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La Cantopop, expression locale d une identité culturelle émergente dans le contexte de la transition économique et politique de Hong Kong ( )

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Texte intégral

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La Cantopop, expression locale d’une identité culturelle émergente dans le contexte de la transition économique et

politique de Hong Kong (1967-1997)

Camille RAMAHEFARIVONY 4ème année

Mondes Chinois

Sous la direction de Florent Villard

2018-2019


(2)

Remerciements

Je souhaite dans un premier temps remercier mon directeur de mémoire, M. Villard. Sa disponibilité et ses conseils avisés tout au long de la rédaction de mon mémoire m’ont aidée à avancer dans la structuration de mes idées et à fournir une réflexion plus poussée.

Je souhaite aussi remercier les professeurs qui sont intervenus tout au long de l’année au sein de notre séminaire. Grâce à leurs conférences de recherche, j’ai élargi mes connaissances sur les mondes chinois, et j’ai pu mieux comprendre le cheminement d’un travail de recherche sur des sujets parallèles au mien.

Tous mes remerciements à l’encontre de ma camarade chinoise Yuling pour son aide dans la recherche de sources et de paroles de chansons ainsi que sa fine connaissance de la Cantopop. Son soutien et sa patience m’ont permis de dépasser la barrière de la langue.

Un grand merci à ma mère qui a pris le temps de me relire à de multiples reprises et de me donner son avis critique.

Je souhaite enfin remercier mes amies pour cette année d’encouragements et de soutien mutuels — leurs conseils m’auront été très bénéfiques.


(3)

Sommaire

Remerciements 2

Sommaire 3

Introduction 4

I - L’industrie musicale de Hong Kong : un succès commercial,

produit de la mondialisation 12

A) L’impulsion britannique : la construction de la culture hongkongaise 12 B) Une industrie lucrative et prospère aux caractéristiques occidentales 17 C) D’un ancrage local à un rayonnement international 26

II - La Cantopop, marqueur d’appartenance : l’affirmation d’une identité musicale et linguistique locale dans un genre hybride 32

A) La revendication d’une spécificité musicale régionale face à un genre

mondialisé 32

B) La langue cantonaise : fierté et revendication d’une particularité locale 38 C) Ambivalence entre Cantopop et Mandopop : un rapprochement

réciproque face à la montée en puissance de la Chine 44

III - La réponse culturelle à la transition politique : la Cantopop comme instrument de politisation (S. Tsang) 50

A) Sam Hui et l’incarnation d’une conscience locale face à une économie du

laissez-faire 50

B) Incertitude du sort de Hong Kong et prémices d’une politisation 55 C) Combat pour la démocratie : quand l’engagement politique devient

commercial 63

Conclusion 71

Bibliographie 74

Annexes 80

Table des matières 86

(4)

Introduction

Of one mind in pursuit of our dream, All discord set aside.

With one heart on the same bright quest, Fearless and valiant inside.

Hand in hand to the ends of the earth, Rough terrain no respite.

Side by side we overcome ills, As the Hong Kong story we write…

- "Below the Lion Rock", Roman Tam

Ecrite en 1979 pour le générique d’une série télévisée, « Below the Lion Rock » est considérée par de nombreux Hongkongais comme un hymne régional et elle peut être envisagée, à certains égards, comme le prélude du développement de la conscience locale hongkongaise dans les années 1980. Elle est d’autant plus symbolique que ces 1 mêmes paroles ont été citées par Anthony Leung, ancien secrétaire des finances, dans un de ses discours en 2002, afin de remonter le moral des citoyens face aux difficultés économiques que traverse alors Hong Kong. La musique cantonaise, aussi appelée 2 Cantopop, fait ainsi partie intégrante de la société hongkongaise, jusque dans la sphère politique.3

La Cantopop est le nom donné à la musique populaire produite à Hong Kong, et dont les paroles sont prononcées en cantonais. Le terme est apparu dans les années 1970, et est attribué au musicologue Hans Ebert. Dans un premier temps, ce dernier 4 qualifie le genre musical hongkongais de Cantorock : en 1974, il remarque l’émergence d’une musique rock produite localement à Hong Kong, largement inspirée du rock britannique et américain et caractérisée par des guitares électriques ainsi qu’une batterie

Yiu-Wai Chu, Lost in Transition: Hong Kong Culture in the Age of China, State University of New York

1

Press, Global Modernity, 2013, p. 126.

Ibid.

2

Ibid.

3

Joanna Ching-Yun Lee, « Cantopop Songs on Emigration from Hong Kong. », Yearbook for Traditional

4

Music, 1992, Vol. 24, p. 14.

(5)

proéminente. Cependant, le style hongkongais glisse progressivement vers le soft-rock anglo-américain et la musique populaire japonaise, ce qui lui vaut d’être renommé Cantopop en 1978. Par musique populaire, on entend le genre musical principalement produit, promu et commercialisé dans une zone géographique donnée. Si cela inclut la 5 pop et le rock dans les pays occidentaux ; à Hong Kong, l’industrie musicale se concentre sur de la pop générique et le rock est considéré comme un genre alternatif. La 6 musique populaire est aussi caractérisée par ses ventes et le profit qu’elle engendre, qui sont conséquents puisqu’elle touche un large public. La Cantopop est un genre hybride, 7 qui marie des paroles en cantonais avec des instruments et des arrangements inspirés de la musique occidentale, tout en reprenant certaines mélodies basées sur les gammes pentatoniques chinoises. Ses chansons sont en grande majorité des reprises de chansons anglo-américaines ou japonaises, et abordent des sujets amoureux avec des mélodies accrocheuses que l’on entend non seulement à la radio mais aussi dans les séries télévisées et au cinéma. Une réelle distinction est à faire entre les compositeurs, qui arrangent la partie instrumentale, les paroliers, qui écrivent les textes des chansons, et les chanteurs, qui ajoutent leur voix et sur qui l’attention médiatique est principalement dirigée. La Cantopop a ainsi lancé une multitude de carrières de superstars connues non seulement à Hong Kong mais dans les communautés chinoises du monde entier telles que Sam Hui, Leslie Cheung, Alan Tam, Anita Mui ou les Four Heavenly Kings. Adulées, leur succès est directement lié à des codes empruntés à la musique populaire étrangère.

Cela inclut notamment le packaging des albums, l’image publique de l’artiste, le ciblage de certaines audiences, la mise en scène des chansons à travers des concerts aux budgets pharamineux et la production toujours plus grande de produits dérivés.

Progressivement, la Cantopop est donc devenue la branche la plus lucrative de l’industrie du divertissement hongkongaise. Elle a connu un large succès commercial à partir des années 1970, de manière concomitante avec l’émergence d’une culture populaire à Hong Kong. Ce phénomène est impulsé par les autorités britanniques dans une volonté d’étouffer le mécontentement social qui s’élève à la fin des années 1960 : en 1967, des émeutes éclatent suite à une grève ouvrière et des centaines de personnes

Roy Shuker, Popular Music: The Key Concepts, London and New York: Routledge, 2005 in Yiu-Wai Chu,

5

Hong Kong Cantopop: A Concise History, Hong Kong: Hong Kong University Press, 2017, p. 3.

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 3.

