• Aucun résultat trouvé

View of Saint-Exupéry et son double

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "View of Saint-Exupéry et son double"

Copied!
18
0
0

Texte intégral

(1)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 10 Saint-Exupéry et son double

Olivier Odaert

Abstract: As everybody knows, Saint-Exupéry was not only a writer, but also, and first, an aviator. This paper aims to study the relationships between these aspects of his personality as expressed in two of his major literary works: Courrier Sud (Southern Mail) and Le Petit Prince (The Little Prince). In these books, Saint-Exupéry, as a writer, confronts his double, the childish aviator, and sacrifices him to his literary project.

Résumé Saint-Exupéry, comme on sait, ne fut pas seulement un écrivain, mais aussi un pionnier de l’aviation. Cet article se propose de montrer comment ces deux carrières s’incarnent dans son œuvre, et principalement dans Courrier Sud et Le Petit Prince, sous la forme d’instances indépendantes, dont la rencontre rappelle le thème du double tel qu’il fut développé par la littérature romantique, au détail prêt qu’elle n’induit pas une confrontation, mais un sacrifice.

Key words:

Saint-Exupéry, Little Prince, Double, Sacrifice, Doppelgänger

C’est un amour trop grand pour moi. Il faut que je me le raconte. (Saint-Exupéry 2007, p. 49)

Chacun sait d’Antoine de Saint-Exupéry qu’il fut aviateur et écrivain. Ou l’inverse. Mais il faut savoir qu’il fut d’abord aviateur, avant de devenir écrivain. Non qu’il n’ait vraisemblablement, et depuis sa plus tendre enfance, rêvé à devenir l’un et l’autre, ou l’un ou l’autre, sans ordre d’importance ni de succession. Non plus qu’il ait lui-même établi de filiation ou de hiérarchie entre ces deux activités, puisqu’au contraire il répondait à ceux qui

(2)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 11 voulaient l’entendre qu’à son sens « voler ou écrire, c’est tout un » (Estang, p. 167). Mais les hasards de la vie voulurent qu’il devienne pilote de métier avant de vivre de sa plume ; qu’il devienne aviateur avant d’être auteur.

Longtemps, les deux destins de Saint-Exupéry restèrent toutefois conjoints. Ainsi, quand il passa son « baptême de l’air », vers ses douze ans, à l’aérodrome d’Ambérieu, village situé à quelques kilomètres de Saint-Maurice-de-Rémens, où sa famille avait emménagé en 1904, peu après la mort de son père ; quand un pionnier d’origine polonaise, Gabriel Wroblewski-Salvez, l’emporta pour la première fois dans les airs, sur son Berthaud-W, pour deux glorieux tours de circuit, Saint-Exupéry connut simultanément sa première inspiration d’écrivain. Selon la légende, relayée par les biographes comme par l’édition critique des œuvres complètes, cette expérience lui aurait en effet inspiré un poème adolescent, dont trois beaux vers ont été publiés dans un journal de collégiens :

Les ailes frémissaient sous le souffle du soir, Le moteur de son chant berçait l’âme endormie,

Le soleil nous frôlait de sa couleur pâle… (Saint-Exupéry 1914, p. 6) En cette année 1913, Apollinaire, Marinetti, D ’Annunzio et tant d’autres plus médiocres avaient déjà célébré les nouveaux envols aviateurs, avec admiration ou sarcasme, mais toujours dans la cohérence d’une poétique ascensionnelle que l’on pourrait qualifier de platonicienne ou de néo-platonicienne, tant elle se plaisait à associer altitude et hauteur d’esprit. Une poétique déjà en germe dans le mythe icarien ou dans l’image platonicienne de l’âme ailée, donc, relayée par les poètes de la Renaissance, Du Bellay ou Sanazarro, qui rêvaient de voir leur âme s’en retourner, victorieuse et libérée, aux cieux de son origine, puis par les romantiques quand ils aperçurent les ballons. Une poétique qui configure un imaginaire duel, un monde en tension dont le bas, féminin, terrestre et sordide s’oppose au haut, solaire, angélique et spirituel. Une poétique qui agit les héros vers leur dissolution ultime et inévitable dans le ciel, hors du « cloaque immense » du monde, selon le mot de D ’Annunzio (p. 467). Mais Saint-Exupéry, enfant encore, découvrait déjà, avec une préscience invraisemblable, la cohérence d’une poétique de l’aviation tout autre, d’une poétique dont les premiers accents, le soir et le sommeil, devaient se déployer, bien plus tard, dans son œuvre de romancier, en un vaste imaginaire de l’intimité du vol.

(3)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 12 Saint-Exupéry manifesta donc très tôt sa singularité d’écrivain mais, en revanche, sa vie de jeune homme devait bientôt prendre un tour nettement moins original. Dans les premiers romans de l’aviation, Forse che si forse che no de Gabriele D'Annunzio (1910), L’Équipage (1923) de Joseph Kessel ou Les Chevaliers du ciel(1923) de Louise Faure-Favier, ainsi que dans d’autres textes moins fameux, l’épreuve décisive, pour le héros aviateur, ne consiste pas à voler, comme on pourrait s’y attendre, mais à choisir entre l’amour et l’aviation, qui sont presque toujours présentés comme inconciliables. Cette séparation fondamentale entre le monde héroïque des aviateurs et le monde des femmes est la conséquence logique de la structure de l’imaginaire du vol, qui dessine un univers fracturé entre le haut et le bas, c’est-à-dire entre le ciel et la terre, et partant oppose les qualités et les valeurs qui y sont naturellement associés : L’amour, c’est-à-dire le lien charnel féminin, est dans ces romans la valeur suprême du monde d’en bas, où de tendres Armide promettent à l’aviateur un repos bienheureux. Mais cet amour retient de toute évidence l’aviateur au sol, l’empêche de décoller, de plonger dans l’abîme renversé du ciel : il risque in fine de briser les ailes du héros ascensionnel, dont l’épreuve ultime consiste donc à se départir des tentations féminines de la chair, pour rejoindre sa patrie céleste.

