H. L EHALLE
Une analyse du comportement de choix. Étude théorique et expérimentale
Mathématiques et sciences humaines, tome 52 (1975), p. 5-20
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1975__52__5_0>
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UNE ANALYSE DU COMPORTEMENT DE CHOIX Etude
Théorique
etExpérimentale
H. LEHALLE*
1 . INTRODUCTION
Il a été de nombreuses fois constaté que les
préférences
des individus s’é-cartent de
l’exigence classique
derationalité,
c’est-à-direqu’elles
’ne cor-respondent
pastoujours
àl’interprétation
de la relation depréférence
com-me étant
asymétrique
et transitive.Ainsi,
dans lesexpériences
depsycholo- gie,
les choix dessujets
se sont révélés assez souvent instables et intran-sitifs
(voir
parexemple : Morisson, 1963 ; Edwards, Lindman, Phillips, 1965;
Parlebas, 1971).
Cette constatation a pu être faite aussi bien chez les en-fants que chez les
adultes,
bienqu’une
évolutiongénétique
dans le sensd’une diminution de la
fréquence
des choix dits irrationnels(pour
une situa-tion
donnée)
ait pu être observée(Fouilhé, 1955, Lehalle, 1973 ; Bradbury
H., Nelson T.M.,1974).
Diverses
interprétations
ont été données pour rendre compte de ces com- portements. Nous ne pouvons ici êtreexhaustifs** .
. Nous nous contenterons donc derappeler schématiquement
les deuxgrands
typesd’interprétations
enles illustrant chacun d’un
exemple.
* U.E.R. des Sciences du Comportement et de l’Education. Université de Rouen 76130 Mont
Saint-Aignan
** Le Lecteur pourra se référer à la revue de la
question
dans : Becker G.M.et Mc Clintock
C.G.,
citée enbibliographie.
’l. Continuum unidimensionnel et variations aléatoires
La
première
solution pour rendre compte de la non-rationalité des choix dessujets,
consiste à supposer que lesobjets
peuvent s’ordonner sur un conti-nuum
subjectif (les "utilités")
mais que cette évaluation subit des varia- tions aléatoires. C’est la solutionproposée
par Thurstone(1927) qui
suppo-se que
chaque
choix est réalisé en fonction d’une estimation instantanée de la valeur desobjets.
Ces estimations instantanées dechaque objet
sont sup-posées
varier aléatoirement selon une loi normale. Deplus, lorsqu’il s’agit
de comparer deux
objets,
à un instantdonné,
cettecompanison
s’effectue enfonction de la distance
subjective
entre les deux estimations instantanées.Ainsi,
si les moyennes des estimations instantanées des deuxobjets
sont voi-sines sur le continuum
subjectif,
laprobabilité
pour que les choix s’inver-sent en se réitérant ne sera pas
négligeable.
Cette
analyse
permetd’expliquer,
entre autres, certains faitsrapportés
par Bresson dans le Traité de
Psychologie Expérimentale.
Ces faits semblentindiquer
que lafréquence
des cas d’intransitivitédépend
de laproximité
des
objets
sur l’échelle despréférences.
Eneffet,
lafréquence
de ces cas n’est que de 5 % dansl’expérience
dePapandréou (1957)
où lesjugements
d’indifférence sont
autorisés,
mais elle atteint 25 % dans celle deMay ( 195~+)
pourlaquelle
latechnique
de choix forcé fut utilisée.2.
Analyse pluridimensionnelle
L’instabilité et l’intransitivité des choix d’un
sujet
peutégalement
s’ex-pliquer
en considérant que lesobjets
sont évalués selonplusieurs
critères.Selon cette
optique,
la non-rationalité apparente des choix serait due aufait que les critères
pertinents
varient d’une situation à une autre.Flament
(1960, a)
a élaboré un modèlequi
part de ceprincipe
etqui
reposesur la distinction entre critère
complets «
critèresincomplets.
Un critèreest
complet,
pour un ensembledonné,
si tous lesobjets
de cet ensemble peu- vent être évalués selon cecritère,
dans le cas contraire le critère seradit
incomplet.
