens syndics de Nice13 et trois anciens députés au Parlement de Turin14.

8 Neuf conseillers sont nobles, sept dans l’ancien comté de Nice et deux dans l’arrondissement de Grasse.

9DE ORESTIS DI CASTELNUOVO Jules, La noblesse niçoise. Notes historiques sur soixante familles, Marseille, Laffitte Reprints, 2002, 160+68 p. (première édition : Nice, 1912, deux volumes) ; BOTTIN Michel, « La noblesse niçoise au XIXème siècle. Éléments pour une étude politique », Cahiers de la Méditerranée, 1991, n° 43, p. 19-32.

10 Cf. RUGGIERO Alain, « La bourgeoisie niçoise au milieu du XIXème siècle. Essai de caractérisation », Cahiers de la Méditerranée, 1993, n° 46-47, p. 85-95.

11 GIRARD Louis, PROST Antoine, GOSSEZ Rémi, op. cit., p. 197.

12 Ibid., p. 85.

13 Adrien Barralis et François Malausséna.

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4 Enfin, 65,9% des conseillers ne résident pas dans leur canton. 64,3% de ceux de l’ancien comté habitent Nice, tandis que 56,3% de ceux de l’arrondissement de Grasse résident à Grasse. En revanche, 13,6% seulement n’habitent pas dans les Alpes-Maritimes15, tandis qu’à l’échelle nationale 23,1% des conseillers généraux ne résident pas dans le département où ils sont élus. L’éloignement de la capitale et la domination de Nice et de Grasse sur leurs arrondissements respectifs font que les élus cantonaux résident davantage dans le département, mais moins dans leur canton, que leurs homologues du reste de la France. Les cursus indiquent donc, là aussi, des conseillers peu politisés, facteurs de stabilité pour le régime. Les candidats qui le peuvent soulignent cependant dans leur profession de foi leur qualité de propriétaire dans le canton, notamment lors des élections de juin 1870. Ceux qui ne sont pas originaires du canton, même s’ils y sont propriétaires, sont en outre présentés par leurs adversaires comme des « étrangers »16. Qu’ils y résident ou non, les candidats se présentent le plus souvent comme des défenseurs des intérêts du canton au sein du Conseil général, l’enjeu étant la répartition des crédits départementaux et gouvernementaux.

14 Adrien Barralis, Barthelémy Léotardi et Louis Piccon.

15 Cinq à Paris et un à Aix-en-Provence.

16 Journal de Nice, 8 juin 1870, profession de foi d’Eugène Auquier, candidat dans le canton de Puget-Théniers contre le conseiller sortant Hercule Raybaud-Papon. Pour Auquier, qui n’est pas né dans le canton, « Celui-là seul est un étranger qui, investi de votre mandat, est resté pendant dix ans sans souci de vos besoins ».

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5 Héritages, legs et stratégies politiques

Les élus cantonaux sont des héritiers en même temps qu’ils transmettent un certain capital politique. Faute de sources, il est difficile de connaître l’héritage politique de tous les élus, en déterminant s’ils avaient un père, un oncle ou un parent plus âgé qui exerçait une fonction politique. Nous avons pu établir que 29,5% des conseillers au moins ont bénéficié de ce type d’héritage, mais ce taux devait être sensiblement plus élevé. En revanche, 4,9% des conseillers ont laissé un legs politique à leurs descendants. Les élus cantonaux du département, au cours de cette période, héritent donc davantage qu’ils ne transmettent, en raison de la rupture que constitue la chute de l’Empire.

Plusieurs conseillers essaient cependant de se servir de leur mandat comme d’un tremplin pour une carrière politique plus importante. Ainsi, Fortuné Maure, élu conseiller général de Saint-Vallier en 1861, se présente aux élections législatives de 1863 contre le candidat officiel17. De la même manière, Joseph-Donat Méro, élu conseiller général de Saint- Auban en 1861, se fait ensuite élire maire de Cannes en 1865 puis, en 1867, il se présente simultanément dans deux cantons : celui de Saint-Auban et celui de Cannes. Élu dans les deux, il choisit ce dernier avant de se présenter aux élections législatives de 1869, contre le candidat officiel. Différentes manières de concevoir le mandat cantonal cohabitent donc dans le département à la fin du Second Empire. Pour certains, il s’agit bien d’une charge essentiellement honorifique tandis que, pour d’autres, le mandat cantonal constitue davantage une sorte de prologue à leur carrière.