6

Deanna Robinson et al., Music at the Margins: Popular Music and Global Cultural Diversity, Newbury Park,

7

London and Dehli: Sage, 1991 cité dans Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 3.

(6)

descendent dans la rue pour revendiquer des droits syndicaux et protester contre le régime colonial. Afin de calmer ces perturbations de masse et le sentiment anti-colonial florissant, le gouvernement hongkongais met alors en place des politiques culturelles visant à unir la population autour de pratiques communes et d’une identité hongkongaise.

En effet, ces soulèvements sont notamment dûs à l’apparition à Hong Kong d’une nouvelle génération éduquée, née ou ayant grandi sur le territoire et qui a un sens d’appartenance à la communauté locale bien plus fort que la génération la précédant. Elle se « reconnaît dans les chansons populaires, les journaux et les bande-dessinées en cantonais (…) et dans les images fournies par la publicité, la photographie et la télévision », ce qui crée une demande sans précédent de culture locale. C’est dans ce 8 cadre que la Cantopop va apparaître, au carrefour entre impulsion étatique, initiative locale d’une génération qui prend conscience de son identité et de ses droits, et émergence de nouveaux médias. En 1974, l’industrie musicale connaît un tournant décisif avec l’ascension fulgurante de Sam Hui, désigné comme étant le «  Dieu de la Cantopop ». Son succès renverse les codes d’une culture chinoise jusqu’alors perçue comme inférieure par rapport à la culture britannique : la Cantopop va devenir le genre dominant du territoire et incarner cette nouvelle identité culturelle, qui se caractérise par la production locale de produits culturels dans la langue cantonaise. 9

La particularité linguistique de la Cantopop est un fort marqueur d’identité et de fierté pour les Hongkongais. En effet, le Sud-Est de la Chine est marqué par l’usage d’une autre langue que le mandarin standardisé, aussi appelé putonghua : à Hong Kong, la lingua franca des habitants est le cantonais. Apparu pendant la Dynastie de Qin (221 - 206), le cantonais est l’une des sept langues parlées en Chine. Elle a pris forme pendant la Dynastie des Song (960 - 1279), quand des envahisseurs étrangers en Chine du Nord ont forcé les Han à fuir vers la Chine du Sud. La pratique de cette langue s’étend au 10 Guandgong, Hainan, l’Est du Guangxi, ainsi qu’à Macao et dans les diasporas d’Asie du Sud-Est et d’Amérique du Nord. Contrairement au mandarin, qui est composé de 4 tons, le cantonais en dispose de 9. Chaque caractère a une consonante, voyelle et ton, et sa prononciation diffère donc énormément du mandarin standardisé. Selon Helen Kwok, le

Matthew Turner, « Hong Kong Sixties/nineties: Dissolving the People » in Hong Kong Sixties: Designing

8

Identities, Hong Kong: Hong Kong Art Center, 1994 cité dans Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 41.

Ibid.

9

The Chinese University of Hong Kong, Yale-Chine Chinese Language Centre, 2016, cité dans, Sandy Wai-

10

Sum Leung, « Hong Kong Cantonese in Cantopop from phonological and lexical perspectives », University of Hong Kong, Pokfulam, 2016, p. 7.

(7)

registre formel du cantonais ressemble au vocabulaire et à la syntaxe du mandarin écrit standardisé, contrairement au registre informel qui a lui ses propres codes et son propre lexique. Le cantonais est une langue parlée qui n’est que rarement écrite. En effet, 11 traditionnellement, seul le chinois standard s’écrit en caractères ; tandis que les autres langues sinitiques sont exclues du registre écrit. Pourtant, le cantonais de Hong Kong a 12 connu un développement complètement différent que ce qui lui était destiné. Le succès international que connaît la Cantopop va propulser la langue dans toute l’Asie du Sud-Est ainsi que dans les diasporas chinoises européennes et nord-américaines.

Ce succès n’aura cependant qu’un temps : si la Cantopop est le leader de l’industrie musicale pendant deux décennies, elle connaît un déclin à partir de la fin des années 1990. En 1978, le dirigeant chinois de la République Populaire de Chine, Deng 13 Xiaoping, lance des réformes économiques qui ouvrent la Chine au commerce international. Alors que la Cantopop influençait et dominait largement le marché chinois, le processus va s’inverser et la Mandopop, musique en mandarin, entre en concurrence avec l’industrie musicale hongkongaise et la surpasse. Voyant les moyens et les ressources mis à leur disposition par les maisons de disque diminuer, les artistes de la Cantopop vont soit se reconvertir vers la Mandopop, soit restreindre leur champ artistique. L’industrie perd le monopole des stars et ne se renouvelle plus, baissant à la fois en terme de qualité ainsi qu’en terme d’intérêt qu’elle suscitait jusqu’alors. 1997 marquera le coup d’arrêt de l’industrie : alors qu’elle essaie d’identifier des moyens de garder son autonomie avant de revenir sous souveraineté chinoise, Hong Kong est frappée par une lourde crise économique et le territoire entre en dépendance de la Chine continentale.

Cependant, le déclin du succès économique de la Cantopop, qui marque la fin d’une ère, ne remet pas en cause l’attachement symbolique des Hongkongais au genre musical. En effet, au-delà de ces traits capitalistes, la Cantopop a aussi permis d’unir une variété de groupes sociaux en son sein. Elle s’est démarquée de par sa forte identité ethnique et linguistique, et elle a rassemblé les hongkongais, locuteurs du cantonais,

Helen Kwok, Sentence Particles in Cantonese, Hong Kong : Centre of Asian Studies : University of Hong

11

Kong, 1984 cité dans Robert Stuart Bauer, « Written Cantonese of Hong Kong » in Cahiers de linguistique - Asie orientale, vol. 17 2, 1988. pp. 245-293.

Robert Stuart Bauer, « Le cantonais de Hong Kong : état des lieux et perspectives » in Sebastian Veg

12

(dir.). Critique n°807-808 : Hong Kong prend le large, Editions de Minuit, 2014, p. 150.

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, Chapitre 5.

13

(8)

autour d’une conscience locale. De plus, menée par des intérêts privés et non gouvernementaux, la Cantopop a pu véhiculer les aspirations ainsi que les inquiétudes de la société à travers ses changements sociétaux, économiques et politiques. La crise économique et la négligence des Hongkongais par le gouvernement face à la pauvreté et l’inflation dans les années 1970 vont être ainsi être cristallisées par des artistes comme Sam Hui. Ce dernier s’adresse aux classes populaires dans ses chansons et exprime le désarroi et le désemparement des populations locales qui se sentent abandonnées dans une économie du laissez-faire. Les années 1980 et 1990 ont elles aussi été marquées par de grandes inquiétudes, notamment l’incertitude quant au futur de Hong Kong. Dans un premier temps de manière marginale puis de plus en plus généralisée, les artistes de Cantopop s’engagent dans un plaidoyer pour défendre les intérêts de Hong Kong.