Un des AXIOMES du modèle(AXIOME 3)
suppose, deplus,
que le choix dans un ensemble donné s’effectueuniquement
en fonction des critèrescomplets
pour cet ensemble. Ceci permetd’expliquer
à la fois l’instabilitéet l’intransitivité des choix. Par
exemple,
lesujet
pourra choisirl’objet
A dans
{A,
B,C }en
fonction du critère Cicomplet
pour cet ensemble mais choisir Bdans { A, B }en
fonction d’un critère C2complet pour{ A, B}
maisincomplet pour{
A, B,C}.
Ce modèle s’est trouvé confirmé par l’étude
expérimentale
deFlament,
lui
même, (1960, b). Parlebas, (1971)
aégalement interprété
ses propres ré- sultats ens’appuyant
sur ce modèle.Mais,
certainescritiques
peuvent êtreformulées, -
soitspécifique-
ment.
Ainsi,
le modèle de Flamentn’explique
pas que,quelque
soitl’âge,
ins-tabilité et intransitivité des choix se retrouvent chez les mêmes
sujets,
pourun matériel donné
(Lehalle, 1974).
Selon cemodèle,
onpourrait
s’attendre au contraire à ce que l’on observe une stabilité pour des choix intransitifs.- soit sur un
plan plus général,
comme nous allonsl’exposer
dans leparagraphe
suivant.II . ANALYSE
THEORIQUE
1 . Point de
départ :
Nous partons des deux considérations suivantes
(A
etB).
-A)
Toutd’abord,
la distinction entre lesanalyses pluri-
ou uni-dimensionneles peut
apparaitre
en définitive comme un fauxproblème.
En
effet,
si l’on s’attache àsouligner
que lessujets
"codent" la si- tuation comme étant une sériation(ce qui
est vraisemblablement le cas à par- tir d’un certainâge), l’objectif
de la décision sera unidimensionnelpuisque
"l’état final" devra être une sériation sur une dimension
(les préférences).
Mais,
d’un autrecôté,
si l’on considère les déterminants de cette sé-riation,
il est évidentqu’ils
sontpluridimensionnels puisque
lessujets
sem-blent devoir coordonner
plusieurs
critères de choix. Eneffet,
comme l’écritFlament : "Le
Psychologue
a souvent le sentiment que lesobjets
peuvent êtreappréciés
à diverspoints
de vue et différemment selonchaque :
pour choisirentre divers
vêtements, je
considère leprix,
laqualité, l’esthétique
de cha-cun".
B)
Parailleurs,
il semble que la notion de critère soit délicate à maniercar :
a) Ayant
un statut de variableintermédiaire,
on ne peut lui donner avec cer- titude un contenusémantique. Pourtant,
certains critères semblentpouvoir
être inférés et isolés facilement
(exemple :
leprix
d’unobjet).
b)
La distinction que fait Flament entre critèrescomplets
et critères incom-plets,
et le rôle que cette distinctionjoue
dans sonmodèle, paraissent
psy-chologiquement
discutables. Eneffet,
il peut arriver que laprésence
d’uncritère
(même incomplet)
soit décisive pour un individu donnéqui
choisiraalors
uniquement parmi
lesobjets susceptibles
d’être décrits selon cé cri- tère. Prenonsl’exemple
dequelqu’un qui
désire acheter une nouvelle voiture.Il considérera sans doute un certain nombre de critères :
prix, puissance fiscale, esthétique,
confort dessièges-couchettes,
etc...Supposons
que ce dernier critère soitimpératif,
le client ne choisira donc queparmi
les mo-dèles
qui présentent
lacaractéristique
d’avoir dessièges-couchettes. Or,
aur le marchéactuel,
il existe encore des modèlesqui
ne sont paséquipés
de cette manière. Et
donc,
la décision ne sera pasprise
selon un critèrecomp le t
pour l’ ensemb le de choix considéré.De tels comportements peuvent être
ré-interprétés
de deux manièressans
rejeter
l’AXIOME 3 :- Tout
d’abord,
on peut considérer lanon-pertinence
d’un critère comme une des modalités du critère.C’est-à-dire,
que l’utilité d’unobjet
"X" serait nulle pour le critèreconsidéré,
si "X" ne peut être décrit par ce critère.Mais dans ce cas, la distinction entre critère
complet
et critèreincomplet
devient
caduque.