Cette incompatibilité littéraire du haut et du bas étendra son empire jusqu’à la vie réelle de Saint-Exupéry. Car le danger de l’aviation, au temps des pionniers, s’opposait effectivement aux valeurs familiales, plus sécuritaires, plus féminines, de la bourgeoisie aristocratique dont il était issu. En 1923, quand parurent les romans de Kessel et Faure-Favier, Saint-Exupéry avait déjà obtenu ses brevets de pilote civil et militaire. Après plusieurs années d’apprentissage et malgré plusieurs accidents, une carrière d’officier aviateur s’ouvrait enfin à lui. Mais comme dans les romans, l’amour vint s’opposer à l’accomplissement de son rêve héroïque. En cette même année, en effet, Saint-Exupéry se fiança à Louise de Vilmorin, une jeune femme d’excellente extraction, très vive, et très courtisée, dont la famille l’enjoignit bientôt de renoncer à voler. L’aviateur débutant, visiblement amoureux, accepta de rester au sol et d’échanger sa passion contre des occupations moins dangereuses. C’est ainsi qu’après quelques mois de romance, le jeune homme désargenté mais héroïque et passionné qui avait sans doute fasciné la jeune aristocrate se mua progressivement en un employé de bureau routinier, ou un vendeur quelconque. Louise de Vilmorin l’abandonnera, logiquement, à l’automne. Saint-Exupéry

(4)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 13 aura ainsi tout perdu en l’espace de quelques mois : l’héroïsme, et l’amour. Contrairement aux héros de romans, il n’avait pas su sacrifier sa vie sentimentale à son penchant céleste.

Trois ans plus tard, il retrouvera toutefois la voie des airs, et partant celle de l’écriture. Presque simultanément, comme à ses douze ans, il publiera une première nouvelle, sobrement intitulée L’Aviateur, et entrera à la Société d’aviation Latécoère, qui deviendrait bientôt l’Aéropostale. Après être passé par les affres d’un nouvel apprentissage, qu’il décrira comme une initiation chevaleresque, précédée d’un « noviciat » (Saint-Exupéry 1939, P. 173), Saint-Exupéry obtiendra le droit de piloter la poste. Il deviendrait bientôt un des héros de l’Aéropostale, avec Guillaumet ou Mermoz. Mais cette accession au statut convoité de pilote de la ligne fit surtout de lui un aviateur de métier, tandis que sa carrière littéraire en était encore à ses balbutiements. L’auteur, en cette année 1927, avait pris un temps de retard sur l’écrivain.

Mais après quelques temps passés à sillonner la ligne Toulouse-Dakar, Saint-Exupéry se vit confier une nouvelle tâche, à la fois ingrate et passionnante : celle de diriger l’escale de Cap Juby, dans le Sahara occidental. Joseph Kessel, qui l’a visitée à l’époque ou Saint-Exupéry était en poste, mais en son absence, en a donné une saisissante description dans Vent de sable, en 1929 :

Était-ce possible ?

Posé sur le rivage, cerné de tous côtés par les […] dunes et l’eau, il n’y avait qu’un minuscule rectangle blanc.

J’avais bien entendu parler de la désolation de ce poste, mais j’avais imaginé qu’autour du fort se pressaient au moins quelques masures, des échoppes, un trafic, aussi misérable qu’il fût. Or, je ne voyais rien, et à mesure que nous approchions, que nous descendions, se précisait cette tragique solitude […]. Au pied même des murailles commençait le désert, le Rio de Oro. (Kessel 1929, p. 103)

Saint-Exupéry a vécu là plus de dix-huit mois, dans des conditions tout à fait précaires, avec pour fonction de gérer l’escale, mais aussi de secourir les équipages en perdition, ce qui supposait de négocier avec les tribus environnantes, qui pour la plupart ne

(5)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 14 reconnaissaient pas l’autorité coloniale espagnole, et capturaient fréquemment les pilotes en panne, qu’ils détenaient alors dans l’immensité du désert, se contentant le plus souvent de les torturer et de les réduire en esclavage avant de les échanger contre une rançon, les tuant parfois. Sans entrer dans les détails de cette période de la vie de Saint-Exupéry, dont Kessel et d’autres ont déjà célébré les victoires héroïques, il faut noter que l’aviateur a trouvé dans la solitude monacale de son poste de Juby le temps et la force de composer son premier livre. Une lettre à sa mère, écrite le 24 décembre 1927, situe le commencement de son travail :

Je n’ai besoin de rien. J’ai décidément des dispositions monacales. […] J’écris un peu. J’ai commencé un bouquin : il a six lignes. Enfin c’est toujours ça. (Saint-Exupéry 1927, p. 766)

Saint-Exupéry, donc, jeté hors du temps et du monde, commence à la fin de l’année 1927 un premier roman. Il a déjà écrit l’une ou l’autre nouvelle, que Gaston Gallimard lui a promis de publier, et qui peuvent être considérées comme ses premières armes, mais ce texte constituera sa première publication autonome. L’auteur Saint-Exupéry commence donc là, au milieu de nulle part, profitant du silence du désert pour rattraper le pilote, figé dans l’escale.

