• Aucun résultat trouvé

II - La Cantopop, marqueur d’appartenance : l’affirmation d’une identité musicale et linguistique locale dans un genre hybride

A) La revendication d’une spécificité musicale régionale face à un genre mondialisé

1. Un métissage musical entre appropriation et résistance


La Cantopop présente une hybridité hors norme, alliant des inspirations internationales et la revendication d’une identité plus locale. Dans un contexte de mondialisation et d’homogénéisation culturelle, la musique populaire anglo-américaine s’est imposée progressivement en tant que norme tout autour du monde. Selon Naka Mamiko, quand les compositeurs occidentaux se rendent en Asie de l’Est au milieu du XIXe siècle, ils considèrent ces pays comme moins avancés qu’en Occident et créent des lieux de performance pour la musique occidentale moderne. Les asiatiques vont alors 129 commencer à écrire de nouvelles compositions dans des styles plus occidentaux. Ho 130 Wai Chung va même jusqu’à parler d’impérialisme culturel anglo-saxon qui domine la musique populaire à Hong Kong : jusque dans les années 70, les chansons les plus populaires sont en effet majoritairement issues des Etats-Unis et de la Grande Bretagne.131

On ne peut cependant pas réduire cette influence musicale anglo-américaine à une seule unilatéralité. Il serait en effet trop simple de parler d’une américanisation et homogénéisation culturelle complète du monde. A l’âge de la mondialisation, de nouvelles dynamiques culturelles se sont mises en place. Tony Mitchell avance ainsi 132 que la relation entre les « musiques du Tiers-Monde » (third-world music) et les musiques occidentales est riche dans la mesure où les deux interagissent et s’enrichissent

Naka Mamiko, « Cultural Exchange » in Robert C. Provine, Yosihiko Tokumaru, J. Lawrence Witzleben,

129

The Garland Encyclopedia of World Music - East Asia: China, Japan and Korea, Routledge: New York, 2001, p. 49.

Ibid.

130

Ho Wai-Chung, « Between Globalisation and Localisation: A Study of Hong Kong Popular Music », Hong

131

Kong Baptist University, 2003, p. 8.

Stephen Yiu-Wai Chow, « Before and after the Fall: Mapping Hong Kong Cantopop in the Global Era »,

132

Hong Kong: David C. Lam Institute for East-West Studies, 2007, p. 12.

mutuellement. Ainsi, la musique occidentale est, elle aussi, influencée par les 133

« musiques du Tiers-Monde », et l’Asie de l’Est a aussi pu transmettre une partie de ses pratiques musicales, participant de ce fait à la promulgation de la musique du monde. Ce mélange complexe entre les musiques est ce que Jean-François Dutertre dénomme

« l’apologie du métissage » : à travers la combinaison des styles et des genres, des répertoires et des formes, on aboutit à une fusion des cultures. Jean-Louis Capitolin 134 reprend lui aussi cette idée : plus que d’être remplacée par la musique dite moderne, la musique locale est revisitée et enrichie par des harmonies et des arrangements plus modernes.135

« L’appel à l’identité est donc devenu un appel à la créativité (Alain Touraine, 1979, p. 19) et passe par la réappropriation par l’acteur social, en l’occurrence le musicien, de sa culture musicale, tant au niveau du discours qu’il tient sur la transmission de cette culture, qu’au niveau des créations musicales dont il se fait le nécessaire géniteur. Cette réappropriation n’a pu se faire qu’au prix de certains « métissages musicaux » empruntant dans un genre, modernisant un style, mélangeant des rythmes, adaptant d’anciennes mélodies, etc. car l’identité (…) est plurielle alors qu’elle ne monopolise point, loin s’en faut, ce caractère. »136

A Hong Kong, la musique populaire locale entreprend le même processus d’  «  indigénisation  » des formes culturelles étrangères. Les artistes locaux 137 s’approprient la pratique musicale anglo-américaine, nouvel élément culturel, qu’ils mélangent à des modèles culturels déjà existants. Cela leur permet de produire, à partir des années 1970, un certain sens de localité tout en employant une forme culturelle mondialisée de la musique populaire.

Tony Mitchell, Popular Music and Local Identity, London and New York: Leicester University Press, 1996

133

cité dans Stephen Yiu-Wai Chow, « Before and after the Fall: Mapping Hong Kong Cantopop in the Global Era », p. 12.