- On peut
également
considérer que lessujets
effectuent leurs choix non pas seulement en fonctionde certains critères,
mais en fonction d’une hiérarchie de critères.Ainsi,
dans le cas del’exemple cité,
il faudrait considérer que le critèrepertinent
est d’un niveausupérieur ;
c’est-à-dire que le choix neserait pas effectué selon le critère : "confort des
sièges-couchettes"
maisselon le critère "confort intérieur". Tous les modèles
disponibles pourraient
être alors
jugés
selon ce dernier critère et, enparticulier,
le confort dessièges-couchettes
interviendrait dans cette évaluation... On voit que l’AXIO-ME 3 devient alors une clause de
style puisqu’on
peut sans doutetoujours
trouver un critère
plus large (d’un
niveausupérieur) qui
soitcomplet
pour l’ensemble considéré.C) Enfin, parler
decritères,
c’estdéjà indiquer,
de la part dessujets
unecertaine élaboration de la décision
puisque
ce concept suppose une mise en re-lation au moins
partielle
desobjets.
2. La notion de
descripteurs -
élaboration d’un modèledescriptif
Nous sommes donc amené à proposer une formulation
quelque
peu différente du comportement de choix. Pourcela,
nous n’aurons pas besoin de supposer des critères car nous pensonsplutôt
que lessujets
commencent par coder les ob-jets
sans que des critères de choix soientnécessaires,
en tant quecritères,ni
pour permettre au
sujet
d’effectuer cecodage,
ni pour décrire formellementce
codage.
Nous définissons les ensembles suivants :
- B : un ensemble fini de n éléments
x..
1 Les éléments de cet ensemblerepré-
sentent les
objets parmi lesquels
lesujet
doit effectuer son ehoix.- D : un ensemble fini. Les éléments de cet ensemble
représentent
les pro-priétés
élémentairesqui
peuvent servir ausujet
pour décrire lesobjets pré-
sentés.
- Les deux ensembles S et C inclus P
(D),
ensemble desparties
de D, et tellsque SUS = P
(D)
et que Sn C =~.
- R : ensemble des nombres réels.
Nous définissons
également
lesapplications
suivantes :- Une
application
f de B dans S- Une
application
g de S dans R.Ces ensembles et
applications
définissent la situation de choix : lessujets
doivent choisir un et un seul x dans B en fonction des deuxapplica-
tions f et g.
Le mode de fonctionnement de ce modèle peut être
précisé
de diversesmanières.
Par
exemple,
on peutpostuler simplement
que laprobabilité
de choisirun
objet x.
dans Brp (x.;B)
est donnée par lacomposition
desapplications
J ’ J
f et g.
I.J J f et g.
Dans ce cas on aura : ,
- -
Cette solution conduirait à supposer que les cas d’instabilité et d’in- transitivité sont fonction de la distance entre les
probabilités
de choix desdifférents
objets.
Nous serions alors ainsi ramenés à uneinterprétation
unidimensionnelle pour
expliquer
les cas d’instabilité et d’intransitivité.Une autre solution consiste à supposer des fluctuations au niveau du
codage
lui-même. Achaque
élément de S est nécessairement associé une valeur parl’application
g. Mais on peut supposer que cecodage
n’est pas fixe. Plu- sieursapplications fk
seraient alorspossibles.
Cette fluctuation
pourrait provenir
de facteurs tels que : lacapacité d’ap- préhension
dessujets,
lestockage
en mémoireimmédiate,
c’esfià-direqu’elle dépendrait
du nombre dedescripteurs
utilisés pour coder lesobjets,
et donc,la stabilité et la transitivité des choix seraient fonction du nombre de des-
cripteurs
utilisés.La
description
que nous venons de faire des processus de choix peut êtrereprésentée
par le schéma suivantqui
n’estqu’une
traduction commode et unexemple
de ce que nous venonsd’exposer.
Supposons
que :La situation de choix peut alors être
représentée
par lafigure
1.Figure
I. Une situation de choixLes critères de choix peuvent être définis à
partir
des éléments de C.L’ensemble C est en effet par définition constitué de
plusieurs
sous-ensemblesCI’ c2,
...,Cn tels
que surchaque
sous-ensemblepuisse
être défini unestructure d’ordre
[(ab)
-~(abc)
-~(abcd)...]