Dans ce hors-monde, c’est de son passé qu’il tirera Courrier Sud. L’intrigue assez ténue de ce petit roman renvoie en effet assez clairement à ses éphémères fiançailles avec Louise de Vilmorin : Le personnage principal, Jacques Bernis, pilote de l’Aéropostale, emporte son amie d’enfance, Geneviève, mariée à un homme d’argent, dans une fuite romantique. Mais les aspirations des deux amants semblent incompatibles : ils renoncent bientôt à leur folle entreprise. Bernis retourne à son avion ; Geneviève à sa demeure.

En écrivant le souvenir de ses amours fraîchement mortes sous la couverture – transparente – d’une fiction romanesque, Saint-Exupéry cédait visiblement à une des motivations les plus courantes de l’écriture, si ce n’est la motivation intime de toute écriture, qui est celle de « remédier à sa difficulté d’être, pour tâcher de soulager, voire de réparer ses blessures narcissiques », ainsi que l’a montré Christian Chelebourg. ( p. 7) En ce qui concerne Saint-Exupéry, cette motivation est doublement patente. Premièrement, parce que le destin de son personnage, tout autant que l’imaginaire de son roman, justifient l’échec de

(6)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 15 sa relation sentimentale. Deuxièmement, parce qu’il a tracé lui-même, dans des lettres écrites à Louise de Vilmorin, les liens qui unissent son « unique amour » pour elle à son premier livre.

Incompatibilité imaginaire

Comme dans les romans de D’Annunzio et Kessel, notamment, les environnements symboliques des deux personnages s’opposent radicalement. Le pilote est un être rationnel qui contrôle l’« ordre absolu des choses » (Saint-Exupéry 1929, p.39) et autour duquel le monde s’illumine, se géométrise, se minéralise. Dans l’aéroport tout d’abord, « [d]es ampoules de cinq cents bougies livrent des objets durs, nus, précis […] » (p. 38). Pendant le vol, ensuite, le « soleil lumineux et glacé » (p. 41) de l’altitude réduit la réalité aux traits et aux formes géométriques d’un monde « en ordre » (id.), reculé et euphémisé au point que ses objets ne soient plus que des « [j]ouets des hommes bien rangés dans leur vitrine. » (id.). Sa solitude, enfin, est inaltérable, qui le poursuit sur terre, où il voit les autres comme « des goujons dans un aquarium » (p. 50). Recul, séparation, envol, avion, altitude et lumière froide étayent suffisamment son portrait symbolique de héros diurne, pour lequel les relations humaines sont des prisons (p. 51). Geneviève, quant à elle, femme mariée et mondaine, mère d’un jeune garçon, participe d’une constellation d’images opposées à celle de l’héroïsme ascensionnel et regroupées autour de l’archétype de la maison, image fondamentale dans la poétique de Saint-Exupéry, qui contredit celle de l’avion en tant que moteur ascensionnel. Car tandis que la machine volante inscrit le pilote dans une temporalité accélérée, la maison installe l’éternité de sa demeure. Bernis, « ce fugitif, cet enfant pauvre, ce magicien» (p. 50) retrouve avec mélancolie, à chacun de ses retours, un monde « si bien en place, si bien réglé par le destin » (id.), quand lui-même a tant changé. Geneviève, à l’inverse, « aime, de la paume, caresser la pierre, caresser dans la maison ce qu’il y a de plus sûr et de plus durable » (p. 67) ; elle aime « ces parquets de noyers brillant, ces tables massives qui pouvaient traverser les siècles sans se démoder ni vieillir… » (p. 68) Au monde léger des lumières glacées et des surfaces géométriques répond par antithèse l’univers des matières et des substances, la richesse sombre et pesante, pour tout dire tiède, des pierres et du bois. À l’altitude aérienne répond la profondeur de la terre, au regard le toucher, au masculin le féminin, dans une succession infinie d’oppositions apparemment exclusives.