La situation politique complexe de Hong Kong est en effet un réel sujet de discussion au sein de l’industrie. Le territoire, théâtre d’opposition de deux intérêts adverses, est sous tension. Suite à la guerre d’Opium, l’île a été le refuge de marchands britanniques qui, voyant le potentiel du territoire pour la poursuite du trafic de l’opium, négocient son annexion. A travers plusieurs traités inégaux (Traité de Nanjin en 1842, 14 Traité de Tianjin en 1860 et Seconde Convention de Pékin en 1898), le territoire est cédé aux Britanniques pour une durée de 99 ans à compter du 1er juillet 1898.15 Alors que 1997 approche, les négociations entre la Grande-Bretagne et la Chine s’accentuent et Hong Kong connaît une période de transition politique difficile, de laquelle la population locale est totalement exclue : les citoyens ne sont pas consultés pendant le processus concernant leur futur politique. Les enjeux de la rétrocession de Hong Kong sont démesurés, puisque deux intérêts s’opposent. D’une part, le Royaume-Uni entend 16 conserver des liens privilégiés avec Hong Kong : carrefour stratégique, la prospérité du territoire a bénéficié à l’économie britannique. Avec un système d’administration basé sur la doctrine du self government, le Royaume-Uni a l’impression d’avoir fait don à la population des libertés politiques inventées par l’Occident. D’autre part, la Chine est 17 consciente de l’intérêt économique de Hong Kong, dont les effets sont essentiels pour l’ensemble de l’économie nationale, et souhaite préserver le dynamisme du territoire.

Jean-François Dufour, Hong Kong: Enjeux d’une transition historique, Marabout, Le Monde Poche, 1997,

14

Chapitre 1.

Ibid.

15

Ibid.

16

Ibid.

17

(9)

Cependant, il lui importe énormément d’affirmer son autorité politique sur le Territoire. 18 De plus, selon Jean-François Dufour, le territoire « devient l’un des lieux de cristallisation d’un affrontement politique dépassant le cadre sino-britannique », puisque la notion occidentale de démocratie s’oppose aux conceptions sociétales chinoises et plus généralement asiatiques selon ce dernier. « L’évolution politique de Hong Kong prend une toute autre dimension », explique-t-il, puisque le territoire n’est plus simplement le théâtre d’affrontement de deux anciennes puissances impériales, mais aussi celui de « l’évolution d’une société ouverte située au coeur d’une région balançant entre deux modèles politiques. » La Cantopop va cristalliser ces tensions à travers des chansons engagées.

Ces dernières vont aborder des sujets tels que l’émigration, la peur du rapprochement avec la Chine et plus tard la violence étatique de la Chine lors du massacre de la place de Tian’anmen en 1989. Les artistes vont se porter porte-paroles de la cause pro- démocratique.

Ainsi, la Cantopop soulève plusieurs enjeux. Elle est le fruit d’un calcul politique de la part des autorités britanniques qui, voyant l’émergence d’une nouvelle génération revendiquant plus de droits, donne une impulsion culturelle au territoire et institue une identité hongkongaise. Elle importe ainsi une culture ex nihilo à Hong Kong, basée sur la société de consommation et le fonctionnement du capitalisme occidental. Cependant, avides d’une culture locale, les Hongkongais se sont appropriés cette culture, véritable fierté sur le territoire. La Cantopop, plus précisément, est par sa langue, ses choix musicaux et son contenu, en opposition aux autorités britanniques et chinoises, et elle permet aux Hongkongais de se retrouver, de s’identifier, de s’exprimer. L’émergence de cette industrie musicale locale est donc liée à un processus complexe de formation d’identité : si au départ la création d’industries culturelles à Hong Kong était un moyen de divertissement et d’éloignement de la population des revendications politiques, la Cantopop a exprimé les mécontentements et les inquiétudes de toute une société, portant leur voix au-delà des frontières. Il serait ainsi intéressant de nous demander dans quelle mesure une identité culturelle hongkongaise s’est formée autour de la Cantopop, produit hybride de la mondialisation, dans le contexte socio-politique de la rétrocession de Hong Kong.

Jean-François Dufour, Hong Kong: Enjeux d’une transition historique, Chapitre 1.

18

(10)

Tout d’abord, nous étudierons le contexte d’émergence de la Cantopop dans une société désunie et sans sens d’appartenance à une communauté. Dans la volonté d’instituer une identité locale, le gouvernement britannique crée de nouvelles industries culturelles à la fin des années 1960 et fait émerger une industrie musicale, qui s’inspire fortement des modèles musicaux déjà existants en termes de production, de contenu et de fonctionnement. Il sera ensuite vu que la Cantopop n’est pas seulement un produit commercial et superficiel de la mondialisation : le genre va être approprié par les populations locales et l’usage du cantonais sera revendiqué comme une fierté face à l’anglais omniprésent de la musique populaire occidentale. L’ouverture économique de la Chine et l’émergence de la Mandopop, musique populaire mandarine, à l’aube des années 1980, amèneront le genre à se repenser et se redéfinir. Enfin, cette opposition par la forme se matérialise progressivement en opposition sur le fond : si l’engagement politique est dans un premier temps timide au sein de l’industrie, le rapprochement de Hong Kong avec la Chine et les horreurs du massacre de Tian’anmen amèneront les artistes hongkongais à hausser la voix et mettre en lumière les inquiétudes des Hongkongais.

Pour la réalisation de ce travail, je me suis beaucoup appuyée sur une littérature scientifique anglophone. Il existe en effet aujourd’hui encore très peu d’ouvrages sur la Cantopop en français. Le travail de synthèse de Yiu-Wai Chu, chercheur hongkongais, dans Hong Kong Cantopop: A Concise History, m’a permis de réaliser une première approche globale sur le genre et les différents enjeux qu’il soulève. L’auteur a repris de nombreuses sources chinoises, me permettant d’aborder des auteurs que je n’aurais sinon pas pu lire. En effet, ne parlant pas mandarin, la barrière de la langue a été un véritable obstacle dans mes recherches ainsi que dans l’étude des chansons, puisque que de nombreux textes ne m’étaient pas accessibles. Cet ouvrage m’a servi de point de départ et de référence, à partir duquel j’ai cherché de nouvelles sources en anglais. Les travaux de l’américain J. Lawrence Witzleben sur la négociation des identités artistiques face au rapprochement de Hong Kong à la Chine ont soulevé les enjeux ethno- linguistiques centraux à Hong Kong, tout comme ses articles dans The Garland Encyclopedia. Je souhaitais aussi incorporer dans mon corpus une littérature scientifique hongkongaise ; j’ai ainsi mobilisé les travaux de Joanna C. Lee sur la Cantopop politique et les thèses réalisées par les étudiants de la Hong Kong University qui m’ont été précieuses de par leurs différentes approches. Stephen Yiu-Wai Chow a dressé un état des lieux de la Cantopop, Ho Wai Chung a analysé l’industrie à travers le spectre de la

(11)

synergie local/global, Ivy Man Oi Kuen s’est concentrée sur la période des années 1970 en interrogeant les acteurs clés de cette décennie (compositeurs, maisons de disque) tandis que Sandy Leung s’est intéressée à la question de la langue en elle-même dans la Cantopop en termes de phonétique et de lexique. Les recherches de cette dernière m’ont par ailleurs redirigée vers les travaux de Robert Bauer, qui a produit de nombreux articles sur le cantonais et sa place dans la société hongkongaise. J’ai par la suite cherché à élargir ma réflexion en m’intéressant à la question des cultural studies : j’ai pu ainsi m’interroger sur la notion de culture, de médias de masse, sur l’interaction entre le producteur et le récepteur et les différentes dynamiques entre les deux. Les travaux de Maxime Cervulle et Nelly Quemener, ainsi que de Erik Neveu et Armand Mattelart m’ont introduit à ces différents concepts et m’ont aidé dans ma réflexion. Enfin, si leur offre reste encore assez limitée, les ouvrages contemporains sur l’histoire de Hong Kong m’ont permis de recontextualiser mon sujet dans un cadre plus large : l’industrie musicale hongkongaise et les sujets qu’elle aborde au fil des décennies sont directement liés aux politiques culturelles et économiques mises en place par le gouvernement britannique, et s’ils ont joué un si grand rôle dans la vie quotidienne des habitants, c’est bien parce que les enjeux socio-politiques de 1997 étaient importants.

