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L’expérimentation de la contestation sociale

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Academic year: 2022

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Séminaire de recherche - Laboratoire PREFics - Université Rennes 2

L’expérimentation de la contestation sociale : organisation, langage, médiation et subjectivation

Responsables scientifiques

Romain Huët (Maitre de conférences en sciences de la communication, Université Rennes II) Nadia Ouabdelmoumen (Doctorante en sociolinguistique)

Claire Lesacher (Doctorante en sociolinguistique)

Olivier Sarrouy (Doctorant en sciences de l’information et de la communication, Université Rennes II)

Myriam Tollemer (Doctorante en sciences de l’information et de la communication, Université Rennes II)

Nolwenn Troel-Sauton (Doctorante en sociolinguistique)

Lieu du séminaire

Université Rennes II, Place du Recteur Henri Le Moal, CS 24307, 35043 Rennes Cedex

Projet général du séminaire

Ce début de décennie aura été marqué par l’irruption d’une multiplicité de mouvements sociaux d’ampleur dans bon nombre des pays arabes puis en occident. Si ces différents mouvements renvoient à des situations et à des enjeux politiques chaque fois spécifiques, l’intérêt de leur comparaison et de leur confrontation ne semble pas dénuer de sens. En effet, il nous semble qu’il existe des expériences partagées et des récits concordants entre ces différents mouvements sociaux.

De manière générique, l’hypothèse qui guide ce séminaire est que ces mouvements ont participé à l’élaboration, au moins au départ, de l’expérimentation d’un agir politique qui s’est dit renouvelé.

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Le projet de ce séminaire interdisciplinaire consiste à identifier et à cerner la diversité des pratiques et expérimentations, dans la mise en forme de la contestation sociale. La construction langagière de la contestation, les modalités de participation des publics et l’utilisation des nouveaux médias pour accompagner les mouvements de contestation sont autant de questionnements qui guideront ce séminaire. Si les mouvements sociaux de masse sont principalement visés par ce séminaire, il n’en demeure pas moins évident qu’ils nécessitent d’être mis en rapport avec les luttes renvoyant aux problématiques de l’assujettissement social, économique et identitaire (race, genre, études post- coloniales), lesquelles ont considérablement alimenté tant les ressources pour mettre en crise les mouvements sociaux traditionnels, que les modes d’organisation effectifs de ces mouvements.

1) Du printemps arabe à Occupy Wall street : de nouvelles formes de subjectivités politiques

Secoué par une vague de soulèvements populaires, le monde arabe a amorcé une tendance de contestation portée par un désir d’autonomie. C’est principalement autour de la notion de « dignité » (El Karama), leitmotiv des premières mobilisations, que se sont cristallisées les principales revendications (Elkahlaoui, 2012). Au départ des différents mouvements, le langage de la « dignité » et de « l’insupportable » a été l’un des principes discursifs destiné à mettre en cause tous les pouvoirs politiques institués, notamment à travers la reprise de la désormais célèbre injonction

« Dégage ». Il s’est alors constitué toute une construction langagière visant, d’une part, à formuler l’idéalisation du monde voulu, notamment à travers la formule « El Cha’ab yourid » (le peuple veut), et d’autre part à dénoncer ce qui est désormais jugé comme relevant de l’insupportable tant sur le plan des conditions matérielles d’existence que sur le plan des aspirations auxquelles les sujets sociaux pourraient raisonnablement aspirer. L’élaboration de revendications collectives s’est ainsi constituée autour de dénonciations récurrentes de la misère et de l’oppression même si les causes qui lui sont attribuées sont variables d’un contexte à un autre.