(7)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 16 Sur cette base convenue, Courrier Sud déploie cependant un imaginaire de l’aviation d’une complexité nouvelle, notamment en reconfigurant les rapports des deux mondes de l’avion et de la demeure, que l’antithèse primordiale est loin d’épuiser. Les deux personnages chercheront en effet l’un dans l’autre un contrepoids à leur unilatéralité. Jacques Bernis, en premier, évoquera le rôle équilibrant de Geneviève : « Je l’ai retrouvée comme on retrouve le sens des choses et je marche à son côté dans un monde dont je découvre enfin l’intérieur…» (p. 55). En dépit de l’hypothèse de Freud sur le symbolisme ascensionnel, qui veut que « [l]a remarquable propriété que possède [l’organe sexuel masculin] de pouvoir se redresser contre la pesanteur, propriété qui forme une partie du phénomène de l’érection, a créé la représentation symbolique à l’aide de ballons, d’avions et même de dirigeables Zeppelin » (Freud 1916, p. 125), l’envol n’a dansCourrier Sud aucune signification sexuelle, bien au contraire : Jacques Bernis s’angélise, se départit de ses composantes corporelles pour finir par s’aliéner au monde matériel et partant aux rapports humains, sexuels ou pas. Lorsqu’il reprend « pied sur un vrai sol », il n’est plus qu’un « archange triste » (Saint-Exupéry 1929, p. 51). Or d’après G. Durand « [l]’ange est l’euphémisme extrême, presque l’antiphrase de la sexualité » (Durand, p. 162), comme en attestent les récits de D’Annunzio ou Kessel, qui opposent l’héroïsme angélique du vol aux tentations vicieuses de la chair. Si donc Bernis retrouve Geneviève, ce n’est pas dans le prolongement de ses fantasmes ascensionnels, mais bien en opposition avec ceux-ci. Elle incarne pour lui la possibilité d’une chute maîtrisée, d’une descente bienheureuse, fatalement associée à la sexualité et à une revalorisation du corps: « J’ai retrouvé la source », proclame-t-il, « [c]’est elle qu’il me fallait pour me reposer du voyage » (p. 55). Symbole d’intimité féminine, Geneviève, associée comme elle l’est aux images du repos et de la source, figure idéalement le jardin des délices terrestres auquel aspire le pilote, en totale opposition avec le monde minéral et blanchâtre de ses exploits aériens. Simultanément et symétriquement, Geneviève attendra logiquement de Bernis qu’il incarne pour elle la possibilité d’une existence moins terre à terre. Elle lui demandera de l’ « emporter » vers une vie nouvelle, vers une renaissance : « Dans huit jours j’ouvrirai les yeux et je serai neuve : il m’emporte », pense-t-elle (p. 67).

Mais la tentative de fuite des deux amants tournera court, pour des raisons profondément imaginaires. Dans le décor pauvre de l’appartement de Bernis, avant leur

(8)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 17 départ, Geneviève ressent déjà un étrange malaise, qui n’est pas tant dû aux exigences de goût d’une femme fortunée qu’à un changement de régime imaginaire :

Elle était prête à tout lui sacrifier, du cœur le plus généreux ; il lui semblait qu’elle aurait supporté la vie dans une cellule peinte à la chaux, mais ici elle sentait un peu d’elle-même se compromettre. Non sa délicatesse d’enfant riche, mais, quelle idée étrange, sa droiture même. (p. 68)

Le contact direct avec les matières durables lui manque déjà, dans cet univers nouveau pour elle, où les objets portent « des masques sur leurs visages » et où les draperies « semblaient mortes » (p. 69). Geneviève songe à la maison de son enfance, à la stabilité des « tilleuls épais » et du « perron de pierres larges » (id.), c’est-à-dire à l’épaisseur, à la profondeur inchangée du bois et de la pierre, matières emblématiques de son rapport au monde, compromis par son départ : « cette assurance de durée, elle ne l’aurait plus » (p. 68). L’évasion elle-même sera sapée par une série de présages anodins, « symbole[s] d’une vie médiocre » (p. 71) : « Un gaz presque tari », un « mur blafard », « une enseigne délavée » suffiront à les décourager. Après une seule nuit de voyage vers le sud, ils abandonneront leur rêve et retourneront à Paris, incapables de renoncer à leur univers pour se donner à l’autre, incapables d’accepter ces images de l’entre-deux, du clair-obscur, de la rencontre. Le symbole de l’aube exprime bien ce désaccord fondamental des amants. Attendue comme une délivrance par Bernis —« Quand il fera jour je vais respirer » (id.) —, elle révèle à Geneviève la laideur du monde : « Cette fenêtre est salie par l’aube. Cette nuit, elle était bleu sombre. Elle prenait, à la lumière de la lampe, une profondeur de saphir. » (p. 74) Entre le bleu clair du ciel, auquel aspire le pilote, et le bleu nuit auquel rêve la jeune femme, incarné un instant dans l’image de la pierre précieuse, s’étend un abîme infranchissable. Ces deux univers se reflètent et se complètent dans Courrier Sud, plus qu’ils ne s’opposent, mais le désir amoureux de rencontre et de conjonction de Bernis et Geneviève, qui comme Eurydice voudrait crier « Retiens-moi » (id.), ne suffira pas à les rapprocher. Lors du retour vers Paris, un simple verre de lait suffira pourtant à lui rendre le sourire. Mais à nouveau, sous l’événement anodin, c’est le symbole qui joue, du liquide le plus terrestre, le plus animal : le plus maternel. Le lait, « premier substantif buccal », écrit Bachelard (p. 135), nous reconduit aussi sûrement que nos souvenirs à l’origine du monde et à la sécurité de l’enfance : « La chronologie du cœur est indestructible » (133). Toutefois, aucun des deux personnages ne parviendra à rejoindre indemne son univers propre. Si Geneviève ne put renoncer définitivement à son appartenance terrestre et nocturne, c’est parce que « ce qui

(9)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 18 s’arrachait d’elle tenait si fort qu’elle était déjà déchirée » (id.). Si Bernis ne parvient pas à assumer la responsabilité d’une existence vraiment matérielle, c’est parce qu’ « il lui semblait avoir à remuer l’inertie d’une terre entière. » (p. 72) Marqué par la déchirure ou le poids de la fatalité, chacun retournera dans son monde, mais comme vidé de sa substance, contaminé déjà. Les deux personnages ne survivront pas longtemps à leur échec : Geneviève tombera malade et retournera mourir dans la maison de son enfance, tandis que Bernis disparaîtra dans le désert.