(12)

I - L’industrie musicale de Hong Kong : un succès commercial, produit de la mondialisation

A) L’impulsion britannique : la construction de la culture hongkongaise 1. Une communauté désunie et apolitique dans une ville cosmopolite

Lors de son annexion, Hong Kong est un territoire peu habité. Au début du XXème siècle, l’île n’est peuplée que de 370 000 habitants, dont une partie vient du Guangdong pour travailler dans les entrepôts britanniques. La majorité de sa population est ainsi 19 arrivée par vagues successives d’immigration. Après la Seconde Guerre Mondiale, le territoire « renait dans l’anarchie la plus totale » : Hong Kong accueille de nombreux réfugiés chinois qui fuient la famine du Grand Bond en avant et la guerre civile qui fait rage sur le continent en 1946 et 1947. En 1950, 2 millions de personnes vivent à Hong 20 Kong dans des conditions précaires : l’île est un immense « camp de réfugiés » qui ne cesse de croître. Alors que le secteur industriel se développe, de plus en plus 21 d’individus viennent s’installer sur le territoire pendant la décennie : ils sont 3,1 millions en 1961, et 5 millions d’habitants au début des années 1980. Véritable société 22 cosmopolite, Hong Kong regorge de nationalités. Sa population est en grande majorité chinoise, mais aussi philippine, américaine, canadienne ou encore britannique. Les 23 motivations de l’immigration sont nombreuses : de nombreux Chinois du Guangdong se rendent en effet à Hong Kong dans l’espoir d’une vie meilleure, attirés par le succès économique du territoire. Certains fuient la pauvreté ou les troubles socio-politiques de leur région : en 1955, 64,1% des arrivants viennent pour se soustraire aux persécutions politiques. Hong Kong est donc une terre d’accueil, de passage. Ce contexte si 24 particulier a créé un environnement culturel très riche : trois langues couramment parlées à Hong Kong (le cantonais, l’anglais et le putonghua - le mandarin officiel) ; cependant, ces populations ont très peu de choses en commun. Hong Kong est en effet perçue

Jean-François Dufour, Hong Kong: Enjeux d’une transition historique, Marabout, Le Monde Poche, 1997,

19

p. 124.

Ibid.

20

Jean-François Dufour, Hong Kong, p. 34.

21

Ibid.

22

Jean-François Dufour, Hong Kong, p. 126.

23

Jean Philippe Béja, « La démocratisation impossible ? », Hong Kong 1997 : Fin de siècle, fin d’un

24

monde ?, Editions Complexe, p. 65.

(13)

comme l’échappatoire à une menace extérieure, comme un « havre de paix » et le séjour sur le territoire est souvent considéré comme une étape temporaire avant le retour dans la province d’origine, une fois qu’ils en auraient les moyens ou que la situation politique se serait calmée. Ainsi, comme l’explique Steve Tsang, « la communauté chinoise de Hong 25 Kong n’avait pas une identité propre avant la Seconde Guerre Mondiale et la communauté non-chinoise était essentiellement expatriée ».26

De ce fait, la population ne s’investit que très peu dans la vie politique locale.

Jean-Philippe Béja met en avant deux raisons : la première est qu’une grande partie de la population, notamment les Chinois qui ont fui le caractère autoritaire du Parti Communiste Chinois, cherche à éviter tout ce qui se rapporte à l’action politique. De plus, ils n’ont jamais participé à un mouvement anticolonialiste, or « l’anticolonialisme et la conscience de l’oppression nationale sont des vecteurs de la politisation des masses dans les territoires soumis à une puissance étrangère  ». L’absence de sentiment 27 d’appartenance à une communauté proprement hongkongaise est bénéfique aux Britanniques. En effet, ces derniers ont tout intérêt à contrôler un territoire sans participation politique et dirigé par les intérêts industriels. Hong Kong est un port franc, telle est sa fonction essentielle ; ainsi, très rapidement, un modèle colonial mercantiliste a été mis en place avec une élite de négociants et non pas des élites traditionnelles garantes de valeurs nationales. Toute tentative d’inclusion des habitants se révèle être 28 un échec : en 1945, par exemple, le gouverneur propose de remplacer le Legislative Council, dont il nomme les membres, par une assemblée législative entièrement élue par la population. Mais rapidement, il fait face aux oppositions des milieux d’affaires chinois et étrangers qui souhaitent protéger leurs intérêts industriels. La question de la 29 participation des citoyens à la vie politique ne sera pas envisagée avant la fin des années 1990.

Jean-Philippe Béja, « La démocratisation impossible », Hong Kong 1997, p. 65.

25

Steve Tsang, « The Rise of a Hong Kong Identity », in China Today: Economic Reforms, Social Cohesion

26

and National Identities, cité dans Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop: A Concise History, Hong Kong: Hong Kong University Press, 2017, p. 40.

Jean-Philippe Béja, « La démocratisation impossible », Hong Kong 1997, p. 65.

27

Ibid.

28

Ibid.

29

(14)

Selon Jean-Philippe Béja, le régime hongkongais est fondé sur un consensus :

«  l’existence de la colonie se justifie par le développement de l’économie et du commerce  ». Cela signifie ainsi que, sous le signe du libéralisme économique, les autorités britanniques garantissent le respect des règles du marché et se chargent d’assurer la sécurité des citoyens, sans pour autant se soucier de l’instabilité chronique et des conséquences sociétales que ce laissez-faire engendre sur la société et les conditions de vie. Hong Kong est alors ce que Gregory Lee dénomme une « colonie de 30 troisième rang », concept qu'il explique ci-dessous :

« Hong Kong appartenait à un troisième niveau de territoires acquis dont les peuples étaient jugés trop barbares ou trop incapables pour accéder à l’autonomie ou à l’indépendance, même dans un futur lointain. Hong Kong était considéré tout simplement en termes de sa valeur en tant que poste de commerce et base militaire destinée à protéger les intérêts de l’Etat et du capital aventurier (…). Les habitants, les colonisés, c’est-à-dire les Chinois, ne recevaient pas d’éducation de la part des autorités britanniques, et n’étaient point formés pour une éventuelle autonomie. Les autorités ne s’intéressaient guère à la transformation culturelle et idéologique des Chinois de Hong Kong. »31

Cette négligence du territoire et de ses habitants se fait cependant de plus en plus pesante pour la population et, progressivement, une conscience locale va prendre forme au sein de Hong Kong, amenant le gouvernement colonial à remettre ses politiques en question.32

2. L’émergence d’une vie culturelle à Hong Kong : le colonialisme tardif

En 1967, de très importantes émeutes éclatent à Hong Kong. Lancée par une grève ouvrière, la colère s’élève de manière spontanée au sein de la population et prend la forme de multiples manifestations et de bombardements contre le régime colonial britannique. Pour tenter de calmer les menaces d’insurrection, le gouvernement 33 britannique va s’engager dans la construction d’une identité hongkongaise. Alors que 34

Voir partie III - A.