Ces contestations paraissent préfigurer une tentative d’appropriation du monde, une volonté de redécouvrir des formes renouvelées de gouvernement. Surtout, elles se sont accompagnées d’une recherche de redéfinition des formes d’organisation de l’action politique et de ses objets. Ces revendications qui tentent de s’approprier le monde s’essaient à définir un ordre social voulu. Cette constellation de voix, à géométrie variable, lutte certes pour des revendications concrètes telle que la libération de l’oppression ou la justice sociale, mais tentent également d’identifier, dans la multiplicité des possibles, la revendication qui fait sens non seulement pour les personnes qui la portent mais qui est également audible dans l’espace public et susceptible de produire des effets de transformation. En ce sens, il serait intéressant d’analyser les modalités concrètes de ces constructions langagières, et les manières dont des sujets politiques tentent de se constituer et de

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s’éprouver afin de faire advenir de nouvelles formes d’organisation collective de la résistance qui se cristalliseraient autour de la recherche d’un projet politique visant à rendre le monde plus habitable.

Sur le plan langagier, la contestation a été thématisée autour de la dénonciation des conditions sociales sources de souffrance pour les individus. Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce soit à travers le concept de « dignité » que tous les mouvements se sont structurés et que les individus ont légitimé leurs droits à exprimer leurs voix sur la place publique. En déclarant que leurs conditions de vie étaient indignes, ils ont publiquement défendu la légitimité de leurs revendications et de leurs luttes pour une transformation du système. L’expression de la souffrance prend place dans l’espace public pour trouver une forme de légitimité et est formulé en terme d’accusation politique (Boltanski, 2007).

Le fait d’exprimer son « malaise » que ce soit d’un point vu matériel (chômage, précarité) ou existentiel trouve une voix d’expression radicale dans l’espace public. En bref, l’étude de l’expression publique de la souffrance (Renault, 2009) devrait permettre de dessiner les contours des nouvelles formes de normativité politique en cours, en analysant ce qui est jugé comme acceptable et légitime dans l’ordre public.

2) Réappropriation de l’espace public, nouveaux usages médiatiques et expérimentation d’un nouvel « agir démocratique »

Ces contestations, aussi variées qu’elles soient par leurs formes ou par leurs contextes, ont eu pour point commun de se rattacher à un agir politique qui s’est explicitement revendiqué comme

« nouveau » et « indépendant ». En effet, la remise en cause, qui a visé tout autant les pouvoirs en place que les acteurs historiques de la contestation, semble préfigurer d’une volonté affichée de redéfinition des formes d’organisation de l’action politique et de ses objets. L’ordre politique remis en cause ne se cantonne pas aux acteurs de la classe politique, mais est élargi à toute forme de politique instituée (parti politique, syndicats, grandes associations). Ces derniers sont accusés d’être incapable d’attester la parole des masses et de figurer la volonté d’un « public » de plus en plus difficile à définir. La revendication « d’indépendance » a été centrale non seulement dans les premiers temps des mobilisations mais le reste également aujourd’hui pour certains types d’acteurs qui tentent d’amorcer une alternative au système politique jusqu’ici expérimenté. Le corollaire de cette volonté « d’indépendance » ou « d’apolitisme » est l’affirmation de porter des pratiques et des revendications dites « nouvelles ». En effet bon nombre d’acteurs prétendent renouveler les formes de contestation et les manières d’agir en politique. La question serait alors de savoir à quoi renvoie cet attachement à l’innovation et au caractère « apolitique » pour des acteurs qui agissent sur la scène publique avec l’objectif de transformer l’ordre social et politique. Il n’est d’ailleurs pas évident que cette revendication « d’indépendance » et de « nouveauté » ait la même acception dans chaque contexte contestataire, c’est-à-dire qu’elle se traduise par les mêmes modalités ni même qu’elle renvoie aux mêmes réalités. Il serait alors intéressant de se pencher sur la question de savoir à quoi

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renvoient ces termes pour les acteurs en essayant de comprendre comment ils ont concrètement défendu le caractère « nouveau » et « indépendant » de leurs expériences politiques, tant d’un point de vue de l’analyse des modalités argumentatives que des modalités pratiques.