En écrivant l’histoire de Bernis et Geneviève, Saint-Exupéry aura donc tenté, d’une part de justifier l’échec de sa relation sentimentale par l’incompatibilité des deux mondes de l’aviation et de la bourgeoisie parisienne, d’autre part de mettre fin à son aventure, en sacrifiant en lui l’amant, comme Flaubert avait sacrifié son sujet lyrique dans Madame Bovary.

La recette, cependant, semble avoir été assez peu efficace. Car malgré l’écriture et la publication de Courrier Sud, Antoine de Saint-Exupéry continuera de déclarer son amour à Louise de Vilmorin, six ans après leur rupture. La jeune femme ne s’en émouvra pas outre mesure, qui continuera de mener une vie mondaine brillante à Paris, où elle devait bientôt rencontrer André Malraux et se lancer, sur son conseil, et avec succès, dans une carrière littéraire. Mais les quelques lettres d’amour que Gallimard vient de dévoiler confirment, si besoin en était, que Saint-Exupéry s’est librement inspiré de ses fiançailles manquées avec Louise de Vilmorin pour écrire son premier roman, et surtout qu’il a consciemment cherché à se guérir de son amour en assassinant son personnage :

Mon unique amour.

Je sais si bien que toute vie avec moi est impossible. Je suis moins fort que les maisons, les arbres, les choses bâties. Je le sais bien. Et j’ai emmené mon Bernis loin de toutes ces choses, avec tant de sagesse. Que lui serait-il arrivé de mieux ? Buter dans une étoile.(Saint-Exupéry 2007, p. 48.)

Ces quelques mots, dont la lecture a sans doute quelque chose de sacrilège, confirment donc que la bipartition première de l’imaginaire de Saint-Exupéry trouve son origine non seulement dans les premiers romans d’aviation, mais aussi dans sa volonté de justifier sa séparation et son échec amoureux, et que le geste d’écrivain de Saint-Exupéry semble avoir échoué dans sa prétention narcissique à guérir la blessure d’un amour perdu.

(10)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 19 Mais cette interprétation, qui confirme d’ailleurs l’analyse traditionnellement biographique du roman, néglige un fait textuel d’importance : Saint-Exupéry, dansCourrier Sud, s’est créé un double, qui n’est pas celui qu’on croit.

Le double et l'absent

L’origine du thème littéraire du double se perd dans les lointains de la mythologie. Mais il revient à la littérature romantique, et en particulier à Hoffmann, d’en avoir fait une obsession. Originaires de ses fameux contes, en effet, d’inquiétants reflets, sosies, jumeaux ou ombres se bousculent dans les textes de Poe, Dostoïevski, Maupassant, Stevenson, Wilde, etc. Si cette vogue n’a pas survécu au Romantisme, elle fut toutefois assez significative pour susciter l’intérêt des psychanalystes. Freud, dans un article fameux, a ainsi évoqué les doubles d’Hoffmann pour illustrer sa conception de l’inquiétante étrangeté (Freud 1919). Avant lui, Otto Rank avait proposé une étude très complète du thème duDoppelgänger dans la littérature romantique, dans laquelle il établissait, entre autres, que la confrontation avec le double exprime, dans la fiction, un conflit intérieur entre différentes instances du moi. Ce n’était pas un truisme, à l’époque ou ces textes furent publiés, car Freud n’avait pas encore nommé le Ça et le Surmoi. D’ailleurs, si la psychanalyse dispose aujourd’hui d’outils plus appropriés à l’examen du thème du double en littérature, ses conclusions restent sensiblement les mêmes que celles de Rank (Demangeat, Bonnet, Baranès). André Green, cependant, a depuis lors brillamment mis en lumière le thème littéraire du double, en tant qu’il s’origine, non pas dans la constitution du Moi, mais dans le geste même de l’écriture :

Tout écrivain est pris entre le double et l’absent : le double qu’il est en tant qu’écrivain, qui donne à voir une autre image de lui-même […]. L’écrivain est réellement scindé en deux personnes, l’une qui vit socialement, l’autre qui écrit. (Green, p. 408)

À l’époque romantique, ce double reste inquiétant, dans la mesure où le sacre de l’écrivain vient seulement d’introduire dans la fiction l’absent de tout texte : son auteur, dont la présence autrefois spectrale devenait manifeste, et partant, effrayante. Pour Saint-Exupéry, en revanche, la figure de l’auteur n’a plus rien d’étrange, qui vacille d’ailleurs depuis longtemps sous les coups répétés du modernisme. C’est pourquoi l’aviateur développera ce

(11)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 20 thème suivant une logique nouvelle. Dans les textes de Hoffmann, Poe ou Maupassant, la rencontre du double avec l’original se développe toujours suivant une logique de la confrontation : le double est une menace évidente pour le sujet, que le narrateur voudrait combattre, ou fuir, mais toujours sans succès. Car le double gagne toujours. Lorsque le personnage parvient, par un effort de volonté, à s’y confronter et à le vaincre, comme dans « William Wilson » de Poe, sa victoire est aussi sa défaite : tuer son double revient logiquement à se suicider. Quand à le fuir, cela revient à chercher à se fuir soi-même.