30

Gregory Lee, « Hong Kong ou la construction d’une identité démocratique autonome », L’Obs, 12 octobre

31

2014.

John Carroll, A Concise History of Hong Kong, cité dans Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 40.

32

Yiu-Wai Chu, Lost in Transition: Hong Kong Culture in the Age of China, State University of New York

33

Press, Global Modernity, 2013, p. 125.

Gregory Lee, « Hong Kong ou la construction d’une identité démocratique autonome »,12 octobre 2014.

34

(15)

des discours sur la notion de « citoyenneté », d’« identité civile » et de « société » font leur apparition au sein de la société, le gouvernement hongkongais met en place un série de programmes « ayant pour but de construire une forme de conscience locale et de freiner les sentiments nationaux et/ou anti-coloniaux de la société post-1967  ». Ces 35 programmes prennent la forme d’une première semaine de festivités organisée en 1967 par la Federation of Hong Kong Industries puis en 1969 du Festival of Hong Kong, promu par le gouvernement. Sous le slogan « Community as one », les Hongkongais assistent 36 à des défilés de mode, des spectacles de danse populaire ou encore des concerts de musique pop. Présenté dans la brochure du festival comme une « 37 shop window for democracy » (une vitrine en faveur de la démocratie), l’événement avait, selon Gregory Lee, surtout pour objectif d’introduire la population au consumérisme et au divertissement, afin « d’étouffer le mécontentement social ». Cela rejoint la notion de 38

« doom and boom » d’Ackbar Abbas, qu’il explique comme étant le processus suivant :

« the more frustrated or blocked the aspirations to democracy are, the more the market booms ».39 Voyant leurs aspirations sociétales et économiques sans espoir, les Hongkongais ont transposé leur sentiment de frustration et leur énergie dans l’apparition de cette nouvelle culture dont les codes sont empruntés aux sociétés de consommation occidentales. Il est ainsi important de noter que cette volonté de construction d’une 40 identité hongkongaise est motivée politiquement et implantée sans réels égards pour les populations locales. Sans repères, puisqu’eux-mêmes ayant en grande majorité immigré, les Hongkongais vont donc se raccrocher à ces nouveaux modes de consommation. Les Britanniques ont pour ambition non pas « de nier la sinicité de la population, mais (…) de la réinventer, de la refaçonner ». Il s’agit ainsi d'implanter la modernité occidentale au 41 sein de la société hongkongaise, d’y imposer un modèle et des pratiques occidentales, dont les graines avaient été déjà semées lors de la mise en place du régime mercantile et capitaliste. Ce phénomène est ce que Gregory Lee dénomme « le colonialisme tardif » :

Yiu-Wai Chu, Lost in transition, p. 125.

35

Gregory Lee, « Made in HK? », Vacarme, 2000/1 n°11.

36

Gregory Lee, « Hong Kong ou la construction d’une identité démocratique autonome », L’Obs.

37

Ibid.

38

Yiu-Wai Chu, Lost in transition, p. 124.

39

Ibid.

40

Gregory Lee, « Made in HK? », Vacarme.

41

(16)

« Hong Kong se mit à fonctionner de manière entièrement coloniale, avec tout l’apparat de l’État impérial, les visites royales, les hôpitaux auxquels on donne le nom de cousins ou de tantes de la reine d’Angleterre, et un système d’éducation qui cherchait de plus en plus à construire une identité hongkongaise spécifique. Au « capitalisme tardif  », selon la définition de Jameson, se superposaient une infrastructure et une idéologie coloniales et ça a donné une synthèse presque unique en son genre que j’appelle “colonialisme tardif”. »42

Afin d’appuyer ces politiques et d’établir une vie culturelle, le gouvernement britannique crée des lieux et des salles de spectacle. Une première salle avait été inaugurée en 1962 : le Hong Kong City Hall était alors présenté comme une réelle avancée dans la mise en place de complexes culturels à Hong Kong. Lors de son 43 discours, Sir Robert Black proclamait que le City Hall changerait le quotidien des Hongkongais : « The City Hall will bring light and pleasure to the people of Hong Kong, to the enrichment of their lives and the lives of their children ».44 En réalité, la salle a suivi la logique coloniale contemporaine et elle a accueilli des événements culturels à destination de l’élite locale privilégiée et des cercles expatriés. Dans les années 1970, faisant suite aux tensions entre les populations locales et les autorités, et alors que la culture élitiste coloniale est contestée, le Academic Community Hall est inauguré en 1978 et le Queen Elizabeth Stadium en 1980. Ces derniers auront des capacités d’accueil de respectivement 1300 et 3600 places et vont permettre l’établissement d’une culture et musique populaire. De manière concomitante, en effet, la Cantopop s’établit progressivement en tant que genre et marché musical majeur dans la ville ; et les politiques culturelles gouvernementales vont être reprises par des initiatives privées, qui voient en cette culture hongkongaise émergente la possibilité de réaliser des activités lucratives.

Gregory Lee, « Made in HK? », Vacarme 2000/1 n°11.

42

Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic multiplicities: Hong Kong pop and the global circulation of sound

43

and image, Intellect, 2013, Chapitre 5.

Ibid.

44

(17)

B) Une industrie lucrative et prospère aux caractéristiques occidentales 1. Des chansons dénuées de sens politique

La Cantopop est le fruit de nombreuses influences étrangères. En effet, une très grande majorité des chansons sont des reprises, aussi communément appelées covers, de chansons anglo-américaines, japonaises ou taïwanaises, et seules les paroles sont changées. Avant les années 1970, la scène musicale populaire de Hong Kong est 45 divisée entre la musique chantée en mandarin et la musique anglo-saxonne. Les jeunes hongkongais écoutent de la musique populaire internationale, avec notamment Elvis Presley, mais aussi les Beatles, dont la venue le 6 août 1964 crée une grande effervescence et engendre la création de groupes de musique. Aucune chanson n’est produite ou exclusivement commercialisée pour la population de Hong Kong. Les 46 compositeurs prennent en référence les styles occidentaux, incluant le rock and roll, et les artistes locaux deviennent dans un premier temps connus en faisant des reprises de ces chansons. Ainsi, en termes de production, de marketing, de promotion « 47 la Cantopop n’est pas connue pour son originalité ni son innovation » et s’inspire grandement de la musique japonaise et anglo-américaine. Par exemple, la chanson Another Three Years 48 of Waiting chantée par l’actrice Connie Chan était une version cantonaise du classique de Mandopop (musique en mandarin) « Three Years », et la chanson « An All-Consuming Love » était une reprise de « The End of the World ». De même, cinq 49 covers de

« Careless Whisper » de Wham! sortent simultanément en 1986, chacune avec des paroles différentes. Les reprises de hits japonais étaient aussi grandement appréciées et 50 populaires au sein du public hongkongais local, comme par exemple la chanson « Easily Hurt Woman » de Faye Wong en 1994, qui est une cover de l’artiste japonaise Nakajima

Ho Wai-Chung, « Between Globalisation and Localisation: A Study of Hong Kong Popular Music », Hong

45

Kong Baptist University, 2003, 28 pp.