Chacun de ces sous-ensembles est un critère de choix.
On
comprend
maintenantpourquoi
leséléments
de C,qui
fontpartie
de P(D),
ne peuvent faire
partie
de S; eneffet,
un mêmeobjet
ne peut être à la fois décrit par deuxmodalités,
ouplus,
d’un même critère(par exemple :
pour leprix
d’unobjet).
On peut remarquer aussi que certains éléments de S9 considérés comme
des
propriétés
isolées permettant de décrire certainsobjets,
peuvent ne pas fairepartie (inclusion)
des éléments de C.III. EXPERIMENTATION
Le
principe
de cetteexpérience
était de faire décrire lesobjets
par les su-jets
avant de leur demander leurspréférences
au moyen de la méthode de com-paraison
parpaires.
Cette
prédescription permettait
d’élaborerun
indice du nombre dedescrip-
teurs
pertinents
pourchaque sujet.
Après
lapassation,
lessujets pouvaient
êtrerépartis
en deux groupes selon que leurs choix s’étaient révélés transitifs ou non au moment de lacomparaison
parpaires.
Deux
prédictions
étaientpossibles
àpartir
du modèle élaboré en I.Prédiction I :tes cas d’ intransitivité sont dus au fait que les
probabilités
de choix des différents
objets
sont voisines. Cesprobabilités
sont donnéespar
l’application
g. Si l’on suppose deplus
que l’évaluation dechaque objet (par g) dépend
du nombre dedescripteurs utilisés,
on peutprédire
que les cas d’ intransitivitéapparaîtront lorsque
l’écart relatif entre le nombre dedescripteurs
utilisés pour décrire lesobjets
estpetit.
Prédiction 2 : Les cas d’intransitivité sont dus aux fluctuations du
codage (applications fk).
Ces fluctuations sontsupposées
dues à une difficultéd’ap- préhender
ungrand
nombre dedescripteurs,
on peut doncprédire
que les casd’intransitivité
correspondront
à unnombre
dedescripteurs global plus
élevéL’expérience
a été réalisée avec unepopulation
de 40 enfants de 8-9ans. La distribution des
âges
était la suivante : 4sujets âgés
de8 ;0
à8;5
19
âgés
de8;6
à8;11 -
16âgés
de9;0
à9;4
et 1âgé
de9;8.
Le choix de cette
population
est dû au fait que,d’après
lesexpériences déjà réalisées,
nous savions que, pour le type de situationétudié,
les en-fants de cet
âge
donnent des choix assez cohérents et quecependant,
les cas d’intransitivité restentfréquents.
Pourcompléter
les résultatsobtenus,
nousavons
également
effectué unsondage
de contrôle avec dessujets âgés
de12-13 ans
(2 sujets
de11 ;9 et 11;11 -
7 de12;0 à 12;5 -
4 de12;6 à
12;11 1 . 4 de13;0 à 13;5 -
2 de13;6
à13;11
1 et 1 de14;3).
1°)
Procédureexpérimentale -
Mode de calcul des indices.Nous avons utilisé des
photos
en noir et blancreprésentant
des paysages, des fleurs ou des animaux. Pourchaque sujet,
nous sélectionnionscinq pho-
tos et nous commencions par les
présenter
une à une en demandant ausujet
dedire "Tout ce
qui
luiplait,
tout cequ’il
aime bien sur cettephoto" (éva- luation +) ; puis,
nousprésentions
de nouveau lescinq photos
une àune,mais
dans un ordre
différent,
en demandant ausujet
depréciser
maintenant "Toutce
qu’il
aime moinsbien,
tout cequi
ne luiplait
pas sur laphoto" (évalua- tion-).
Pourk groupe de
sujets âgés
de 12-13 ans(sondage),
nous informionsau
préalable chaque sujet
que nous faisions uneenquête
sur ce que lesjeu-
nes
préfèrent
commephotos (ceci
pour éviter que lessujets
ne s’abstiennent deparler
en se demandant ce que nous voulions leur faire dire!...)
Puis,
nousprésentions
lesphotos
parpaires
en demandant ausujet
dedonner ses
préférences.
Il y avait 10paires possibles.