Les conseillers généraux des Alpes-Maritimes sont donc, dans l’ensemble, des notables d’une envergure sociale assez moyenne, aux cursus peu politisés. En entraînant le départ de certains des notables les plus en vu, l’annexion du comté de Nice à la France est certainement en partie responsable de cette situation, mais les conditions économiques locales expliquent également ce profil globalement modeste. Les élus cantonaux du département sont cependant, pour reprendre la typologie de Louis Girard, davantage des notables de capacités que des notables de situation et comptent parmi eux nombre d’avocats et de négociants, catégories sociales assez souvent réticentes envers le régime impérial et donc susceptibles d’entrer en opposition. La position des conseillers généraux au sein du système politique local permet de mieux déterminer la nature de leur l’activité politique.

Le conseiller général, entre les maires et le préfet

Comme l’a souligné Louis Girard, le conseiller général constitue un « échelon intermédiaire » entre les maires et le préfet18. L’élu cantonal se trouve dès lors pris entre des

17 BASSO Jacques, Les élections législatives dans le département des Alpes-Maritimes de 1860 à 1939. Éléments de sociologie électorale, Paris, LGDJ, 1968, 397 p.

18 GIRARD Louis, PROST Antoine, GOSSEZ Rémi, op. cit., p. 11.

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6 logiques de pouvoir qui, si elles ne sont pas toujours antagonistes, peuvent être parfois divergentes. Les relations entre pouvoir municipal et pouvoir cantonal d’une part, et entre les conseillers généraux et le préfet d’autre part, permettent de mieux saisir cette dialectique.

Pouvoir municipal et pouvoir cantonal

Le pouvoir municipal et le pouvoir cantonal ont en commun de représenter un enjeu d’importance pour les notables locaux. Le siège de conseiller général constitue dès lors parfois l’enjeu d’une lutte entre deux villages, qui se disputent la prééminence du canton. En 1861, deux candidats, l’abbé Antoine Toesca et le conseiller sortant Félix Martini, se disputent ainsi le canton de Breil. À l’issue du premier tour, chaque candidat obtient presque toutes ses voix dans son village et un nombre dérisoire de suffrages dans le village adverse19. Le conseiller élu est dans ce cas celui soutenu par le village le plus important. Le canton peut être cependant aussi l’objet d’une lutte entre deux clans d’un même village, représentés chacun par un candidat, comme à Puget-Théniers en juin 1870 où l’élection oppose Eugène Auquier au conseiller sortant Hercule Raybaud-Papon. Objet de conflits entre familles ou entre villages rivaux, le canton constitue ainsi un territoire politique dont il convient de s’emparer. Les fonctions d’élu cantonal permettent en effet de redistribuer des services à sa clientèle et donc de maintenir sa prééminence au sein de la commune ou du canton20.

Les maires jouent par ailleurs un rôle décisif lors de la désignation des candidats aux élections, notamment lorsqu’il s’agit de personnalités extérieures. En 1863, plusieurs maires du canton de L’Escarène écrivent ainsi au préfet pour lui proposer la candidature du comte Dominique-Honoré de Vedel, directeur de la comptabilité au ministère de l’Intérieur 21. Le comte a très peu de liens avec le canton mais, selon un maire, son père a été une « gloire » de l’arrondissement. Lors de la campagne électorale, les maires demandent en outre l’aide du préfet pour lutter contre la candidature locale d’opposition de Pierre Faraut, avocat à Nice et originaire du village de Peillon22. L’appel à un candidat extérieur, mais appartenant à une famille prestigieuse d’origine locale, permet ainsi aux maires de ne pas déclencher de conflit entre eux pour le contrôle du canton. Il s’agit également d’avoir comme conseiller un intermédiaire bien placé auprès des instances supérieures et donc susceptible de rendre de précieux services.