Jean-François Dutertre, « Musiques traditionnelles et modernité » in Alain Darré (dir.), Musique et

134

politique : Les répertoires de l’identité, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1996, pp. 61-71.

Jean-Louis Capitolin, « Politique culturelle et identité : l’expérience de la formation musicale du

135

SERMAC » in Alain Darré (dir.), Musique et politique : Les répertoires de l’identité, p. 152.

Ibid.

136

Arjun Appadurai, Modernity at Large, Minnesota: University of Minnesota, 1996 cité dans Jeroen De

137

Kloet, Chow Yiu Fai, Sonic multiplicities: Hong Kong pop and the global circulation of sound and image, Intellect, 2013, p. 43.

Selon John Fiske, la culture populaire offre des opportunités et des moments pour résister, contester, critiquer. La Cantopop est ainsi le produit d’une hybridité qui est 138 propre au territoire de Hong Kong de par son assimilation de cultures, mais elle s’est aussi construite en réaction à une musique populaire anglaise très répandue, une culture dominante. Pendant plusieurs décennies, l’impérialisme culturel anglo-saxon a dominé 139 la musique populaire à Hong Kong, mais la prise de conscience par les Hongkongais de leur « non chinese consumer culture » leur a fait mettre progressivement le répertoire anglais et taïwanais de côté. L’écriture de chansons dans la langue locale, le soutien 140 des médias locaux et le développement de l’industrie musicale ont permis la reconnaissance de cette musique populaire locale et ont eu pour conséquence une baisse de production de chansons en mandarin ou anglais, tandis que la Cantopop est devenue un produit culturel indépendant dans son propre droit.141

Des mécanismes de défense ont été mis en place par les populations locales, afin de protéger leur propre culture et leurs pratiques musicales. Certains, notamment les auteurs issus du mouvement des études post-coloniales, voient en cette hybridité un instrument de résistance face au colonisateur et à son impérialisme culturel. Ray Allen 142 et Lois Wilcken prennent l’exemple de la musique des new yorkais carraïbéens pour illustrer la manière dont l’hybridisation de cultures musicales différentes peut exercer une fonction duale : « créer un dialogue à travers des frontières ethniques et aider à négocier des relations entre différents groupes culturels ou entre une minorité et la culture dominante ».143

Selon J. Lawrence Witzleben, l’hybridité inhérente à la Cantopop doit être comprise comme la manifestation d’une identité locale ainsi qu’une identité

John Fiske, Understanding Popular Culture, Routledge, 1989, cité dans Jeroen De Kloet, Chow Yiu Fai,

138

Sonic multiplicities: Hong Kong pop and the global circulation of sound and image, Intellect, 2013, p. 42.

Stephen Yiu-Wai Chow, « Before and after the Fall: Mapping Hong Kong Cantopop in the Global Era », p.

139

13.

Ho Wai-Chung, « Between Globalisation and Localisation: A Study of Hong Kong Popular Music », p. 8.

140

Ibid.

141

Tony Mitchell, Popular Music and Local Identity, London and New York: Leicester University Press, 1996

142

cité dans Stephen Yiu-Wai Chow, « Before and after the Fall: Mapping Hong Kong Cantopop in the Global Era », p. 13.

Ray Allen et Lois Wilcken (dir.), Island Sounds in the Global City, New York: New York Folklore Society

143

and the Institute for Studies in American Music, Brooklyn College, 1998 cité dans Stephen Yiu-Wai Chow,

« Before and after the Fall: Mapping Hong Kong Cantopop in the Global Era », p. 13.

inséparablement liée aux autres sociétés chinoises (sur le continent chinois, à Taiwan), au Japon ainsi qu’à la Grande Bretagne. Ainsi, si elle n’est pas connue pour son originalité 144 ou son innovation (elle demeure un produit influencé par la mondialisation), la Cantopop s’est réajustée continuellement aux marchés locaux et à l’environnement socio-culturel hongkongais. De plus, les préférences et les sensibilités manifestées dans la musique populaire de Hong Kong démontrent une continuité avec certains aspects de la musique chinoise traditionnelle. Cela veut dire que même si un phénomène d’acculturation a eu lieu, les Hongkongais ont fait le choix de rejeter certains aspects de la musique occidentale, manifestant des préférences culturelles nationales et locales et revendiquant des pratiques musicales régionales.