Comme nous lespré-
sentions dans un ordre aléatoire deux
foia,
cela faisait deux séries de 10paires.
Chaque sujet, après
lapassation,
était classé dans lacatégorie
choixnon-transitifs ou choix
transitifs,
selon que lesgraphes
depréférences pré-
sentaient au moins un
triplet
intransitif ou n’enprésentaient
pas.Calcul de l’indice s
(nombre
dedescripteurs)
(prédiction 2) :
Pour
chaque objet,
nouscomptions simplement
le nombre de mots différentsutilisés par le
sujet
pour décrire cetobjet.
Toutes lescatégories
de motsétaient
comptabilisées
defaçon équivalente (verbe, adverbe, adjectif, nom).
Mais les mots ou les
phrases
de liaison n’étaient paspris
en compte(ex : conjonctions
decoordination, articles,
"c’estdommage que...",
"c’estjoli",
"ça
feraitplus joli si...",
"il faudraitque...",
"ce serait mieuxsi...").
De
plus,
il faut noter que, avant d’effectuer cecodage,
nous avionssoigneusement mélangé
au hasard lesprotocoles
dessujets,
si bien que, au moment ducodage,
nous ne savions pas si les choix d’unsujet
déterminé s’é- taient révélés transitifs ou intransitifs.Pour
chaque sujet,
et pourchaque objet xj ,
nous obtenons deux indices ::d. :
nombre dedescripteurs positifs
pourl’objet
i1
(évaluation +)
d. :
nombre dedescripteurs négatifs
pourl’objet
i1
(évaluation -)
L’indice
global
pourx. 1
estégal
à la somme des deux. Etdonc,
pourl’ensemble des
x., 1
on aura :~ - ce
Calcul de l’écart relatif entre les
objets par
rapport au nombre dedescrip-
teurs
(prédiction 1) :
Le but de ce calcul est
d’obtenir,
àpartir
desdescripteurs,
un indi-ce de la discriminab ilité des
objets
par lesujet.
Pour
cela,
il nous faut d’abord évaluerchaque objet
sur une échelleunidimensionnelle,
cequi
conduit nécessairement à considérer les évaluatiors+ et - comme inverses l’une de
l’autre ; ainsi,
àchaque ob j et xi
sera attri-bué un indice d tel que :
-& -
Puis,
pour évaluer la discriminabilité desobjets,
les uns par rapportaux autres, sur cette
échelle, plusieurs
solutions peuvent êtreproposées.
La
plus simple
consiste à considérer l’étendue des différentsd.,
1 cette éterrdue devant
être,
bienévidemment, rapportée
au nombre total desdescripteurs (indice s).
Nous serions ainsi amenés àcalculer,
pourchaque sujet
un indi-ce E tel que :
Mais un tel indice différencie mal les deux cas du tableau 1.
Tableau 1 ."
Exemple :
indices d pourchaque objet
x. et pour deuxsujets
fic-tifs
( ler
et 2èmecas).
En
effet,
le deuxième cas du tableau sembleplus
discriminable que lepremier,
alorsqu’ils correspondent
tous les deux à la même étendue et que deplus,
l’indice E estplus
faible dans le second cas(6/18)
que lepremier (6/12).
Il nous faut donc tenir compte
également
du nombre d’évaluationsglo-
bales différentes
(di) ;
cequi
revientplus précisément
à considérer ce que1
l’on peut
appeler
le "nombre depas"
entre dmax. et dmin. Nous obtenonsainsi l’indice EP que l’on calculera de
la.manière suivante,
pourchaque
su-jet :
Ainsi,
pourl’exemple
du tableau1,
on aura dans lepremier
casEP =
6 x 2 = l ,
et dans le second EP= 6-~- ~-
=1,33
ceq ui correspond
12 18
bien au fait que l’on suppose le deuxième cas
plus
discriminable que le pre- mier.2°)
Résultats du groupe desujets âgés
de 8-9 ans.a)
Résultats concernant laprédiction
1L’indice EP
permet-il
de trouver une différence entre les deux groupes T et NT ?Si nous calculons l’indice EP pour les
sujets
des deux groupes T etNT,
nous obtenons un indice moyen
égal
à0,66
pour T et à0,5975
pour NT. Aprio- ri,
iln’y
a pas de raison pour ne pas supposerl’équinormali té
des distri-butions. Mais la
dispersion
des notes est trèsforte,
comme on peut s’en ren- dre compte sur leshistogrammes
de lafigure
2. Si l’on considère deplus
laforme de ces distributions et, bien que ks variances soient à peu
près
iden-tiques (à
condition desupprimer
unsujet
du groupeT,
on aONT
=0,30
etaT
=0,33),
les conditionsd’équinormalité
ne semblent paspouvoir
être sup-posées
en cequi
concerne la normalité de la distribution parente.L’emploi
d’un test non
paramétrique (Mann-Whitney)
semble doncpréférable.