Pouvoir cantonal et pouvoir municipal peuvent enfin parfois se confondre. À Cannes, lors des élections de juin 1870, le maire Joseph-Donat Méro, qui est également le conseiller général sortant, fait ainsi distribuer des cartes électorales et des bulletins de vote par les gardes champêtres et les agents de police, malgré l’interdiction du sous-préfet et du

19 Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, procès-verbal de recensement des votes.

20 Sur les logiques de clientélisme, cf. BRIQUET Jean-Louis, La tradition en mouvement. Clientélisme et politique en Corse, Paris, Belin, 1997, 303 p.

21Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, lettre du maire de L’Escarène au préfet, 7 septembre 1863 ; rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 15 octobre 1863 ; lettre du maire de Lucéram au préfet, 22 novembre 1863.

22Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, lettre du maire de Peillon au préfet, 22 novembre 1863 ; lettre du maire de L’Escarène au préfet, 23 novembre 1863.

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7 commissaire23. L’enjeu que représente l’élection cantonale est ici suffisamment important pour que le conseiller général s’oppose directement à l’autorité supérieure. Cette dernière éprouve en effet souvent des difficultés à intervenir efficacement dans la vie politique cantonale, comme le montre la pratique de la candidature officielle.

Les difficultés de la candidature officielle

Comme pour les élections législatives, la pression administrative joue un rôle important lors des campagnes électorales cantonales24. Les agents de l’administration font cependant preuve de prudence dans l’utilisation du patronage officiel. Certaines élections sont en effet particulièrement délicates pour la préfecture. En juin 1861, le conseiller sortant de St- Vallier, Paul Réverdit, accepte ainsi de ne pas se représenter contre la candidature opposante de Fortuné Maure, au grand soulagement du sous-préfet25. L’administration aurait été en effet obligée de choisir entre un conseiller sortant dévoué, mais qui risquait de perdre, et un notable particulièrement bien implanté et dont la victoire était prévisible. La division probable du canton en deux camps opposés aurait été en outre particulièrement difficile à gérer pour la sous-préfecture.

L’administration choisit donc le plus souvent la neutralité. En juin 1861, elle s’abstient ainsi d’intervenir à Vence entre le conseiller sortant, Camille Raybaud, et son concurrent, Marcellin Maurel26. Ce dernier risque en effet de l’emporter et, selon le préfet, aucun « intérêt supérieur », c’est-à-dire politique, n’est en jeu. Le conseiller sortant, cependant, se plaint vivement auprès du sous-préfet de ce manque de soutien27. De la même manière, en 1861, le conseiller du Bar, Camille Mougins de Roquefort, reproche au sous-préfet de ne pas soutenir davantage la candidature de son fils Eugène, auquel il souhaite transmettre son canton28.

Les élections cantonales de Grasse, en juin 1864, fournissent un bon exemple des difficultés que rencontre parfois l’administration. Le conseiller sortant, Joseph Luce, a été en effet élu en 1858 grâce au soutien de l’administration mais, lors des élections législatives de 1863, il a soutenu le candidat indépendant contre le candidat officiel29. L’administration se

23Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M202, rapport du commissaire de police de Cannes, 10 juin 1870.

24Cf. HUARD Raymond, Le suffrage universel en France (1848-1946), Paris, Aubier, 1991, 493 p. ; ROSANVALLON Pierre, Le sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992, 640 p. ; GARRIGOU Alain, Histoire sociale du suffrage universel en France, 1848-2000, Paris, Seuil, 2002, 366 p. ; VOILLIOT Christophe, La candidature officielle. Une pratique d’État de la Restauration à la Troisième République, Rennes, PUR, 2005, 298 p. ; LAGOUEYTE Patrick, Candidature officielle et pratiques électorales sous le Second Empire (1852-1870), thèse de doctorat en histoire, Université de Paris I, 1991, 1622 p., 5 volumes.

25Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 1M559, rapport du sous-préfet au préfet, 22 mai 1861.

26Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 21 mai 1861.

27Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du sous-préfet de Grasse au préfet, 2 juin 1861.

28 Id.

29 Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du sous-préfet de Grasse au préfet, 28 mars 1864. Joseph Luce a été élu en 1858 dans le canton de Grasse en remplacement de Isnard, décédé. Il était le candidat officiel contre Dominique Conte, républicain. Cf. Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M199, rapports du sous-préfet de Grasse au préfet, 3 novembre 1858 et 13 décembre 1858.