2. Un genre en accord avec les pratiques musicales de la Chine pré-moderne

Les caractéristiques hybrides de la Cantopop, symbole d’appropriation mais aussi de résistance, relèvent, comme dit précédemment, de choix faits par les acteurs de l’industrie. Si le genre est très inspiré par la musique étrangère, il n’en reste pas moins unique et est le résultat de préférences personnelles. En se réappropriant la musique populaire internationale, les artistes de la Cantopop l’analysent et la transforment sous le spectre de leur propres expériences, incluant leurs origines et leurs projections identitaires à Hong Kong. Bien que les influences occidentales soient évidentes, le choix des éléments à imiter et sur lesquels insister montre les nombreuses affinités avec les pratiques musicales chinoises.

Ces dernières remontent à la Chine pré-moderne et sont caractérisées par l’usage de certains instruments traditionnels, tels que le dizi, l’erhu, le zheng ou le quqin, cithare chinoise qui est utilisée depuis plus de 3000 ans. Elles sont aussi reconnaissables de 145 par l’usage de gammes pentatoniques, c’est-à-dire des échelles musicales à cinq degrés, typiques des musiques asiatiques comparées aux échelles diatoniques ou chromatiques

J. Lawrence Witzleben, « Cantopop and Mandopop in pre-postcolonial Hong Kong : identity negotiation

144

in the performances of Anita Mui Yim-Fong », Popular Music, May 1999, Vol. 18, No. 2, p. 252.

J. Lawrence Witzleben, « Music and Chinese Society: The Local, the National and the Transnational in

145

Hong Kong » in The Garland Encyclopedia of World Music, p. 435.

utilisées dans les musiques occidentales. Enfin, ces pratiques ont hérité des rythmes 146 de la poésie et les mélodies suivent certains modèles. Elles ont eu une influence continue sur les musiques produites localement en Chine, tout d’abord sur les chansons d’opéra.

Ces dernières sont très populaires jusqu’à la première moitié au XXe siècle, notamment à Hong Kong qui hérite de ces traditions culturelles. L’opéra cantonais est l’un des 147 genres d’opéra les plus connus de la région chinoise. Il bénéficie d’un large public et ses artistes étaient connus et appréciés. A Hong Kong, entre 1919 et 1949, de nombreuses 148 salles de concerts et des théâtres permanents ont été construits pour répondre à la forte demande du public qui l’écoute à travers les nouveaux médias (radio, disques, films), et des années 1930 aux années 1960, des centaines de films d’opéras ont été produits à Hong Kong. Les pratiques musicales de la Chine pré-moderne ont aussi beaucoup influencé les prémices la musique populaire chinoise des années 1920, née à Shanghai mais portée à maturation à Hong Kong et Taiwan dans les années 1940. Divulguée par les médias de masse, elle est portée par des artistes comme Li Jinhui, qui est considéré comme son fondateur. Ce genre est cependant très mal vu par les autorités chinoises à partir de 1949, qui l’accusent de corrompre la morale publique. Avec l’arrivée de la pop 149 américaine, ces pratiques ont été maintenues et incorporées par les artistes dans leurs chansons. Ainsi, malgré les fortes influences occidentales et japonaises, la Cantopop 150 contient de nombreux éléments de la musique traditionnelle chinoise, incluant des arrangements utilisant des instruments chinois, des mélodies, des rythmes ainsi qu’un parler familier qui est typique de l’opéra cantonais. On retrouve de nombreuses connexions avec l’opéra cantonais dans la Cantopop, puisque certains compositeurs écrivaient pour les deux genres et que des chanteurs comme Roman Tam, Anita Mui et

Ivy Oi-Kuen Man, « Cantonese popular song in Hong Kong in the 1970s: an examination of musical

146

content and social context in selected case studies », University of Hong Kong, Pokfulam, Hong Kong SAR, 1998, p. 37.

La tradition musicale locale est très faible à HK car le territoire ne possède par de traditions culturelles,

147

seulement des formes d’art et de divertissement héritées de la Chine et de l’Occident. Voir Joanna Ching-Yun Lee, « All for freedom: the rise of patriotic/pro-democratic popular music in Hong Kong in response to the Chinese student movement », Rockin’ the Boat: Music and Mass Movements, Editions R. Garofalo, Boston, 1992, p. 132.

Daniel L. Ferguson, « Cantonese Opera » in The Garland Encyclopedia of World Music, p. 307.

148

J. Lawrence Witzleben, « China: A Musical Profile » in The Garland Encyclopedia of World Music, p. 252.

149

Tim Brace, Nancy Guy, Joanna Ching-Yun Lee, J. Lawrence Witzleben, Cynthia P. Wong, « Syncretic

150

Traditions and Western Idioms: Popular Music » in The Garland Encyclopedia of World Music, p. 353.