Joanna Ching-Yun Lee, « All for freedom: the rise of patriotic/pro-democratic popular music in Hong

46

Kong in response to the Chinese student movement », Rockin’ the Boat: Music and Mass Movements, Editions R. Garofalo, Boston, 1992, pp. 129-147.

Tim Brace, Nancy Guy, Joanna Ching-Yu Lee, J. Lawrence Witzleben, Cynthia P. Wong, « Syncretic

47

Traditions and Western Idioms: Popular Music » in Robert C. Provine, Yosihiko Tokumaru, J. Lawrence Witzleben, The Garland Encyclopedia of World Music - East Asia: China, Japan and Korea, Routledge: New York, 2001, p. 355.

Wai Chung Ho, « The political meaning of Hong Kong popular music », p. 12.

48

Ibid.

49

Ibid.

50

(18)

Miyuki. Au début des années 1990, plus de 50 chansons de cette dernière avaient été 51 reprises par des artistes cantonais et mandarins. D’autres chanteurs tels que 52 Anzenchitai, Hideji Saijo ou encore Masahiko Kondo ont aussi été beaucoup repris. Ces 53 covers ont constitué un grand facteur du succès de la Cantopop dans les années 1980. 54 C’est seulement à travers les paroles que les artistes auront une marge d’expression.

Dans certains cas, des paroles en anglais sont conservées ou ajoutées dans l’espoir d’obtenir le même succès que la chanson originale. Des interjections telles que « hello »,

« goodbye », « thanks » ou des noms simples tels que « baby », « darling », « friend » ou encore « midnight » sont beaucoup utilisés.55

Les chansons de la Cantopop sont en très grande majorité apolitiques et abordent des thèmes universels dans lesquels chacun peut se projeter. Cela vient notamment du fait que les premiers tubes cantonais étaient issus de génériques de films et de séries. 56 En effet, les chansons populaires mandarines ou japonaises sont utilisées dans les films hongkongais depuis les années 1940. Ce processus s’accélère ensuite au début des 57 années 1960 avec la multiplication des comédies musicales au cinéma telles que

« Calendar Girl » (1959), « Les Belles » (1961), « Love Parade » (1963) ou encore « The Dancing Millionnaires  » (1964). Certaines chansons en cantonais vont faire leur 58 apparition, mais leur qualité sera moindre en raison d’un manque de moyens, et la Cantopop demeure alors encore relativement marginalisée en termes de qualité et d’image. Ce n’est qu’avec l’apparition de programmes télévisés accessibles à tous que 59 le phénomène commence à prendre de l’ampleur : avec une audience en flèche, les

Ho Wai-Chung, « Between Globalisation and Localisation: A Study of Hong Kong Popular Music », p. 12.

51

Tim Brace, Nancy Guy, Joanna Ching-Yu Lee, J. Lawrence Witzleben, Cynthia P. Wong, « Syncretic

52

Traditions and Western Idioms: Popular Music » in The Garland Encyclopedia of World Music, p. 355.

Sandy Wai-Sum Leung, «  Hong Kong Cantonese in Cantopop from phonological and lexical

53

perspectives », University of Hong Kong, Pokfulam, Hong Kong SAR, 2016, p. 12.

P. S. N. Lee, « The absorption and indigenization of foreign media cultures: A study on a cultural meeting

54

point of the East and West: Hong Kong », Asian Journal of Communication, 1991, pp. 52-72 cité dans Sandy Wai-Sum Leung, « Hong Kong Cantonese in Cantopop from phonological and lexical perspectives », p. 43.

Ibid.

55

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop: A Concise History, Hong Kong: Hong Kong University Press, 2017,

56

p. 33.

Ibid.

57

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 34.

58

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 35.

59

(19)

émissions doublées sont remplacées par des émissions locales pour lesquelles des chansons sont écrites. La première chanson de générique « Romance in the Rain », pour la série du même nom, sort en 1973, et connaît un véritable succès. Un an plus tard, 60 c’est la chanson « A Love Tale between Tears and Smiles » qui est diffusée pour la série du même nom. A ce moment, les artistes populaires de la Cantopop émergent via ce processus : de 1963 à 1969, Connie Chan a sorti 70 albums, dans lesquels 95% des chansons sont des génériques de films. « Eiffel Tower above the Clouds » de Sam Hui a 61 encensé le succès de « A Love Tale ». Lorsque le chanteur popularise la Cantopop dans les années 1970, à la suite du succès inattendu de « A Love Tale between Tears and Smiles », le groupe audiovisuel TVB (Television Broadcasts Ltd) développe de plus en plus de programmes locaux qui utilisent la Cantopop comme générique. Une grande 62 variété de drames ont commencé à diffuser les chansons en cantonais — « The Purple Hairpin », « Move On », et surtout « Jade Theatre », une série d’opéras soaps. De là sont nées les chansons « Raging Tide » (1976) , « A House is not a Home » (1977), « The Good, The Bad and The Ugly » (1979). Les deux compositeurs responsables du succès de la 63 Cantopop étaient Joseph Koo, mélodiste, et James Wong, parolier. Surnommés « Fai and Wong », ou encore « la Cantopop Dream Team », le duo a collaboré sur un nombre considérable de classiques de la Cantopop.

Toutes ces chansons sont chantées par les personnages principaux des séries.

Elles permettent d’y associer une mélodie, un générique qui marque d’autant plus les esprits. De ce fait, le contenu des paroles reste limité : les opéras soap abordant surtout des sujets tels que l’amour, l’amitié ou la trahison, les paroles de la Cantopop sont presque exclusivement amoureuses. Cela permet aux téléspectateurs de se projeter 64 dans la série et dans la vie des personnages. De plus, J. Lawrence Witzleben explique que la Cantopop a comme particularité de ne donner que très peu d’indications sur la signification d'une chanson : tout est laissé à l’interprétation libre de chacun, en fonction

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, Chapitre 3.

60

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 36.

61

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, Chapitre 3.

62

Ibid.

63

Joanna Ching-Yun Lee, « Cantopop Songs on Emigration from Hong Kong. », Yearbook for Traditional

64

Music, 1992, Vol. 24, p. 14.

(20)

de ses valeurs. Ainsi, à l’inverse de beaucoup d’artistes occidentaux qui insistent sur 65 une interprétation correcte de leur oeuvre, les chanteurs hongkongais encouragent plusieurs lectures et donnent rarement des interviews. Le rôle exact et les intentions des compositeurs, producteurs et maisons de disque sont ambiguës. Cette malléabilité peut être une clé pour comprendre le grand succès de la Cantopop : tout individu s’y retrouve, peu importe son âge, son origine ou sa position socio-économique. La Cantopop résonne dans leurs vies de manière unique. On retrouve cette idée dans les travaux de John Fiske, qui explique que les médias de masse offrent la possibilité au public de forger des modes d’appropriation résistant à l’idéologie dominante. Parlant de « démocratie sémiotique », 66 il met en avant le pouvoir du public et la multitude de possibilités de différentes significations, différentes lectures. Dans la Cantopop, les textes restent ouverts et 67 aucun sens n’y est fixé. Cela permet à un public large de s’y retrouver.