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8 trouve dès lors dans une situation délicate. Elle ne peut pas en effet repousser Joseph Luce qui, selon le sous-préfet, « malgré un vernis orléaniste, est un homme d’ordre », mais elle ne peut pas non plus soutenir « en juin 1864 un homme qui l’a carrément combattue en juin 186330 ». Le candidat opposant, Paul Martelly, semble certes plus hostile que le conseiller sortant, mais les différents agents de l’administration hésitent néanmoins sur la conduite à tenir. Le préfet estime qu’il convient de soutenir le conseiller sortant, mais le sous-préfet préfèrerait que l’administration reste neutre31. Selon lui, en effet, une intervention officielle

« donnerait au succès de M. Martelly, si succès il y a, une couleur politique et cela contre la réalité des choses32 ». Le sous-préfet décide finalement de soutenir Joseph Luce, mais de façon informelle, lors de conversations privées ou en se promenant plusieurs fois avec le candidat en plein jour33.

La situation du conseiller général au sein du système politique départemental est donc particulièrement délicate. Ses rapports avec les maires dépendent en effet des rivalités et des équilibres locaux, tout en étant marqués par l’interdépendance existant entre élus municipaux et cantonaux. L’usage par l’administration de la candidature officielle et, au-delà, ses rapports avec les conseillers généraux, sont également ambivalents. Si la préfecture s’engage trop dans le soutien d’un candidat fidèle au régime mais mal implanté contre un candidat indépendant dont les chances de succès sont importantes, elle risque en effet de voir élire des conseillers hostiles ou mal disposés envers elle. Cependant, si elle reste neutre, elle risque de décevoir les notables qui comptaient sur son soutien, et qui peuvent dès lors basculer dans l’opposition.

Tout dépend alors des talents de négociateur du préfet ou du sous-préfet et de leur faculté à trouver des compromis acceptables par les différents protagonistes34. L’élection cantonale peut dès lors constituer un facteur de stabilité comme d’opposition.

Un facteur de stabilité et un vecteur d’opposition

Les élections cantonales sous le Second Empire sont généralement considérées comme n’étant pas politiques et, par conséquent, peu dignes d’intérêt. Le renouvellement des élus après l’annexion de 1860, l’évolution du nombre de candidats, ainsi que la nature des

30 Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du sous-préfet de Grasse au préfet, 28 mars 1864.

31Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, lettre du préfet au sous-préfet de Grasse, 10 juin 1864.

32Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du sous-préfet de Grasse au préfet, 14 juin 1864.

33Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du sous-préfet de Grasse au préfet, 16 juin 1864.

34 Paul Réverdit est ainsi « remercié » par la Légion d’honneur pour ne pas s’être représenté contre Fortuné Maure.

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9 différentes oppositions montrent cependant que ces scrutins constituent un lieu d’adaptation à de nouvelles normes et à de nouvelles pratiques politiques et, de ce fait, représentent autant un facteur de stabilité que de renouvellement de la vie politique locale35.

Les conséquences de l’annexion de 1860

Les premières élections cantonales dans l’ancien comté de Nice, en décembre 1860 - janvier 1861, provoquent une sorte d’appel d’air politique. Avec 25 candidats pour 17 sièges, l’annexion à la France entraîne en effet une exacerbation de la compétition entre les notables locaux, dans les villes du littoral comme dans l’arrière-pays36. À l’issue du scrutin, cependant, les 10 anciens conseillers provinciaux qui se sont présentés sont tous réélus. 58,8% des conseillers généraux élus au lendemain de l’annexion dans l’ancien comté de Nice sont donc des sortants ou d’anciens conseillers. Par conséquent, si l’annexion a incontestablement entraîné un certain renouvellement du personnel politique, elle n’a pas provoqué une rupture complète par rapport à l’avant 1860 au niveau cantonal. En outre, plusieurs personnalités, qui voulaient profiter de ces élections pour commencer une carrière politique, sont battues37. Le canton constitue donc ici un facteur de continuité et de stabilité de la vie politique locale, en fonctionnant comme une sorte d’« amortisseur politique » lors du changement de souveraineté.