Et l’une des modalités pratiques, particulièrement marquante, qui a pu être légitimée par et en même temps actionnée par l’usage du principe « d’indépendance » et d’innovation a été l’investissement physique de l’espace public. En effet, les derniers mouvements sociaux ont surpris en montrant leur volonté et leur capacité et se réapproprier l’espace public. L’impressionnante mobilisation de la place Tahrir, rapidement instituée comme symbole d’une liberté recouvrée, a favorisé la réactivation opératoire d’un concept d’espace public que les mouvements occidentaux se sont rapidement réappropriés comme lieu d’une expérimentation politique renouvelée. Car si les mouvements Indignados et Occupy se sont saisis de cet espace public, ce n’est pas seulement pour s’y déployer, mais bien - rappelons le - pour l’occuper. Ce qui se joue alors, c’est la conversion d’un pur espace de mise en visibilité en un espace à habiter collectivement de manière durable. Il s’agit d’une occasion de s’éprouver collectivement dans l’élaboration d’un monde commun, lequel passe notamment par l’aménagement d’un espace d’expérimentation de pratiques nouvelles : lieu de débat, dispensaires, bibliothèques, connexions wifi en accès libre, cantines, etc.

Une seconde modalité pratique concerne la mobilisation des nouveaux médias qui paraît occuper une fonction transverse à ces différents mouvements. Il ne s’agit évidemment pas de suggérer ici l’hypothèse d’une détermination univoque des motifs de subjectivation et d’action politique par l’ordre de ces artefacts techniques ; mais il ne s’agit pas non plus d’en nier l’intrication (voir sur cette querelle Shirky, 2009, 2011 ; Gladwell, 2010 ; Morozov, 2009, 2010, 2011). Les propensions communicationnelles offertes par ces dispositifs paraissent en effet autoriser une mécanique interactionnelle particulièrement adéquate à la conduite de ces mouvements. D’abord par l’entrelacement de plus en plus marqué entre la sphère de l’expression intime et la sphère de l’expression publique auquel ils paraissent inviter ; c’est la pleine multiplicité de prises de parole visant d’abord la réappropriation de soi qui trouvent alors à se composer dans l’élaboration d’un espace de publicisation et de constitution des publics redéfinis. Ensuite par la réduction radicale des couts de transaction requis pour l’organisation de pareils mouvements ; la possibilité nouvellement aménagée à l’initiative individuelle d’engager un large réseau d’acteur par la seule mobilisation des outils numériques les plus quotidiens évacue ainsi la nécessité même d’un appareil politique bureaucratique – ce qui ne signifie pas qu’il le soit effectivement. Ce séminaire s'attachera à mettre en perspective les recherches actuelles sur ce sujet, partagées entre les analyses optimistes et pessimistes du rôle des nouveaux médias dans la contestation sociale. Les premières soutiennent l'idée que des nouveaux acteurs, autrefois exclus de la visibilité médiatique et de la scène politique, construisent et diffusent l'information grâce à un usage contestataire des réseaux sociaux numériques (Shirky, 2008). Les secondes insistent sur l'usage répressif des TIC permettant de contrôler les

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militants et d'étouffer la contestation ainsi que sur le caractère sélectif de ces agora numériques, pas toujours accessibles au grand public non militant (Morozov, 2011 ; Flichy, 2011). Enfin, l'arrivée des

« cyber-activistes » sur la scène contestataire témoigne des liens de coopération entre le « hacking » et les organisations de luttes propres aux sociétés industrialisées (Jorion, 2011), marquant ainsi une nouvelle mutation des contestations sociales.

C’est enfin la remise en question du concept même de « démocratie » qui paraît constituer le cœur de ces actuelles mises en cause du politique. Et il ne s’agit pas tant, alors, de s’adonner à un exercice d’élucidation conceptuelle que de rendre compte des définitions qu’en donnent – ou que s’essayent à dégager depuis l’expérimentation – les acteurs de ces mouvements. Il s’agit là de tenter de comprendre, dans un moment de transition historique, comment les acteurs façonnent et définissent un ordre politique se revendiquant du principe démocratique entendu comme une forme d’expérimentation destituant de manière radicale toute référence à des modèles institués qu’ils proviennent de l’occident ou qu’ils aient été profondément théorisés par les philosophes politiques.