Paula Tsui ont souvent incorporé des extraits de cette forme d’art dans leurs concerts et leurs prestations à la télévision.151

James Wong et Joseph Koo, deux compositeurs de Cantopop qui ont écrit des centaines de hits, sont particulièrement doués pour créer des chansons cantonaises et mandarines avec un « arrière-goût » chinois. Joseph Koo a été le centre d’une étude 152 réalisée par Ivy Oi Kuen Man. Il a reçu une formation musicale en Chine avant de 153 migrer à Hong Kong lorsqu’il était adolescent. Travaillant surtout sur les arrangements et la composition, plus que les paroles, son approche musicale se retranscrit dans sa tentative d’hybridiser des couleurs et des textures instrumentales utilisant à la fois des instruments chinois, faits de bambou et métal, ainsi qu’occidentaux, faits de bois ou de métal. Joseph Koo a hérité du style musical des chansons mandarines des années 1950 et y a adopté les techniques d’orchestration et d’harmonisation utilisées dans la musique populaire occidentale. Ainsi, on retrouve dans son écriture l’usage de nombreux instruments chinois pour évoquer cette musique « sinolisée », sonorité si symptomatique de la position unique de Hong Kong en tant que carrefour culturel et historique.

Un autre compositeur très reconnu dans la Cantopop est Sam Hui. Ayant grandi à Hong Kong où les sons musicaux occidentaux sont plus omniprésents qu’en Chine, il a une approche plus littéraire : ses chansons évoquent les influences poétiques chinoises, qui l’ont bercé pendant son enfance, tout en mélangeant une instrumentation chinoise et des idées poétiques avec du style musical rock des années 1960. Ce glissement d’un son chinois à un son plus typiquement occidental marque cette nouvelle génération et le changement démographique qui se produit à Hong Kong.154

Enfin, de façon plus large, on retrouve aussi un style particulier dans la production des chansons de Cantopop, directement issu des performances chinoises. De manière générale dans la pratique chinoise, la voix du chanteur est mise en avant, plutôt que la

Tim Brace, Nancy Guy, Joanna Ching-Yun Lee, J. Lawrence Witzleben, Cynthia P. Wong, « Syncretic

151

Traditions and Western Idioms: Popular Music » in The Garland Encyclopedia of World Music, p. 353.

Ibid.

152

Ivy Oi-Kuen Man, « Cantonese popular song in Hong Kong in the 1970s: an examination of musical

153

content and social context in selected case studies », University of Hong Kong, Pokfulam, Hong Kong SAR, 1998, pp. 25-82.

Ivy Oi-Kuen Man, « Cantonese popular song in Hong Kong in the 1970s: an examination of musical

154

content and social context in selected case studies », p. 39.

musique instrumentale. Les chanteurs deviennent populaires pour leur timbre (un timbre rauque n’est pas apprécié), leur articulation claire des paroles et des tons clairs. C’est pourquoi les reprises sont tant acceptées dans la Cantopop : les chanteurs qui composent sont l’exception, pas la règle.155

La Cantopop est donc un phénomène de réactualisation, de recyclage des musiques traditionnelles. Les mots d’Erik Neveu, introduisant Jean-François Dutertre, traduisent bien ce processus :

« Les musiques traditionnelles que l’adjectif semble assigner à la fixité, se révèlent éminemment mobiles, objets de réinventions, braconnages incessants où se superposent comme un millefeuille des strates de significations, d’expériences, d’investissements affectifs et idéologiques. (…) Si la tradition est héritage, elle est aussi invention. »156

B) La langue cantonaise : fierté et revendication d’une particularité locale

La Cantopop ne s’affirme pas seulement par ses inspirations et pratiques musicales, mais aussi de par la langue parlée dans les morceaux. A Hong Kong, comme dans une majeure partie de la Chine du Sud, s’est développée une langue très largement parlée, le cantonais. Forte d’une identité locale, elle fait l’objet d’une fierté dans une ville où l’anglais domine.