L’annexion entraîne en revanche des conséquences sensiblement différentes dans l’arrondissement de Grasse. Entre 1861 et 1863, en effet, sur les six cantons soumis à un renouvellement, cinq changent de conseiller38. Tout se passe donc comme si, paradoxalement, les élus cantonaux de l’arrondissement de Grasse avaient été davantage affectés que ceux de Nice par l’annexion à la France. Dans l’ancien comté, en effet, l’administration impériale a manifestement préféré s’appuyer sur des notables déjà en place, afin de les utiliser comme moyen d’encadrement du nouveau département. Les élus, pour leur part, y ont vu un moyen de conserver leur position sociale. Dans l’arrondissement de Grasse, en revanche, on peut penser que la majorité des conseillers a préféré se retirer ou démissionner plutôt que de devoir reconstituer dans un nouveau département le long travail de construction de réseaux et de clientèles qu’ils avaient accompli dans celui du Var, laissant ainsi le champ libre à de nouveaux candidats.

35 Sur les débats autour des notions de politisation et d’apprentissage de la politique moderne, cf. notamment GUIONNET Christine, L’apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, 1997, 324 p. ; Collectif, La politisation des campagnes au XIXe siècle. France, Italie, Espagne, Portugal, Rome, École française de Rome, 2000, 376 p.

36 En outre, le nombre de sièges à pourvoir diminue sensiblement avec l’annexion, passant de 21 sièges de conseillers provinciaux à 17 sièges de conseillers généraux. Les cantons les plus disputés sont ceux de Nice-Est, Nice-Ouest et Contes avec trois candidats, suivis de ceux de Breil et de Villars (deux candidats).

37 C’est notamment le cas d’Auguste Carlone, de Nicolas Rapetti et d’Henry Avigdor.

38 Ce fort renouvellement explique vraisemblablement l’attitude du député de la circonscription, Jean Lescuyer d’Attainville qui, en 1863, préfère se présenter à Draguignan. Ne pouvant plus bénéficier de l’aide des conseillers généraux de l’arrondissement de Grasse pour s’y faire réélire, il préfère rester dans le département du Var, où le soutien des autres conseillers lui est toujours acquis.

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10 L’essor des oppositions

Les différentes élections cantonales triennales permettent de mesurer l’essor des oppositions au régime. Lors des élections de juin 1864, un seul canton sur huit fait ainsi l’objet d’une lutte électorale39. Le personnel politique cantonal s’est donc stabilisé depuis l’annexion, bien que certains signes de tensions soient perceptibles. L’abstention élevée dans le canton de Nice-Ouest montre ainsi une apparente indifférence qui peut cependant être analysée comme un signe d’opposition passive à la candidature de l’administration, tandis qu’une protestation contre l’élection dans le canton de Guillaumes indique que certains notables bien implantés et soutenus par l’administration sont néanmoins contestés. Enfin, la lutte dans le canton de Grasse entre Joseph Luce et Paul Martelly, évoquée précédemment, ainsi que l’issue du scrutin défavorable au candidat officiel, montrent que les notables de cette ville entrent dans une phase d’opposition au régime.

Les élections d’août 1867 sont cependant davantage marquées par l’activité de l’opposition. Dans trois cantons sur dix, en effet, le conseiller sortant doit affronter un concurrent40. Aucun candidat ne se déclare hostile à l’administration41, mais la presse locale hostile à l’Empire participe pour la première fois à la campagne électorale42, tandis que des incidents se produisent à St-Étienne, où le candidat indépendant arrache des mains des électeurs les bulletins de son adversaire43. Si tous les candidats soutenus par l’administration sont élus, les opposants obtiennent néanmoins certains succès. Dans le canton d’Antibes, le candidat officiel Alexandre Gazan est ainsi devancé par son adversaire dans les communes de Vallauris et de Biot44. Dans le canton du Bar, le conseiller sortant doit affronter un concurrent pour la seconde fois en six ans.