Dans le texte de Saint-Exupéry, la confrontation au double est tout autre, qui se déploie suivant une logique sacrificielle. Traditionnellement, et ainsi je viens de le faire, Courrier Sud est décrit comme le récit d’une confrontation fatale entre deux univers incompatibles. Mais c’est oublier un point central du récit : la présence, fantomatique, d’un narrateur. Contrairement à ses prédécesseurs, en effet, Saint-Exupéry incarne le point de vue du récit sur l’opposition entre les mondes terrestre et aérien : depuis l’escale de Cap Juby, en effet, un narrateur anonyme, qui s’adresse en « tu » à Bernis, mais affectionne aussi le « nous », commente les aventures sentimentales du personnage. Mais dans les souvenirs d’enfance qu’il évoque, ce narrateur s’installe comme une ombre silencieuse auprès de Jacques Bernis, qu’il suit comme un double et dont il partage jusqu’aux secrètes affections : « nous serons tes amants », disent-ils de concert à Geneviève, « nous serons […] des conquérants » (Saint-Exupéry 1929, p. 55). Les voix différenciées du narrateur et du personnage, qui apparaissent en dialogue dans leur correspondance épistolaire, relèvent donc d’un seul sujet dans les souvenirs d’enfance. Jacques Bernis et son narrateur sont une seule et unique personne. Mais dans la prise de parole romanesque, dans cette écriture qui masque son origine, le sujet originel a fuit définitivement. Seule l’écriture survit, ainsi que l’énonce secrètement une des dernières lignes, télégraphique, du roman : « Pilote tué avion brisé courrier intact ». (p. 109) À la fin du premier livre de Saint-Exupéry, seul le texte reste, sous la métaphore évidente du courrier, et avec lui l’auteur. Le pilote et ses espoirs sentimentaux déplacés ont disparu. Saint-Exupéry les a volontairement sacrifiés, comme il l’écrira à Louise de Vilmorin : « J’ai étendu cet enfant faible [Bernis] sur un plateau de Sahara [sic] » (Saint-Exupéry 2007, p. 48), cet « enfant faible » que, selon cette même correspondance, sa frivole fiancée lui aurait reproché d’être pour justifier leur séparation. En le perdant, selon ses mots, dans le Sahara, et en devenant l’auteur qu’il n’avait pas encore su être, Saint-Exupéry espérait sans doute la reconquérir. Il avait tort. Louise de Vilmorin, malgré les

(12)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 21 tentatives désespérées de Saint-Exupéry, continuera de mener sa vie parisienne de séductrice et de femme de lettres, tandis que lui-même poursuivra sa carrière d’aviateur mais aussi, désormais, d’écrivain.

La première tentative de l’auteur, de toute évidence, ne réussira pas à guérir la blessure narcissique qui avait motivé le geste de l’écriture. Malgré le fait qu’il soit parvenu à scinder sa personnalité en deux, entre le Puer aeternus, l’aviateur sentimental et infantile, et le fabricant de littérature, et malgré qu’il ait sacrifié le premier sur l’autel de la littérature, Saint-Exupéry n’est pas parvenu, dans son premier roman, à résoudre le conflit qui le déchire depuis l’origine. Logiquement, en assassinant son pilote dans un livre, Saint-Exupéry lui a donné une vie littéraire, tandis qu’il a condamné, paradoxalement, l’auteur qu’il est devenu à se tenir en retrait, aveugle et invisible, dans son réduit de Cap Juby. Le sacrifice consenti eut donc l’effet inverse de celui escompté par l’auteur : il raviva sa flamme amoureuse pour Louise de Vilmorin. Comme il l’écrit lui-même, juste après avoir confié à Louise le sacrifice de l’enfant faible qu’il était :

Mais voici que tout recommence. C’est mon bonheur que je reconnais, c’est mon printemps que je reconnais, c’est ma détresse.

Je reconnais tous ces mots que je vais dire.

C’est cette crainte d’enfant réveillé qui a reçu autrefois et qui se souvient. (p. 49)

Saint-Exupéry parviendra toutefois à maintenir cette part de lui-même sous le boisseau, à la refouler en somme, pendant de longues années, au cours desquelles il donna à ses vies d’amant, de pilote et d’écrivain de nombreux méandres nouveaux et inattendus, où l’on peut lire parfois la présence clandestine de cet enfant abandonné dans le désert, mais sans qu’elle se manifeste explicitement. Après lui avoir donné corps dans la littérature, Saint-Exupéry semble être parvenu à remettre son ombre à sa place, et à bâtir une vie exemplaire, débarrassée de toute sentimentalité infantile, une vie héroïque d’aviateur sans peur et sans reproche, une vie de paladin du ciel. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Pendant la seconde guerre mondiale, l’enfant éternel de Saint-Exupéry se manifestera à nouveau, sous une forme plus aboutie : celle du Petit Prince.