La volonté affichée de se trouver libre de l’oppression et la tentative d’édifier une forme redécouverte de gouvernement passe par une destitution de tout modèle figé de la « démocratie » au profit d’une idée pragmatique simple dans son principe : la démocratie est avant tout une

« expérimentation » à penser et à éprouver .

Pour résumer, ce séminaire sera tourné vers trois orientations :

1. Analyse de la construction langagière de la révolte et de sa mise en forme par les médias

2. Contribution des réseaux sociaux et plus largement des technologies de l’information et de la communication aux dynamiques de mobilisation et aux discussions politiques

3. La mise en cause des conceptions classiques de la démocratie : quelles critiques sont portées et quels modèles politiques, utopiques ou pragmatiques, émergent au travers de ce type de contestation sociale ?

Organisation du séminaire

Le séminaire aura lieu le vendredi de 9h à 11h ou de 10h à 11h sauf exception.

Chaque séminaire donnera lieu à une lecture commune de textes sur le sujet.

En alternance, nous inviterons des chercheurs spécialisés sur ces questions et des acteurs de la contestation sociale. Pour les autres séances, nous travaillerons autour de la lecture de textes communs.

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Dates

• 17 janvier 2014, 11h-12h, Séance de lecture

• 4 février 2014, 18h-21h, Erik Bordeleau (Université Libre de Bruxelles), Projection/débats du film « Insurgence » (www.insurgence.me)

• 14 février 2014, 10h-11h, Séance de lecture

• 28 février 2014, 10h-11h, Xavier Dunezat et al., « Collectif de soutien aux Sans Papiers : structuration de l’action collective et expérimentation des formes de contestation »,

• 14 mars 2014, Romain Huët (Rennes II) et Soraya El Kahlaoui (EHESS), « Quand les malheureux deviennent des enragés, Ethnographie d’un groupe de combattants de l’armée syrienne libre ».

• 21 mars 2014, 10h-11h, Séance de lecture

• 28 mars 2014, 9h-11h, Philippe Blanchet (Université Rennes II), « L'idéologisation des discours : exemple des discours de discrimination linguistique »

• 11 avril 2014, 10h-11h, Séance de lecture

• 18 avril 2014, 10h-11h, séance de lecture

• 9 mai 2014, 10h-12h, Éric George (UQAM), « De la pertinence ou non du concept d'espace public pour l'analyse des mouvements de contestation sociale ».

• 14 mai 2014, 18h-20h, Fabien Granjon (Université Paris 8), « Ce que nous enseigne les médiactivismes numériques de l'action collective contemporaine »

• 16 mai 2014, 9h-11h, Bernard Aspe, Philosophe, Auteur de « L’instant d’après » aux éditions « La Fabrique ».

• 23 mai 2014, 9h-11h Venetia Papa (Paris 8, Cyprus University of Technology), Indignados : Des mouvements Facebook a la démocratie radical? Critiques et perspectives sur la question de la construction ou émergence de nouvelles identités du citoyen a travers ces mouvements ».

• 13 juin 2014, Séance de lecture

• 27 juin 2014, 9h-13h, Nadia Ouabdelmoumen (Rennes II), Claire Lesacher (Rennes II). « Le genre et les rapports sociaux de sexe : enjeu des luttes féministes et outil d’interprétation des mouvements sociaux et du militantisme »

• 11 juillet 2014, 10h-11h, séance conclusive

Contacts et inscription

Les inscriptions se font par mail Romain Huët : romain_huet@yahoo.fr

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Claire Lesacher : lesacher.claire@gmail.com Olivier Sarrouy : olivier.sarrouy@gmail.com Myriam Tollemer : myriam.tollemer@gmail.com Nolwenn Troel-Sauton : n.troel-sauton@live.fr

Nadia Ouabdelmoumen : nadia.ouabdelmoumen@gmail.com

Salle

Le lieu exact du séminaire sera annoncé prochainement.

Références

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