Comme dans le reste de la France, les élections de juin 1870 sont néanmoins les plus disputées de cette période. Dans cinq cantons sur huit, un voire deux candidats se présentent en effet contre le conseiller sortant et, dans le canton de Vence, un second tour est nécessaire pour départager les candidats. À l’issue du scrutin, deux conseillers soutenus par l’administration sont battus, tandis que de nombreuses contestations sont déposées contre l’élection de Puget-Théniers, qui est finalement annulée par le Conseil de préfecture45. Le préfet se montre pourtant satisfait de ces résultats et assure le ministère que l’opposition des

39 Celui de Grasse, où Paul Martelly se présente contre Joseph Luce.

40 Antibes, Le Bar et St-Étienne.

41 Arch. nat., F/1cIII/Alpes-Maritimes, nouveau département/1, rapport du 3 août 1867.

42 Cf. Journal de Nice, 24 juillet 1867. Le journal de l’opposition est Le Phare du Littoral, quotidien républicain publié à Nice.

43 Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M201, procès-verbal de gendarmerie, 8 août 1867.

44 Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M201, procès-verbal de recensement des votes, 5 août 1867. Les scores d’Alexandre Gazan dans les autres communes du canton lui permettent cependant d’être élu.

45 Les deux candidats battus sont Hercule Raybaud-Papon à Puget-Théniers et Camille Raybaud à Vence.

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11 nouveaux élus ne sera pas systématique46. C’est sur la nature de ces oppositions qu’il convient à présent de se pencher.

Des oppositions polymorphes

L’ancien comté de Nice se caractérise tout d’abord par l’existence d’une double opposition séparatiste et particulariste au régime47. Le conseiller général de Sospel élu en 1861, Louis Piccon, appartient ainsi à une famille connue pour avoir des « sentiments italiens prononcés48 ». En 1863, le préfet rapporte que la candidature opposante de l’avocat Pierre Faraut dans le canton de L’Escarène est soutenue par « quelques habitants notables de ce pays qui repoussent systématiquement de toutes les fonctions publiques les hommes étrangers à l’ancien comté de Nice49 ». Après la victoire du candidat officiel, le préfet ajoute que la candidature de Faraut présentait en outre un « certain caractère d’opposition », compte tenu de la position de son adversaire, le comte de Vedel50. Le canton de L’Escarène serait par ailleurs celui où le parti italien est le plus actif, après celui de Nice51. Comme souvent dans ce type de situation, le préfet a vraisemblablement exagéré l’importance du danger et, par conséquent, celle de sa victoire. Cette élection montre cependant que, trois ans seulement après l’annexion, les scrutins cantonaux permettent aux notables partisans de l’Italie ou hostiles à l’élection de « Français d’outre-Var » de s’opposer aux candidats soutenus par l’administration française.

Les libéraux et les républicains cherchent également à tirer profit des élections cantonales. Celles de juin 1861 sont ainsi marquées par les candidatures de deux anciens députés de la Seconde République, Fortuné Maure et Marcellin Maurel, qui essaient de revenir de cette manière sur le devant de la scène politique locale, dont ils ont été écartés par le 2 Décembre. Les deux hommes se sont certes ralliés à l’Empire, mais n’en demeurent pas moins des libéraux et Fortuné Maure, élu, se présente ensuite aux élections législatives de 1863 contre le candidat officiel52. Marcellin Maurel, en revanche, ne parvient pas à se faire élire.

L’opposition libérale et républicaine se montre enfin particulièrement active lors des élections de juin 1870. À Cannes, un candidat ouvertement républicain, Auguste Borniol, se

46 Arch. nat., F/1cIII/Alpes-Maritimes, nouveau département/1, rapport du 7 juillet 1870.

47 Les séparatistes souhaitent le retour du comté de Nice à l’Italie, tandis que les particularistes réclament l’exclusivité de la gestion de la politique locale par les natifs de l’ancien comté. Il est cependant souvent difficile de les discerner dans les sources administratives, qui tendent à assimiler les deux partis l’un à l’autre. Cf.

COURRIERE Henri, « Les troubles de février 1871 à Nice. Entre particularisme, séparatisme et République », Cahiers de la Méditerranée, juin 2007, n° 74, p. 179-208.

48Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 1M560, note sur Louis Piccon, 20 juillet 1866.