(13)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 22 Le retour de l’enfant sacrifié

Dans ce célèbre conte, un petit personnage surnaturel apparaît à un pilote en panne au milieu du Sahara et lui demande avec insistance, en des mots devenus célèbres : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton… » (Saint-Exupéry 1943, p. 238). Cette manifestation intransigeante d’une nécessité intérieure rappelle étrangement les enjeux narcissiques de Courrier Sud. Premièrement, parce que ce personnage surnaturel correspond de toute évidence à l’ « enfant faible » que Saint-Exupéry avait envoyé « buter dans une étoile » en écrivant son premier roman. Le lecteur découvrira en effet que le petit prince vient d’une autre planète, un astéroïde plus précisément, qu’il a quitté à l’occasion d’une espèce de rupture sentimentale avec une petite fleur assez pénible : la fameuse rose du petit prince. Plus encore, s’il le petit prince réclame un mouton, animal sacrificiel par excellence, c’est vraisemblablement pour se soustraire, comme Isaac dans la Genèse, au sacrifice consenti par l’auteur. Mais laissons-là les implications biographiques et symboliques de l’apparition du petit prince (pour ces questions, je me permets de renvoyer à mes articles, référencés dans la bibliographie en fin d’article).

(14)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 23 L’apparition du petit prince suggère d’abord et avant tout à l’auteur accompli qu’est Saint-Exupéry au moment de la rédaction du conte, en 1942, de développer un nouveau mode d’expression : celui du dessin et de l’aquarelle. Le résultat de cette conversion est immédiatement lisible pour le lecteur, qui découvre les aventures du petit personnage dans un récit richement illustré. Le narrateur met d’ailleurs en scène son apprentissage de la technique du dessin et les moqueries du petit prince quand il découvre ses ébauches. Mais Saint-Exupéry, s’il raconte deux aventures, celle du prince et celle de l’aviateur, ne dessine que l’univers merveilleux du petit prince : ce mode d’expression lui est donc réservé strictement. On sait à ce titre que Saint-Exupéry avait réalisé plusieurs aquarelles et croquis préparatoires sur lesquels figure le pilote (Saint-Exupéry 2006, pp. 283-284 - fig. 1 & 2): leur absence du livre n’en est que plus révélatrice de l’importance du lien qui unit le dessin et le petit prince.

(fig. 2)

Dans Courrier Sud, le sujet infantile était évacué par l’écriture au profit de la personnalité de l’écrivain. Le pilote héroïque désireux de rejoindre le paradis de l’enfance était sacrifié par l’auteur, c’est-à-dire assassiné dans la fiction, mais sanctifié par là-même dans la littérature, dont il devenait de facto un héros. DansLe Petit Prince, au contraire, un espace est ménagé à chacun : l’auteur-narrateur, pilote immobilisé dans le désert (comme le narrateur de Courrier Sud), se réserve le plan de l’écriture en racontant son aventure et celle de son acolyte, tandis que le petit prince, taciturne, —« mon ami ne donnait jamais d’explications » (Saint-Exupéry 1943, p. 247) — s’approprie les images, au sens propre et

(15)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 24 au sens figuré : lui seul y est représenté, dans son environnement merveilleux, et son exigence première à l’égard du narrateur concerne un dessin de mouton qu’il voudrait emporter sur sa petite planète.

(fig. 3)

Le livre, toutefois, se clôt sur un second sacrifice : le petit prince, comme Jacques Bernis, disparaît du paysage. C’est pourquoi le dernier croquis (p. 320 - fig. 3) du livre ne figure que son absence. Mais le sacrifice, cette fois, est librement consenti. Car le petit prince, en effet, se suicide pour pouvoir retourner sur sa petite planète : sa mort, c’est-à-dire sa disparition du plan narratif, coïncide en fait avec son apparition dans le monde des images, au début du conte. En écrivant son conte infantile, Saint-Exupéry a donc renoncé à renoncer à son enfance au profit de l’écriture en lui ouvrant l’espace silencieux de ses aquarelles. Si l’enfant faible qui avait succombé à Louise de Vilmorin en 1923 et que Saint-Exupéry s’était efforcé de refouler dans l’écriture est devenu dans Le Petit Princeun enfant-roi (p. 239 - fig. 4), c’est parce que Saint-Exupéry a accepté de donner un avenir à son passé, au passé mort de ses rêves d’adolescent. L’hybridité du conte illustré témoigne peut-être d’une réunion ultime des doubles, l’enfant et l’adulte, l’écrivain et l’aquarelliste, l’auteur et l’aviateur, rattrapés l’un par l’autre au terme d’une vie d’errances partagées.

(16)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 25 (fig. 4)

Les histoires de doubles se terminent presque toujours par la disparition de l’original et la survivance de l’autre. Mais rien ne permet de décider si Saint-Exupéry a finalement échappé à la loi du genre. L’écrivain de Courrier Sud, bien sûr, n’aura pu se manifester qu’à l’occasion d’une mise en attente provisoire de l’aviateur : l’écrivain qu’est devenu Saint-Exupéry est un aviateur au sol. Mais celui qui survit dans la littérature, ce n’est pas l’écrivain : c’est l’aviateur, et son héroïsme suicidaire. Plus encore, alors que l’on aurait pu songer que l’auteur avait remporté une victoire, définitive et amère, sur l’aviateur, lorsque celui-ci avait disparu, le 31 juillet 1944, au cours d’une mission de guerre, ne laissant à la postérité que ses textes, tandis que son corps et son avion demeuraient introuvables, c’est aujourd’hui encore l’aviateur que l’on cherche comme un mystère, laissant son double à son absence et à sa distance. Mais de l’écrivain et de l’aviateur, rien ne permet de dire qui est le double de l’autre, si ce n’est que l’écrivain est venu après l’aviateur, pour écrire l’aviateur. Même le premier poème infantile est un apocryphe, écrit après le vol. La question du double, dès lors, reste en suspens. À la condition toutefois que le livre reste fermé. Car quand le livre s’ouvre apparaissent, toujours, Saint-Exupéry et son double, mais toujours dans l’ordre inverse : c’est nécessairement l’auteur qui prend la parole, et ne laisse à l’autre que son enfance. Au lecteur, donc, de décider.