Ce testnous
indique
que la différence entre les deux groupes n’est passignificative.
GROUPE T m
= 0,66
n = 16Figure
2. Voirlégende
page suivanteGROUPE NT m =
0,5975
n = 24Figure
2.Histogrammes
des valeurs de l’indice EP pour les deux groupesT’et
NT(sujets âgés
de 8-9ans)
b)
Résultats concernant laprédiction
2L’indice s
permet-il
de trouver une différence entre les deux groupes T et NT ?La
figure
3 nous montre leshistogrammes
des distributions des s pour les deux groupes T etNT, après
regroupement en classes. Làaussi,
iln’y
apas de raison a
priori
pour ne pas supposerl’équinormalité
des distributions parentes.(On pouvait
à larigueur
s’attendre à une distribution du typePoiseon,
au cas oùbeaucoup
desujets
se seraient trouvés vers la borne infé-rieurede l’histogramme).
Les échantillons semblent de fait assez conformesaux conditions
d’équinormalité,
àcondition,
comme nous allons levoir, d’ap-
porter une
légère
modification pour le groupe NT.En moyenne, l’indice s est
égal
à24,08
pour le groupe NT(24 sujets)
et à
16,06
pour le groupe T(16 sujets). L’application
d’un t de Student àpartir
de ces résultats donne une différencesigrificative
à .05(t
=2,06
pourv =
38).
Mais les variances des échantillons sont assez différentes et,d’ailleurs, l’analyse
del’homogénéité
de la variance donne un résultatsigni-
ficatif à .02
(F = 3,40). Or,
comme les effectifs de nos groupes ne sont paségaux,
le t est moins robuste pour cette conditiond’homogénéité. Aussi,
pour améliorer les concitionsd’application
du t, nous sommes conduits àéliminer,
pour le
calcul,
un dessujets
du groupe NT dont les résultats sont pourtanttout à fait conformes à la
prédiction
2.Après
cettemodification,
les variairces ne diffèrent
plus significativement (F
=1,72)
et la moyenne du groupeNT est
égale
à21,78.
Le t restesignificatif,
mais à .10 seulement(t =1,79
pour V = 37).
..Figure
3.Histogrammes
des valeurs de l’indice s pour les deux groupes T et NT(sujets âgés
de 8-9ans)
.3°)
Résultats du groupe desujet âgés
de 12-13 ans(sondage
decontrôle).
Ces résultats ne concernent
qu’un petit
nombre desujets.
Ceci se trouveaccentué par le fait que le nombre de cas d’intransitivité est faible à cet
âge
pour le type de matérielutilisé,
et donc il aurait fallu interviewer un assezgrand
nombre desujets
pour que l’effectif du groupe NT soit suffisam-ment
important.
C’est la raison pourlaquelle
ces résultats ne sont donnésque pour information et à titre de
sondage.
En ce
qui
concerne l’indice EP,l’histogramme
de lafigure
4 montre ladistribution de cet indice pour les groupes T et NT. On voit que les résul- tats des quatre
sujets
dont les choix ne sont pas transitifs dans tous les cas, sont tout à faitcomparables
aux résultats du groupe T.Figure
4.Histogrammes
des valeurs de l’indice EP pour les deux groupes T(c:J)
et NT(Eae3) - sujets âgés
de12-13 ans
L’indice s, au
contraire, correspond
à une différence assez nette entre les deux groupes T et NT, comme on peut le constater sur lafigure 5,
où estindiqué l’histogramme
de la distribution des s pour le groupeT,
avec, en pa-rallèle,
les indices s des quatresujets
NT.Figure
5. Valeurs de l’indice s pour les deux groupes T et NT(sujets âgés
de12-13 ans)
IV. CONCLUSIONS
4T CONSEQUENCES
1°)
De cesrésultats,
nous pouvons conclure que laprédiction
2 se trouve vé-rifiée,
alors que laprédiction
1 ne l’est pas. Dans le cadre de notremodèle,
les cas d’intransitivité et d’instabilité semblent ainsi être
explicables
parune fluctuation du
codage (applications fK) plus
que par uneproximité
de l’é-valuation sur l’échelle des
préférences.