1. Revendication d’une langue vernaculaire marginalisée et dévaluée

S’il est parlé dans de nombreuses régions chinoises, le cantonais de Hong Kong a acquis une position prestigieuse grâce à sa relation avec la Grande Bretagne. Libre de 157 toute pression générée par la promotion du mandarin et marqué par l’indifférence des anglais, la langue a pu se développer librement dans la communauté hongkongaise. Le gouvernement colonial de Hong Kong voyait en cette pratique d’une autre langue que le

J. Lawrence Witzleben, « Music and Chinese Society: The Local, the National, and the Transnational in

155

Hong Kong » in Robert C. Provine, Yosihiko Tokumaru, J. Lawrence Witzleben, The Garland Encyclopedia of World Music - East Asia: China, Japan and Korea, p. 436.

Erik Neveu, « Sciences sociales et sociabilités musicales : vers un déplacement des problématiques ? »

156

in Alain Darré (dir.), Musique et politique : Les répertoires de l’identité, p. 36.

Robert Stuart Bauer. « The Hong Kong cantonese speech community » in Cahiers de linguistique - Asie

157

orientale, vol. 13 1, 1984, p. 58.

mandarin un moyen parmi d’autres de séparer le territoire du continent, où le mandarin est majoritaire. Sans pratique d’une langue commune, la communication entre les deux territoires se faisait en effet moindre, ce qui servait les intérêts de la Grande Bretagne. 158 Sans interférence officielle ni concurrence du mandarin (à la différence de Canton, en 1949), le cantonais est la seule langue chinoise qui a pu prospérer non seulement sous sa forme parlée mais aussi sous sa forme écrite. Ainsi le retrouve-t-on dès le début du 159 XXème dans des articles de journaux avec un usage de plus en plus marqué dans les médias, allant d’articles de magazines, de livres à des journaux entiers. Hong Kong est 160 ainsi devenu ce que Kingsley Bolton dénomme « la capitale mondiale du cantonais parlé ». La prononciation cantonaise des caractères chinois traditionnels est préservée 161 et transmise d’une génération à l’autre. Selon Robert Bauer, « aucune autre variété du chinois ne s’écrit à aussi grande échelle, ni sous une forme aussi élaborée et codifiée ».162

Ce développement sans égal à Hong Kong ne s’est cependant pas réalisé sans difficultés : progressivement, s’est posée la question du statut du cantonais comme langue reconnue officiellement. A partir de 1842, au terme de la guerre d’Opium et de l’annexion de Hong Kong par les britanniques, l’anglais devient la seule langue officielle. Cela est paradoxal face à une réalité où 90% de la population parle cantonais 163 et très peu anglais. Considéré comme le « 164 low language » de Hong Kong face à l’anglais et au mandarin, le cantonais est traité comme une langue inférieure. Selon 165

Robert Stuart Bauer. « The Hong Kong cantonese speech community » in Cahiers de linguistique - Asie

158

orientale, vol. 13 1, 1984, p. 58.

Mimi Chan & Helen Kwok, A Study of Lexical Borrowing from English in Hong Kong Chinese, Hong

159

Kong: Centre of Asian Studies, The University of Hong Kong, 1982 cité dans Robert Stuart Bauer « Written Cantonese of Hong Kong » in Cahiers de linguistique - Asie orientale, vol. 17 2, 1988, pp. 245- 293.

Donald B. Snow, « Written Cantonese and the culture of Hong Kong: The growth of a dialect literature »,

160

Indiana University: Doctoral Dissertation, 1991 cité dans Wai-Sum Sandy Leung, « Hong Kong Cantonese in Cantopop from phonological and lexical perspectives », University of Hong Kong: Pokfulam, p. 17.

Kingsley Bolton, «  Language Policy and Planning in Hong Kong : Colonial and Post-Colonial

161

Perspectives », Applied Linguistics Review, vol. 2. éd. L. Wei, 2011, p. 64 cité dans Robert Stuart Bauer,

« Le cantonais de Hong Kong : état des lieux et perspectives » in Sebastian Veg (dir.), Critique n°807-808 : Hong Kong prend le large, Editions de Minuit, 2014, p. 151.

Robert Stuart Bauer, « Le cantonais de Hong Kong : état des lieux et perspectives » in Sebastian Veg

162

(dir.), Critique n°807-808 : Hong Kong prend le large, p. 152.

Jean-François Dufour, Hong Kong. Enjeux d’une transition historique, Marabout, Le Monde Poche, 1997,

163

p. 128.

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop: A Concise History, Hong Kong: Hong Kong University Press, 2017,

Yiu-Wai Chu, Hong Kong Cantopop: A Concise History, Hong Kong: Hong Kong University Press, 2017,

Documents relatifs