(17)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 26 Bibliographie

Œuvres de Saint-Exupéry

– « [Les ailes…] » [circa 1914], in Œuvres complètes, I, M. Autrand & M. Quesnel eds., Paris, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », 1994.

– « Le Petit Prince » (1943), in Œuvres complètes, II , M. Autrand & M. Quesnel eds., Paris, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », 1999.

– « Courrier Sud » (1929), in Œuvres complètes, I (op. cit.)

– Dessins. Aquarelles, pastels, plumes et crayons, Paris, Gallimard, 2006.

– « [Lettre à Louise de Vilmorin, Paris, avril 1929], in Autour de Courrier Sud et de Vol de nuit, A. Cerisier ed., Paris, Gallimard 2007.

Autres références

Bachelard Gaston, L’Air et les songes [1943], Paris, LGF Livre de poche « Biblio essais », 1992.

Baranès Jean José, « Penser le double », in Revue française de psychanalyse, 2002/5, vol. 66, pp. 1837-1843.

Bonnet Gérard, « Le moi et ses doubles », in L’Esprit du Temps, 2004/2, n°14,Imaginaire & Inconscient, pp. 23-34.

Chelebourg Christian, Prosper Mérimée, le sang et la chair Ŕ Une poétique du sujet, Paris, Lettres Modernes Minard « Archives des lettres modernes 280 », 2003.

D’Annunzio Gabriele, Forse che si forse che no (D. Cross trad.), Paris, Calmann-Lévy, 1910.

Demangeat, Michel, « Rituel et liturgie du double dans la création littéraire », inL’Esprit du Temps, 2004/2, n°14, Imaginaire & Inconscient, pp. 35-48.

Durand Gilbert, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire Ŕ Introduction à l’archétypologie générale [1969], Paris, Dunod, 1992.

Estang Luc, Saint-Exupéry par lui-même, Paris, Seuil « Écrivains de toujours », 1956. Faure-Favier Louise, Les Chevaliers du ciel, Paris, La Renaissance du livre, 1923.

(18)

Image & Narrative , Vol 10, No 2 (2009) 27 Freud Sigmund, Introduction à la psychanalyse [1916], S. Jankélévitch trad. [1921], Chicoutimi, Publication électronique de l’Université du Québec à Chicoutimi (http://classiques.uqac.ca/classiques/freud_sigmund/freud.html).

– « L’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche) » [1919], M. Bonaparte & E. Marty trads, in Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1933.

Green André, « Le double et l’absent », in Critique, Mai 1973, n° 312, pp. 391-409. Kessel Joseph, L’équipage (1923), Paris, Gallimard « Folio », 2006.

— Vent de sable (1929), Paris, Gallimard « Folio », 2007.

Odaert Olivier, « L’enfance divine du Petit Prince de Saint-Exupéry », in Revue Frontenac Review, n°20, 2008, pp. 59-72.

– «L’Imaginaire infantile du Petit Prince de Saint-Exupéry », in Pouvoirs de l’imaginaire, J.-Fr. Chassay & B. Gervais eds, Montréal, Presses de l’UQAM « Figura n° 18 », 2009, pp. 183-185.

Rank Otto, Don Juan et le double. Etudes psychanalytiques [1914], S. Lautman trad., Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1973.

Olivier Odaert est assistant au département d’études romanes de l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, en Belgique, où il enseigne la littérature. Ses recherches portent essentiellement sur l’œuvre d’A. de Saint-Exupéry, au sujet de laquelle il a écrit et publié plusieurs articles. La diversité de ses centres d’intérêt l’a par ailleurs amené à publier au sujet d’autres auteurs, de Flaubert à Chimo, en passant par Malraux, et à s’intéresser à d’autres expressions, comme la musique ou la peinture.

Références

Documents relatifs

Je sais étudier un document (présenter le document, extraire des informations, les comprendre, les critiquer).. Quel phénomène catastrophique a touché Argenton-sur- Creuse

[r]

Lors de la dernière journée d’école en 2017, les élèves et les professeurs étaient invités à participer à deux actions de solidarité organisées par

L’expérience se déroule par la suite de la façon suivante : comme dans la question précédente, on lance le miroir mobile, de masse m, suivant l’axe vertical vers le haut avec

(Référence spécifiée): Plan tangent extérieur matière minimisant la plus grande distance. Référence secondaire de type référence commune

L’énoncé [dxelt kursi] (U.C 6) marque un dysfonctionnement au niveau de la fonction du contexte, parce que l'expression est étrangère au thème abordé, ce qui reflète

L’énoncé [dxelt kursi] (U.C 6) marque un dysfonctionnement au niveau de la fonction du contexte, parce que l'expression est étrangère au thème abordé, ce qui

Soit T, un traitement qu'on présume avoir une valeur thérapeutique dans un certain domaine de la pathologie: après avoir étudié - en phase 1 - les effets de T sur des