49Arch. nat., F/1cI*/4, rapport du 24 novembre 1863 ; Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 24 novembre 1863.

50Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 1er décembre 1863.

51Ibid.

52Arch. dép. des Alpes-Maritimes, 3M200, tableau récapitulatif, 6 juillet 1861 ; rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 21 mai 1861 ; note sur l’élection de Saint-Vallier, sd.

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12 présente ainsi contre le conseiller sortant J.-D. Méro et obtient un nombre assez important de voix dans plusieurs communes53. Dans le canton de Vence, un candidat libéral, Désiré Féraud, est élu contre le conseiller sortant Camille Raybaud. Dans le canton de Nice-Est, enfin, un négociant libéral soutenu par les républicains, Auguste Raynaud, est élu contre Joseph Boutau, adjoint du maire de Nice54. Pour le publiciste républicain Mark Ivan, cette victoire fut la « condamnation publique de la pression que le préfet et le maire de Nice exerçaient sur les opinions politiques des Niçois55. » L’élection cantonale a en effet permis aux opposants de remettre en cause deux des principaux lieux du pouvoir impérial dans le département, la préfecture et la mairie, qui avaient patronné Boutau.

Les élections cantonales peuvent donc constituer, selon les circonstances et les équilibres politiques locaux, à la fois un facteur de stabilité et un vecteur d’opposition. En outre, même lorsque les candidatures indépendantes ne sont pas « politiques » et opposent simplement des notables rivaux, elles introduisent néanmoins de la pluralité et de la concurrence au sein du système politique départemental. Le territoire cantonal constitue donc, en cela, un espace politique ambivalent.

Conclusion

Le territoire cantonal joue, en définitive, un rôle subtil mais néanmoins important au sein du système politique local à la fin du Second Empire. Bien qu’il soit avant tout une assemblée de notables, le Conseil général abrite en effet plusieurs élus pour lesquels le siège de conseiller ne constitue pas une consécration, mais bien un tremplin vers d’autres responsabilités. Territoire politique, le canton représente en outre un enjeu et un objet de lutte entre villages ou entre partis locaux, pour lesquels le siège de conseiller général constitue un lieu de pouvoir qu’il convient de contrôler, afin de renforcer ou de maintenir sa prééminence locale. Le territoire cantonal peut aussi devenir un espace d’expression pour les notables hostiles au régime, contre lesquels la préfecture ne peut intervenir qu’avec une extrême prudence si elle ne veut pas briser les fragiles équilibres politiques locaux. Par ailleurs, et même s’il représente un facteur incontestable de stabilité et de continuité lors de l’annexion de 1860 comme au lendemain de la proclamation de la République, le canton constitue également, selon les configurations locales, un espace de renouvellement des élus, des pratiques et des cultures politiques et, en cela aussi, il représente donc bien un espace politique ambivalent pour le régime du Second Empire, soucieux de stabilité. C’est enfin au cours de cette période que certains conseillers généraux posent les bases de leur carrière politique ultérieure ou de celle de leur famille. Cinq d’entre eux deviennent ainsi des députés

53 Arch. nat., F/1cIII/Alpes-Maritimes, nouveau département/1, rapport du 7 juin 1870.

54 Arch. nat., F/1cIII/Alpes-Maritimes, nouveau département/1, rapport du 7 juin 1870 ; Arch. nat., F/1bI/230/1, tableau sur les conseillers généraux des Alpes-Maritimes, s. d. [1870].

55 IVAN Mark, Le séparatisme à Nice (de 1860 à 1874), Nice, Verani, s. d. [1875], 374 p., ici p. 32.

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13 républicains modérés après 187056, tandis que plusieurs autres fondent des lignées cantonales, parfois importantes, qui s’épanouissent ensuite sous la Troisième République57. Certains cantons de la fin du Second Empire ont ainsi permis, du moins dans les Alpes-Maritimes, la naissance de carrières, voire de dynasties républicaines locales.

henri-courriere@wanadoo.fr.

Palais Campra, 6 square Charpentier, 06000 Nice.

56 Fortuné Maure, Louis Piccon, Constantin Bergondi, Léon Chiris et Gaspard Médecin.

57 C’est notamment le cas de Joseph Durandy et de Léon Chiris.

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