Cependant,
nous devons insister sur le faitqu’un
certainnombre
deprésuppositions
que nous avons dûfaire,
conditionnent nos résultats. Ainsi:- Nous avons
supposé
que le nombre dedescripteurs pertinents
était propor- tionnel àl’indice
s, calculé àpartir
desdescriptions verbales,
fourniespar le
sujet.
Or,
il estpossible
que des critères de choix existent à l’étatlatent,
nonverbalisés,
et même inconscientsou pré-conscients ;
car, les motivations d’un choix ou d’unepréférence dépendant
sans doute de souvenirs ou de conno-tations non
explicités parles sujets.
- De
même,
nous avonssupposé
que l’évaluation sur l’échelle despréférences
était faite par des
règles simples
etpouvait
être estimée àpartir
des des-cripteurs.
Aucas
où cette évaluation ne s’effectuerait pas de cettemanière,
la théorie
sous-jacente
à laprédiction
1pourrait
être vraie. La non vérifi- cation de cette théoriedépend
donc de cesprésuppositions
concernant à la fois l’évaluation desobjets
et l’estimation de cette évaluation.2°)
La coordination des choixapparait
ainsi comme étant due à la sélection d’uneapplication fK.
Elle est d’autantplus
difficile que le nombre de des-cripteurs
estélevé,
commesi, plus
il y avait dedescripteurs, plus
ilétait difficile de tenir compte de tous ces
descripteurs
en même temps..
On peut remarquer que cette
interprétation qui s’appuie
sur les résul-tats de notre
expérience,
a vraisemblablement desconséquences
au niveau dela
conception
que l’on peut avoir d’un choix rationnel. Ces résultats inci-tent à
critiquer
laconception
traditionnelle de la rationalité des choix.Plus exactement, nous sommes amenés à faire une distinction entre la
qualité
d’uneprise
de décision et le fait que aelle-ci soit rationnelle ou non(au
sens de : choix stables et
transitifs).
En
effet,
nous venons de montrer que les cas d’ int rans i tivi té peuvent être dus au faitqu’un plus grand
nombre dedescripteurs
sont utilisés par lessujets
pour coder la situation.Ainsi,
la non-rationalité d’un choix peut être due à uneanalyse plus
fineou
plus complète
des données àprendre
en compte, tandisqu’une
décision quel’on
qualifie
traditionnellement derationnelle, parcequ’elle
conduit à uneordination
plus complète
desobjets,
peut être due à uneanalyse plus
som- maire des données de la situation.3° ) Du point
de vuegénétique,
les résultats de ce tteexpérience
rendentplus plausible l’interprétation
de l’évolution de la stabilité et de l’in- transitivité des choix par uneaugmentation
duchamp d’appréhension
des su-jets,
leur permettant de considérer en même temps un nombreimportant
de des-cripteurs (et
donc de critères dechoix).
Cette
interprétation
n’est d’ailleurs pasincompatible
avec le fait que nousavons
suggéré qu’avec l’âge,
lessujets interprètent plus
facilement la si- tuation comme une sériation. Eneffet,
on peut très bien dire que la coordi- nation des choix devientnécessaire,
àpartir
d’un certainâge,
en raison dufait que la situation est perçue comme une
sériation,
mais que desprogrès
auniveau coordination sont nécessaires pour que les choix de certains
sujets (ceux qui
ontbeaucoup
depossibilités
decodage)
soienttoujours
transitifs.Ainsi,
le statut des cas d’intransitivité ne serait pas le même pour lesjeu-
nes enfants et pour les enfants
plus âgés
ou pour les adultes.BIBLIOGRAPHIE
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