2. Le concert : lieu de performance et de rentabilité

Afin de propulser l’industrie et de soutenir les artistes, de nombreuses infrastructures ont été construites pour organiser des concerts et permettre aux chanteurs de se mettre en scène. En effet, à travers ses performances, les artistes donnent vie à leur musique de manière spectaculaire pour divertir le public et susciter du plaisir. Ils peuvent ainsi établir un lien avec leurs fans et permettent, dans un lieu 68 commun, de créer des souvenirs collectifs.69

Dès la première partie du XXème siècle, des salles et des théâtres permanents sont construits pour répondre à la demande toujours plus grande d’opéra cantonais. 70 Des éléments sont empruntés à la musique occidentale, notamment au niveau du son et des lumières. Lors de l’émergence de la Cantopop au début des années 1970, la ville de 71

J. Lawrence Witzleben, « Cantopop and Mandopop in pre-postcolonial Hong Kong : identity negotiation

65

in the performances of Anita Mui Yim-Fong », Popular Music, May 1999, Vol. 18, No. 2, p. 254.

John Fiske, Understanding Popular Culture, 1989 cité dans Maxime Cervulle, Nelly Quemener, François

66

De Singly (dir.), Cultural Studies : Théories et méthodes, Armand Colin, 2015, Chapitre 3.

Ibid.

67

R. Schechner, Performance Studies, 2001 cité dans Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic multiplicities:

68

Hong Kong pop and the global circulation of sound and image, Intellect, 2013, Chapitre 5.

Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic multiplicities, Chapitre 5.

69

J. Lawrence Witzleben, « China: A Musical Profile » in The Garland Encyclopedia of World Music.

70

J. Lawrence Witzleben, « China: A Musical Profile » in The Garland Encyclopedia of World Music.

71

(21)

Hong Kong construit ses propres salles de concert adaptées à la musique populaire, spécialement pour ces nouveaux musiciens locaux tels que Sam Hui. La construction 72 de l’Academic Community Hall et du Queen Elizabeth Stadium, que nous avons vu précédemment, sont concomitantes avec l’arrivée de la Cantopop. Ces nouvelles salles 73 permettent l’émergence de la création de souvenirs et d’émotions collectifs : le public local, encore peu familier à ce phénomène, découvre et s’accoutume au « sense of gathering together » afin de partager une expérience commune. Cependant, rapidement 74 les salles deviennent trop petites face à une demande et une communauté de fans toujours plus large. C’est alors que le Hong Kong Coliseum est construit en 1983, salle mythique de la Cantopop avec ses 12 500 places. Le Coliseum est devenu une étape incontournable de la carrière d’une star de la Cantopop. C’est une sorte de baptême, un lieu non seulement « hôte de concerts mais aussi producteur de performances ». Selon 75 Yiu Fai Chow et Jeroen de Kloet, « le monopole du Hong Kong Coliseum sur les attentes du public et en conséquence de la réalisation de souvenirs collectifs a transformé ce lieu unique en un producteur de la culture hongkongaise et de l’identité hongkongaise ». 76 Plus tard, en 1997, seront construits le Hong Kong Exhibition et le Convention Centre.

Cependant, ces derniers n’atteindront jamais le niveau d’exception du Coliseum et le rôle central qu’il joue dans la Cantopop.

Disposant de ces nombreux lieux de spectacle aux larges capacités d’accueil, la Cantopop a pu se mettre en scène. C’est par ailleurs la raison pour laquelle Ho Wai Chung préfère parler de « show business » plutôt que de « concert performances » : 77 selon Chow, « la musique n’est devenue qu’un simple prétexte et les chanteurs, au lieu d’effectuer une prestation vocale, doivent plutôt exceller en inventivité avec les costumes, les chorégraphies et les acrobaties ». Les concerts de Cantopop recèlent en effet 78 d’artifices et leur objectif est clair : le concert, devenu spectacle, doit marquer les esprits

Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic multiplicities, p. 114-115.

72

Ibid.

73

Ibid.

74

Ibid.

75

Ibid.

76

Ho Wai-Chung, « Between Globalisation and Localisation: A Study of Hong Kong Popular Music », p. 10.

77

R. Chow, Writing Diaspora: Tactics of Intervention in Contemporary Cultural Studies, Bloomington and

78

Indianapolis, 1993 cité dans dans Ho Wai Chung, « The political meaning of Hong Kong popular music », p. 10.

(22)

et être mémorable. Avec des jeux de lumière, des décors toujours plus spectaculaires, les concerts sont filmés et commercialisés, dans un objectif de faire du chiffre. J. Lawrence Witzleben parle par ailleurs de performances plutôt que de musique ou de chansons car, selon lui, l’objectif d’un chanteur de Cantopop est de faire le plus de concerts consécutifs physiquement ou financièrement au Coliseum. Ainsi, des artistes tels que Alan Tam, 79 Leslie Cheung ou Anita Mui y réalisent des centaines de concerts, et le record de concerts successifs réalisés est régulièrement battu. Par exemple, en 1989, Leslie 80 Cheung effectue 33 concerts à la suite, tout comme Paula Tsui. L’année suivante, Alan Tam atteint les 38 concerts successifs, ce qui n'a jamais été dépassé. Ces concerts 81 étaient extrêmement lucratifs et constituaient une grande source de revenus pour l’industrie musicale : l’année 1989 à elle seule a rapporté 168 millions de dollars hongkongais seulement grâce aux ventes de billets au Coliseum, ce qui représente la moitié des revenus issus des ventes des chansons.82

Cette nostalgie, ce souvenir collectif fort local jouent un rôle important dans la culture hongkongaise. En effet, grâce à ces salles de concert, la musique populaire est non seulement écoutée mais elle est aussi vue : elle devient réelle, visuelle, presque palpable. C’est donc un nouveau mode de consommation de la musique. Les lieux de 83 spectacle se transforment en « lieux de mémoires » , de représentation et leur caractère 84 permanent rassure face à une musique volatile et temporaire. Hannah Arendt insiste sur la pérennité de cet espace public : elle permet de conforter les habitants avec le sentiment que quelque chose est resté et restera essentiellement pareil dans la ville, qui maintient la communauté et soutient sa culture telle quelle, peu importe les changements. Le 85 concert de retour de Sam Hui au Coliseum en 2015 est par ailleurs hautement symbolique : alors qu’il était le premier artiste solo à se produire dans la salle de

J. Lawrence Witzleben, « Cantopop and Mandopop in pre-postcolonial Hong Kong », p. 245.

79

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 83.

80

Ibid.

81

Ibid.

82

Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic multiplicities, p. 115.

83

Pierre Nora, Lieu de mémoire, 1989, pp. 7-25 cité dans Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic

84

multiplicities, Chapitre 5.

Hannah Arendt, La condition humaine, cité dans Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic multiplicities,

85

Chapitre 5.

(23)

spectacle en mai 1983, son retour 32 ans plus tard a marqué les esprits. Dans un 86 contexte de transfert de souveraineté de leur territoire et de grands changements, ces lieux de cultures sont chargés émotionnellement pour les Hongkongais et représentent une liberté, tout comme un échappatoire. Selon Jeroen de Kloet et Yiu Fai Chow :

« People can gather, to confirm and affirm they share the same memories, to confirm and affirm their emotions, to confirm and affirm their collectivity, to confirm and affirm their sense of belonging, identification and citizenry. (…) Pop venues, as prime sites of this emotive, audio-visual form of popular culture, offer one way of seeing, hearing and understanding the fast-changing city in the twenty-first century: to seek temporality - the passing of time, the memory, the emotion, the sound, the flu - in stability, or buildings that stay. Pop venues anchor pop, something that is temporal and in flux. Probably more than the skyscrapers that we see on all the postcards of Hong Kong, more than the monumental colonial holdings that ask for preservation, it is the Hong Kong Coliseum that helps the city to remember itself. It is a place, simply put, where you must have been, if you consider yourself a Hong Kong citizen. »87

3. Synergie cross-media : de la radio au cinéma

Mobilisant tous les médias de masse, alliant radio, cinéma, et télévision, la Cantopop a pu être diffusée de manière globale et a rendu ses stars omniprésentes dans le paysage médiatique, en dehors même de la musique.88

C’est tout d’abord l’avènement des chaînes de télévision locales qui a permis à la Cantopop de se développer. Alors que le niveau de vie des hongkongais augmente, la première compagnie de télévision sans fil, Television Broadcasts Ltd, voit le jour et s’invite dans les foyers. Cela marque le début d’une nouvelle ère. La télévision devient accessible à tout le monde et devient progressivement une part intégrante du quotidien des habitants. La diffusion des séries télévisées en soirée permet de toucher une audience 89 plus large sur une longue durée : les génériques sont écoutés chaque soir de la semaine pendant le prime time pendant plusieurs mois. La télévision a révolutionné la manière 90

Ho Wai-Chung, « Between Globalisation and Localisation: A Study of Hong Kong Popular Music », p. 10.

86

Jeroen De Kloet, Yiu Fai Chow, Sonic multiplicities, p. 115.

87

J. Lawrence Witzleben, « Cantopop and Mandopop in pre-postcolonial Hong Kong », p. 248.

88

Ivy Man : en 1969, 90% des foyers ont accès aux services de diffusion.

89

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 57.

90

(24)

dont on consomme la culture : les épisodes commençaient alors que les gens dinaient, et ont permis de « servir des mélodies imbattables au dîner, et des opéras soap en plat de résistance ». Dans les années 1980, le Top Ten Gold Songs de Radio Television Hong 91 Kong (RTHK) montre le rôle important de la télévision dans la diffusion de la Cantopop : 7 des 10 chansons étaient des génériques de séries. Des émissions TV telles que « The 92 Hui Brothers Show » ont aussi permis l’émergence de certains artistes, dont Sam Hui. Le rôle de la télévision s’affaiblit dans les années 1980, laissant la place au cinéma, qui devient très populaire.

La plupart des chanteurs sont aussi impliqués dans le cinéma : Sam Hui a commencé sa carrière de cinéma en 1972 et a joué dans de nombreux films, notamment

« Back Alley Princess », comédie d’arts martiaux, ainsi que « Naughty! Naughty! » et

« Games Gamblers Play », qui a lancé sa carrière en 1974. Dans les années 1980, de 93 nombreux chanteurs de Cantopop rejoignent l’industrie du cinéma et leurs chansons sont utilisées comme génériques. C’est une situation de gagnant-gagnant qui attire les publics des deux industries dans une même sphère. Ainsi, le cinéma est une partie majeure de 94 l’identité artistique des chanteurs de la Cantopop : presque tous les chanteurs principaux de Hong Kong sont aussi des acteurs. C’est le cas d’Anita Mui, Faye Wong, Sally Yeh 95 Chen-Wen et les « Four Heavenly Kings », qui bénéficient de cette synergie multi-médias et se voient sacralisées en tant que superstars.

Ces chansons ont connu un succès aussi de par leur diffusion sur les stations de radio. Radio Television Hong Kong, société audio-visuelle sponsorisée par le gouvernement, a fait la promotion de la Cantopop dès 1974 à travers sa chaîne de musique populaire, RTHK2. Commercial Radio Hong Kong l’a rejointe dans les années 96 1980 lorsque l’une de ses stations, CR2, a commencé à diffuser des chansons populaires cantonaises, et moins de chansons anglaises. Très écoutée par les jeunes hongkongais, elle a permis de donner plus de visibilité à la Cantopop.

Hong Kong Heritage Museum, « Hong Kong’s Popular Entertainment », Hong Kong: HKHM, 2006, p. 21

91

cité dans Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 57.

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop: A Concise History, p. 73.

92

Ibid.

93

Ibid.

94

J. Lawrence Witzleben, « Cantopop and Mandopop in pre-postcolonial Hong Kong », p. 248.

95

Ho Wai-Chung, « Between Globalisation and Localisation: A Study of Hong Kong Popular Music », p. 9.

96

(25)

La mise en place de récompenses officielles et de cérémonies dès la fin des années 1970 a permis l’institutionnalisation du genre et a contribué à son rapide développement. Dès 1977, l’International Federation of Phonographic Industry Hong Kong introduit le premier Gold Disc Award Presentation. L’année d’après, RTHK 97 organise le Top Ten Chinese Gold Songs Award, afin de « fournir aux artistes une reconnaissance officielle et une mesure de leur succès ». Le disque d’or est fixé à 15 000 ventes. Va aussi être fondé CASH, Composers and Authors Society of Hong Kong 98 Limited, en 1977, afin de mieux protéger les droits d’auteurs.99

Avec l’arrivée des clips vidéos, la musique devient visuelle. Le lancement de MTV en août 1981 et la diffusion de clips vidéos sur les chaînes de télévision hongkongaises donnent une impulsion à l’industrie de la Cantopop : une nouvelle synergie se met en place entre musique populaire et télévision, et les paroles prennent ainsi un tout nouveau sens, avec lequel les paroliers vont pouvoir jouer. C’est par exemple le cas de la chanson

« Rain and Sorrow » de Alan Tam, où des lampadaires et de la fausse pluie sont utilisées dans le décor afin de donner un aspect mélancolique au clip vidéo. Le développement des clips vidéo a vu l’émergence de nouvelles catégories de récompenses aux Jade Solid Gold Best Ten Music Awards Presentation de 1987, avec le Best Music Video Production Award et le Best Music Video Performance Award.100

Cette explosion de l’offre des programmes et la multiplication des chaînes repense les manières de concevoir et consommer les produits médiatiques. Les nouvelles 101 technologies de l’information et la communication ne supplantent pas les modèles économiques et culturels antérieurs mais permettent une « convergence médiatique » : 102

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 65.

97

Ibid.

98

Ibid.

99

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop, p. 74.

100

Henry Jenkins, « Transmedia Storytelling. Moving characters from books to films to video games can

101

make them stronger and more compelling », Technological Review, 15 janvier 2003, cité dans Maxime Cervulle, Nelly Quemener, François De Singly (dir.), Cultural Studies : Théories et méthodes, Armand Colin, 2015, Chapitre 4-2.

James Hay et Nick Couldry, « Rethinking Convergence: An Introduction », Cultural Studies,Vol. 25, 2011,

102

pp. 473-486, cité dans Maxime Cervulle, Nelly Quemener, François De Singly (dir.), Cultural Studies : Théories et méthodes, Chapitre 4-2.

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